La Chine, premier acheteur mondial de pétrole russe : une alliance énergétique qui bouleverse l’ordre mondial
Auteur: Jacques Pj Provost
La relation entre la Chine et la Russie connaît un bouleversement historique. Face aux sanctions occidentales et à la recomposition des marchés mondiaux de l’énergie, Pékin s’est imposée comme le principal acheteur de pétrole russe. Cette alliance stratégique, motivée autant par des intérêts économiques que géopolitiques, redessine la carte de l’énergie mondiale. Mais quels sont les ressorts de ce partenariat inédit et quelles conséquences pour l’équilibre international ? Plongée au cœur d’une idylle énergétique aux multiples enjeux.
Une dépendance énergétique croissante entre Pékin et Moscou

Un boom commercial sans précédent
Depuis le début du conflit en Ukraine et l’exclusion progressive de la Russie des marchés occidentaux, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont explosé. En 2023, ils ont atteint le chiffre record de 240 milliards de dollars, soit plus du double de la valeur de 2018. Cette croissance spectaculaire dépasse largement l’objectif de 200 milliards de dollars fixé par Vladimir Poutine et Xi Jinping pour 2024. Le pétrole est au cœur de cette dynamique : la Chine importe désormais plus de 85 milliards de dollars d’énergie russe par an, contre 55 milliards avant la guerre. Le volume d’énergie importé a bondi de plus de 50 % en seulement deux ans.
La Russie, premier fournisseur de pétrole brut à la Chine
La Russie s’est hissée au rang de premier fournisseur de pétrole brut de la Chine, devant l’Arabie saoudite et l’Irak. Même si les importations de pétrole russe ont reculé de 12,6 % entre janvier et février 2025, Moscou reste largement en tête, avec 15,47 millions de tonnes exportées sur la période. Cette domination s’explique par la volonté de Pékin de sécuriser ses approvisionnements, mais aussi par les rabais consentis par Moscou, qui cherche à compenser la perte de ses clients européens.
Les raisons d’un rapprochement stratégique

Sanctions occidentales et contournement logistique
La guerre en Ukraine et les sanctions américaines et européennes ont contraint la Russie à réorienter massivement ses exportations d’hydrocarbures vers l’Asie, et surtout vers la Chine. Pour contourner les restrictions, les acteurs russes et chinois ont développé des solutions logistiques innovantes, comme le transfert discret de cargaisons dans des terminaux privés ou en eaux territoriales russes. Cette flexibilité permet à la Russie de continuer à écouler son pétrole, même face à la pression internationale.
Un intérêt mutuel : sécurité pour la Chine, liquidités pour la Russie
Pour la Chine, le principal enjeu est la sécurité de l’approvisionnement. Pékin ne cherche pas seulement à profiter de prix avantageux, mais à garantir un accès stable à l’énergie, indispensable à son développement économique. La Russie, de son côté, trouve dans ce partenariat une source essentielle de devises et un débouché vital pour ses hydrocarbures, qui financent près d’un tiers de son budget fédéral.
Des tensions et des ajustements inévitables

Des couacs dans la coopération énergétique
Malgré l’apparente harmonie, la relation sino-russe n’est pas exempte de tensions. En janvier 2025, le groupe public chinois Shandong Port Group a interdit l’accès à ses ports aux navires sanctionnés par les États-Unis, compliquant temporairement les transactions pétrolières. Certaines cargaisons russes ont dû être redirigées vers des terminaux privés, moins exposés aux pressions internationales. Ces ajustements illustrent la capacité d’adaptation des deux partenaires, mais aussi la fragilité de leur alliance face à la pression occidentale.
Une dépendance qui interroge l’équilibre des forces
La Russie, autrefois tournée vers l’Europe, dépend désormais massivement du marché chinois. Certains analystes parlent même de « vassalité » économique, tant Moscou a besoin des achats chinois pour soutenir ses finances. En retour, la Chine s’impose comme un acteur incontournable, capable de négocier des conditions favorables et de renforcer son influence sur la scène internationale.
Un partenariat gagnant-gagnant… jusqu’à quand ?

Des avantages financiers pour les deux géants
Le partenariat énergétique sino-russe est actuellement profitable aux deux parties. La Chine bénéficie d’un approvisionnement sécurisé et, jusqu’en 2023, d’un rabais de 5 à 7 dollars le baril par rapport au pétrole d’autres origines. De son côté, la Russie trouve un marché de substitution à l’Europe et continue de financer son économie de guerre grâce à ses exportations vers l’Asie.
Un nouvel ordre énergétique mondial en gestation
L’alliance entre Pékin et Moscou bouleverse l’ordre énergétique mondial. En s’émancipant des marchés occidentaux, la Russie et la Chine redéfinissent les flux d’hydrocarbures et renforcent leur poids face aux États-Unis et à l’Europe. Cette recomposition a des conséquences majeures pour la sécurité énergétique, la géopolitique et l’économie globale.
Conclusion : La Chine et la Russie, un couple énergétique sous haute tension

La Chine s’est imposée comme le plus gros acheteur de pétrole russe, scellant une alliance énergétique aux implications mondiales. Si ce partenariat répond à des intérêts immédiats et offre des avantages financiers aux deux géants, il n’est pas sans risques ni tensions. La dépendance croissante de la Russie vis-à-vis du marché chinois, les ajustements logistiques imposés par les sanctions, et la recomposition des alliances internationales font de cette relation un facteur clé de l’avenir énergétique et géopolitique mondial. Le couple Pékin-Moscou façonne un nouvel ordre, mais son équilibre reste fragile et sous surveillance.