Chine : le plus gros émetteur de carbone au monde a-t-il assaini son action ?
Auteur: Jacques Pj Provost
Depuis des décennies, la Chine occupe la première place mondiale en tant que plus gros émetteur de CO₂, alimentant les inquiétudes sur le climat et la santé de la planète. Mais un tournant historique semble s’opérer : pour la première fois, le géant asiatique affiche une baisse de ses émissions de carbone alors même que sa demande en électricité continue de grimper. S’agit-il d’un simple accident de parcours ou du début d’une véritable révolution verte ? Plongée au cœur de la transition énergétique chinoise, entre ambitions, défis et signaux d’espoir.
Une baisse inédite des émissions malgré une demande en hausse

Au premier trimestre 2025, la Chine a enregistré une baisse de 1,6 % de ses émissions de CO₂ par rapport à la même période l’année précédente, soit une diminution de 1 % sur les douze derniers mois. Ce recul intervient dans un contexte particulier : la demande totale d’électricité a augmenté de 2,5 % sur la même période. Contrairement aux baisses passées, souvent liées à des crises économiques ou à la pandémie, cette diminution s’explique par une transformation structurelle du mix énergétique chinois.
Le boom des énergies renouvelables
La principale explication de ce phénomène réside dans l’explosion des capacités de production d’énergie propre : solaire, éolienne et nucléaire. Au premier trimestre 2025, la production combinée d’électricité solaire et éolienne a dépassé celle de l’hydroélectricité, atteignant un record de 951 TWh. La Chine a ajouté en un seul mois 23 GW de solaire et 13 GW d’éolien, des chiffres en hausse de 80 % et 110 % par rapport aux records précédents.
Cette croissance fulgurante des renouvelables a permis de réduire la production d’électricité à partir du charbon, traditionnellement la principale source d’énergie du pays. Résultat : la production thermique a baissé de 4,7 % alors même que la demande globale progressait.
Un tournant structurel pour le secteur énergétique chinois

Pour la première fois, la croissance de la production d’électricité propre en Chine a entraîné une baisse des émissions de CO₂, malgré une forte hausse de la demande énergétique. Cette dynamique marque un possible tournant structurel : si la tendance se poursuit, la Chine pourrait amorcer un déclin durable de ses émissions, bien avant son objectif officiel de pic fixé à 2030.
Des investissements massifs et une stratégie nationale
La Chine a investi massivement dans les énergies renouvelables, construisant près de deux fois plus de capacités éoliennes et solaires que tous les autres pays réunis. Cette stratégie vise non seulement à répondre aux engagements climatiques, mais aussi à renforcer l’autonomie énergétique du pays face aux tensions commerciales internationales, notamment avec les États-Unis.
Le développement du solaire, de l’éolien, du nucléaire et des technologies innovantes comme l’hydrogène vert ou les centrales virtuelles s’inscrit dans une volonté de bâtir un système énergétique résilient et indépendant. Cette manœuvre réduit la dépendance aux hydrocarbures importés et pourrait renforcer la position stratégique de la Chine sur la scène internationale.
Vers une neutralité carbone en 2060 ?

La Chine s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, avec un pic d’émissions prévu au plus tard en 2030. Les récentes performances du secteur énergétique laissent entrevoir la possibilité d’atteindre ce pic plus tôt que prévu. Si la baisse des émissions se confirme et s’accélère, la Chine pourrait devenir un leader mondial de la lutte contre le changement climatique, incitant d’autres grandes économies à suivre son exemple.
Des défis à relever pour un changement durable
Malgré ces avancées, la Chine reste confrontée à plusieurs défis majeurs. Les émissions de CO₂ restent seulement 1 % en dessous du dernier pic, ce qui signifie qu’un rebond économique ou une hausse ponctuelle de la demande pourrait inverser la tendance. De plus, la transition vers un modèle énergétique moins carboné doit s’accompagner d’une transformation des secteurs industriels lourds, comme le ciment et l’acier, encore très dépendants du charbon.
La prochaine feuille de route chinoise, attendue dans le cadre du prochain plan quinquennal, sera déterminante pour fixer de nouveaux objectifs et accélérer la transition. La capacité de la Chine à maintenir et amplifier la croissance des renouvelables, tout en maîtrisant la demande énergétique, sera la clé d’un changement durable.
Conclusion : La Chine, future championne du climat ?

La baisse historique des émissions de CO₂ en Chine marque un tournant décisif dans la lutte contre le réchauffement climatique. Portée par une croissance record des énergies renouvelables et une stratégie nationale ambitieuse, la Chine semble amorcer une transition vers un modèle énergétique plus propre et plus autonome. Si cette dynamique se confirme, le plus grand émetteur de carbone au monde pourrait non seulement atteindre ses objectifs climatiques plus tôt que prévu, mais aussi s’imposer comme un modèle à suivre pour le reste de la planète. Le monde retient son souffle : l’avenir du climat pourrait bien se jouer, en partie, sous le ciel de Pékin.