Recours collectif contre Tim Hortons : la vérité derrière « Déroulez le rebord » enfin jugée au Québec
Auteur: Maxime Marquette
L’illusion du gros lot : comment un courriel a fait basculer la confiance
Le 17 avril 2024, l’histoire aurait pu être belle. Un simple courriel, envoyé à près de 500 000 clients de Tim Hortons à travers le Canada, annonçait à chacun qu’il venait de décrocher le gros lot : un bateau Tracker Targa 18 WT 2024 flambant neuf, remorque comprise, d’une valeur de 64 000 $. Pour beaucoup, c’était l’euphorie. Des familles ont célébré, des amis ont partagé la nouvelle, certains ont même pris des photos avec des employés du café en rêvant déjà à leurs futures escapades sur l’eau. Mais la fête a tourné court : quelques heures plus tard, un nouveau courriel tombait, brutal, froid, désabusé. « Erreur technique », disait-on. Pas de bateau, pas de lot, rien. Juste une immense déception, et un sentiment d’avoir été floué par une marque en laquelle on avait confiance.
Ce n’est pas la première fois qu’une entreprise se retrouve piégée par une promotion mal ficelée, mais rarement l’ampleur du fiasco aura été aussi spectaculaire. Les clients, eux, n’ont rien demandé : ils ont simplement participé à la célèbre opération « Déroule pour gagner », un rituel annuel pour des millions de Canadiens. Cette fois, l’erreur ne concernait pas un simple café gratuit ou un beignet : on parle d’un prix majeur, d’une promesse écrite, nominative, envoyée à des centaines de milliers de personnes. La réaction ne s’est pas fait attendre. Très vite, la colère a pris le dessus sur la déception, et l’idée d’un recours collectif a germé dans l’esprit de plusieurs clients lésés.
Mais pourquoi ce recours collectif n’a-t-il été autorisé que pour les clients du Québec ? C’est là que la Loi sur la protection du consommateur entre en jeu. Au Québec, la loi est claire : un commerçant est lié par ses déclarations, qu’elles soient faites en personne, en publicité ou par courriel. Refuser d’honorer une promesse écrite, c’est risquer gros. Pour Tim Hortons, la bataille judiciaire s’annonce féroce, d’autant que la réputation de la marque est déjà sérieusement entachée. L’affaire, désormais, dépasse le simple lot non remis : elle touche à la confiance, à la crédibilité, à l’intégrité de tout un système de promotions.
La justice québécoise frappe fort : une action collective qui fait trembler les marques

Le jugement de la Cour supérieure du Québec, rendu le 27 juin 2025, marque un tournant. Pour la première fois, un tribunal autorise un recours collectif contre Tim Hortons, mais uniquement pour les consommateurs québécois ayant reçu le fameux courriel. Pourquoi cette distinction ? Parce que la loi québécoise est l’une des plus protectrices au pays pour les consommateurs. Selon l’article 41 de la Loi sur la protection du consommateur, toute déclaration d’un commerçant, qu’elle soit écrite ou verbale, lie ce commerçant. Ici, il ne s’agit pas d’une simple publicité vague, mais d’un message personnalisé, nominatif, qui promettait noir sur blanc un prix bien réel.
L’objectif du recours collectif est clair : obtenir du tribunal qu’il ordonne à Tim Hortons de livrer les bateaux promis, ou à défaut, de verser des dommages-intérêts équivalents à la valeur du lot, plus des dommages punitifs de 10 000 $ par membre du groupe. La demande est ambitieuse, mais elle s’appuie sur des précédents solides, comme l’affaire Richard c. Time, où la Cour suprême du Canada avait déjà reconnu la force obligatoire des représentations faites aux consommateurs. Pour Tim Hortons, l’enjeu est colossal : au-delà du coût financier, c’est toute la crédibilité de ses opérations marketing qui est en jeu.
La défense de Tim Hortons repose sur l’argument de l’erreur technique, un « bug » informatique qui aurait envoyé le mauvais message à 500 000 clients. Mais pour la justice québécoise, cela ne suffit pas : l’entreprise reste responsable de ses communications, même en cas d’erreur. Le juge Bisson l’a souligné dans sa décision : « Refuser de donner les bateaux à ceux à qui on a dit qu’ils les avaient gagnés – et même de ne pas leur offrir quoi que ce soit d’autre – peut détruire la confiance du public. » Un avertissement sévère, qui résonne bien au-delà du cas Tim Hortons.
La confiance ébranlée : conséquences pour Tim Hortons et l’industrie

Pour Tim Hortons, l’affaire est déjà un désastre d’image. La marque, jadis symbole du café convivial et des petits plaisirs canadiens, se retrouve associée à une gigantesque « erreur » et à une bataille judiciaire qui s’annonce longue et coûteuse. Les réseaux sociaux se sont enflammés, les témoignages de clients déçus se multiplient, et la concurrence n’a pas tardé à saisir l’occasion pour se démarquer. L’impact va bien au-delà du Québec : partout au pays, les consommateurs s’interrogent désormais sur la fiabilité des concours, la sincérité des promotions, la capacité des grandes chaînes à tenir leurs engagements.
Cette affaire révèle aussi la fragilité de la confiance entre une marque et ses clients. Un concours, c’est avant tout une promesse : on joue pour gagner, mais aussi pour rêver, pour s’évader, pour croire que la chance peut sourire à n’importe qui. Quand cette promesse est brisée, c’est tout un imaginaire collectif qui s’effondre. Les consommateurs ne sont pas naïfs : ils savent que les chances de gagner sont minces, que les règles sont complexes, que les lots sont rares. Mais ils veulent croire que, si la chance leur sourit, la marque tiendra parole. Ici, ce n’est pas la malchance qui a frappé, c’est la trahison d’un engagement clair, écrit, personnalisé.
Le recours collectif contre Tim Hortons pourrait faire école. D’autres entreprises, confrontées à des erreurs similaires, devront désormais réfléchir à deux fois avant de minimiser l’impact d’un « bug » ou d’un message envoyé par inadvertance. Les lois sur la protection du consommateur, particulièrement au Québec, sont strictes : elles imposent aux commerçants une obligation de résultat, pas seulement de moyens. Livrer le prix promis, ou en assumer les conséquences, voilà la nouvelle règle du jeu. Pour Tim Hortons, la leçon est amère, mais elle pourrait bien changer durablement les pratiques de tout un secteur.
Les dessous juridiques : pourquoi le Québec protège mieux ses consommateurs

La spécificité du Québec en matière de protection du consommateur n’est pas un hasard. Depuis des décennies, la province s’est dotée d’un arsenal législatif parmi les plus avancés en Amérique du Nord. La Loi sur la protection du consommateur impose aux commerçants des obligations strictes : toute déclaration, toute promesse, tout engagement, qu’il soit publicitaire ou individuel, lie l’entreprise. En cas de litige, c’est souvent le commerçant qui doit prouver sa bonne foi, et non le consommateur. Cette inversion du fardeau de la preuve change tout. Elle donne aux citoyens un vrai pouvoir de contestation, et force les entreprises à la rigueur dans leurs communications.
Dans le cas Tim Hortons, c’est précisément cette rigueur qui fait défaut. L’entreprise a envoyé un courriel nominatif, personnalisé, promettant un lot d’une valeur considérable. Même si l’erreur est avérée, la loi québécoise considère que la promesse engage la marque. Les précédents sont nombreux, et la jurisprudence est claire : la protection du consommateur prime, surtout quand il s’agit de promotions, de concours, de pratiques commerciales susceptibles d’influencer le comportement d’achat. Pour les avocats des plaignants, l’enjeu est de taille : il s’agit de faire reconnaître le droit des clients à être respectés, informés, protégés contre les pratiques trompeuses ou négligentes.
La décision du juge Bisson, en limitant le recours collectif aux seuls résidents du Québec, s’appuie sur cette spécificité. Ailleurs au Canada, les lois sont moins strictes, et les recours plus difficiles à faire aboutir. Mais l’effet d’entraînement est réel : déjà, d’autres provinces s’interrogent, d’autres actions sont envisagées. L’affaire Tim Hortons pourrait bien devenir un cas d’école, un précédent qui renforcera la protection des consommateurs partout au pays. Pour les entreprises, le message est limpide : la transparence, l’honnêteté, la rigueur ne sont plus des options, mais des obligations.
Un précédent qui pourrait tout changer : l’après-Tim Hortons

Le recours collectif contre Tim Hortons n’est pas seulement une affaire de gros lots non remis. C’est un test grandeur nature pour tout le secteur de la promotion commerciale au Canada. Si les plaignants obtiennent gain de cause, les conséquences seront majeures : les entreprises devront revoir leurs procédures, renforcer leurs contrôles, investir dans la fiabilité de leurs systèmes. Finies les excuses du genre « erreur technique » ou « bug informatique » : la responsabilité sera totale, et les sanctions, potentiellement très lourdes. Pour les consommateurs, c’est une avancée majeure : la certitude que leurs droits seront respectés, que les promesses seront tenues, que les abus seront sanctionnés.
Déjà, certains acteurs du marché s’inquiètent. Les agences de marketing, les spécialistes du numérique, les responsables des promotions planchent sur de nouveaux protocoles, de nouvelles garanties, de nouveaux outils de vérification. La confiance, une fois brisée, est difficile à reconstruire. Les clients, eux, observent, attendent, jugent. Ils veulent des réponses, des engagements, des preuves. L’affaire Tim Hortons a réveillé une vigilance nouvelle, une exigence accrue, une volonté de ne plus se laisser berner par des promesses en l’air.
Mais au-delà du cas d’espèce, c’est tout un modèle qui est remis en question. Les concours, les promotions, les programmes de fidélité sont devenus des outils majeurs de la relation client. Mais ils reposent sur une condition essentielle : la confiance. Sans elle, tout s’effondre. L’affaire Tim Hortons rappelle que cette confiance ne se décrète pas, elle se construit, elle se mérite, elle s’entretient chaque jour. Pour les marques, le défi est immense. Pour les consommateurs, l’espoir renaît : celui d’être enfin entendus, respectés, protégés.
La revanche des consommateurs, un signal pour toute l’industrie

Quand la justice redonne espoir face aux géants
Ce recours collectif marque un tournant dans l’histoire des relations entre marques et consommateurs au Québec. Pour la première fois, une entreprise d’envergure nationale est contrainte de répondre de ses engagements devant la justice, non pas pour une question de sécurité ou de santé publique, mais pour une question de confiance, de respect, de parole donnée. L’affaire Tim Hortons, par son ampleur, par son retentissement, par la mobilisation qu’elle suscite, ouvre la voie à une nouvelle ère de responsabilité et de transparence. Les consommateurs, longtemps considérés comme les maillons faibles de la chaîne, reprennent le pouvoir, exigent des comptes, imposent de nouvelles règles du jeu.
Pour Tim Hortons, la leçon est rude. Pour les autres marques, l’avertissement est clair : plus question de jouer avec les attentes, de promettre l’impossible, de se réfugier derrière des excuses techniques. La confiance, une fois perdue, ne se récupère pas à coups de campagnes publicitaires ou de promotions alléchantes. Elle se reconstruit, lentement, patiemment, par des actes, des preuves, des engagements tenus. L’affaire Tim Hortons restera dans les annales comme le moment où les consommateurs ont dit « assez ! », où la justice a tranché en faveur de la transparence, de l’honnêteté, du respect.
Ce jugement, s’il est confirmé, pourrait changer la donne pour des millions de clients à travers le pays. Il rappelle que, face aux géants, la loi protège encore les plus petits, que la parole donnée a un poids, que la justice peut encore faire la différence. Pour moi, c’est une source d’espoir, une preuve que rien n’est jamais joué d’avance, que la vigilance paie, que la mobilisation porte ses fruits. L’affaire Tim Hortons n’est pas finie, mais elle a déjà changé la donne. Et c’est, au fond, tout ce qu’on pouvait espérer.