Le grand basculement vaccinal : Le comité de Robert F. Kennedy Jr. transforme la désinformation en politique d’État
Auteur: Maxime Marquette
Éviction choc : RFK Jr. balaie les experts et ouvre la porte à la désinformation
Le 9 juin 2025, un séisme frappe la santé publique américaine : Robert F. Kennedy Jr., secrétaire à la Santé, annonce le limogeage brutal des 17 membres du prestigieux Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP), le panel qui guide depuis des décennies la politique vaccinale des États-Unis. Officiellement, il s’agit de « restaurer la confiance » en éliminant les conflits d’intérêts supposés. Mais derrière ce discours, la réalité est autrement plus inquiétante. Kennedy, figure de proue du mouvement anti-vaccin depuis plus de vingt ans, remplace les scientifiques reconnus par des personnalités notoirement critiques, voire hostiles, à la vaccination. Parmi les nouveaux venus, on trouve des figures qui ont bâti leur réputation sur la contestation des vaccins COVID, la remise en cause des calendriers vaccinaux pédiatriques, ou encore la propagation de théories longtemps réfutées sur le lien entre thimerosal et autisme. La nouvelle ACIP, amputée de son expertise et de sa mémoire institutionnelle, se prépare à voter sur des propositions inspirées par des thèses conspirationnistes, avec des conséquences potentiellement dramatiques pour la santé publique américaine et mondiale.
Ce bouleversement ne se limite pas à un simple renouvellement de personnel. Il s’agit d’un changement de paradigme, d’une prise de contrôle politique sur un organe qui, jusqu’ici, garantissait la rigueur scientifique, la transparence et l’indépendance des recommandations vaccinales. Les membres écartés avaient été sélectionnés pour leur expertise en épidémiologie, en maladies infectieuses, en essais cliniques : ils sont remplacés par des profils sans expérience directe des vaccins, mais connus pour leur activisme anti-vaccin ou leur proximité avec les réseaux de désinformation. Cette rupture avec la tradition scientifique inquiète tous les acteurs du secteur : sociétés savantes, associations de pédiatres, chercheurs, et même des membres de la famille Kennedy. La réaction est immédiate : boycott du panel par les pédiatres, protestations des leaders démocrates, alarmes lancées par les universités et les agences internationales.
Le contexte aggrave encore la situation. Depuis la pandémie de COVID-19, la confiance dans les institutions de santé a été fragilisée par les campagnes de désinformation, les polémiques sur l’efficacité des vaccins, les débats sur les mesures sanitaires. Kennedy, qui a longtemps nié être « anti-vaccin », a pourtant construit sa carrière sur la contestation des politiques vaccinales, la diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux et la remise en cause de la science médicale. Son arrivée à la tête du HHS marque le passage d’une opposition marginale à une influence directe sur la politique d’État. L’Amérique, jadis leader mondial de la vaccination, se retrouve à la croisée des chemins : va-t-elle défendre la science, ou céder à la peur et à la manipulation ?
Un comité sous influence : la science marginalisée, la parole aux sceptiques

La nouvelle composition de l’ACIP, révélée deux jours après le limogeage du panel historique, a de quoi inquiéter. Parmi les huit nouveaux membres, plusieurs sont connus pour leur hostilité ouverte à la vaccination. On y trouve un ancien chercheur sur l’ARNm devenu figure de l’opposition aux vaccins COVID, une directrice régionale du National Vaccine Information Center – organisation classée parmi les principales sources de désinformation vaccinale –, un professeur d’opérations mais sans expérience en maladies infectieuses, et des militants ayant témoigné contre les fabricants de vaccins lors de procès retentissants. Certains, comme Vicky Pebsworth, ont été identifiés comme relais majeurs de fausses informations sur la sécurité des vaccins pédiatriques. D’autres, comme le Dr. Robert Malone, ont bâti leur notoriété sur la contestation de la vaccination en période de pandémie, relayant des traitements alternatifs non validés et des théories du complot sur les réseaux sociaux.
La première réunion du nouveau panel donne le ton : les débats s’écartent rapidement des standards scientifiques, laissent place à des discours alarmistes sur le « cumul des vaccins », la nécessité de réévaluer des protocoles pourtant validés par des décennies de données, et la remise en cause de la vaccination universelle contre des maladies comme l’hépatite B ou la rougeole. Les discussions sur le thimerosal, conservateur accusé à tort de provoquer l’autisme, refont surface malgré l’absence totale de preuves scientifiques. Le panel annonce la création de sous-groupes pour « réexaminer » des vaccins qui n’ont pas été revus depuis plus de sept ans, laissant entendre que des exemptions religieuses ou des modifications du calendrier pourraient être à l’ordre du jour. La voix des sociétés savantes, des pédiatres, des infectiologues, est absente : la principale association de pédiatrie boycotte les travaux, dénonçant une mascarade qui met en danger la santé des enfants.
Ce glissement n’est pas anodin. Les recommandations de l’ACIP ne sont pas de simples avis : elles déterminent le remboursement des vaccins, les obligations scolaires, les messages transmis par les médecins à leurs patients. Un changement de doctrine peut entraîner une baisse de la couverture vaccinale, une résurgence de maladies disparues, une perte de confiance généralisée dans la médecine préventive. L’histoire récente l’a montré : chaque fois que la défiance progresse, les épidémies reviennent. Samoa, 2019 : la suspension temporaire de la vaccination, alimentée par les réseaux anti-vaccins, provoque une flambée de rougeole, 83 morts, principalement des enfants. Les États-Unis eux-mêmes ont connu des foyers de rougeole dès que la couverture est descendue sous les seuils critiques. Ce que prépare Kennedy, c’est une Amérique vulnérable, exposée, incapable de se protéger contre les menaces anciennes et nouvelles.
Des conséquences en cascade : santé publique, confiance et sécurité collective menacées

Les décisions de RFK Jr. ne sont pas sans conséquences concrètes. Déjà, la confusion s’installe chez les professionnels de santé : faut-il continuer à recommander tous les vaccins du calendrier ? Les assurances rembourseront-elles les nouvelles recommandations ? Les écoles exigeront-elles encore les preuves de vaccination ? Les parents, eux, sont perdus : certains se réjouissent d’une plus grande « liberté de choix », d’autres s’inquiètent de voir revenir des maladies qu’ils croyaient disparues. Les réseaux sociaux s’enflamment : chaque annonce du panel est reprise, commentée, déformée, amplifiée par les influenceurs anti-vaccins, qui y voient la consécration de leurs combats. La défiance s’étend, la polarisation s’aggrave, la société se fragmente entre « pro » et « anti », entre confiance et soupçon.
Les répercussions internationales ne se font pas attendre. Les États-Unis, longtemps modèle pour la politique vaccinale mondiale, coupent brutalement leur soutien financier à Gavi, l’alliance internationale pour la vaccination. Kennedy affirme que « la science d’aujourd’hui dérange Gavi », justifiant ce retrait par la nécessité de « revoir les priorités ». Mais pour les pays pauvres, c’est une catastrophe : moins de financements, moins de doses, moins de campagnes de vaccination. Le risque de voir ressurgir la polio, la rougeole, la diphtérie dans des régions vulnérables est réel. Les agences de santé mondiales s’alarment : la désinformation américaine, désormais institutionnalisée, menace l’équilibre sanitaire de la planète.
Sur le plan politique, la crise s’envenime. Les démocrates dénoncent une « démolition en règle » des programmes qui ont protégé des générations d’Américains. Les républicains, eux, oscillent entre soutien à la « liberté de choix » et inquiétude devant la montée des épidémies. Les familles Kennedy elles-mêmes se divisent, certains membres dénonçant publiquement la dérive de Robert Jr. Les médecins, les chercheurs, les associations de patients multiplient les tribunes, les pétitions, les alertes. Mais la machine est lancée : chaque semaine, le panel prépare de nouveaux votes, de nouveaux reculs, de nouvelles polémiques. L’Amérique, jadis pionnière de la santé publique, devient le laboratoire d’une expérience à haut risque, où la désinformation guide la politique d’État.
La science à l’épreuve, la démocratie en question

Résister à la désinformation, reconstruire la confiance
L’offensive de RFK Jr. contre la politique vaccinale américaine marque un tournant dangereux. En remplaçant l’expertise par la suspicion, la science par la rumeur, il expose le pays à des risques sanitaires majeurs, affaiblit la confiance collective, menace la sécurité de millions de citoyens. Mais cette crise est aussi un révélateur : elle montre la fragilité de nos institutions, la puissance de la désinformation, la nécessité de défendre la raison, la rigueur, la solidarité. La santé publique n’est pas une affaire d’opinion, mais de responsabilité partagée. Laisser la peur dicter la politique, c’est ouvrir la porte à toutes les dérives, à toutes les catastrophes.
Pourtant, tout n’est pas perdu. Les médecins, les chercheurs, les familles, les citoyens ont encore le pouvoir de refuser la fatalité, de défendre la science, de reconstruire la confiance. Cela passe par l’éducation, la transparence, le dialogue, la mobilisation. Cela exige du courage, de la patience, de la ténacité. Mais l’histoire de la vaccination, c’est aussi celle des victoires contre la maladie, de la solidarité contre l’égoïsme, de l’intelligence collective contre la peur. L’Amérique, et avec elle le monde, doit choisir : céder à la désinformation, ou défendre la santé de tous. Le choix est urgent. Et il nous concerne tous.
En tant que rédacteur, en tant que citoyen, je ressens la gravité de l’instant. Ce n’est pas seulement un débat sur les vaccins : c’est un test pour la démocratie, pour la science, pour la capacité d’une société à se protéger contre ses propres démons. La désinformation ne doit pas devenir la loi. La vérité, même malmenée, reste notre meilleure arme. Et il est temps, plus que jamais, de la défendre.