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Le sénat américain vote présentement sur le « big beautiful bill » du Président Trump :
Credit: Adobe Stock

Un texte monstre, des promesses électorales et une Amérique à la croisée des chemins

Lundi 30 juin 2025, le Sénat américain s’est transformé en arène pour l’un des votes les plus décisifs et polarisants de la décennie : le « big beautiful bill » de Donald Trump. Ce texte, long de près de 1 000 pages, incarne la quintessence de la stratégie trumpiste : faire passer dans un même souffle des baisses d’impôts massives, des coupes spectaculaires dans les programmes sociaux, un durcissement de la politique migratoire, et un réarmement budgétaire de la défense et de la sécurité aux frontières. Pour la Maison-Blanche, il s’agit d’un « tout-en-un » qui doit graver dans le marbre les promesses de campagne de 2024 : pérennisation des baisses d’impôts de 2017, suppression des taxes sur les pourboires, création de comptes d’épargne pour chaque nouveau-né, et injection de milliards dans l’armée et le mur frontalier. Mais derrière les slogans, la réalité est bien plus complexe : l’addition dépasse 4 000 milliards de dollars, le déficit public explose, et la fracture sociale s’élargit. La bataille parlementaire, entamée par un vote marathon et des débats nocturnes, a révélé toutes les tensions d’un pays qui ne sait plus sur quel pied danser : entre rêve de grandeur et peur du déclassement, entre promesse de prospérité et crainte de l’exclusion.

La procédure elle-même est révélatrice du climat de défiance : lecture intégrale du texte pendant seize heures, « vote-a-rama » où chaque sénateur peut proposer des dizaines d’amendements, suspensions de séance pour négociations de couloir, et menaces à peine voilées de la Maison-Blanche envers les élus récalcitrants. Les républicains, majoritaires mais divisés, avancent sur une ligne de crête : il leur suffit de trois défections pour perdre le vote, et la pression est maximale. Deux sénateurs républicains, Thom Tillis et Rand Paul, ont déjà fait défection, dénonçant respectivement les coupes dans Medicaid et l’explosion de la dette. Les démocrates, eux, jouent la montre, forcent la lecture du texte, multiplient les amendements et dénoncent un projet « taillé pour les milliardaires, destructeur pour les familles et les plus fragiles ». Jamais un texte aussi massif n’aura cristallisé autant de passions, de colères, d’espoirs et de peurs.

Pour l’Amérique, l’enjeu est colossal. Ce projet de loi, s’il est adopté, redéfinira durablement le contrat social : moins de protection pour les plus pauvres, plus de cadeaux fiscaux pour les plus riches, un État recentré sur la sécurité et la défense, et une société sommée de s’adapter à la dureté du nouveau capitalisme trumpiste. Les sondages montrent une opinion publique profondément divisée : 73 % des républicains soutiennent le texte, mais près de 60 % des Américains s’y opposent, redoutant ses effets sur leur santé, leur emploi, leur avenir. Les débats sont vifs, les familles inquiètes, les associations mobilisées. À l’heure où le Sénat s’apprête à trancher, c’est bien l’âme de l’Amérique qui vacille, entre tentation du repli et volonté de renouveau.

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