
L’année 2025 s’annonce comme un tournant pour l’industrie automobile canadienne. Depuis des mois, la rumeur enfle : une marque automobile chinoise s’apprêterait à franchir les frontières du Canada, bouleversant un marché déjà en pleine mutation. Entre ambitions électriques, tensions commerciales et attentes des consommateurs, le sujet cristallise toutes les attentions. Faut-il s’inquiéter ? S’enthousiasmer ? Ou simplement observer, fasciné, ce jeu d’équilibristes où la technologie, la politique et l’économie s’entremêlent à chaque virage ?
Les véhicules électriques produits en Chine sont déjà omniprésents sur la scène mondiale. Pourtant, au Canada, leur percée reste timide, freinée par des barrières tarifaires et des normes strictes. Mais l’histoire s’accélère : alors que l’Europe et l’Amérique latine voient déferler des modèles chinois, le Canada s’interroge sur l’opportunité – ou la menace – que représente cette arrivée annoncée. Les consommateurs, eux, réclament plus de choix et des prix abordables, tandis que les constructeurs locaux redoutent une concurrence féroce, dopée par une avance technologique et industrielle difficile à rattraper.
Dans ce contexte, l’arrivée d’une première marque chinoise au Canada dès 2025 pose mille questions. Quels sont les acteurs en lice ? Quels obstacles restent à franchir ? Et surtout, quelles conséquences pour le marché, l’emploi, l’environnement ? Plongeons dans cette chronique d’un bouleversement annoncé, où chaque certitude vacille sous le poids de l’incertitude, et où l’avenir s’écrit à la vitesse d’un moteur électrique.
Le contexte mondial : la montée en puissance de l’automobile chinoise
Depuis une décennie, la Chine s’est imposée comme la nouvelle superpuissance de l’automobile, notamment dans le secteur des véhicules électriques. À l’échelle planétaire, près de 60 % des véhicules électriques vendus sont désormais fabriqués en Chine, un chiffre qui donne le vertige et qui témoigne d’une avance technologique et industrielle sans précédent. Les constructeurs chinois, portés par un marché intérieur gigantesque et des politiques publiques ambitieuses, ont su développer une gamme de produits innovants, abordables et adaptés aux nouvelles attentes des consommateurs mondiaux.
La croissance est fulgurante : en 2023, les ventes de véhicules électriques en Chine ont bondi de 38 %, atteignant 9,5 millions d’unités. Les hybrides rechargeables ne sont pas en reste, avec une hausse de 85 % sur la même période. Cette dynamique n’est pas le fruit du hasard : elle résulte d’investissements massifs dans la recherche, l’industrialisation et l’infrastructure de recharge, mais aussi d’une volonté politique affirmée de dominer la mobilité de demain.
Face à cette offensive, les marchés occidentaux oscillent entre fascination et inquiétude. Les marques chinoises, longtemps moquées pour leur manque de fiabilité ou de design, ont su combler leur retard, voire dépasser certains concurrents historiques sur le plan technologique. Leurs modèles électriques rivalisent désormais avec les meilleures productions européennes, japonaises ou américaines, tant en termes de performances que de prix. Cette montée en puissance, inéluctable, s’accompagne d’une stratégie d’expansion internationale méthodique, qui vise désormais le Canada.
Les ambitions chinoises au Canada : BYD en première ligne
Parmi les géants de l’automobile chinoise, un nom revient sans cesse : BYD (Build Your Dreams). Leader incontesté du marché chinois des véhicules électriques, BYD nourrit depuis plusieurs années l’ambition de s’implanter en Amérique du Nord. L’entreprise a déjà fait ses preuves ailleurs : en Europe, au Royaume-Uni, en Amérique latine, ses modèles séduisent par leur rapport qualité-prix et leur technologie de pointe. Au Canada, BYD est déjà présente, mais uniquement dans le secteur du transport collectif, avec des autobus électriques assemblés en Ontario et déployés dans plusieurs grandes villes du pays.
L’étape suivante semblait logique : conquérir le marché des particuliers. En 2024, BYD a multiplié les démarches, recrutant des lobbyistes, approchant des concessionnaires, préparant le terrain pour une entrée fracassante. Un partenariat avec Uber, visant à mettre 100 000 véhicules électriques sur la plateforme, était même évoqué. Mais la réalité s’est avérée plus complexe. L’annonce, à l’automne 2024, d’une surtaxe douanière de 100 % sur les véhicules électriques chinois a tout bouleversé. Face à ce mur tarifaire, BYD a suspendu ses projets, laissant planer le doute sur la date effective de son arrivée sur le marché canadien.
Pourtant, l’offensive chinoise n’est pas morte-née. D’autres marques, comme Chery ou MG, observent attentivement la situation, prêtes à saisir la moindre ouverture. Les constructeurs chinois disposent d’arguments massue : une gamme de véhicules électriques variée, des prix imbattables, une capacité d’innovation hors norme. Mais ils doivent composer avec un environnement réglementaire hostile, des normes nord-américaines strictes et une opinion publique encore partagée.
Les acteurs, les stratégies et les modèles en jeu

BYD, Chery, MG : qui sera le premier ?
Si l’on devait parier sur le nom de la première marque automobile chinoise à s’installer au Canada, BYD tiendrait la corde. Sa présence dans le transport collectif, son avance technologique, sa stratégie d’expansion internationale en font un candidat naturel. Mais la partie est loin d’être jouée. D’autres constructeurs, comme Chery ou MG, observent attentivement la situation. Ils disposent eux aussi d’une gamme de véhicules électriques et hybrides compétitifs, déjà éprouvés sur d’autres marchés.
La stratégie des groupes chinois repose souvent sur des alliances locales : partenariats avec des concessionnaires, accords avec des plateformes de mobilité, investissements dans l’infrastructure de recharge. Cette approche pragmatique vise à contourner les obstacles réglementaires et à s’adapter rapidement aux spécificités du marché canadien. Le cas du Royaume-Uni, où BYD a su s’imposer en quelques années grâce à une collaboration avec Arnold Clark, fait figure de modèle à suivre.
La question n’est donc pas de savoir si une marque chinoise va débarquer au Canada, mais plutôt quand et comment. Les obstacles sont nombreux, mais la détermination des constructeurs chinois l’est tout autant. Leur capacité à innover, à s’adapter et à proposer des véhicules répondant aux attentes des consommateurs canadiens pourrait bien faire la différence. Reste à savoir si le contexte politique et économique leur laissera une réelle chance de s’imposer.
Quels modèles pour le marché canadien ?
L’offre des constructeurs chinois est vaste, mais tous les modèles ne sont pas adaptés au marché canadien. Les consommateurs locaux privilégient les SUV, les crossovers et les véhicules familiaux, dotés d’une bonne autonomie et capables d’affronter les hivers rigoureux. Les marques chinoises l’ont bien compris : elles misent sur des modèles polyvalents, robustes, souvent équipés de batteries de grande capacité et de systèmes de chauffage adaptés aux basses températures.
Certains modèles, comme le Yangwang U8 de BYD, un SUV électrique haut de gamme, ou le Zeekr 001 du groupe Geely, un multisegment performant, pourraient séduire une clientèle à la recherche de nouveauté et de technologie. D’autres, plus abordables, visent à démocratiser l’accès à la mobilité électrique, en proposant des prix inférieurs de 30 à 40 % à ceux des concurrents occidentaux. Cette stratégie du « meilleur rapport qualité-prix » pourrait faire mouche, surtout dans un contexte de hausse généralisée des prix de l’automobile.
La clé du succès résidera dans la capacité des marques chinoises à adapter leurs produits aux exigences locales : sécurité, connectivité, compatibilité avec les réseaux de recharge, service après-vente. Les premiers retours d’expérience en Europe montrent que les constructeurs chinois sont capables de relever ces défis, à condition de bénéficier d’un environnement réglementaire stable et d’un réseau de distribution efficace.
Les attentes des consommateurs canadiens
Les Canadiens sont de plus en plus nombreux à réclamer un accès élargi aux véhicules électriques, qu’ils soient d’origine chinoise, européenne ou nord-américaine. Un sondage réalisé en juin 2025 révèle que 53 % des Canadiens préféreraient une surtaxe douanière moins élevée, afin de favoriser l’accessibilité et la diversité des offres. Près de 30 % souhaitent même l’élimination totale de la taxe, estimant qu’elle pénalise les consommateurs et freine la transition écologique.
Cette demande de diversité et de compétitivité s’explique par la hausse continue des prix des véhicules neufs, la raréfaction de certains modèles et la volonté de réduire l’empreinte carbone. Les consommateurs veulent des véhicules performants, abordables, bien équipés, capables de répondre à leurs besoins quotidiens sans compromis. Les marques chinoises, avec leur offre variée et leurs prix attractifs, pourraient répondre à cette attente, à condition de surmonter les obstacles réglementaires et de convaincre sur la qualité et la fiabilité.
La pression des consommateurs pourrait, à terme, pousser les autorités à revoir leur politique tarifaire. L’exemple européen montre qu’une arrivée massive de modèles chinois peut forcer les constructeurs locaux à revoir leur stratégie, à innover plus vite, à baisser leurs prix. Au Canada, ce scénario reste hypothétique, mais il n’est plus tabou. L’opinion publique évolue, et les décideurs devront tôt ou tard composer avec cette nouvelle donne.
La tentation de l’ouverture, le vertige du changement
Je me surprends parfois à rêver d’un marché automobile canadien où la diversité serait la règle, où chaque consommateur pourrait choisir librement entre une dizaine de modèles électriques, qu’ils soient chinois, européens, japonais ou nord-américains. J’imagine les concessions débordant de nouveautés, les essais routiers à répétition, la curiosité, l’enthousiasme, l’envie de découvrir autre chose.
Mais le vertige n’est jamais loin. Ouvrir le marché, c’est aussi accepter une concurrence féroce, des bouleversements industriels, des emplois menacés, des repères qui volent en éclats. Je comprends la prudence des autorités, la crainte des constructeurs locaux, l’inquiétude des syndicats. Le Canada a investi des sommes colossales pour attirer des usines de Stellantis, Volkswagen, Honda. Peut-on risquer de fragiliser cet écosystème au nom de la diversité ?
Et pourtant, l’immobilisme me semble plus dangereux encore. À force de protéger, de retarder, de freiner, on finit par s’enfermer dans une bulle, coupé des grandes évolutions du monde. La mobilité électrique avance, la technologie progresse, les attentes changent. Refuser l’ouverture, c’est risquer de rater le train, de voir les autres avancer pendant qu’on piétine. Je n’ai pas de solution miracle, juste une conviction : le changement est inévitable, autant l’accompagner plutôt que de le subir.
Conséquences, perspectives et enjeux pour le futur

Impact sur l’industrie automobile canadienne
L’arrivée d’une première marque automobile chinoise au Canada ne serait pas un simple événement commercial : ce serait un séisme industriel. Les constructeurs locaux, déjà fragilisés par la transition vers l’électrique, devraient faire face à une concurrence redoutable, capable de casser les prix, d’innover plus vite et de conquérir des parts de marché en un temps record. Certains y voient une menace existentielle, d’autres une opportunité de se réinventer, de monter en gamme, de miser sur la qualité, le service, la proximité.
Le gouvernement fédéral, de son côté, devra arbitrer entre la protection de l’emploi, la défense de l’industrie locale et la nécessité d’accélérer la transition écologique. Les investissements récents dans les usines de batteries, les incitations à l’achat de véhicules électriques, la politique de soutien à la production locale témoignent d’une volonté de garder la main. Mais la pression internationale, la demande des consommateurs et l’évolution rapide du marché pourraient forcer à revoir cette stratégie.
Les concessionnaires, enfin, se retrouvent à la croisée des chemins. Certains anticipent déjà l’arrivée des marques chinoises, prêts à diversifier leur offre, à s’adapter aux nouvelles attentes. D’autres redoutent une guerre des prix, une érosion des marges, une instabilité chronique. Une chose est sûre : le paysage automobile canadien ne sera plus jamais le même, quelle que soit l’issue de ce bras de fer.
Conséquences pour l’emploi et la filière technologique
L’impact sur l’emploi est l’un des sujets les plus sensibles. L’industrie automobile canadienne, concentrée en Ontario et au Québec, fait vivre des dizaines de milliers de personnes, des chaînes d’assemblage aux bureaux d’études, des sous-traitants aux concessionnaires. L’arrivée de marques chinoises, si elle se traduit par une perte de parts de marché pour les constructeurs locaux, pourrait fragiliser cet écosystème, entraîner des fermetures d’usines, des licenciements, une précarisation du secteur.
Mais le tableau n’est pas univoque. L’ouverture du marché pourrait aussi générer de nouveaux emplois : dans la distribution, la maintenance, l’infrastructure de recharge, la gestion de flotte. Les constructeurs chinois, s’ils choisissent d’implanter des usines ou des centres de recherche au Canada, pourraient contribuer à la montée en compétence de la filière, à l’émergence de nouvelles expertises. Le défi sera de réussir la transition, d’accompagner les salariés, de former les jeunes aux métiers de demain.
La question technologique est tout aussi cruciale. La domination chinoise dans le secteur des batteries, des moteurs électriques, des logiciels embarqués pose un défi stratégique au Canada. Faut-il dépendre d’un acteur extérieur, au risque de fragiliser sa souveraineté industrielle ? Ou au contraire, collaborer, investir, mutualiser les compétences pour rester dans la course ? Le débat est ouvert, et il conditionnera en grande partie l’avenir de l’automobile canadienne.
Enjeux environnementaux et transition énergétique
L’un des paradoxes de la situation actuelle, c’est que l’arrivée des véhicules électriques chinois pourrait accélérer la transition écologique du Canada. Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la volonté d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, la nécessité de renouveler un parc automobile vieillissant : tout plaide en faveur d’une offre élargie, accessible, innovante. Les marques chinoises, avec leurs modèles abordables et performants, pourraient jouer un rôle clé dans cette transformation.
Mais la question environnementale ne se limite pas à la motorisation. Elle touche aussi la production des batteries, l’approvisionnement en matières premières, la gestion du cycle de vie des véhicules. La Chine domine le marché mondial des batteries, mais cette domination s’accompagne de défis : dépendance aux métaux rares, impact écologique de l’extraction, risques géopolitiques. Le Canada devra trouver le bon équilibre entre ouverture et souveraineté, entre innovation et responsabilité.
Enfin, la transition énergétique ne pourra réussir sans l’adhésion des consommateurs. L’arrivée des marques chinoises, en rendant l’électrique plus accessible, pourrait lever certains freins : prix, autonomie, disponibilité des modèles. Mais elle devra s’accompagner d’un effort massif sur l’infrastructure de recharge, la formation des professionnels, l’information du public. La révolution ne sera pas seulement technologique : elle sera aussi culturelle, sociale, politique.
Conclusion

L’arrivée d’une première marque automobile chinoise au Canada dès 2025 n’est plus une simple hypothèse : c’est une perspective crédible, porteuse de bouleversements majeurs pour l’ensemble du secteur. Entre ambitions électriques, tensions commerciales et attentes des consommateurs, le marché canadien se trouve à la croisée des chemins. Les obstacles sont nombreux : surtaxes, normes, protectionnisme. Mais la dynamique mondiale, l’avance technologique des constructeurs chinois et la pression de la demande laissent penser que le changement est inéluctable.
Pour le Canada, le défi sera de réussir cette transition sans sacrifier ses atouts : protéger l’emploi, soutenir l’innovation locale, garantir la souveraineté industrielle, tout en ouvrant la porte à la diversité, à la compétition, à l’accessibilité. L’exemple européen montre que l’arrivée massive de modèles chinois peut être un accélérateur de transformation, à condition de l’accompagner intelligemment. Refuser le changement, c’est risquer de s’isoler, de rater le train de la mobilité de demain.
Reste à savoir qui, de BYD, Chery, MG ou un autre, sera le premier à franchir le pas. Et surtout, comment le marché, les autorités, les consommateurs réagiront à cette révolution annoncée. Une chose est sûre : l’année 2025 sera décisive. Pour l’industrie, pour l’environnement, pour notre rapport à l’automobile. Et, d’une certaine façon, pour notre capacité à embrasser le changement, sans peur, mais avec lucidité.