
Le Québec, territoire d’incertitude
Il y a des matins où le ciel paraît plus bas, où l’air semble chargé d’une tension sourde, presque électrique, comme si la ville elle-même retenait son souffle. Québec n’a jamais été un havre de paix sociale, mais aujourd’hui, l’angoisse a changé de visage. Elle s’est infiltrée partout : dans les files d’attente devant les banques alimentaires, dans les regards fuyants des travailleurs épuisés, dans le silence gêné des enfants qui comprennent trop bien que les vacances, cette année, seront un luxe inaccessible. Les conflits syndicaux se multiplient, la rue gronde, les familles s’épuisent à courir après des besoins de base qui deviennent chaque mois plus inaccessibles. Les chiffres le confirment, mais la réalité, elle, se vit dans la chair, dans le quotidien, dans le frigo vide. Ce n’est plus une simple crise : c’est une déchirure, un basculement, une ère nouvelle où l’on ne sait plus si l’on doit espérer ou simplement tenir bon, coûte que coûte, jusqu’à demain.
Un gouffre qui s’élargit
La fracture sociale n’est plus une métaphore. Elle se mesure en pourcentages, en dollars, en nuits blanches. Les loyers explosent : une hausse moyenne de 5,9% pour 2025, record absolu depuis trente ans. À Montréal, à Québec, à Gatineau, les locataires encaissent des augmentations qui dépassent parfois les 10%. Les familles, déjà étranglées par l’inflation alimentaire (prévue à plus de 10% cette année), voient leur budget fondre comme neige au soleil. Les paniers d’épicerie, jadis symboles de convivialité, deviennent des objets de calcul, de renoncement, de frustration. Et pendant ce temps, les plus riches s’enrichissent, les plus pauvres s’appauvrissent, et la classe moyenne se dissout, lentement, inexorablement, dans un magma d’incertitude et de colère.
Vers une récession annoncée
L’économie du Québec tangue. Les économistes le martèlent : la province est en train de basculer vers une récession sévère. Les guerres tarifaires, la morosité mondiale, la multiplication des conflits de travail, tout concourt à plomber la croissance. Les chiffres sont sans appel : deux trimestres consécutifs de croissance négative sont désormais probables, et la morosité s’installe comme un brouillard épais sur les perspectives d’avenir. Les entreprises licencient, les services publics rétrécissent, et l’État, dépassé, tente de colmater les brèches avec des mesures d’urgence qui ressemblent à des pansements sur une hémorragie.
Explosion des conflits syndicaux : la rue ne se tait plus

Grèves à répétition, services à l’arrêt
Depuis deux ans, le Québec est devenu la capitale canadienne de la grève. 91% des arrêts de travail du pays se concentrent ici, principalement dans le secteur public. Les écoles ferment, les hôpitaux tournent au ralenti, les transports publics s’arrêtent, et les familles paient le prix fort. Les syndicats dénoncent des conditions de travail intenables, des salaires qui ne suivent plus l’inflation, une précarisation généralisée. Les gouvernements, eux, parlent de responsabilité budgétaire, de nécessité de réformer, de moderniser, mais sur le terrain, ce sont les travailleurs qui encaissent, qui s’épuisent, qui craquent. Les négociations patinent, les esprits s’échauffent, et la colère devient la norme, la résignation l’exception.
Le projet de loi 89 : la goutte de trop
Le passage en force du projet de loi 89 a mis le feu aux poudres. Cette réforme, perçue comme une attaque frontale contre le droit de grève, a cristallisé les tensions. Les syndicats dénoncent une « bombe sociale », un cadeau au patronat, une gifle pour les travailleurs. Les manifestations se multiplient, les piquets de grève se dressent, les slogans claquent dans l’air froid du matin. Les familles, prises en otage, oscillent entre solidarité et exaspération. On ne compte plus les journées perdues, les salaires amputés, les services suspendus. Le tissu social se déchire, fil après fil, sous les coups de boutoir d’une réforme qui ne passe pas.
La solidarité fissurée
Autrefois, le Québec se targuait d’une solidarité exemplaire. Aujourd’hui, cette solidarité vacille. Les travailleurs du public s’opposent à ceux du privé, les jeunes accusent les plus âgés de défendre des acquis inaccessibles, les familles monoparentales crient à l’abandon. Les syndicats eux-mêmes peinent à maintenir l’unité. Les négociations s’enlisent, les compromis s’évaporent. L’individualisme gagne du terrain. On ne croit plus aux lendemains qui chantent, on se contente de survivre, de tenir, de ne pas sombrer.
Loyers en orbite : le logement, un privilège ?

Des hausses historiques, des locataires à bout
La hausse des loyers au Québec n’a rien d’anecdotique : 5,9% en moyenne pour 2025, du jamais vu depuis trente ans. À Montréal, la hausse atteint 6,3%, à Sherbrooke, 8,8%, à Saguenay, 8,6%. Derrière ces chiffres, il y a des vies, des familles, des drames silencieux. Un loyer de 1 000 $ grimpe à 1 059 $ en un claquement de doigts, sans compter les hausses de taxes, les travaux imposés, les frais cachés. Pour beaucoup, c’est la goutte de trop. On déménage, on s’entasse, on s’endette, on renonce. Les files devant les banques alimentaires s’allongent, les organismes communautaires tirent la sonnette d’alarme. Le logement, droit fondamental, devient un privilège réservé à ceux qui peuvent payer, à ceux qui ont eu la chance d’acheter avant la tempête.
Le revenu viable, un mirage
Le concept de revenu viable s’éloigne chaque année. À Montréal, il faut désormais 40 084 $ pour une personne seule, 85 200 $ pour une famille de quatre. À Gatineau, la hausse atteint 10,4% en un an, tirée par des loyers qui explosent de 16%. Entre 12 et 15% de la population vit sous ce seuil, et la proportion grimpe chaque mois. Les familles jonglent avec les factures, les étudiants s’entassent à plusieurs dans des logements insalubres, les aînés sacrifient leur autonomie pour survivre. On parle d’une crise, mais c’est un euphémisme : c’est une déroute, une défaite collective, un échec de la société à protéger les siens.
La spéculation, poison du quotidien
La spéculation immobilière n’est plus un tabou. Les investisseurs achètent, rénovent, expulsent, relouent à des prix délirants. Les quartiers populaires se gentrifient, les familles sont chassées, les commerces de proximité ferment. Le tissu urbain se délite, la mixité sociale disparaît. Les politiques publiques peinent à suivre, à réguler, à freiner la machine. Les locataires, eux, n’ont que leurs voix, leurs pancartes, leurs cris. Mais face à la puissance de l’argent, la résistance semble vaine, dérisoire, presque pathétique.
Le panier d’épicerie, symbole d’une précarité galopante

Inflation alimentaire : la peur au ventre
Le prix du panier d’épicerie explose. Les experts prévoient une inflation alimentaire de plus de 10% en 2025. Pour une famille de quatre, la facture annuelle atteint 16 833 $, soit 800 $ de plus que l’an dernier. Les légumes, la viande, les produits de base deviennent des objets de luxe. Les consommateurs changent leurs habitudes : on achète en vrac, on traque les rabais, on saute des repas, on fait la file devant les comptoirs alimentaires. Les jeunes puisent dans leurs économies, les aînés coupent dans les extras, les familles renoncent aux sorties, aux loisirs, à tout ce qui n’est pas strictement nécessaire. L’alimentation, jadis source de plaisir, devient source d’angoisse, de frustration, de honte parfois.
Des choix impossibles
Face à la hausse des prix, les familles font des choix impossibles. On sacrifie la qualité pour la quantité, on troque les fruits frais contre des conserves, on zappe le bœuf pour des pâtes, on réduit les portions, on saute le dessert. Les enfants le sentent, le vivent, le subissent. Les parents culpabilisent, s’épuisent à trouver des solutions, à masquer la réalité. Les banques alimentaires croulent sous la demande, les bénévoles s’épuisent, les dons s’amenuisent. La précarité n’est plus l’exception, elle devient la norme, le quotidien, la règle non écrite d’une société en crise.
Les oubliés du système
Dans cette tempête, certains sombrent plus vite que d’autres. Les étudiants, les familles monoparentales, les personnes âgées, les travailleurs précaires sont en première ligne. Les aides gouvernementales, souvent insuffisantes, n’arrivent pas à compenser la flambée des prix. Les organismes communautaires, débordés, font ce qu’ils peuvent, mais la demande explose. Les files s’allongent, les visages se ferment, la honte s’installe. On parle d’une crise passagère, mais les solutions tardent, les promesses s’envolent, et la réalité s’impose, brutale, implacable.
La récession approche : l’économie en chute libre

Les signaux d’alarme s’accumulent
Les économistes sont unanimes : le Québec s’enfonce dans une récession. Deux trimestres consécutifs de croissance négative s’annoncent, et la morosité s’installe. Les guerres tarifaires, la baisse de la demande mondiale, la multiplication des licenciements plombent l’économie. Les entreprises ferment, les investissements chutent, le chômage grimpe. Les familles, déjà fragilisées, encaissent le choc. Les services publics, étranglés par les coupes, peinent à répondre à la demande. L’État, dépassé, tente de limiter les dégâts, mais la crise est profonde, structurelle, durable.
Un avenir incertain
L’incertitude règne. Les jeunes doutent, les aînés s’inquiètent, les familles s’adaptent tant bien que mal. Les perspectives d’emploi s’assombrissent, les salaires stagnent, les dettes explosent. Les rêves d’ascension sociale s’effondrent, la mobilité sociale recule, la confiance s’érode. Les plus vulnérables paient le prix fort, mais personne n’est à l’abri. La peur du lendemain s’installe, insidieuse, corrosive, paralysante. On parle de résilience, de capacité d’adaptation, mais la réalité, c’est la fatigue, l’usure, la lassitude.
Les réponses politiques en question
Face à la crise, les réponses politiques peinent à convaincre. Les mesures d’urgence s’enchaînent, les promesses pleuvent, mais sur le terrain, peu de choses changent. Les aides sont jugées insuffisantes, mal ciblées, trop lentes. Les citoyens se sentent abandonnés, trahis, oubliés. La confiance dans les institutions s’effrite, la colère monte, la résignation gagne du terrain. On attend un sursaut, un geste fort, une vision, mais rien ne vient. Le Québec vacille, hésite, tâtonne, cherche son souffle.
La classe moyenne disparaît : mythe ou réalité ?

Un seuil de plus en plus inaccessible
Pour appartenir à la classe moyenne à Québec, il faut désormais un revenu annuel d’au moins 103 900 $, après impôts et transferts. À Montréal, le seuil est à 94 700 $. Des chiffres qui donnent le vertige, qui excluent une part croissante de la population. Les familles peinent à atteindre ce niveau, malgré deux salaires, malgré les efforts, malgré les sacrifices. Les aléas de la vie – maladie, chômage, séparation – suffisent à faire basculer dans la précarité. La classe moyenne, jadis pilier de la société, devient un mirage, un souvenir, une nostalgie.
Les inégalités explosent
L’écart entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi grand. Les 20% les plus riches possèdent près du tiers de la richesse totale, tandis que les plus pauvres peinent à joindre les deux bouts. Les transferts de l’État, jadis garants d’une certaine équité, peinent à compenser la flambée des prix. Les inégalités se creusent, la mobilité sociale recule, la frustration monte. On parle de justice sociale, mais la réalité, c’est l’exclusion, la stigmatisation, la colère.
La société à deux vitesses
Le Québec glisse vers une société à deux vitesses. D’un côté, une élite qui s’enrichit, qui investit, qui profite. De l’autre, une majorité qui survit, qui s’endette, qui renonce. Les quartiers se gentrifient, les écoles se séparent, les réseaux se fragmentent. La cohésion sociale s’effrite, la confiance disparaît, la peur de l’autre s’installe. On assiste, impuissants, à l’effondrement d’un modèle, à la fin d’une époque.
Résister ou sombrer : le choix du Québec

Les initiatives citoyennes en première ligne
Face à la crise, des citoyens s’organisent. Les banques alimentaires, les coopératives d’habitation, les groupes de défense des droits multiplient les initiatives. On partage, on s’entraide, on invente de nouvelles solidarités. Les réseaux sociaux deviennent des espaces de mobilisation, de dénonciation, de soutien. Les jeunes, particulièrement touchés, refusent de baisser les bras. Ils manifestent, s’engagent, créent, innovent. La résistance s’organise, discrète, déterminée, obstinée.
Réinventer la solidarité
La solidarité ne se décrète pas, elle se construit, jour après jour, geste après geste. Les crises révèlent le meilleur et le pire : l’égoïsme, mais aussi la générosité, la créativité, la résilience. Les familles s’entraident, les voisins se soutiennent, les inconnus se tendent la main. On redécouvre la force du collectif, la puissance de l’engagement, la beauté du don. La crise, si elle nous divise, peut aussi nous rassembler, nous pousser à réinventer nos liens, à repenser notre rapport à l’autre.
Le rôle des médias, entre information et mobilisation
Les médias jouent un rôle crucial. Ils informent, alertent, dénoncent, mais ils peuvent aussi mobiliser, inspirer, fédérer. Il ne suffit plus de rapporter les faits : il faut les mettre en perspective, les expliquer, les contextualiser. Il faut donner la parole à ceux qu’on n’entend jamais, raconter les histoires invisibles, briser les silences. Le journalisme, aujourd’hui, doit être un acte d’engagement, de résistance, de courage.
Conclusion – Québec, l’aube d’une renaissance ?

Sortir du tunnel, ensemble
Le Québec traverse une crise d’une ampleur inédite. Les conflits syndicaux, la flambée des loyers, l’explosion du panier d’épicerie, la montée des inégalités, la disparition de la classe moyenne, tout concourt à fragiliser le tissu social. Mais au cœur de la tempête, des lueurs d’espoir subsistent. Les initiatives citoyennes, la résilience des familles, la créativité des jeunes, la force du collectif montrent que rien n’est joué, que tout reste possible. Il faudra du courage, de l’audace, de la solidarité. Il faudra repenser, reconstruire, réinventer. Mais le Québec a déjà prouvé, par le passé, qu’il savait se relever, se réinventer, renaître de ses cendres. L’aube d’une renaissance est possible, mais elle ne viendra pas d’en haut. Elle viendra de nous, de notre capacité à résister, à inventer, à espérer.