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Le rempart de Taïwan, une parade vitale face à la mer grondante de menaces chinoises
Credit: Adobe Stock

Si je devais résumer la situation en une image, ce serait celle d’un rocher minuscule bousculé, encerclé, mais jamais submergé par l’océan. Taïwan, c’est cette île, cette sentinelle du Pacifique. Depuis quelques années, chaque été ressemble à un bras de fer, une épreuve de nerfs, avec une tension qui palpite dans l’air. C’est dans ce climat que prennent place les manœuvres Han Kuang, devenues l’un des évènements militaires les plus observés d’Asie. Pour moi, la gravité de ces exercices ne tient pas seulement dans la longueur accrue ou le nombre record de réservistes mobilisés. Non, c’est plutôt le message, à la fois cri du cœur et cri de guerre, qu’ils adressent au monde : la liberté, la démocratie, la souveraineté, ça ne se négocie pas. J’ai l’impression, en les regardant s’entraîner, d’entendre battre le pouls de toute une nation, acculée mais fière, qui hurle à la tempête de ne pas s’approcher.

La montée en puissance des manœuvres Han Kuang

Les manœuvres Han Kuang de 2025 n’ont rien d’une simple répétition militaire. Le gouvernement taïwanais, faisant face à l’intimidation croissante de Pékin, a déployé pour la première fois un nombre record de 22 000 réservistes sur dix jours et neuf nuits. Ces exercices n’ont pas été conçus pour rassurer, mais pour prouver que, face à la montée de la menace chinoise, Taïwan n’est pas prête à se laisser dominer. On pourrait croire à un jeu d’échec géant, mais la réalité, c’est que chaque tactique, chaque mouvement, chaque simulation d’invasion orchestrée, possède un poids existentiel. Cette année, l’île a aussi innové, intégrant de nouveaux équipements de pointe américain, comme les systèmes de lance-roquettes HIMARS et des chars d’assaut M1A2 Abrams flambant neufs. Tout, dans cette chorégraphie guerrière, vise à renforcer une défense asymétrique, rendant toute tentative d’invasion aussi imprévisible que coûteuse pour l’ennemi.

Ce qui frappe, c’est la dimension presque rituelle de ces manœuvres. Depuis 1984, l’exercice s’est transformé en rituel national : chaque tir de missile, chaque simulation de débarquement, chaque scénario catastrophe rappelle aux 23 millions de citoyens de l’île qu’ils restent les gardiens d’un précieux bastion démocratique en Asie. Cet esprit de mobilisation générale, ces réservistes convoqués en masse, tout ceci contribue à tisser un récit de résistance où la peur cède la place à la détermination.

Comment ne pas ressentir une certaine admiration ? Année après année, le dispositif se raffine, se muscle, répond aux menaces de la Chine qui aligne navires, avions et missiles toujours plus près des côtes taïwanaises. Mais ici, loin de céder à la panique, l’armée taïwanaise s’entraîne, anticipe, se prépare à l’inévitable. Oui, Han Kuang est plus qu’un simple exercice, c’est la promesse d’une riposte face à l’adversité.

Un défi stratégique : Pékin resserre l’étau

Face à la puissance chinoise, Taïwan apparaît souvent comme le « petit poucet », mais ce serait une erreur d’analyse. Jamais la stratégie de défense taiwanaise n’a été aussi agile, flexible, hybride. Les manœuvres, cette année, démontrent la volonté farouche de Taipei de ne pas se faire prendre au piège d’une guerre frontale, mais d’affaiblir progressivement les capacités d’agression de l’ennemi. Car Pékin, plus que jamais, multiplie les provocations : 31 avions de combat et 7 navires militaires chinois repérés en vingt-quatre heures près de l’île, cela n’a rien de l’exercice de routine. Il faut voir dans ces mouvements une pression psychologique continue, un harcèlement qui vise à user le moral autant que les effectifs.

Ma conviction, c’est que l’obsession chinoise autour de Taïwan dissimule bien plus qu’une question de territoire. C’est la survie même d’un modèle politique, d’une façon d’être au monde, qui se joue ici sur les plages, les routes, les cieux taïwanais. Il ne s’agit pas simplement de repousser un envahisseur, mais de défendre l’idée même de pluralité et d’autodétermination, ces mots que Pékin regarde avec suspicion. Intransigeante, la Chine ne craint pas de jouer de tout son arsenal, du blocus aux cyberattaques, pour faire plier l’île. Pourtant, chaque manœuvre Han Kuang accentue l’incompréhension et la défiance entre les deux rives, et fait monter d’un cran la tension dans le détroit.

La force du dispositif taïwanais, c’est justement de parvenir à répondre du tac au tac, souvent avec la ruse, là où la puissance brute chinoise échoue à intimider. Chaque mobilisation taïwanaise envoie un signal fort à la communauté internationale. Si ce conflit devait éclater, il embraserait tout le Pacifique et au-delà. Voilà pourquoi Han Kuang cristallise autant d’attention, autant d’espoirs que de peurs.

L’importance symbolique de la riposte

On pourrait penser qu’il ne s’agit que d’une question militaire, de chiffres et de technologies, mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Lorsque le ministre de la Défense, Wellington Koo, martèle que son pays possède « la confiance et la capacité de défendre une vie libre et démocratique », il sait que l’enjeu dépasse le cadre national. Il s’agit de maintenir à flot un symbole, celui d’un îlot de démocratie encerclé par une mer d’autoritarisme. La résistance de Taïwan, à travers Han Kuang, est observée avec autant de suspicion par ses voisins qu’avec admiration par ses alliés.

Dans la longue tradition des conflits asymétriques, c’est souvent la capacité d’un plus petit acteur à surprendre, à harceler, à rendre le coût d’une victoire intenable, qui finit par déjouer les plans de la superpuissance. Taïwan, en modernisant ses capacités de guerre électronique, en multipliant les drones et les frappes de précision, joue cette carte de la dissuasion par la résilience. Cette année, les exercices incluent des scénarios de « zone grise », des actions ambiguës où la limite entre paix et guerre s’efface. C’est là aussi que réside la complexité : comment préparer la nation à tous les scénarios sans sombrer dans la psychose ou la provocation inutile ?

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