Moscou et Saint-Pétersbourg assiégées : les drones ukrainiens percent le cœur de la Russie
Auteur: Maxime Marquette
La nuit n’a rien effacé. Moscou s’est levée dans la stupeur, Saint-Pétersbourg s’est figée en silence sous les néons pâles. Aucune certitude n’a résisté au rugissement des alertes anti-aériennes. L’angoisse s’est propagée comme un feu froid, d’immeuble en immeuble, des quartiers chics à la périphérie modeste. Ce jeudi 17 juillet 2025, le mythe d’une Russie invulnérable s’est éventré : une salve de drones ukrainiens a traversé la frontière, brisant l’ordre mécanique de deux mégapoles, redéfinissant à jamais la perception de la sécurité au sein de l’empire de Vladimir Poutine. La guerre n’est plus lointaine. Elle s’est invitée dans les parcs, sur les boulevards, sur les écrans, dans chaque dialogue haletant entre voisins hagards. Un événement rarissime, un choc d’une intensité inédite, dont la portée dépasse la simple chronique des faits : la Russie vacille sous la pression, la peur se répand et, dans les plis de la propagande, les fissures apparaissent.
Fragments d’effroi : impacts, réactions, paralysie aérienne

Déferlante dans la capitale : ciel fracturé au-dessus de Moscou
Chronique d’un assaut annoncé, mais jamais cru. Vers 2h du matin, l’air s’est lourdement chargé de cette tension qui précède le chaos. Les drones abandonnent la discrétion : plusieurs appareils percent l’enceinte électrifiée de la capitale. Les sirènes s’affolent. Trois engins bruyamment abattus à l’approche, affirment les autorités, dans un communiqué au ton trop assuré. L’aéroport Vnukovo ferme en urgence, paralysant le trafic d’affaires, suspendant le ballet des riches et des puissants. La mairie tente de rassurer, évoque des débris sans gravité – mais les images de carcasses fumantes et de ruines urbaines glissent sur Telegram, reprises, commentées, parfois accentuées. Moscou découvre la vulnérabilité, l’impuissance. Même les quartiers gouvernementaux, bétonnés par la force, vibrent sous la peur. Les Moscovites essayent de dormir, s’agitent, guettent le moindre bruit suspect : plus rien ne sera comme avant.
Ce matin, dans l’air glacé de la ville qui ne dort jamais, un sentiment revient, lancinant : celui de la fin programmée de l’ère de quiétude. Les tentatives de minimiser l’événement achoppent contre la réalité brute : ce n’est déjà plus un accident, c’est une offensive méticuleuse. Sur chaque fil d’info, le mot “drone ukrainien” s’imprime en lettres rouges, martèle la tête des citoyens, obsède les commentateurs, inquiète les sceptiques, affole les fidèles. Une faille s’ouvre.
De l’autre côté de la ville, les forces spéciales quadrillent les rues adjacentes. Difficile de distinguer la routine du plan d’urgence : la police patrouille, la rumeur enfle, les commerces ferment en hâte. Même le rouleau compresseur médiatique du Kremlin peine à reconquérir le récit. Le réel s’est imposé, brutal, indiscutable : Moscou n’était prête à rien, surtout pas au réveil de la guerre en son propre sein.
Saint-Pétersbourg paralysée : l’aéroport Pulkovo à l’arrêt
À plus de 700 kilomètres au nord, Saint-Pétersbourg n’a pas été épargnée. Le temps s’est soudain figé : vers 5h, l’aéroport Pulkovo ferme ses pistes dans la précipitation. Les voyageurs errent, hébétés, valises à la main, sous les airs métalliques des brefs messages diffusés par haut-parleur. Les départs sont reportés, dix vols minimum retardés, des centaines de passagers entassés, les nerfs à vif. Un ballet d’urgence se met en place : postes de contrôles, files blindées, fouilles improvisées, mains qui tremblent sur chaque sac. Au dehors, la rumeur d’autres drones abattus grossit – certains, selon l’agence TASS, auraient été neutralisés à l’est grâce à des systèmes de guerre électronique d’une puissance jusqu’ici jamais utilisée aussi massivement sur le territoire national.
Dans les quartiers périphériques, la colère monte face au sentiment d’abandon ; la peur s’exprime par vagues muettes, les enfants réveillés trop tôt, les mères qui rassurent par des gestes automatiques, la fatigue qui ajoute à l’incompréhension. Même les plus ardents soutiens du pouvoir contaminent leurs récits de doutes et de ressentiments. Saint-Pétersbourg, bastion culturel, bascule à son tour dans une forme d’état de guerre, imposé, subi, mal digéré. Les vols suspendus, les rues fuyantes, les autobus bondés, tout traduit cette panique froide qui s’insinue dans la moindre conversation.
Des opérateurs téléphoniques peinent à gérer l’afflux d’appels paniqués, des touristes se retrouvent livrés à eux-mêmes – la ville qui jamais ne se taisait devient son propre décor de film catastrophe. Cette image d’un terminal déserté, de portiques silencieux, hantera longtemps la mémoire locale. Derrière le vernis du quotidien, la certitude se fissure : la guerre s’écrit désormais là, entre Neva gelée et réseaux souterrains, à portée des doigts et des craintes.
Ruée sur les frontières numériques et sociales
Le choc initial passé, une autre guerre, plus sourde, s’engage dans les âmes connectées. Twitter, Telegram, VKontakte : jamais les flux n’avaient enflé aussi vite de “témoignages”, de vidéos, de fausses alertes parfois, de cris virtuels multipliés à l’infini. Un effondrement progressif du récit unique. Les autorités tentent d’établir l’origine exacte des drones : certains auraient décollé de territoires reconquis par l’Ukraine, d’autres n’auraient fait qu’un détour stratégique. Chacun cherche une logique, une explication, une faille à combler. Les débats explosent entre nationalistes hurlants, pacifistes moqueurs, experts soi-disant avertis, tous déstabilisés par cette sidération collective.
Dans l’empressement, des vidéos anonymes apparaissent : on y voit, de nuit, le ciel zébré de traînées lumineuses, des impacts minuscules suivis d’ondes de choc insidieuses. Les firmes de cybersécurité multiplient les messages rassurants puis, en coulisses, mettent elles-mêmes leur réseau national en “mode défense d’urgence”. Le sentiment d’être pris au piège, de ne plus contrôler aucun aspect de l’existence collective, s’enracine vite.
Les consignes de sécurité gouvernementales saturent les ondes, parfois contredites par des rapports contradictoires du terrain : qui croire ? La méfiance, désormais, a colonisé chaque geste. Des rues, on passe au dedans des têtes, à la bataille pour la maîtrise du récit. Qui détient encore la main ?
Vague de drones : une stratégie ukrainienne assumée et symphonique

L’ampleur jamais vue d’une offensive : 126 drones interceptés
La Russie affirme avoir abattu 126 drones ukrainiens en une seule nuit. C’est un chiffre record, qui dépasse les offensives précédentes des 11 et 15 juillet, où déjà plus de 100 appareils avaient tenté d’atteindre le cœur du territoire russe. Depuis l’été, Kiev multiplie ces initiatives : chaque attaque est présentée comme une réponse symétrique à la multiplication des frappes russes sur Donetsk, Dnipro, ou Odessa. Sur cette toile de fond, chaque “succès” ukrainien devient doublement stratégique : il s’agit de fragiliser la chaîne de commandement adverse, mais aussi de semer la peur, bien réelle, dans la société russe.
Les instructions techniques sont méticuleuses : usage massif de la guerre électronique, attaques coordonnées sur une douzaine de régions, de la frontière ukrainienne au nord-ouest industrieux de la Russie. Les drones, parfois rudimentaires, parfois sophistiqués, déconcertent par leur imprévisibilité. Moscou l’admet à demi-mot : l’interception ne sera jamais totale, il faudra vivre avec la menace, réévaluer sans cesse la doctrine de défense intérieure.
Chaque bilan s’accompagne d’un décompte macabre : deux morts, plusieurs blessés signalés dans les oblasts de Belgorod, Voronej, Kaluga, Smolensk. Parfois, un drone touche une cible civile, la propagande s’empare du motif – mais la cible première reste militaire : entrepôts, postes de commandement, infrastructures sensibles. La Russie découvre, peinée, que la dissuasion totale n’existe pasau XXIe siècle.
Saint-Pétersbourg : recul stratégique ou nouvelle frontière ?
L’incursion jusqu’à Saint-Pétersbourg n’est pas seulement un coup de poker technologique, c’est une manœuvre psychologique d’ampleur. Les analystes occidentaux y lisent une volonté de démontrer à Vladimir Poutine qu’aucune ville, aucun bastion, n’est hors de portée. À chaque attaque, l’aéroport Pulkovo ferme ponctuellement, désorganisant le trafic, marquant dans la mémoire collective une vulnérabilité nouvelle. Certains officiels russes n’hésitent plus à parler d’« état de siège latent » ; les compagnies aériennes s’organisent autour de créneaux instables, la routine est fissurée.
L’impact économique est immédiat : des milliers de personnes affectées, le commerce paralysé, les investisseurs internationaux sur la défensive. Parallèlement, le routage des vols commerciaux est bouleversé, la Russie étant priée par l’IATA de garantir de nouveaux couloirs sécurisés faute de quoi l’espace aérien nord-ouest devient une zone à risques. L’image d’un pays « maître du jeu » vole en éclats dans l’opinion publique mondiale.
Mais l’effet le plus insidieux est mental : l’idée d’une ligne rouge franchie, d’un sanctuaire profané. Saint-Pétersbourg, deuxième capitale, se trouve désormais reliée par la peur à la réalité quotidienne des villes de frontière. La Russie se découvre fracturée dans son imaginaire.
Extension de la crise jusqu’en zone frontalière : Belgorod, Smolensk, Kaluga, Voronej touchés
Loin de se limiter à deux grandes villes, la vague d’attaques a submergé tout l’ouest russe : Belgorod déplore la mort d’une femme dans la nuit, Smolensk signale 14 drones interceptés, des dégâts ponctuels à Kaluga, trois mineurs blessés à Voronej. Les gouverneurs jonglent avec les bilans, les consignes changent d’heure en heure. Le sentiment d’insécurité gagne l’intérieur des terres, forçant la population à admettre une évidence glaçante : la géographie de la peur s’étend bien au-delà de la zone d’invasion initiale.
Les systèmes S-400 saturent, les équipes de premiers secours patrouillent, le ministère des situations d’urgence ouvre des lignes d’écoute. À chaque nouvelle alerte, les habitants fuient, s’enferment, s’agglutinent devant la moindre information jugée fiable. L’armée russe mobilise, enrage, mais le ciel se peuple de menaces invisibles, la nuit ne repose plus personne. Une Russie sur la défensive, nouvelle et méconnaissable.
Entre déni, fatalisme et colère, le récit national se désagrège : on ne sait plus si on doit accuser la négligence, l’arrogance, ou la fatalité. La tension monte à chaque coin de rue, la défiance gagne jusqu’aux institutions, la fracture sociale s’approfondit.
Réactions et contre-offensive : du sommet à la rue, une Russie bousculée

Les autorités : entre discours martial et inquiétude palpable
Officiellement, le Kremlin affiche la maîtrise – Vladimir Poutine dénonçant la “barbarie occidentale”, promettant des représailles implacables. Dans les coulisses pourtant, l’inquiétude est lisible : le Conseil de sécurité russe se réunit en urgence, la communication officielle multiplie les avertissements mais peine à fournir des explications convaincantes. Le ministre de la Défense annonce de nouvelles étapes de saturation anti-drone, des “zones rouges” sur une carte en perpétuel remaniement.
L’idée même d’une frontière sûre a disparu des éléments de langage. Les voix discordantes percent, des hauts fonctionnaires émettent des points d’alerte, critiquent in petto la faiblesse des défenses stratégiques. On recommande l’usage accru de brouilleurs, l’emploi de milices informatisées pour traquer les signaux suspects. Plus question de minimiser : le récit national s’enlise.
Les agences de renseignement travaillent à réécrire la trame narrative : chaque attaque, chaque interception devient argument de propagande, mais le fil est ténu, la peur déborde. Les rues des grandes villes bruissent, le pouvoir regarde la défiance l’emporter dans les regards, sur les lèvres, dans la lassitude omniprésente de ses administrés.
Les populations : sidération, colère et résilience improvisée
Du Kremlin à l’appartement précaire, Moscou et Saint-Pétersbourg vibrent d’une angoisse commune. Les témoignages affluent, les files devant les magasins de première nécessité s’allongent. Dans les immeubles, on pose du ruban adhésif sur les vitres, on aménage des caves en abris de fortune, on chuchote plus qu’on ne parle. La solidarité s’improvise entre voisins inquiets. Des groupes en ligne se forment pour alerter les habitants à la moindre attaque signalée.
Dans certains arrondissements, la colère gronde : “Pourquoi nous ? Pourquoi ici ?” Les réponses officielles, perçues comme creuses, laissent place à un profond sentiment d’incompréhension. La routine est brisée, chacun cherche une stratégie de survie. Les écoles avancent l’heure de fermeture, les entreprises experimentent le télétravail d’urgence, la vie se contracte sur l’essentiel.
Des élans de courage, parfois de bravade, percent tout de même. Quelques jeunes filment les impacts, postent des messages de défi. Mais la société civile, dans son ensemble, paraît assommée. Le choc psychologique prime, la sidération fige jusqu’aux gestes les plus élémentaires. Une Russie qui ne se reconnaît plus.
Les réseaux sociaux : théâtre virtuel de la guerre psychologique
Sur internet, la bataille de la viralité bat son plein. Les médias pro-Kremlin tentent d’imposer leur interprétation, mais les « vérités alternatives » débordent vite l’espace officiel. Les hashtags #MoscouSombre, #DronesSaintPétersbourg, #UkraineStrike s’installent dans le paysage, multipliant les angles d’analyse et les narrations contradictoires. Des vidéos d’explosions anonymes circulent – vraies, truquées, peu importe : le sentiment d’être envahi l’emporte sur la rigueur de l’information.
Le Kremlin réagit en limitant temporairement certaines plateformes, tente des coupures techniques, mais la technologie le devance souvent. Même les chaînes Telegram habituées à la censure se trouvent débordées par la masse de contenus générés. Des rumeurs de nouvelles frappes sont relayées, amplifiant la spirale de panique. Les autorités demandent de “ne pas céder à la désinformation” – mais la confiance se dissoud.
L’émergence de nouvelles figures, blogueurs, reporters en direct, fédèrent des communautés de résistance numérique. Moscou n’est plus une forteresse d’informations verrouillées : la guerre d’image se joue chaque minute, avec, dans chaque pixel, l’ombre des drones et l’écho des peurs collectives.
Changements de paradigme : la Russie coupée du monde ?

Paralysie des transports aériens : la ville-monde à l’arrêt
En ce jour extraordinaire, Moscou et Saint-Pétersbourg ont découvert la réalité de la “ville fermée” version XXIe siècle. Plus d’une dizaine de vols suspendus à Pulkovo ; à Vnukovo et Kaluga Grabtsevo, c’est la même angoisse : avions bloqués au sol, pilotes et équipages confinés, passagers hagards. L’économie, déjà fragilisée par les sanctions internationales, voit ses échanges commerciaux ralentir, le tourisme se contracter, l’incertitude s’imposer comme norme.
Les hubs logistiques repensent en urgence leurs flux – impossible d’assurer la continuité avec des couloirs aériens menacés. Le business russe, habitué à contourner les difficultés, bute cette fois sur un problème concret, tangible, que ni la corruption ni les arrangements ne suffisent à neutraliser : la peur de voler – ou de rester piégé au sol. Tout le confort moderne s’efface quand la sécurité s’effondre. Pour la première fois, la Russie n’est plus un passage, mais une nasse dont il devient difficile de sortir.
Ce bouleversement fend la narration nationale : le sentiment de puissance cède la place à la vulnérabilité. Les rêves de grandeur s’évaporent sur le tarmac, les parois vitrées de Pulkovo se couvrent de la buée d’une humanité revenue à l’état de survie.
Effondrement du mythe de l’inviolabilité russe
Pendant des décennies, la Russie a bâti le mythe d’une frontière infranchissable, d’une capitale hors d’atteinte. En ce mois de juillet, l’illusion vole en éclats. Plus question de se rassurer à coup d’étendards brandis : les faits sont là, implacables. Des drones sont venus, ont frappé, ont perturbé chaque élément de routine, de la circulation automobile à la simple livraison de pain frais. La société russe, pourtant endurcie, titube. On se remémore les temps stables, on regrette l’insouciance, on redoute le lendemain.
Les hauts lieux du pouvoir désertent le vocabulaire de la toute-puissance. L’humilité se niche dans les discours, minime mais bien présente. Aux dernières nouvelles, d’autres drones seraient déjà “en route” selon des comptes ukrainiens fiers de leur démonstration. La Russie n’a plus le monopole du récit “inattaquable” : chacun pressent que la nouvelle phase de la guerre sera imprévisible, chaotique, longue.
La mémoire collective évolue vite, forgeant légendes et regrets à la chaîne. Rien ne sera jamais plus comme avant. Le mythe, sacrifié sur l’autel de la réalité, laisse derrière lui un peuple obligé de composer avec l’incertitude, chaque jour, chaque nuit.
Remise en cause du modèle sécuritaire “préventif”
Depuis février 2022, le régime a misé sur une sécurité purement préventive, centralisée, numérique, omnisciente. Les échecs de ce 17 juillet révèlent le prix du décalage entre la propagande et le réel : la prévention ne suffit plus, la réponse doit être globale, collective, citoyenne. Les cellules d’urgence ne parviennent plus à masquer les failles organisationnelles, la confusion règne jusqu’au sommet de l’état-major.
Les réunions de crise se multiplient, les plans changent d’heure en heure, la panique gagne les échelons intermédiaires. Les tentatives de centralisation s’opposent à la réalité fragmentée du terrain. Certains experts russes réclament une “révolution de la doctrine défensive” : il faut plus que des caméras de surveillance et des algorithmes de traçage pour contrer la multiplication des attaques aériennes low-cost.
La population, confrontée quotidiennement au tableau clignotant des menaces, n’attend plus grand-chose du pouvoir. Entre soumission et adaptation, l’avenir reste flou. Ce jour-là, la Russie s’est découverte humaine, faillible, et peut-être pour la première fois depuis des décennies, désarmée face à l’agilité d’un adversaire inattendu.
Ukraine : rupture, innovation, spectralité stratégique

La stratégie décentralisée des frappes de drones
Pour comprendre la portée de l’assaut, il faut revenir à la doctrine ukrainienne nouvelle : la guerre par le drone, par l’innovation décentralisée. Cent unités, mille opérateurs, des centres de pilotage répartis dans tout le pays, parfois même à l’étranger. Chaque escouade adapte, invente, sophistique. Le résultat : une vague d’attaques simultanées – 126 drones interceptés en une nuit, 167 lors de l’assaut du 11 juillet, une cadence que même les renseignements occidentaux peinent à décrypter. Les experts parlent de “guerre algorithmique”, de “nuée adaptative” : la Russie n’affronte plus une armée, mais une bande de fantômes technologiques.
L’objectif est clair : harceler, surprendre, saper la confiance du système adverse, épuiser ses ressources sans entrer dans la logique de l’escalade nucléaire. À chaque raid, la Russie doit mobiliser des dizaines d’équipes, multiplier les relais de commandement, avouer ses faiblesses. La Russie s’use, l’Ukraine s’adapte.
Il ne s’agit pas seulement d’infliger des pertes matérielles, mais de remporter la bataille de la peur, de l’incertitude et du temps long. C’est une leçon cruelle, une horlogerie féroce, aux conséquences difficilement mesurables sur les mois à venir.
L’essor industriel accéléré du drone ukrainien
Derrière chaque attaque, une chaîne de production mobilisée : l’Ukraine table pour l’année sur plusieurs millions d’unités, tous calibres confondus, grâce à une mobilisation industrielle sans précédent, appuyée par des partenariats transatlantiques. Ateliers discrets, usines improvisées dans l’est, réseaux logistiques digitalisés pour l’assemblage minute : c’est tout un peuple qui s’improvise constructeur, technicien, stratège.
Les résultats ne cessent de surprendre : chaque salve compte des modèles différents, certains “jetables” à bas coût, d’autres bardés de technologies furtives, certains même pilotés par IA. Dans les médias occidentaux, cette production de masse fascine : jamais une guerre n’a vu une telle mutation en si peu de temps. La Russie n’a, jusqu’à présent, proposé aucun équivalent crédible à cette ruée technologique.
Au-delà de l’effet tactique, c’est une révolution culturelle : la guerre n’est plus affaire d’usure mécanique, mais de créativité bouillonnante, de piraterie numérique, de hacking psychologique.
Une diplomatie qui assume l’escalade
Côté ukrainien, la stratégie offensive n’est ni un accident, ni une improvisation. Les responsables de Kiev annoncent : tant que Moscou bombarde les villes ukrainiennes, la “réciprocité” sera totale. Sur les plateaux internationaux, le ministre de la Défense assume le tournant : “Nous irons là où l’ennemi se croit intouchable.” Les alliés occidentaux, tout en appelant à la retenue, fournissent des outils techniques, des images satellites, des fonds massifs pour développer encore la vague dronique.
Sur le front diplomatique, l’enjeu est double : démontrer la capacité à porter la guerre chez l’agresseur, tout en évitant le franchissement de lignes rouges qui provoqueraient une escalade nucléaire. Les messages à Washington, à Bruxelles, à l’ONU sont clairs : il s’agit de casser la dynamique russe en jouant sur l’asymétrie, la surprise, la plasticité.
L’Ukraine a choisi une guerre d’usure inversée : ce ne sont plus les défenseurs qui tiennent, mais les assaillants qui sont usés, forcés de défendre leur territoire, contraints à l’improvisation, à l’épuisement matériel et moral. Ce pari, risqué, redéfinit les potentialités du conflit sur le long terme.
Bilan d’une nuit, conséquences d’un basculement

Victimes civiles et effet domino
Au matin du 17 juillet, le bilan, provisoire, fait froid dans le dos : plusieurs morts confirmés, des blessés à travers tout l’ouest russe, des mineurs touchés à Voronej, une femme tuée à Belgorod, dans une séquence de violence où la frontière entre civil et militaire se dissout. Des centaines, voire des milliers, de Moscovites et de Pétersbourgeois en état de choc, dans l’attente d’une nouvelle attaque. Les systèmes de secours saturent, les autorités peinent à suivre le rythme : la population découvre la fragilité absolue d’un monde pourtant conçu pour durer.
L’effet domino menace : plus la peur s’installe, plus la panique creuse des gouffres dans le tissu social russe. Dans les campagnes, des villages s’éteignent, dans les capitales les parents hésitent à envoyer les enfants à l’école. Les effets secondaires – psychologiques, économiques, démographiques – risquent de peser sur la Russie bien plus longtemps que la politesse des bilans officiels ne veut bien l’admettre.
L’ombre d’un exode incontrôlé plane sur les zones frontières : voyant la déroute des systèmes de protection, certains Russes envisagent déjà, secrètement, l’idée de franchir la frontière, de chercher refuge plus loin. C’est un visage nouveau du conflit, que peu osaient anticiper deux ans plus tôt.
Vers une escalade inévitable ?
La grande question reste en suspens : quelle sera la réaction de la Russie ? Depuis le début de la crise, Poutine promet : chaque “attaque sur le territoire sacré” appellera “une réponse sans pitié”. Problème : les ressources s’amenuisent, la crédibilité aussi. Les experts militaires évoquent des options de surenchère, mais la crainte de la contagion régionale tempère toutes les ardeurs. Les alliés de Moscou, Iran en tête, soufflent le chaud et le froid.
Du côté ukrainien, la détermination ne faiblit pas. À Kiev, la victoire psychologique du jour est fêtée discrètement, sur fond de deuils amers et de sobriétés stratégiques. Chacun le sait : demain, la Russie frappera plus fort quelque part, la boucle infernale continue. L’Europe s’inquiète, l’Amérique tergiverse, la Chine surveille.
Nul ne détient la boussole. L’escalade paraît inévitable, le calme impossible. Jusqu’à quel point ? L’attente, insoutenable, devient la matière même du quotidien ruso-ukrainien.
Un monde suspendu à l’imprévisible
L’envergure des événements de cette nuit fait basculer le conflit dans une nouvelle ère. Plus aucun analyste ne s’aventure à prophétiser la suite : tout est possible. Un dialogue de paix ? Une généralisation des attaques ? Un effondrement social ? L’histoire reste à écrire. Ce qui demeure, c’est ce sentiment d’urgence absolue, la conviction que la guerre moderne sera faite de cycles d’innovations cruelles, de fractures psychologiques, de peurs têtues.
La société internationale observe, inquiète, impuissante. Derrière chaque communiqué officiel, il y a la peur du précédent : que d’autres guerres s’inspirent de cette dissymétrie, que d’autres capitales découvrent à leur tour la vulnérabilité. C’est désormais la norme géopolitique du siècle : le retour de la guerre chez soi.
À Moscou, à Saint-Pétersbourg, en Ukraine, l’attente, l’indécision et la colère s’entrelacent. Les réponses viendront – ou pas. D’ici là, chacun tente de surmonter sa propre nuit.
Conclusion : l’histoire se joue, l’urgence demeure

Ce 17 juillet 2025 est une date-rupture : le conflit russo-ukrainien vient de franchir un cap décisif, bouleversant pour Moscou, traumatisant pour Saint-Pétersbourg, révélateur pour le monde. Les frappes de drones ukrainiens ne sont pas un simple fait militaire, elles sont la marque d’une époque – celle où la sécurité devient fiction, où la peur se démocratise, où l’innovation technologique supplante la vieille dissuasion. Rien ne sera effacé par la poussière des reconstructions : la prestigieuse capitale et la “Venise du Nord” partagent désormais la même angoisse, le même vide. Que viendra-t-il après ? Une autre vague, un autre silence ? En attendant, il s’agit de regarder la vérité en face, d’admettre l’urgence, et d’oser dire que parfois – dans le bruit des sirènes, des drones et des rumeurs –, la seule résistance possible, c’est de ne pas taire ce que la réalité a d’inacceptable.