Trump, l’alignement de l’abîme : quand Washington épouse l’intransigeance israélienne face aux Palestiniens
Auteur: Maxime Marquette
Un matin congestionné d’angoisse
Le réveil sonne, mais rien ne résonne plus fort que ce flux d’alertes. Un nom, ce matin-là, déchiré partout : Trump. Puis une phrase, acide et coupante, ressort et gifle la torpeur : « Il n’y a plus de place pour les demi-mesures, ni pour les compromis. » En quelques heures, la scène internationale s’est trouvée secouée – Gaza brûle, la Palestine est écrasée sous les bombes, et, loin, derrière les murs dorés du 1600 Pennsylvania avenue, la voix de l’Amérique brandit l’étendard de l’intransigeance. Au fond de moi, je sens, ce matin, que quelque chose se fissure. Un silence, aussi lourd qu’étouffant, s’installe. Le bruit sourd des drones, des bulldozers, le vacarme des diplomates, et ce vide béant entre deux mondes. Le nouveau président, Donald Trump, vient d’épouser sans détour la ligne la plus dure d’Israël, osant même rêver à l’effacement total des Palestiniens de Gaza, au nom du progrès, de l’ordre ou, pire, du “développement”. Et soudain l’espoir s’engouffre, fracassant, là, sous mes yeux de citoyen – et toujours je me demande quel degré de cynisme peut supporter l’histoire avant de vaciller.
L’annonce qui a fait trembler la région
La décision Trump, tombée comme un couperet en pleine réunion avec Netanyahu, a fait l’effet d’un séisme. Finis les appels à la retenue – les dernières illusions de négociation se sont dissoutes dans la realpolitik la plus crue. Alors que la plupart des dirigeants mondiaux peinaient à se mettre d’accord sur un simple cessez-le-feu, la Maison Blanche fait, elle, rimer soutien avec mainmise. Du bout des lèvres ou à peine, on évoque encore le plan de paix, mais celui que propose Trump n’a plus rien de consensuel : il entrevoit la prise de contrôle de Gaza par les États-Unis, la relocalisation des Palestiniens, la transformation de leurs ruines en une “Riviera du Moyen-Orient”. Pas un mot sur les réfugiés qui s’entassent aux frontières, pas un mot sur la douleur des mères ni sur le deuil interminable qui balaye la bande. Les faits sont têtus, plus de 61 000 morts palestiniens selon les rapports onusiens, et la menace d’en ajouter encore, comme si la tragédie pouvait, à force de répétition, devenir un simple fait divers à l’autre bout du fil.
Entre spectre du chaos et mirage d’une paix factice
Ce qui frappe, c’est cette étrange inversion des discours : Trump, passé maître dans l’art du renversement rhétorique, ose parler d’“opportunité”, de “reconstruction”, de “nouveau départ”, alors même que les images de Gaza en flammes envahissent les écrans. Il vend son plan à coups de superlatifs : “phénoménal”, “historique”, comme on écoule un vieux mythe fatigué. La réalité le rattrape vite, pourtant, car à chaque mot, chaque geste, les tensions s’aiguisent. Des millions de déplacés, des familles disloquées sur les routes, des enfants qui grattent la terre à la recherche d’un abri, d’un reste d’avenir. La “solution Trump”, c’est un déplacement de population par millions, vers des terres indéfinies, entourées de promesses creuses et d’un mépris sidéral pour le droit international. Soudain tout se brouille : la réalité s’éloigne, et dans un étrange vertige, il me semble qu’on assiste moins à une politique qu’à une opération de bulldozer planétaire, tirée au cordeau depuis une salle climatisée.
Les coulisses d’une annonce : le plan Gaza de Trump mis à nu

Un “deal du siècle” qui ressemble à une annexion déguisée
C’est devant une horde de reporters que Trump a, sans trembler, déroulé l’étrange partition de sa « solution » : “Les États-Unis prendront le contrôle de Gaza. Nous en ferons quelque chose de flamboyant”. Derrière cette promesse clinquante de développement, de “prospérité”, se cache une mécanique autrement plus violente. À la base, une idée : déplacer les 2,3 millions de Palestiniens hors de leur terre – vers l’Égypte ? La Jordanie ? Peu importe aux yeux des stratèges, pourvu qu’on libère la bande de ses habitants et qu’on la repeuple, au nom du progrès, avec… “des gens du monde entier”. On hésite entre rire nerveux et effroi. De l’autre côté, sur le terrain, les rapports s’accumulent: opérations de l’armée israélienne intensifiées, quartiers rasés, infrastructures pilonnées. Les mots tombent : “nettoyage préalable”, “déblaiement total” – 50 millions de tonnes de ruines à évacuer. On regarde l’horloge, on fait défiler les comptes à rebours, on oublie la douleur pour ne retenir que le “rêve immobilier”. La fiction dépasse la dévastation.
Une relocalisation massive : la mécanique du choc
Ce qui s’esquisse, c’est un projet effrayant de “solution finale” territoriale : déplacer des millions de vies, parfois évoquées comme de simples variables logistiques, vers les pays voisins ou des zones tampons vagues. À la table des négociations, certains pays du Maghreb, la Syrie, la Libye, sont mentionnés, pressentis, “consultés” ; la plupart déclinent ou s’insurgent. Là encore, le cynisme l’emporte : on propose aux états de pauvres un peu d’argent, une reconnaissance diplomatique, en échange de l’accueil de masses humaines traumatisées. Pour Trump, c’est une “proposition gagnant-gagnant”, pour les concernés – silence radio ou cris d’effroi. Jamais une solution n’aura autant ressemblé à une fuite en avant, ni autant récusé le socle des droits humains. Chaque mot des communiqués américains ou israéliens résonne comme une tentative de légitimer l’indicible, dans une langue froide, déconnectée du sang, des pleurs, de la faim.
Des réponses internationales glaciales, une indignation croissante
L’annonce Trump ne suscite que trouble et rejet, même chez les alliés historiques des États-Unis. L’Union européenne condamne vigoureusement, les organisations onusiennes y voient une violation totale du droit international, assimilant la solution proposée à un “transfert forcé” illégal. Les Arabes, de l’Égypte au Maroc, refusent catégoriquement tout accueil massif des réfugiés de Gaza, accusant Washington et Tel Aviv de vouloir transférer le problème pour “stabiliser” diplomatiquement la région, tout en l’enflammant plus encore. L’énoncé d’une “Riviera du Moyen-Orient” fait éclater un sarcasme amer : qui reconstruira sur les gravats, sur les corps, sur les souvenirs effacés ? Qui, sinon ceux à qui on refuse le droit au retour ? Même au sein de la société américaine, les débats se polarisent, certains dénonçant ouvertement la “solution Trump” comme le point d’orgue de la déshumanisation globale du conflit. Mais rien, pour l’instant, ne fait reculer la machine.
Washington, Tel Aviv, et la nouvelle doctrine de la force

Le soutien sans faille, ou la diplomatie du bulldozer
Ce n’est plus seulement le vieil allié américain qui se porte garant de la sécurité d’Israël : avec Trump, la Maison Blanche épouse la ligne la plus dure, celle de la “victoire totale”, coûte que coûte. Lors des dernières conférences, on n’entend plus guère parler de deux-États, ni de négociations “justes” : l’objectif semble être de briser toute capacité de résistance palestinienne, de garantir le contrôle absolu du territoire par l’armée israélienne, quitte à “réinitialiser” le statu quo. Dans les déclarations officielles, la notion même de cessez-le-feu paraît suspecte, synonyme de faiblesse, de recul. Trump va jusqu’à exiger la capitulation sans condition du Hamas et approuve la poursuite des opérations “jusqu’à l’éradication totale de la menace”. Ce n’est pas la paix, c’est l’écrasement, la pulvérisation.
La rhétorique du “terrorisme” contre le réel du drame civil
Au fil des communiqués, un leitmotiv s’installe : toute victime palestinienne devient suspecte, complice supposé du “terrorisme”. Le vocabulaire officiel s’acharne alors à déshumaniser : “cibles”, “dommages collatéraux”, “neutralisation de tunnels”, “zéro tolérance”, “riposte sans merci”. Les chiffres, effroyables, se multiplient : dizaines de milliers de civils tués, majoritairement des femmes et des enfants, hôpitaux surchargés, écoles détruites – mais tout cela glisse, recouvert d’un vernis martial, d’une froideur bureaucratique. Trump, fidèle à sa logique, réduit la tragédie à une pure question d’efficacité, d’ordre public : “On va nettoyer, organiser, reconstruire mieux.” Sous-entendu : le prix payé par les peuples n’entre jamais en ligne de compte – on gère, on optimise, on efface.
L’isolement progressif des contestataires américains
Aux États-Unis, la contestation gonfle dans la rue, sur les campus, dans la presse indépendante : manifestations, sit-in, pétitions dénoncent l’alignement inconditionnel du président sur la politique likoudiste israélienne. Mais la répression s’organise, elle aussi. Trump menace d’expulser les étudiants étrangers qui manifestent, dénonce la “radicalisation” de la jeunesse, ordonne l’intervention des forces de l’ordre. Les débats dérapent vite – complotismes, insultes, menaces, jusqu’aux arrestations de figures syndicales. L’administration ne cache même plus qu’elle préfère miser sur la poigne, la censure, la peur, pour taire les voix dissidentes qui osent rappeler les droits fondamentaux bafoués à Gaza et en Cisjordanie. Plus la violence explose là-bas, plus la parole se serre ici.
Sur le terrain : Gaza, la guerre totale, et l’ombre de la disparition

Chronique d’une destruction méthodique
Gaza n’est plus un nom, c’est un cauchemar à ciel ouvert. Les rapports de terrain, imparfaits mais accablants, égrènent l’inventaire du désastre : quartiers rayés de la carte, immeubles écrasés, robinets secs, électricité disparue, hôpitaux réduits à l’agonie. Les images tournent en boucle : mères hurlantes devant des tas de gravats, enfants blessés, ambulances prises pour cibles. Plus de 2 millions de personnes cernées, réduites à la survie, sous les yeux d’un monde qui ne sait plus regarder. Et les bombes continuent, par dizaines, là où l’aide humanitaire n’ose plus s’aventurer. On parle peut-être d’“après-guerre”, déjà, mais sur le terrain, c’est la fin brutale d’une communauté, la fosse ouverte d’un peuple dont certains jusqu’à Washington aimeraient déjà oublier le nom.
L’anéantissement démographique en marche
La spécificité du “projet” Trump, tel que poussé dans les officines américaines et israéliennes, c’est l’assomption brutale qu’il n’y a plus d’avenir pour les Palestiniens de Gaza. Déportés “temporairement” – promesse creuse, mensongère –, ils sont, dans les faits, exclus de toute perspective de retour. On ne leur réserve que la relégation, l’errance. Pendant ce temps, les statistiques macabres s’accumulent : on estime que, depuis 2023, près de 70 000 Palestiniens sont morts à Gaza, et au moins autant sont aujourd’hui sans toit, déplacés, déracinés. Les ONG parlent de famine, les Nations Unies accusent : “crime contre l’humanité”, mais tout cela s’écrase devant le rouleau compresseur stratégique. Dans les couloirs du pouvoir, on compte, on cartographie, on planifie – là où, sur le bitume, la peur tord les ventres, efface les familles, pulvérise la mémoire collective.
Perspectives volatiles, démocraties bafouées
Au sud, l’Égypte hésite mais ferme ses frontières. À l’est, la Jordanie craint une déstabilisation massive. Au nord, le Liban s’agite, solidaire de nom mais dépassé par ses propres crises. Partout, dans le monde arabe, la rage gronde, mais les régimes, effrayés, n’osent pas franchir le seuil du bras de fer. En Israël, la droite triomphe bruyamment tandis qu’une partie de la société s’interroge, honteuse, lasse, de voir tant de cynisme faire loi. En Occident, la diplomatie se réduit à des rapports convenus, des votes prudents, des communiqués mornes. Le camp de la légitimité, celui du droit international, semble reculer chaque jour, avalé par la fureur des tanks, la toute-puissance des deals et des promesses hypothétiques de prospérité.
Géopolitique à vif : la “nouvelle donne” régionale sous tension

La recomposition inachevée des alliances
L’avancée du projet Trump a accéléré la fragmentation régionale. Si, jadis, l’idée de “normalisation” avec Israël avait trouvé un écho timide (sous pression américaine) à Riyad, Rabat ou Abou Dhabi, voilà que la guerre relance la méfiance, durcit les postures, brouille les alliances. L’Arabie saoudite, clé du nouvel équilibre envisagé par Washington, rechigne à cautionner la disparition de la bande de Gaza. L’Égypte, hôte d’un plan de reconstruction à 53 milliards de dollars, insiste sur la nécessité de préserver l’ancrage territorial palestinien – quitte à s’opposer frontalement à Trump, dont la vision fait l’unanimité contre elle, hormis à Jérusalem ou Washington.
La bataille des narratifs et la guerre de l’information
Dans le tumulte, chaque camp rivalise d’intox et de storytelling : médias officiels, réseaux sociaux, diplomates multilingues. La Maison Blanche met en avant la “modernité” du projet américain, le gouvernement israélien chiffre les gains supposés, les Palestiniens ripostent, preuves à l’appui, illustrant l’ampleur du désastre humanitaire, la perte irréparable de repères, de pierres, de cimetières. Les images d’enfants arrachés à leur sommeil par l’explosion d’un missile, la froideur des chiffres, la répétition des mêmes plans de ruines et de blessés, viennent fissurer le récit officiel. Mais là encore, le volume de la violence dépasse souvent celui de la compassion.
Des voix discordantes, mais inaudibles
Des diplomates de haut rang, quelques ONG, des intellectuels contestataires, surgissent ici ou là pour dénoncer la “solution Trump” : on parle de violation frontale des Conventions de Genève, de reconstruction sur des décombres ensanglantés. Mais sur le terrain du rapport de force pur, ces discours se perdent dans l’écho, à peine plus forts que les lamentations du soir au chevet des blessés. Dans la grande machine narrative, le cynisme a depuis longtemps pris le dessus, recouvrant peu à peu l’espoir d’empathie universelle.
Sortir de l’impasse : perspectives et dérapages de la “nouvelle ère” américaine

La tétanie de la diplomatie internationale
À Paris, Berlin, Londres, Rome, on s’agite, on s’alarme, mais sans jamais oser franchir le seuil du blâme direct. Le Conseil de sécurité de l’ONU multiplie les réunions d’urgence, tandis que dans les couloirs, on avoue la réalité d’un impuissant consentement : marché de dupes, promesses d’envoi d’aide humanitaire, report de sanctions. L’image d’un ordre international bâti sur le droit, la retenue, la consultation, fond comme neige sur le béton des ruines de Gaza. Même les ennemis d’hier (Russie, Iran) instrumentalisent le drame, cherchant à transformer la colère arabe en leviers diplomatiques, en menaces de chaos globalisé.
La tentation de l’oubli, ou la guerre sans fin
Chaque semaine, la couverture médiatique vacille : la lassitude gagne une partie des opinions publiques, tentée de détourner les yeux, de “zapper” les images, de traiter la tragédie comme un bruit de fond. Mais sur le terrain, la violence n’a de cesse, les bombes pleuvent, la faim ronge, les hommes enterrent les leurs à la hâte dans des fosses improvisées. La guerre “infinie” n’est plus une abstraction : pour les Palestiniens évacués, déplacés, humiliés, la disparition n’est même pas un terme, c’est une réalité concrète, une dépossession.
Entre fatigue démocratique et réveil de la société civile
Pourtant, parfois, surgit une étincelle : une poignée de manifestants, une pétition, une déclaration poignante, une image « virale » qui gifle le confort des salons occidentaux. De Paris à Santiago, de New York à Johannesburg, émergent des gestes, même dérisoires, d’empathie, de résistance. Des ONG s’acharnent à livrer des colis d’aide à Rafah, une “ambassade citoyenne” se crée sur internet, des enseignants refusent de censurer le sujet devant leurs élèves. Un fil ténu, mais tenace, qui oblige le pouvoir à se justifier, à reculer parfois, à reconnaître la légitimité d’une souffrance qui, longtemps, semblait vouée à l’effacement dans la grande comptabilité du désastre.
Conclusion : la ligne rouge effacée, survivre à la nuit

Qui osera encore nommer l’abîme ?
Nous y voilà, au bout du fil, les mots s’amenuisent, la réalité s’épaissit. L’alignement américain sur le durcissement israélien face aux Palestiniens n’est plus un fait transitoire : c’est devenu la règle, l’axe, autour duquel gravite désormais la “nouvelle” diplomatie. Partout, la tentation de l’oubli guette, mais ce qui crève l’écran, la radio, la conscience, c’est avant tout l’échec – celui, collectif, universel, d’avoir laissé la brutalité s’installer en dogme. Plus de place pour la nuance, la subtilité du compromis, la lente architecture de la paix. On efface, on rase, on refoule, on “recommence”, cyniquement. Qui, demain, saura retrouver la force de nommer l’abîme sans trembler ?
Le temps suspendu, l’attente d’un réveil
Entre deux informations, deux bilans, un souffle : la stupeur demeure. Gaza, la Palestine, le “nouveau Moyen-Orient”, tous ces noms flottent dans un univers suspendu, une interminable veille avant la tempête. Le sursis dure, indéfiniment – ponctué par le bruit sourd d’une diplomatie impuissante, l’incantation vide des puissants, la fatale répétition des mêmes gestes, des mêmes rituels meurtriers. J’espère encore, parfois, la survenue d’un miracle, d’un réveil. Mais plus le temps passe, plus je comprends que la seule vraie sortie n’est pas dans le confort du déni mais dans l’inconfort obstiné de la vigilance, du refus, de la mémoire.
L’urgence de réapprendre la compassion, ici et maintenant
Ce qui reste, au cœur de cette nuit trop longue, c’est une urgence – celle d’élargir la brèche où se glisse encore la compassion, la lucidité, la parole juste. Il faudra crier, écrire, manifester, enseigner, refuser d’oublier ceux qu’on relègue, ceux qu’on efface, ceux dont le nom même semble trop lourd pour l’histoire en marche. Car on ne guérit pas d’une blessure dont on refuse de dire le nom – et tant que persistera ce refus violent, cette “alignement” brutal du puissant sur le plus dur, tant que dureront les ruines de Gaza, la responsabilité incombera à tous, au présent, et à celui qui, du haut de sa tour d’ivoire, a cru pouvoir réinventer la douleur en mirage de prospérité.