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La trajectoire de la peur : Israël sous la menace invisible des missiles Houthis
Credit: Adobe Stock

Sirènes hurlantes : l’aube d’une attaque depuis le Yémen

Le sol semble vibrer. Rien n’est visible mais, déjà, une chaleur sourde envahit la poitrine collective de ceux qui vivent en Israël. Dans la nuit, sans se tromper, les boucliers sonores des sirènes jaillissent dans le silence, traversant Jérusalem, Beer Sheva, Dimona. On croit d’abord à une alerte comme une autre, sauf que cette fois, la menace vient du sud, d’un autre désert : le Yémen. Les missiles balistiques des rebelles Houthis filent dans la nuit — trajectoire longue, imprévisible, fruit d’une tension internationale devenue le théâtre des haines accumulées. Les habitants, brusquement arrachés à leur sommeil, se jettent vers les abris, serrent les enfants, fixent le plafond où se lit la peur d’une collision avec le ciel.

Les systèmes de défense israéliens s’activent. Dans un éclair, le missile est intercepté. Les débris, eux, retombent quelque part entre espoir et panique, entre l’angoisse du « et si ça passait cette fois ? » et le soulagement amer d’un désastre évité. La nuit n’est plus la promesse du repos mais un terrain d’affrontement où l’enfant apprend trop tôt la liste des protocoles d’urgence. Les médias du pays, saturés de flashs, de notifications rouges et de débats improvisés, se font caisse de résonance d’une population qui, soudainement rattrapée par la guerre des autres, découvre que ses frontières ne l’isolent plus de rien.

Dans la foulée, le porte-parole des Houthis s’empresse de revendiquer une « opération militaire réussie » visant des sites sensibles en Israël, jusqu’à l’aéroport Ben Gourion ou la région de Beer Sheva. Il ne s’agit plus, à ce stade, d’un simple message de solidarité envers Gaza : c’est une démonstration. La capacité de semer la peur, d’ouvrir un nouveau front, de fragiliser le mythe de l’invincibilité technologique d’Israël. Les officiels parlent, et au fond des abris, chacun jauge ce que « réussite » veut vraiment dire quand le déclencheur de sirène décide du sort de la nuit entière.

Les défenses israéliennes à l’épreuve : entre prouesse et vulnérabilité

Le spectacle humain de la guerre est invisible : il se joue parfois dans le silence d’un ciel où tout s’écrit en trajectoires. En Israël, la Dôme de Fer, la Fronde de David, tous ces noms à l’orgueil si guerrier, doivent soudain faire leurs preuves face à des missiles venus de plus de 1 500 kilomètres. Frappe après frappe, les écrans de contrôle s’allument, l’armée publie des communiqués laconiques : « Missile intercepté ». Pourtant, pour chaque attaque, au moins sept intercepteurs peuvent être mobilisés pour pulvériser les débris d’un unique balistique selon la configuration du missile ou la peur d’un ogive intacte.

L’altérité du missile yéménite, apparemment primitif, oblige à une débauche de technologies sophistiquées, à une vigilance permanente dont le moindre défaut pourrait se payer en vies, en ruines, en images traumatiques. Quand l’alerte survient — parfois précédée de notifications smartphone avant même que la ville n’entende la sirène — tout s’arrête. Il ne suffit plus de croire au miracle de la technologie : dans chaque abri, on questionne l’efficacité du dispositif, sa limite, le moment où la malchance outrepasse le génie humain.

La communication officielle, tendue, cherche à maintenir le calme. Zéro blessé rapporté, zéro dégât… pour cette fois. Les météorologues militaires en viennent à expliquer la dispersion des fragments dans le ciel, la trajectoire des restes incandescents. Les gilets sanguins de la Magen David Adom restent prêts, pourtant, pour le jour où le calcul tournera en défaveur du pays. L’armée affirme encore la main sur le dispositif, mais les familles, derrière leurs portes, savent bien que les guerres modernes ne distinguent plus entre centre et périphérie, cible et dégâts collatéraux.

La stratégie des Houthis : envoyer la peur au-delà de la portée

Pourquoi le Yémen ? Pourquoi les Houthis ? La réponse se glisse sur le fil tendu de la rhétorique géopolitique. Les Houthis, soutenus par l’Iran et autres forces anti-israéliennes, s’inscrivent dans cette logique de la surenchère. À chaque annonce d’une nouvelle salve, un communiqué : « En solidarité avec les Palestiniens ». Un missile, un drone envoyé en éclaireur, un coup de semonce stratégique à la guerre de Gaza, mais aussi une manière de faire comprendre que le front ne se limite pas à sa géographie.

Leur objectif réel : étirer les capacités de défense israéliennes, ouvrir d’autres lignes de front, contraindre l’État hébreu à une surveillance en tout point du sud, du centre, du nord. L’effet est double : militaire et psychologique. Ils savent que le missile vaut plus par l’angoisse qu’il instille que par sa charge explosive réelle. Au passage, ils signent leur capacité à toucher tout État jugé hostile à distance, pour peu que la guerre à Gaza perdure, pour peu que le Yémen reste instable, pour peu que Téhéran tienne la ficelle large du chaos.

Il y a une forme de mécanique perverse : chaque attaque ratée garantit la suivante et renouvelle la résistance. L’agression s’auto-entretient, créant une normalité nouvelle en Israël : suspendre un instant la vie nationale, accepter que le sud du monde hante, dans le nord, le quotidien de chacun. L’étrange est devenu familier, familier et éreintant.

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