États-Unis : Robert F. Kennedy Jr. sur le point de bouleverser la prévention du cancer
Auteur: Jacques Pj Provost
Voilà un de ces remous venus d’outre-Atlantique qui laissent éberlué, les bras quasi ballants, devant l’audace – ou la témérité – d’un homme politique bien décidé à s’attaquer à ce qu’il considère comme une muraille d’experts. Nous sommes en Juillet 2025, le secrétaire à la santé des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr., auréolé autant par son nom que par son franc-parler frondeur, envisage de virer du jour au lendemain l’ensemble des experts du groupe de travail sur la prévention du cancer (officiellement : U.S. Preventive Services Task Force, ou USPSTF). Pas un, pas deux, tous. Pourquoi ? Tenez-vous bien : trop “woke”, trop “orthodoxie idéologique de gauche”. En un mot : trop consensuels selon lui. Le public sidéré, les médecins atterrés, le monde observe. On démonte ici les rouages, on expose ce que personne n’ose dire, sans filtre.
Qu’est-ce que la USPSTF ? Un pilier invisible qui façonne la prévention

Parlons concret : la USPSTF – c’est ce groupe d’experts, principalement des médecins et spécialistes en santé publique, qui aiguillonne discrètement mais puissamment tous les choix des assureurs américains. Breast cancer screening ? Gratos grâce à eux. Prévention du VIH ? Eux aussi. Cholestérol ? Pareil. Leurs recommandations sont le sésame qui oblige les assurances à rembourser sans frais pour le patient toute une batterie de tests vitaux. Bref, sans eux, la prévention du cancer, aux États-Unis, ça s’effondre. Des millions de gens privés en un claquement de doigt d’accès gratuit à des dépistages, des rendez-vous d’évaluation, des traitements préventifs.
Pourquoi Robert F. Kennedy Jr. veut-il tout renverser ?

La question qui fâche. Kennedy Jr., connus pour ses doutes sur la vaccination (et un talent certain pour déclencher la controverse), fait planer une nouvelle ombre en s’attaquant frontalement à la USPSTF. Dans sa ligne de mire : une suspicion tenace que cette “élite médicale” infuse trop d’idéologie, pas assez de science “neuve”, trop de consensus… et pas du bon. Dans la foulée d’une décision de la Cours suprême qui lui accorde toute latitude pour virer et nommer les membres de ce groupe, le terrain est prêt pour une purge. Kennedy Jr. n’en est pas à son coup d’essai : il avait licencié, en juin, tous les membres du comité consultatif sur la vaccination des Centers for Disease Control and Prevention, ne laissant que quelques nouveaux membres – réputés sceptiques, le tout sans autre forme de procès. Là, c’est tout Paris qui débat version Washington.
Quel est l’impact sur la prévention du cancer et l’accès aux soins ? Détail brutal

Ne vous y trompez pas, c’est une question de vie et de mort – littéralement. Si la USPSTF est démantelée, ou peuplée de nouveaux visages moins au fait, moins rigoureux, toute la cartographie de la prévention change. Cancer du sein, du côlon, du poumon, dépistages pour des millions et millions d’Américains menacés par un simple acte administratif. Toutes les procédures, tests, suivis qui étaient jusque-là incontournables et automatiquement remboursés pourraient devenir payants, optionnels, relégués à la politique de chaque assureur. Ce qui me frappe : c’est finalement la science – et surtout l’accès équitable à la prévention ou aux traitements – qui risque d’être sacrifiée, sur l’autel de considérations politiques, d’idéologies nouvelles ou anciennes, d’une défiance grandissante envers l’expertise.
Tempête politique : réactions et levée de boucliers

Plus de 100 grandes organisations médicales – dont l’American Medical Association et l’American Academy of Pediatrics – tirent la sonnette d’alarme, dénonçant en fanfare un “danger majeur pour l’intégrité de la prévention”, et une attaque directe contre la santé publique. On ne compte plus les communiqués, lettres ouvertes, protestations dans les médias : pour la communauté médicale, ce coup de balai n’a rien d’un simple ajustement administratif. C’est une arme de destruction massive contre la confiance en la santé publique. Assureurs, associations de malades – tout le monde s’inquiète d’une possible explosion des coûts et d’un effondrement de la prévention.
Qui compose ce groupe de “sages” ? Comment sont-ils désignés ?

Peu le savent mais la USPSTF, née en 1984, rassemble seize médecins et spécialistes de santé publique ou d’épidémiologie, choisis pour leur absence de conflits d’intérêts majeurs, pour leur expertise avérée, et ce sans confirmation du Sénat… Plutôt pratique pour les remaniements politiques soudains. Leurs mandats durent quatre ans, ils sont bénévoles (adieu les suspicions de lobbys), renouvelés par vagues pour garder un équilibre de pensée et garantir la continuité scientifique. Ce sont eux, réellement, qui font office de filet de sécurité pour des millions de patients.
Précédents, coup de balai et mémoire courte : le syndrome Kennedy Jr.

Ce qui choque ici, c’est l’effet domino : en juin, Robert F. Kennedy Jr. a déjà effectué une purge en virant tous les experts du comité sur la vaccination. Il les a remplacés par une poignée de membres plutôt connus pour leur scepticisme… L’histoire se répète, version plus large, touche-à-tout. Derrière cette obsession du contrôle, certains voient poindre une volonté de transformer radicalement l’idée même de santé publique aux États-Unis. Le doute ? Instrumental. L’indépendance scientifique ? Sous haute menace. À force de politiser à l’extrême, on risque fort de ne garder que le squelette administratif, vidé de ses cerveaux et de sa colonne vertébrale scientifique.
Idéologie contre science : la grande fracture

Faut-il confier à une poignée de politiques le choix de qui décide de la prévention du cancer ? Pas si simple. La suspicion de “wokisme” ou d’idéologie de gauche lancée par Kennedy Jr. me semble un argument bateau, un prétexte pour s’entourer d’experts plus en phase avec sa vision. Ce flou orchestré remplace-t-il la méthode scientifique par la préférence personnelle ? Remet-il l’expertise entre les mains du pouvoir politique au détriment du patient ? Pour moi, c’est un pas très risqué vers la fragmentation du système et la disparition d’une médecine fondée sur la preuve. Le doute méthodique, c’est le fondement de la science. Mais le doute instrumentalisé pour des raisons politiques mène au chaos, à la défiance, au médicalement absurde…
Côté praticiens, côté patients : entre angoisse et incompréhension

Dans les hôpitaux, dans les laboratoires, dans les cabinets, c’est une panique sourde. Les médecins se demandent : continuer à recommander tel test, tel vaccin, telle prévention si rien n’est plus remboursé ? Les patients, eux, interrogent : qui va décider demain si nous avons droit à un dépistage, qui paiera, qui jugera de la pertinence ? Il y a une rupture capitale – peut-être irréversible – qui se joue, sans retour en arrière possible, du moins à court terme. Tout ce qui semblait gravé dans le marbre médical pourrait devenir mouvant, variable, incertain. C’est une immense menace pour la stabilité d’un système déjà sous tension.
Les États-Unis seuls face au reste du monde ? Comparaisons, paradoxes, leçons à tirer

Peu de pays osent aller aussi loin dans la politisation de la prévention du cancer. En France, en Allemagne, au Royaume-Uni, les groupes d’expertise sont maintenus à l’abri des turbulences politiques. Les outils de la prévention, c’est la science, pas l’idéologie. On se dit qu’aux États-Unis, ce qui était exemplaire – l’accès gratuit, la généralisation des dépistages, l’innovation permanente – risque un effondrement par excès de zèle politique. Une leçon à méditer pour l’Europe, d’ailleurs. Préservez les experts, protégez les patients. Ne sacrifiez la méthode collective au profit de l’opinion personnelle, aussi brillante soit-elle.
Là où tout bascule : la confiance, le doute, l’après…

Je l’avoue, ça me fiche une trouille froide cette histoire. Si la volonté de renouveau, de transparence, de contestation de l’ordre établi est parfois salutaire, on est ici face à un grand saut dans l’inconnu. Et ce saut, à haut risque : pour la fiabilité du système, pour la tranquillité des familles, pour la surveillance de maladies silencieuses. Faudra-t-il attendre un scandale, des milliers de diagnostics manqués, pour revenir à la raison ? J’en doute. La science, c’est lent, c’est collectif, c’est souvent déplaisant ; mais c’est fiable. La politique, c’est rapide, c’est brutal, c’est volatil. À vouloir casser trop vite, on peut tout perdre, y compris sa santé future.
Epilogue improvisée : audace ou destruction ? Mon avis sans détour

Oui, il fallait poser la question. Oui, il n’est pas interdit d’oser. Mais, à choisir, je préfère mille fois la lenteur pointilleuse de ces experts à la précipitation d’un pouvoir trop fort. Robert F. Kennedy Jr. incarne cette tentation de tout bousculer, de tout vérifier, d’imprimer sa marque dans le marbre du système santé américain. Cela impressionne – au début. Mais à trop bouleverser sans filet, sans dialogue, sans écoute, on donne le feu vert à l’arbitraire, à l’incertitude, au désespoir de toute une population. Ma conclusion ? Sauvons la science, même imparfaite, face à la tempête. Et ne laissons pas le doute absurde effacer, d’une signature, quatre décennies de progrès collectifs.