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Sous la menace des drones : le cœur chimique de la Russie exposé par l’attaque ukrainienne à Nevinnomyssk
Credit: Adobe Stock

Le choc initial : la ville de Nevinnomyssk réveillée par les explosions

D’un silence noir, la nuit s’est arrachée en éclats. Des rafales de hurlements déchirent le ciel, puis les explosions… On aurait cru une cascade de météores, mais non : des drones, par dizaines, fendant l’obscurité pour frapper le cœur industriel russe. À Nevinnomyssk, dans le kraï de Stavropol, la panique a remplacé la routine. Les habitants, augurant le pire, scrutent les fenêtres, suspendus à un souffle qui n’est plus le leur.. Le matin du 25 juillet, la Russie se réveille blessée, groggy, secouée dans ce qu’elle pensait protégé de tous. Ce n’est pas Moscou qui tremble, c’est le sang invisible du pays – ses fabriqueurs de chimie, bâtisseurs de bombes, gardiens d’un empire devenu vulnérable.

Les premiers bilans, fragiles, oscillent entre confiance officielle et inquiétude populaire. Les autorités nient tout dégât grave, assurent qu’aucune vie n’a été fauchée. Les images, pourtant, fuient – flashes d’incendie, ciels barrés de traînées lumineuses, bâtiments secoués. L’impact psychologique, lui, ne s’efface pas. Derrière les paravents de propagande, les Russes devinent que la routine industrielle vient d’être pulvérisée par la guerre technologique importée d’Ukraine.

Rien n’est simple, rien n’est sûr. Sur les réseaux, la rumeur galope. L’orgueil du complexe militaro-chimique est ébranlé. On demande la vérité, on exige des comptes. C’est que l’usine visée – Nevinnomyssk Azot – fabrique le cœur du feu : engrais, ammonium, mais surtout explosifs. Une cible, mais pas un hasard. C’est la certitude même d’une Russie autrefois inviolable qui vacille.

L’identité de la cible : le géant Nevinnomyssk Azot

Impossible de surestimer la place de Nevinnomyssk Azot. Cette usine, fleuron du groupe EuroChem et nœud vital du complexe militaro-industriel russe, n’est pas qu’un producteur d’engrais. Ses ateliers crachent aussi acide nitrique et ammoniac, bases essentielles pour la fabrication des explosifs de guerre : octogène, hexogène, obus et charges propulsives qui saignent l’Ukraine semaine après semaine.

Les stocks ici sont titanesques – un million de tonnes prétendent les bilans. Le site possède la seule ligne de production d’acide acétique de haute pureté du pays, nécessaire à la composition de charges militaires sophistiquées. À l’ombre des hangars, les ingénieurs troquent l’innocuité agricole pour la létalité stratégique. Précisément pour cela, la Russie cache les brèches, interdit la diffusion des images, nie la vulnérabilité. Mais maintenant, bombes tombées, tout vacille.

La localisation n’a rien du hasard. Située à 250 kilomètres des tranchées ukrainiennes, la facilité avec laquelle ces drones ont percé l’espace russe pose question. Système S-400, S-300, défense aérienne… tous semblaient impénétrables. Pourtant, l’industriel est touché là où il fait le plus mal : sa chaîne logistique, le sang même de la production d’armes.

La riposte officielle : minimisation et contrôle à marche forcée

Face à la stupeur, le réflexe russe : verrouiller, minimiser, commander l’indignation. Le maire confirme bien trente-sept impacts, mais aucun blessé. On demande la retenue, la patience, le silence, comme si étouffer le médiatique pouvait soigner les fractures béantes. Pourtant, la population bruisse. On n’interdit pas la peur. Les vidéos fuitent, des flashes blanchissent les réseaux sociaux, le bruit court sur les radios clandestines.

Un silence lourd, faussement maîtrisé, pèse sur la ville : le contrôle de la peur ne se décrète pas par arrêté municipal. Les employés de l’usine, eux, connaissent la vérité : production à l’arrêt après une première attaque en juin, atmosphere de suspicion, interrogations sur la sécurité réelle. On comprend vite que l’enjeu dépasse l’incident. C’est la survie de la filière tout entière qui bascule sur ce coup-là.

Un effort concerté d’opacité tente de masquer l’évidence : l’industrie chimique militarisée russe n’est plus sacrée, ni inaccessible. À chaque drone abattu, deux autres filent, insaisissables. Le déséquilibre technologique inverse le rapport de force.

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