Le silence des vivants, l’écho des affamés : Gaza étranglée sous le feu et la faim
Auteur: Jacques Pj Provost
Quand le regard se tourne vers Gaza, il se heurte à une nuit sans fin, un rideau de feu et de silence percé par les cris sourds de l’urgence humanitaire. Le Premier ministre israélien vient d’exhorter l’ONU à cesser de blâmer son gouvernement, alors même que son armée annonce l’ouverture partielle de couloirs d’aide humanitaire. Peut-on croire à une éclaircie ? Sur le terrain, la réalité saute à la gorge : la majorité des camions débordant de farine, de médicaments, restent, moteurs éteints, à la frontière, tandis que, derrière le grillage, des familles poursuivent une chimère – quelques sacs de riz, un peu d’eau claire. L’intensité de la situation dépasse le lexique du drame : ce n’est pas seulement l’histoire d’une population prise au piège, c’est celle d’un monde incapable de choisir son camp entre vie et mort, action et complicité.
Le discours de netanyahu : entre justification et accusation

Israël pointe l’ONU du doigt, déni ou stratégie ?
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, n’a pas mâché ses mots devant les Nations Unies, rejetant avec force la responsabilité de la crise sur l’institution internationale. Les couloirs humanitaires s’ouvriraient, dit-il, la faute ne peut plus porter son nom. Mais dans le même souffle, il rappelle que les voies tracées sont sous contrôle militaire, que l’acheminement dépend d’accords jamais obtenus. Les mots sortent tranchants, chaque syllabe respire la défiance, la volonté de désamorcer la colère croissante de la communauté mondiale. Les ONG, quant à elles, dénoncent le paradoxe : faciliter n’est pas garantir, ouvrir n’est pas nourrir. Dans la bouche de Netanyahu, la réalité semble se dissoudre dans une rhétorique de guerre froide.
Des statistiques implacables, des morts qui n’attendent pas
Malgré les annonces officielles, le nombre de victimes de la faim enfle jour après jour. Les chiffres sont assomants : plus de 133 personnes, dont 87 enfants, sont mortes de malnutrition selon le ministère de la Santé de Gaza ces dernières semaines. Près de la moitié des foyers n’ont rien à donner à manger pendant plusieurs jours, beaucoup survivent à la marge, parfois quelques dattes, rarement du pain. Du côté israélien, le narratif se veut technique : plusieurs milliers de camions seraient déjà entrés depuis le début de la crise. Mais une ombre plane – celle du chaos logistique et de l’insécurité, qui laisse les vivres pourrir au soleil à quelques mètres des affamés.
La guerre des versions, entre diplomatie et terrain
Les échanges entre Israël et l’ONU se muent en choc de versions. D’un côté, des accusations de blocage, de refus d’autorisation, de délaissement politique. De l’autre, le rappel que même autorisés, les convois n’avancent pas, faute de sécurité pour les travailleurs humanitaires, cible de tirs répétés. L’armée proclame une volonté d’améliorer la situation, mais la réalité du terrain, racontée par Médecins Sans Frontières, parle d’hôpitaux en ruines, de centres de stabilisation saturés, et d’enfants que la mort ne prévient pas. La vérité flotte, insaisissable, au-dessus des bouches fermées des décideurs, mais crie dans tous les couloirs des hôpitaux de Gaza.
Pauses tactiques et corridors, réalité ou mirage ?

La pause militaire quotidienne, simple ajustement ou changement de cap ?
L’annonce sonne comme une concession historique : Israël interrompt dix heures par jour, dans trois zones surpeuplées (Gaza Ville, Deir al-Balah, et Muwasi), ses opérations militaires. L’objectif affiché : permettre aux convois de l’ONU et des ONG un accès sécurisé. Mais les couloirs sont ceints de ruines, balafrés d’engins explosifs. Les organisations humanitaires préviennent : ces fenêtres sont trop brèves, imprévisibles, souvent vidées de sens par la peur persistante et l’absence de passage réellement protégé. La pause – une respiration fragile pour les convois, un cauchemar logistique pour les humanitaires.
Aide bloquée, distribution piégée
Malgré les palettes déposées par avion et les promesses d’accès sécurisé, des centaines de camions stagnent côté Gaza. L’ONU accuse Israël de multiplier les obstacles administratifs, de refuser la plupart des demandes de passage et de ne pas fournir de routes alternatives. Ses équipes, harcelées et parfois attaquées, n’osent plus s’avancer dans certaines zones devenues “zones grises”. Pendant ce temps, la population doit courir vers les centres de distribution, où l’attendent la faim, le chaos, parfois la mort. Depuis mai, plus de 1 000 personnes ont été tuées ou blessées en cherchant de la nourriture ou de l’eau, constamment exposées aux tirs ou piégées par la foule.
Les enfants, premières victimes invisibles
C’est dans le silence des enfants que la tragédie prend toute sa démesure. Près de 16 % des enfants contrôlés à Gaza présentent des signes de malnutrition aiguë. Les hôpitaux, désespérément débordés, ne peuvent accueillir que les plus gravement atteints et sont souvent la cible indirecte de frappes ou d’incursions. Les mères hésitent entre voir mourir un enfant de faim chez elles, ou courir le risque de ne jamais revenir du centre de distribution. Un choix qui n’en est pas un. Derrière chaque statistique, un prénom, un regard effrayé, un corps amaigri par l’attente.
L’attente mortelle à la frontière : camions contre barricades

Un dédale administratif, la faim juste derrière la grille
Les photos sont limpides : un ballet d’engins immobilisés, des centaines de mètres de camions chargés de vivres, parfois prêts à pourrir sous la chaleur, tandis qu’à moins de cinquante mètres, des familles scrutent l’autre côté du mur. L’administration israélienne invoque un manque de coopération de la part de l’ONU et des ONG. À l’inverse, les organisations dénoncent la complexité kafkaïenne des autorisations de passage : chaque demande se heurte à de multiples refus, à des exigences de contrôle, à des changements de dernière minute. Parfois, même autorisé, un convoi rebrousse chemin sous la menace ou après avoir perdu un membre sous les tirs. La faim, elle, ne recule jamais.
L’ouverture partielle, la peur constante
Dans les faits, l’ouverture promise n’a rien d’une levée de siège. Les routes sont restreintes, surveillées, souvent annoncées quelques heures avant qu’elles ne soient utilisables, rendant toute coordination presque impossible avec les équipes de distribution. La peur, l’insécurité, et le manque d’informations fiables transforment chaque tentative en roulette russe. Les témoignages affluent, racontant l’effroi de la foule, l’agressivité qui monte dès qu’un convoi perce la ligne, l’espoir achevé en rixe pour une miche de pain, en bousculade fatale.
ONG et humanitaires pris au piège
La violence ne vise pas que les civils. Les humanitaires sont devenus cibles. Médecins Sans Frontières, Comité International de la Croix-Rouge, personnels de l’ONU : tous se retrouvent parfois pris entre deux feux, menacés, agressés, et dans certains cas tués alors même qu’ils tentaient de livrer des médicaments ou du lait maternisé. Les effectifs diminuent, la lassitude et la peur finissent par gagner les équipes, qui abandonnent peu à peu les zones les plus exposées, alors que les besoins y explosent.
Infoguerre humanitaire : chiffres, croyances, réalités

Des données en guerre de chiffres
Les chiffres s’entrechoquent, chacun dressant sa propre vérité. Israël clame, statistiques à l’appui, avoir laissé passer 4 500 camions lors des deux derniers mois. Pourtant, le Programme Alimentaire Mondial rappelle qu’un tiers de la population n’a rien à se mettre sous la dent pendant des jours, et que près d’un demi-million de personnes vivent des conditions qualifiées de “famine”. Où va cette aide ? Reste-t-elle coincée, pillée, détruite ? Les rapports indiquent que l’immense majorité ne quitte même pas les zones tampons, et que nombre de palettes sont détruites ou détournées par des groupes armés – peut-être même par ceux qui organisent la distribution, selon certaines sources anonymes.
Les accusations contre le Hamas, écran de fumée ou réalité ?
Israël accuse le Hamas de piller les convois, d’augmenter délibérément la misère pour retourner l’opinion mondiale. Des rapports évoquent une hausse des prix imposée par le groupe sur l’aide “taxée” à l’entrée, ou sur les marchandises interceptées. Mais parmi les démentis, l’armée se fait plus hésitante : elle a fini par admettre ne posséder aucune preuve que le Hamas détourne de manière systématique les colis de l’ONU. Au sein du chaos ambiant, la désinformation prospère, chacun tordant les faits pour masquer son propre immobilisme.
OMS et agences onusiennes : constats accablants, actions limitées
La parole est à l’urgence. L’Organisation Mondiale de la Santé évoque 1 026 morts en tentant d’atteindre la nourriture, 95 % des foyers sans eau potable. Presque tout Gaza est aujourd’hui sous évacuation ou sous contrôle militaire, rendant chaque déplacement périlleux, chaque distribution hypothétique. Les employés de l’ONU sont eux-mêmes menacés – l’un d’eux, arrêté, n’est toujours pas rentré. Les rapports s’empilent, la documentation est exhaustive ; l’action, elle, piétine, emmurée dans le labyrinthe des discussions interminables.
La posture internationale : condamnations sans conséquences

La pression croissante des alliés historiques
Des images d’enfants squelettiques, de mères éplorées, ont sidéré jusqu’aux alliés les plus proches d’Israël. Les États-Unis, la France, de nombreux pays européens : tous multiplient les appels à la levée immédiate des restrictions, évoquent des “conditions inhumaines”, implorent la fin du blocus alimentaire. Mais aucun ne va jusqu’à imposer des sanctions concrètes. Le pouvoir israélien se sait protégé par des alliances stratégiques ; la géopolitique prime sur la famine d’un peuple déjà saigné par vingt et un mois de guerre continue.
Le Conseil de Sécurité impuissant, réformer ou disparaître ?
Si l’ONU doit assurer la paix et la sécurité, sa paralysie devient criante sur le dossier Gaza. Les résolutions s’empilent, rarement suivies d’effet. Le veto brandi par les grandes puissances endigue toute tentative de sanction ou d’envoi massif d’humanitaires protégés. Ici, plus qu’ailleurs, le Conseil de Sécurité expose ses fractures ; la question palestinienne divise encore, gèle les volontés. Seuls les mots circulent, la faim, elle, avance sans entrave, plus rapide que les couloirs de la diplomatie.
Vers une fatigue de la compassion : médias, public et impuissance
La couverture médiatique, d’abord massive et indignée, semble désormais s’émousser sous le flot constant de catastrophes. Le public, lui, commence à décrocher, épuisé par l’accumulation de drames, incrédule devant l’inaction. Pourtant, jamais la nécessité de maintenir la pression n’a été aussi forte. Car les ONG le rappellent : chaque pause médiatique, chaque silence international, se paie en morts supplémentaires, en espoirs brisés, en générations privées du droit même de survivre.
La souffrance quotidienne : survivre ou disparaître

L’eau, un poison nécessaire
Boire devient un risque supplémentaire à Gaza. 95 % des foyers sont privés d’eau potable, contraints de s’en remettre à des réseaux pollués, exposés à toutes sortes de maladies. Dans les hôpitaux, les médecins constatent l’explosion des cas de choléra, de dysenterie, d’infections résistantes. Certains villages improvisent des puits, creusent dans la nappe phréatique, puis constatent avec effroi que l’eau y goûte la mort plus que la survie.
Le rationnement alimentaire, un supplice sans fin
Pour beaucoup, le quotidien se résume à de longues heures d’attente autour des centres de distribution, espérant repartir avec un sac de farine ou de légumes secs. Les plus chanceux improvisent des bouillies en partageant le peu d’huile ou de sucre qui reste. D’autres, épuisés par la faim, n’arrivent plus à se lever pour réclamer leur part. Chaque bouchée devient un signe de victoire éphémère, une promesse d’un lendemain toujours menacé.
L’école, un souvenir effacé
Les écoles, jadis sanctuaires d’espoir, n’existent plus que sur le papier. Transformées en camps de réfugiés, bombardées ou désertées, elles laissent des milliers d’enfants sans accès à l’éducation. Quelques instituteurs tentent de poursuivre l’apprentissage sous une tente, à la lumière des décombres, mais il devient difficile d’enseigner lorsque la faim et la peur sont les seules matières vivantes. L’avenir de Gaza – ce sont les enfants dévorés par l’attente, oubliés par le reste du monde.
L’impact du blocus sur la santé mentale

Les traumatismes accumulés
Des familles déplacées à sept reprises, parfois plus, vivent dans un état d’alerte permanent, exposées aux bombardements nocturnes et à l’insécurité diurne. Les traumatismes explosent : chez les enfants, cauchemars, troubles du langage, mutisme complet. Chez les adultes, succession de crises d’angoisse, de passages à l’acte, d’automutilations. Les cliniques de psychiatrie n’existent plus, ou alors à travers des réseaux clandestins, où des médecins improvisent, dépassés, impuissants devant l’échelle du désastre.
Parents démunis, enfances volées
Les parents, autrefois piliers de stabilité, sont aujourd’hui rongés par la culpabilité. Impuissants devant la souffrance de leurs enfants, ils voient la violence se propager au sein même du foyer. Les enfants, habitués aux privations, oscillent entre résignation et accès de rage incontrôlable. Les mots manquent, la tendresse s’efface devant la loi de la survie, dans une société qui ne connaît plus d’autre normalité que la peur.
Des initiatives insuffisantes face à l’ampleur des besoins
Quelques ONG tentent encore des interventions axées sur le soutien psychologique, mais la plupart des projets sont à l’arrêt, faute de sécurité, de locaux, et parfois de personnel formé. Les populations déplacées, entassées dans des camps surpeuplés, n’ont tout simplement pas de temps à consacrer à des consultations. Le trauma, ici, n’est pas une exception : c’est la règle, la toile de fond, le carburant triste d’une résilience épuisée.
Le rôle controversé des acteurs extérieurs

ONG internationales, aides ou instruments politiques ?
Si certaines ONG font figure de dernier espoir, d’autres sont accusées de trop composer avec les exigences militaires israéliennes ou de détourner leur mission pour des enjeux politiques. Le sentiment d’abandon croît chez les populations locales, qui voient dans cette internationalisation de l’aide un prétexte à l’inaction bien orchestrée. Les plus critiques accusent certains groupes de participer, malgré eux, à une nouvelle forme de gestion cynique de la souffrance, devenue permanente, prévisible, organisée.
Fondations humanitaires controversées : la GHF sous la loupe
Le lancement de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), adoubée par Israël et les États-Unis, a mis le feu aux poudres : accusée d’opérer surtout pour répondre aux critères israéliens de distribution, largement boycottée par les grandes agences onusiennes, la GHF serait, selon ses détracteurs, une façade humanitaire dissimulant des objectifs politiques et militaires. Israël, pour sa part, multiplie les attaques contre le programme historique de distribution géré par l’ONU, l’accusant de passivité, parfois même de collusion.
L’équilibre impossible de l’aide internationale
Quoi qu’il en soit, l’aide peine à sortir du carcan politique. À chaque entrave, chaque refus d’accès, ce sont des dizaines de vies supplémentaires menacées. Les acteurs de terrain, eux, réclament surtout la possibilité d’agir sans balises, ni surveillance militaire excessive, ni consignes arbitraires, et surtout avec la garantie d’une protection réelle – qui, à ce jour, n’a jamais été accordée.
Quand l’aide tue : violences et chaos aux points de distribution

Mouvements de foules et répression armée
Depuis début mai, plus de 1 000 civils palestiniens seraient morts ou grièvement blessés en tentant d’accéder à de l’aide alimentaire, selon de nombreux rapports onusiens. A chaque ouverture annoncée, la foule afflue, souvent sans encadrement, proie à l’insécurité, aux tirs ou aux charges des forces. Les réseaux sociaux diffusent en boucle des vidéos d’affrontements, d’enfants piétinés, de secouristes bousculés, impuissants. La sécurité, ici, a cessé d’être un principe ; c’est devenu un vœu pieux.
Exactions, attaques, zones hors contrôle
À cela s’ajoutent les frappes et incursions près des centres de distribution. L’armée pointe du doigt la présence de “cellules terroristes”, justifiant frappes préventives ou ratissages musclés. Les humanitaires, eux, alertent sur l’effet de cette stratégie : une peur panique, la fuite de nombreux civils, et in fine, l’abandon de milliers de lots de nourriture laissés sur place, pillés ou détruits. À chaque mort, à chaque blessé, la confiance s’érode – et avec elle, la stabilité même des mécanismes d’aide.
Le désespoir comme force centrifuge
C’est peut-être le signal le plus terrifiant de cette nouvelle normalité : la faim engendre la mort plus sûrement que les armes. Ceux qui survivent à la distribution risquent la contrebande, acceptent tout pour une ration, s’en remettent à des réseaux parallèles souvent aux mains de groupes radicaux ou de mafias locales. Toute la société se fracture, chaque famille devenant une enclave, chaque voisin un concurrent ou un allié circonstanciel dans la course à la survie.
Palestiniens pris entre deux feux : l’ingérence permanente

La défiance envers toutes les autorités
Abandonnée par la communauté internationale, prise en étau entre le Hamas et Israël, la population palestinienne continue d’osciller entre résignation et rage. Impossible de faire confiance à un camp ou à l’autre ; les tentatives d’auto-organisation sont systématiquement écrasées ou détournées. La méfiance croît à mesure que les interminables files d’attente s’allongent, que la rumeur grossit, que chaque mort supplémentaire devient une victoire de l’indifférence mondiale.
L’autonomie étouffée, les initiatives du désespoir
Ici et là, des réseaux d’entraide se structurent pourtant, improvisant des soupes populaires, des circuits clandestins de médicaments et d’eau potable. Mais la brutalité du conflit écrase tout, interdit la moindre tentative de construction, maintient chaque initiative dans l’ombre, sous la menace constante de la violence et de la répression. Plus le siège s’intensifie, plus la société palestinienne se fragmente, entre ceux qui consentent à négocier, ceux qui cèdent à la fatalité, et ceux qui choisissent la colère, parfois les armes.
La mosaïque des victimes oubliées
La particularité du drame de Gaza, c’est d’englober tous les profils : vieillards mourant de manque de soins, nourrissons amenuisés par la faim, jeunes privés d’avenir et d’espoir, femmes accumulant les deuils et les humiliations. Chacun tente de garder mémoire du passé, d’espérer un lendemain, mais la réalité rabat les cartes chaque nuit, chaque aube qui ne dit pas son nom.
Vers une normalisation de l’inacceptable ?

La banalisation du siège humanitaire
Le blocus se mue peu à peu en nouvelle normalité. On se surprend à discuter stratégie d’accès, pause tactique, quotas alimentaires, comme si la mort lente d’une population pouvait être administrée ou rationalisée. Les termes de “fenêtre de distribution”, “corridors humanitaires”, deviennent aussi anodins qu’effrayants, prouvant la capacité du cerveau humain à s’adapter à l’insoutenable, à banaliser l’horreur à force de répétition.
Un test pour la conscience collective
Ce qui se joue à Gaza, c’est aussi une bataille pour la mémoire : laisserons-nous cette tragédie rejoindre le nombre, devenir un chiffre supplémentaire dans la longue liste des famines orchestrées, des sièges oubliés ? Ou ferons-nous de ce cas une rupture, une exigence de justice imposée, non plus négociable, non plus reportable ? La question, en fuse, flotte, trouve rarement de réponse, s’abîme souvent dans le silence coupable du confort lointain.
L’irréversible : générations sacrifiées
Car même si la paix – hypothétique – advenait demain, les séquelles laissées sur une population entière seraient sans doute irréparables. Des générations entières n’auront connu que la faim, l’humiliation, la terreur quotidienne. Quels leaders, quels bâtisseurs, quel tissu social pourront émerger de ce champ de ruines ? Le risque, désormais, c’est le désespoir chronique, l’absence d’avenir, le poison qui s’infiltre jusque dans les cellules mêmes de la société.
Conclusion : quand la faim dicte la paix

À la lumière de la tragédie qui s’enracine, Gaza n’est plus seulement une enclave sous blocus, mais le miroir déformé d’une hypocrisie globale. Chaque acteur – politique, militaire, humanitaire – se retrouve piégé par ses propres discours, piétinant l’urgence vitale de deux millions de personnes pour quelques miettes de pouvoir ou quelques illusions de sécurité. Face à l’accusation israélienne, l’ONU brandit ses rapports, les ONG leurs alertes, Israël ses statistiques. Rien n’y fait : la faim, la vraie, continue d’ensevelir les promesses, d’user les esprits, de tuer chaque jour plus sûrement que les bombes. Tant que le monde refusera de choisir la vie, Gaza restera pour tous une blessure ouverte, honteuse, qui ne cessera de nous rappeler à notre propre inhumanité.