Négociations tendues à Stockholm : Chine et États-Unis au bord d’une nouvelle déflagration commerciale
Auteur: Maxime Marquette
À Stockholm, en ce lundi 28 juillet 2025, la capitale suédoise vibre d’un frisson à la fois feutré et électrique. Dans le palais gouvernemental, entouré de policiers nerveux et de journalistes entassés derrière leurs barrières, une nouvelle salve de négociations commerciales sino-américaines débute sous l’œil du monde. L’atmosphère n’est pas à la cordialité, ni à la novation. Il règne une tension cartonnée, presque tangible, car derrière chaque poignée de main, chaque silences, chaque minute qui s’écoule à la table ovale du Premier ministre suédois, se joue rien moins que l’avenir de la stabilité économique planétaire. Stockholm, d’ordinaire froide et discrète, porte aujourd’hui les habits d’un théâtre d’ombre où se faufilent les fantômes de surenchères douanières, d’alliances fragiles, d’industriels hantés. Cette introduction n’a rien d’un calme avant la tempête : c’est déjà la tempête, contenue, silencieuse, sous la surface du protocole.
Braver l’impasse : ce qui se joue derrière les portes closes

Une trêve commerciale au bord de l’abîme
La scène, trop répétée, semble usée jusqu’à la corde : trêve commerciale en sursis, délégations crispées, échéancier qui presse. Pourtant, cette fois, l’urgence est extrême : l’accord temporaire qui maintient à flot l’échange sino-américain arrive à expiration le 12 août. En marge de la réunion, le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le vice-premier ministre chinois He Lifeng s’échangent des regards où la lassitude le dispute à la détermination. Les enjeux sont absurdes de gravité : en cas d’échec, des droits de douane dépassant 100% resurgiraient du jour au lendemain, asphyxiant des chaînes d’approvisionnement mondiales encore entamées par des années de conflit.
Des taxes sur les nerfs : le spectre de l’escalade
Sur la table, les chiffres claquent comme des gifles. 145% de taxes américaines sur de nombreux biens chinois, 125% de rétorsion sur les exportations américaines. Mais depuis le « cessez-le-feu » négocié à Genève puis à Londres, ces tarifs ont baissé autour de 55%. Pas de victoire, juste un fragile compromis, assis sur la promesse d’une détente éphémère. Désormais, Washington exige plus qu’une stagnation : un accès accru de ses entreprises au marché chinois et un virage de Pékin vers la consommation intérieure, quitte à forcer l’État-parti à renverser ses propres dogmes industriels. Pékin, de son côté, réclame une levée des barrières sur les technologies de pointe et sur les transferts d’IA, et exige l’abandon des tarifs prétextes, notamment sur le fentanyl.
La Suède arbitre d’un duel aux conséquences planétaires
Stockholm n’est pas un choix neutre. La Suède, maillon discret mais fiable, incarne une neutralité recherchée, un terrain symbolique pour des discussions qui scindent la planète. Le Premier ministre Ulf Kristersson, entre deux sourires réservés, déroule le tapis rouge à des protagonistes qui, en coulisses, parlent de la perspective d’un sommet Trump-Xi Jinping à l’automne. Mais personne n’ose vraiment croire à une « grande percée » : le consensus du jour, c’est peut-être simplement d’éviter la catastrophe à court terme. Les gagnants, les perdants, l’équilibre est trop fragile pour être annoncé ou célébré.
Les causes cachées de la discorde : drogue, technologie, pétrole

La guerre au fentanyl s’invite dans les calculs
Parmi les points d’achoppement les plus brûlants, un mot hante la table : fentanyl. Washington maintient un tarif spécial (20%) sur certains produits chimiques destinés à la production d’opioïdes de synthèse, accusant Pékin de laxisme. Pékin proteste, l’Amérique insiste. Les deux capitales savent que derrière cette guerre technique, il y a des dizaines de milliers de morts, aux États-Unis, chaque année, à cause de la crise des opioïdes. Pékin promet d’ajouter plusieurs précurseurs aux listes des substances contrôlées, mais exige la fin des sanctions en retour.
Terres rares, IA : le front technologique en surchauffe
En 2025, les terres rares ne sont plus de simples minerais : elles sont le moteur des batteries, l’âme de l’électronique, la clé des missiles et de l’énergie verte. Quand la Chine limite leurs exportations, tout l’Occident suffoque. Trump le sait et multiplie les contre-mesures : restrictions sur les puces IA, menaces sur TikTok, extension des listes noires du commerce. Pékin riposte : elle sait que le monde a besoin de ses aimants, de ses usines, de son inépuisable vivier de production. Cet affrontement n’est pas que commercial : c’est une bataille pour le contrôle du XXIe siècle, et chaque innovation porte une ombre géopolitique.
Pétrole sanctionné : le marché noir au cœur de la négociation
Autre bombe à retardement : les achats chinois de pétrole russe et iranien, sous sanction occidentale. Washington aimerait que Pékin réduise ces approvisionnements pour « punir » Moscou et calmer l’échiquier du Moyen-Orient. Pékin tergiverse, car sa sécurité énergétique passe avant tout. En échange de concessions sur le pétrole, la délégation chinoise réclame un allègement militaire en Asie de l’Est. C’est une négociation totale, sans tabou, où économie, politique et sécurité sont noués dans un nœud gordien presque inextricable.
La pression des alliés, l’Europe et le reste du monde sous tension

Effet domino : les accords parallèles fragilisés
En moins d’une semaine, Washington a signé coup sur coup des accords avec l’Union européenne (tarif à 15% sur les automobiles, promesse d’injections massives d’investissements japonais) et le Royaume-Uni (10% sur leurs importations), tout cela unique dans l’histoire récente. Mais cette course à la diplomatie transactionnelle accélère la fragmentation du système de libre-échange. Japonais, Indonésiens, Vietnamiens entrent dans la danse, chacun négociant sa survie plutôt que l’intérêt collectif. On ne parle plus d’ordre mondial, mais de pactes isolés, instables, à géométrie variable, qui peuvent voler en éclats au prochain désaccord.
L’Europe, observatrice désarmée ou complice à contrecœur ?
À Bruxelles, l’inquiétude monte : comment maintenir l’unité face à la superposition des crises ? Certains pays européens, la France et l’Allemagne en tête, s’inquiètent que l’escalade sino-américaine asphyxie leurs propres industries. D’autres, avides de se tailler une place, accélèrent la ratification d’accords bilatéraux pour ne pas sombrer. Le Royaume-Uni, tout juste arrimé à un accord à bas tarif, affiche une satisfaction contenue, mais tout le monde sait que la tempête peut frapper à tout moment.
Des marchés mondiaux en apnée
L’onde de choc des négociations secoue déjà les bourses : investisseurs sur la défensive, entreprises cherchant à réorganiser chaînes et flux au moindre tweet, volatilité accrue sur toutes les matières premières critiques. Personne n’ose bouger avant le verdict de Stockholm : l’incertitude est devenue valeur refuge, et même la monnaie chinoise tangue comme jamais. On se prépare, en coulisses, à tous les scénarios, y compris un effondrement brutal du commerce intercontinental si le dialogue échoue.
Au cœur des tractations : les vrais enjeux, au-delà des chiffres

Trump et Xi, le fantôme d’un sommet décisif
En filigrane de Stockholm, la promesse (ou la menace ?) d’un futur sommet Trump-Xi Jinping plane sur chaque discussion. Les analystes dessinent la silhouette d’une rencontre à l’automne, peut-être à Pékin, peut-être ailleurs, supposée trancher les questions que les négociateurs ne peuvent résoudre. Mais ces réunions de chefs d’État méritent-elles leur réputation ? Trop souvent, on y met des mots sur des désaccords, mais l’équation demeure : comment conjuguer souveraineté nationale et interdépendance mondiale ? Comment, surtout, éviter que la surenchère verbale déraille en guerre économique totale ?
Les multinationales, funambules sur la faille
Derrière les rideaux, des milliers de multinationales retiennent leur souffle : chaque clause négociée, chaque tweet présidentiel peut les propulser dans le rouge. Ce ne sont pas que des chiffres : ce sont des emplois supprimés, des technologies gelées, des usines à l’arrêt. Les groupes américains, sidérés par les restrictions sur l’IA, et les géants chinois, déstabilisés par les interdits américains, se réinventent, délocalisent, se lancent dans la fuite en avant du localisme mondialisé. C’est la précarité qui gagne, même pour ceux qui croyaient avoir tout verrouillé.
Les peuples oubliés : l’impact concret sur la vie quotidienne
Enfin, ce sont des millions d’anonymes, travailleurs de la logistique, agriculteurs, ingénieurs, qui paient le prix de cette titanesque joute. L’inflation sur les produits courants, les pénuries de matières, l’incertitude galopante sur l’emploi, la peur diffuse que le conflit, loin de s’épuiser, n’empoisonne chaque aspect de la vie moderne. Ce n’est plus un débat d’experts, c’est le bruit de fond d’une époque désaccordée, où chaque foyer, chaque entreprise, vit à crédit sur l’avenir.
Demain, le compte à rebours se poursuit : scénarios pour un monde suspendu

L’hypothèse d’une extension de la trêve
Si grand accord il n’y a pas aujourd’hui, un minima paraît probable : le maintien de la trêve, histoire de donner une chance au dialogue avant la grande bascule. On parle d’une prolongation de 90 jours, le temps pour Trump d’en finir avec ses engagements européens et asiatiques, pour Xi de profiter de la reprise inattendue du commerce chinois. C’est peu, c’est fragile, mais c’est un pari sur le répit plutôt que l’escalade.
Le risque d’un effondrement rapide
L’échec n’est pas un simple retour à la case départ : ce serait, d’un coup, une pluie d’annonces carbone, une inflation importée, une panique boursière. Les barrières de 145% sur les produits chinois, 125% sur les produits américains, détruiraient en quelques mois ce qu’il reste de tissus industriels dans les secteurs déjà fragilisés. Le FMI s’inquiète ouvertement : la récession pourrait n’être qu’à une semaine d’un échec diplomatique collectif.
La tentation du bilatéralisme extrême
L’issue la plus inquiétante : que la logique d’accords isolés l’emporte, que la planète se morcelle, chacun défendant « ses pauvres », ses marchés, son droit à la survie en circuit fermé. C’est la fin du rêve d’une mondialisation apaisée : le retour d’une histoire dangereuse, celle des blocs antagonistes, des alliances de circonstance, de la fragilité perpétuelle.
Conclusion : Survivre à Stockholm – et après ?

Il faut clore, mais le monde, lui, ne s’arrête jamais. Ce sommet de Stockholm n’est ni une fête ni un échec définitif : c’est une pause haletante sur la crête d’une époque fracturée. Américains, Chinois, Européens se disputent la carcasse d’un modèle en bout de course, suspendus à la volonté incertaine de dirigeants fatigués, mais féroces.