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Liban au bord du gouffre : l’explosive bataille du désarmement du Hezbollah secoue la nation
Credit: Adobe Stock

Quand la crise s’invite au palais présidentiel, le pays retient son souffle

Scène d’une rare intensité à Baabda. Sous les lambris du palais présidentiel, les visages sont fermés, les mots tranchants, chaque silence plus lourd qu’une salve d’artillerie. La question, jadis interdite, brûle soudain toutes les lèvres : faut-il, oui ou non, désarmer le Hezbollah? Dans un Liban déjà ruiné par la crise, pressé de toute part par les diplomates américains, surveillé par Israël, la tension atteint des sommets. Pour la première fois, un Conseil des ministres ouvert ose inscrire à l’agenda la maîtrise exclusive des armes par l’État, revendication aussi vieille que l’accord de Taëf, mais jamais appliquée. Pourtant, dehors, autour du palais, les soutiens du Hezbollah scandent leur refus, arguant que cette discussion “ouvre la porte à la guerre civile”. Au même instant, les regards du monde s’invitent : Washington, Paris, Téhéran, Damas scrutent la scène, chacun prêt à exploiter la moindre brèche.

Le président Joseph Aoun et le Premier ministre Nawaf Salam tentent de dominer le chaos, de bâtir un espace de compromis, d’écrire une “stratégie nationale de défense” qui remettrait tous les acteurs à égalité. Mais sous le vernis du consensus, tout menace de vaciller : chaque camp sent que le verdict du cabinet pourrait soit relancer le pays, soit l’achever. La tension électrique est palpable, l’ombre d’un “grand soir” plane, prêt à transformer le débat en déflagration.

Ce matin-là, c’est tout l’équilibre d’un pays qui tremble. Les murs de Baabda bruissent d’inquiétude. Le Liban n’a jamais semblé aussi proche d’un point de rupture que sur la question des armes du Hezbollah.

Dans la salle, des alliés et des adversaires diamétralement opposés

Autour de la table, le puzzle libanais se dévoile crûment. D’un côté, des ministres proches du Hezbollah, farouchement hostiles à toute évocation même modulée du désarmement. Pour eux, pas de compromis : “Le jour où nous serons désarmés, Israël fondra sur le pays comme un rapace.” Le Hezbollah érige la résistance en dogme, pose comme préalable non négociable la libération de toutes les terres encore “occupées” par Israël, le retour des prisonniers, la fin des survols israéliens quotidiens. De l’autre, des figures issues de l’opposition – notamment du camp chrétien des Forces libanaises – pressent pour une mainmise totale de l’État sur toutes les armes, sans délai, au risque même de provoquer la fureur des quartiers populaires chiites.

La crainte du précipice traverse chaque phrase : et si la fragmentation du pays basculait dans la rue ? L’armée, elle, marche sur des œufs, incapable – et peu désireuse – d’imposer une paix des braves sans socle politique solide. Dans les couloirs, chacun mesure que le cabinet n’a peut-être pas les moyens de sa propre audace. Les alliances, fragiles, menacent de voler en éclats au moindre dérapage.

Sous chaque débat officiel, grondent les souvenirs de la guerre civile, les haines rentrées mais pas oubliées. Dans ce climat, tout consensus est une acrobatie.

Le Hezbollah pose ses conditions, l’État trébuche sur la souveraineté

Le numéro deux du mouvement, Naim Qassem, n’y va pas par quatre chemins: “La force du Liban, c’est la Résistance, pas la rente de la paix.” Le Hezbollah prévient qu’aucune échéance n’est discutable tant qu’Israël conserve ses bases sur cinq collines du sud, tant que des frappes ciblent la Békaa ou les faubourgs de Beyrouth, tant que les prisonniers chiites croupissent en prison. La résistance “doit rester armée” pour garantir que la souveraineté libanaise ne soit pas, une nouvelle fois, humiliée sur l’autel des compromis internationaux.

De leur côté, le président et les ministres non-alignés poursuivent le rêve d’un État fort : “Aucun pays ne survit avec deux armées, deux légitimités, deux récits.” Mais tous butent sur la même aporie : si la décision de désarmer le Hezbollah était imposée de l’extérieur, elle pourrait déchirer le pays plus sûrement que n’importe quel acte israélien. Le débat s’enlise, repoussé de session en session, chaque report perçu par les ultras comme une victoire, par l’opinion comme un aveu d’impuissance.

La réalité résonne : aucun agenda clair ne sort du chaos. Le spectre du “ni paix, ni guerre” gagne à chaque minute.

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