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Gaza sur le fil du rasoir : Israël force la main de son chef d’état-major, la politique prend le pas sur l’armée
Credit: Adobe Stock

Un chef d’état-major sommé d’obéir : la fin de l’autonomie militaire ?

La scène n’a rien d’anodin. Devant les caméras alourdies d’angoisse, le ministre de la Défense israélien martèle la consigne : le chef d’état-major devra “exécuter” sans réserve toute décision politique sur Gaza. Plus question de dissidence ou de réserve professionnelle, la chaîne de commandement stricte supplante tout réflexe indépendant. Au cœur de l’État hébreu, ce signal prend la forme d’un avertissement autant qu’une humiliation. Plus qu’une clarification : un basculement. Le militaire n’est plus stratège, il redevient exécutant, peu importe l’urgence, l’ambiguïté du terrain, ou la pression de la communauté internationale. L’armée, pilier sacré de la sécurité israélienne depuis 1948, plie devant la verticalité du pouvoir. L’ordre du jour : agir — obéir — ou s’effacer.

Dans les couloirs du quartier général de Tsahal, le climat se tend. Les officiers de l’état-major calculent le prix du silence, l’usure des carrières, la peur d’un faux pas qui briserait les vies et déchirerait l’image de l’armée populaire. Sur le front, à Gaza, l’inquiétude monte : l’ordre sera-t-il une carte blanche pour l’escalade, un détour vers l’enlisement, ou une simple manœuvre de façade destinée à rassurer une opinion inquiète ? L’équilibre, fragile, se dissout dans un jeu de masques et de crispations inédit.

Le pays tout entier serre les dents : du Knesset à Sderot, des familles de soldats aux quartiers palestiniens cernés, chacun sent que la ligne fine entre l’ordre et l’obéissance aveugle risque de se rompre à la moindre étincelle. L’armée, jadis “pouteau de la nation”, ne tient plus que par l’ordre nu, la fidélité contrainte. La démocratie israélienne découvre brutalement la loi du rapport de force dans sa version la plus sèche.

Le pouvoir civil impose sa loi : Netanyahu verrouille le jeu

En coulisse, la décision n’a rien d’un caprice. Benjamin Netanyahu, acculé par la pression croissante – manifestations d’extrême droite, coups de boutoir de l’opinion, colère des factions ultra – scelle son autorité. À ses côtés, le noyau dur du gouvernement fait bloc : “Pas de flottement sur Gaza. Le chef d’état-major exécute, point.” L’exécutif signe ici son refus du compromis, sa défiance envers l’élasticité d’une armée habituée à négocier, retarder, parfois désobéir au nom du discernement opérationnel. La crise interne devient guerre de la loyauté.

Les chaînes d’information convoquent les constitutionnalistes : l’État juif, mû par la douleur de l’Histoire, n’a jamais toléré la mutinerie. Pourtant, l’intensité de la pression sur Tsahal interroge. Est-ce encore une démocratie quand l’armée plié aux ordres sans discernement possible ? L’opposition rugit, la société civile s’inquiète. Déjà, des anciens chefs d’état-major avertissent sur le risque de divisions inédites, d’effritement de la confiance dans la “sainte alliance” civil-militaire.

Netanyahu, pour sa part, joue la montre et la force : il veut faire de l’obéissance militaire le cache-misère des dissensions politiques internes, quitte à sacrifier la réputation de l’armée. L’éthique de guerre, la prudence, la déontologie militaire s’effacent devant la logique du “commandement suprême”.

Escalade ou repli ? Les généraux face au dilemme du siècle

Le message passé aux échelons supérieurs ne laisse place à aucun doute. La “liberté d’appréciation” est morte, vive l’exécution stricte. Sur le terrain, les généraux pianotent sur deux scénarios : suivre l’ordre à la lettre au risque de l’irréparable — dérapage, bavures, escalade incontrôlée — ou jouer la désobéissance passive, la temporisation tactique, au prix d’être remplacé brutalement. L’étau se resserre, l’angoisse aussi.

Derrière le rideau des analyses officielles, le commandement intermédiaire doute. Chacun pèse l’alternative : le code moral de Tsahal ou la peur de la disgrâce publique. L’armée, autrefois force de proposition, se meurt dans l’attente. Les décisions “civiles” ne sont jamais purement techniques : elles sont le miroir des urgences électorales, des calculs perdants. Et sur le terrain de Gaza, où toute erreur coûte des vies, l’absence de marge de manœuvre devient la pire des armes.

Ce matin, la question rampe dans chaque division : faudra-t-il un scandale, une catastrophe, pour rappeler à la politique qu’il y a des limites à la docilité stratégique ?

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