La Chine annonce la mise en œuvre progressive de la gratuité de l’école maternelle et la suppression de frais de garde et d’éducation dans le public
Auteur: Jacques Pj Provost
À partir du semestre d’automne 2025, une réforme majeure bouleverse le paysage éducatif chinois : la gratuité progressive de l’école maternelle dans les établissements publics, accompagnée de la suppression des frais de garde et d’éducation pour les enfants en dernière année de maternelle. Cette annonce officielle, récemment publiée par le Conseil des Affaires d’État, ne se limite pas à un simple allègement financier pour les familles. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large, façonnée par des enjeux démographiques inquiétants et une volonté déterminée de renforcer les services publics éducatifs. Ce n’est plus un projet hypothétique, mais une mise en œuvre concrète qui va toucher environ 12 millions d’enfants dès la rentrée prochaine.
Cette décision vise aussi à corriger de profondes inégalités sociales et économiques qui pèsent sur l’accès précoce à l’éducation, notamment dans les zones rurales ou défavorisées. Les autorités locales sont ainsi incitées à renforcer le soutien aux groupes vulnérables, y compris les enfants handicapés ou orphelins, ce qui ouvre une nouvelle ère dans la lutte contre l’exclusion éducative. Cette gratuité va par ailleurs réduire de façon significative le coût global de l’éducation préscolaire, un sujet critique dont on sait qu’il freine beaucoup de familles à inscrire leurs enfants à l’école dès le plus jeune âge.
contexte et portée de la réforme

Jusqu’à présent, l’éducation préscolaire en Chine n’était ni obligatoire ni totalement gratuite. Les frais de garde et d’éducation restaient à la charge des familles, générant un obstacle économique pour une part importante de la population. Cette mesure historique de suppression des frais dans le public, et la réduction de ces coûts dans le privé, représente un tournant décisif. Le gouvernement central et les autorités locales vont mobiliser des fonds publics considérables pour compenser les établissements qui perdent leurs revenus traditionnels. Les subventions sont prévues pour garantir que la qualité des services ne soit pas affectée par ce changement, avec un accent particulier sur les régions les plus pauvres du centre et de l’ouest du pays.
En chiffres, cela signifie une économie d’environ 20 milliards de yuans pour les familles seulement pour ce semestre d’automne. Cette initiative s’inscrit dans un contexte plus vaste de crise démographique : la population chinoise baisse régulièrement et les naissances ont été divisées par deux depuis 2016, malgré la fin de la politique de l’enfant unique. Le gouvernement espère donc, à travers cette réforme, encourager les familles à avoir plus d’enfants en diminuant les dépenses liées à leur éducation dès la petite enfance, considérée comme une étape essentielle pour le développement global de l’enfant.
des impacts plus larges qu’une simple mesure financière
Sur le plan éducatif, cette gratuité progressive vise également à améliorer l’accès à une éducation préscolaire de qualité, considérée mondialement comme un facteur déterminant pour la réussite scolaire ultérieure et le développement des compétences sociales et cognitives. En Chine, l’éducation préscolaire participe aussi à réduire les écarts de niveau qui peuvent se creuser très tôt entre enfants de milieux sociaux différents. En proposant des services gratuits dans le public, l’État facilite la mixité sociale et pose les bases d’une égalité plus tangible dans l’accès à l’éducation.
Cependant, cette réforme n’est pas sans défis. La gestion rigoureuse des ressources financières doit être assurée à tous les niveaux, et la mise en place technique demandera une coordination accrue des autorités éducatives et budgétaires. Le maintien de la qualité pédagogique dans ce contexte d’élargissement de l’accès reste une préoccupation majeure. Pour cela, les autorités prévoient une révision progressive des politiques en fonction de l’évolution des populations d’enfants en âge scolaire.
quels changements pour les familles et les établissements ?

Pour les familles, la suppression des frais de garde et d’éducation pour la dernière année de maternelle publique signifie une nette réduction des dépenses liées à la petite enfance. Cela devrait favoriser une inscription plus large à l’école maternelle, notamment pour les enfants issus de familles moins aisées. Dans le secteur privé, bien que les frais ne soient pas complètement abandonnés, ils seront réduits pour s’aligner sur les tarifs publics, rendant ces écoles plus accessibles.
Pour les établissements, notamment publics, cela se traduit par une compensation financière garantie pour compenser la perte des revenus provenant des frais supprimés. Cette mesure vise à assurer que la gratuité n’entraîne pas une dégradation des services. L’objectif affiché est que les écoles maternelles publiques puissent fonctionner normalement tout en élargissant leur capacité d’accueil et en améliorant la qualité de l’enseignement. Dans les zones rurales et moins développées, ce soutien renforcé est essentiel pour réduire la fracture éducative qui persiste avec les grandes villes.
la dimension sociale et démographique au cœur de la réforme

Cette réforme répond aussi à un enjeu démographique pressant. La Chine fait face à un déclin rapide de sa population, avec des projections dramatiques pour la fin du siècle. En facilitant l’accès à l’éducation préscolaire gratuite, le gouvernement s’efforce de soutenir les familles et de contrecarrer cette tendance. Une aide financière complémentaire a d’ailleurs déjà été mise en place : les parents d’enfants de moins de trois ans bénéficient d’une aide annuelle qui tend à encourager les naissances.
On peut voir dans cette décision un signal fort que l’éducation devient un levier primordial dans la politique sociale et démographique. C’est une approche globale pour alléger le fardeau des familles, améliorer le bien-être des enfants, et soutenir la croissance future de la population à travers une politique éducative inclusive et équitable.
conclusion : un pas décisif vers une éducation plus juste et accessible

La mise en œuvre progressive de la gratuité de l’école maternelle en Chine constitue une avancée majeure dans la politique éducative nationale. Elle montre une prise de conscience aiguë des enjeux financiers, sociaux, et démographiques auxquels le pays est confronté. En supprimant les frais de garde et d’éducation dans le public, et en les réduisant dans le privé, la Chine s’attaque à un des obstacles cruciaux pour l’accès à l’éducation préscolaire. Ce changement, accompagné d’un soutien financier ciblé aux établissements, devrait bénéficier à des millions d’enfants, en particulier ceux issus de milieux défavorisés.
Cependant, le défi reste immense : assurer la permanence et la qualité des services dans un contexte de réforme rapide, tout en adaptant la politique aux réalités locales changeantes, sera la clé du succès. Ce geste marque une volonté politique forte de faire de l’éducation préscolaire gratuite un pilier fondamental pour l’avenir du pays, mais l’ampleur des mutations socio-économiques exige une vigilance constante et une adaptation continue des mesures. On assiste ainsi à un tournant, un virage décisif dans la manière dont la Chine aborde son système éducatif, avec un regard nouveau sur l’égalité des chances et la valorisation de la petite enfance.