La Nasa compte installer « rapidement » un réacteur nucléaire sur la Lune
Auteur: Jacques Pj Provost
Le projet de la Nasa de déployer un réacteur nucléaire sur la surface lunaire d’ici 2030 marque une étape cruciale dans l’exploration spatiale. Plus qu’une simple prouesse technologique, cette initiative s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu et compétitif, où les États-Unis s’efforcent de maintenir leur avance face à la Chine et à la Russie. Mais pourquoi imaginer un tel dispositif, et surtout, quelles implications pour la science, la colonisation lunaire et la mission Artemis ? Cet article explore en profondeur ce projet à la fois urgent et ambitieux, ses raisons, ses défis, et ses enjeux jusqu’ici peu discutés.
Pourquoi un réacteur nucléaire sur la Lune ?

Sur Terre, l’énergie nucléaire alimente depuis plus de sept décennies nos villes et industries. Transposer cette capacité à la Lune n’est pas une idée nouvelle mais reste un défi technique majeur. La surface lunaire pose un problème énergétique unique : chaque « jour lunaire » dure environ 14 jours terrestres, suivis de 14 jours de nuit totale. Cette alternance rend l’énergie solaire insuffisante et intermittente, un obstacle majeur pour alimenter des bases habitées permanentes ou des stations scientifiques. Un réacteur nucléaire apporterait une source d’énergie continue, fiable et puissante, essentielle pour le fonctionnement des systèmes vitaux, de la communication et des expériences scientifiques durant ces longues périodes d’obscurité.
Les spécialistes insistent sur le fait que les seules batteries ou panneaux solaires ne suffiraient pas à soutenir l’intensité énergétique nécessaire à la colonisation lunaire. Produire 100 kilowatts, soit l’équivalent de la consommation électrique d’une petite communauté terrestre, permettrait un fonctionnement stable et durable, en dépassant largement les capacités actuelles des systèmes spatiaux fonctionnant à quelques centaines de watts seulement.
Un programme accéléré par une rivalité sans précédent

En juillet 2025, Sean Duffy, secrétaire aux Transports américain et administrateur intérimaire de la Nasa, a donné une directive claire : accélérer les travaux pour envoyer ce réacteur nucléaire sur la Lune d’ici cinq ans. Cette injonction vient répondre à une menace géopolitique explicitement formée par les projets conjoints de la Chine et de la Russie, qui veulent bâtir leur propre centrale atomique lunaire aux alentours de 2035.
La course n’est donc pas seulement scientifique, elle est avant tout stratégique. Le pays premier à installer un tel équipement pourrait imposer des zones de contrôle exclusives, freinant les ambitions rivales. Pour Sean Duffy, il s’agit d’éviter que la Nasa soit contrainte de rester à distance ou de ne pas pouvoir installer sa propre base dans des secteurs stratégiques comme le pôle sud lunaire, où la présence d’eau gelée pourrait révolutionner les capacités d’autonomie des missions.
Du projet à la réalité : Les défis techniques et logistiques
La conception et le déploiement d’un réacteur nucléaire dans un environnement aussi hostile présentent plusieurs défis. Il ne s’agit pas seulement de fabriquer un réacteur compact et léger — puisqu’il doit tenir dans une fusée de lancement — mais aussi de l’installer et de le faire fonctionner à distance, avec une autonomie maximale. Le système doit résister aux températures extrêmes, aux radiations cosmiques, et surtout fonctionner sans intervention humaine directe dans un premier temps.
Des prototypes de faible puissance (40 kilowatts) ont déjà fait l’objet de recherches et de contrats depuis 2022, mais la nouvelle directive impose un saut de capacité à 100 kilowatts, une puissance capable de soutenir des infrastructures plus importantes. Ce saut est aussi un défi en termes de logistique : les lancements successifs du programme Artemis devront acheminer non seulement les astronautes mais aussi le matériel lourd nécessaire à l’assemblage du réacteur sur place.
Les conséquences pour l’exploration spatiale et la sécurité nationale
Outre la Lune, cette technologie pourrait ouvrir la voie à des missions plus ambitieuses vers Mars ou d’autres corps célestes, où l’énergie solaire est plus difficile à capter. Doter nos vaisseaux spatiaux et colonies d’une source d’énergie stable augmentera la portée et la durée des missions, mais aussi leur autonomie face aux défis inhérents de l’espace profond.
De plus, cette avancée est vue comme un enjeu de sécurité nationale. La maîtrise d’une telle technologie confère un avantage stratégique dans le domaine encore peu réglementé de la guerre et de la présence spatiales, où puissance et contrôle énergétique sont des leviers de pouvoir. Le projet soulève la question de la souveraineté spatiale et de la réglementation autour de l’utilisation pacifique ou militaire des ressources lunaires.
Conclusion : un pari technologique à l’aube d’une nouvelle ère

Le projet de la Nasa d’installer un réacteur nucléaire sur la Lune n’est pas un simple rêve de science-fiction. C’est un impératif tactique et scientifique dicté par les contraintes énergétiques de la Lune et la pression géopolitique croissante des grandes puissances mondiales. Si ce défi technique peut sembler colossal, il pourrait bien marquer le premier pas vers une exploitation plus intensive et durable de notre satellite naturel.
Le succès de cette entreprise reposera non seulement sur l’excellence technique, mais aussi sur la capacité des États-Unis à mobiliser rapidement des ressources, une industrie privée innovante, et à naviguer les eaux complexes de la coopération et de la compétition internationales. La course à l’énergie lunaire est engagée, et elle déterminera probablement la place de l’humanité dans l’espace pour les décennies à venir.