Israel, il est temps : L’urgence d’une renaissance partagée : quand la survie appelle à la justice
Auteur: Maxime Marquette
La mémoire collective face au présent
L’histoire est là, immuable, douloureuse, traversée par des souffrances qui ont marqué le XXème siècle d’une empreinte indélébile. Le peuple juif, sortant des abîmes de la Shoah, a trouvé refuge et reconstruction grâce à la solidarité internationale, devenant un exemple extraordinaire de résilience. Pourtant aujourd’hui, ce même élan humanitaire semble suspendu, figé, quand il s’agit d’appliquer cette même logique de justice à un autre peuple : les Palestiniens. Cette terre où résonne encore l’écho des promesses d’espoir se transforme en théâtre de violences récurrentes, de blocus implacables, de déplacements forcés qui rappellent étrangement les sombres pages que l’humanité pensait avoir refermées. Une question lancinante surgit alors : pourquoi cette compassion internationale qui a permis la renaissance d’Israël ne peut-elle pas s’étendre, se démultiplier, s’ouvrir à la Palestine qui aspire elle aussi à vivre libre et souveraine ? Cette interrogation n’est pas simplement politique, elle est profondément morale, existentielle même.
Un génocide qui ne dit pas son nom
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, brutalement, sans concession : plus de 61 430 Palestiniens tués depuis octobre 2023, 153 213 blessés selon les données officielles. Ces statistiques glaciales masquent une réalité encore plus terrifiante – celle d’un génocide progressif, systématique, organisé. Car oui, il faut appeler les choses par leur nom, même si cette vérité dérange, même si elle bouleverse les équilibres géopolitiques établis. La famine organisée qui a déjà coûté la vie à 212 personnes, dont 100 enfants, n’est pas un dommage collatéral, c’est une arme de guerre. L’occupation annoncée de Gaza City par le cabinet de sécurité israélien ne relève pas de la légitime défense, c’est l’aboutissement d’une logique d’effacement territorial et humain. Nombreux sont les experts en droit international et les organisations de défense des droits humains qui qualifient désormais cette situation de génocide, terme lourd de sens mais malheureusement approprié face à l’ampleur de la destruction.
L’appel à une solution deux États : entre espoir et résistances
La solution des deux États n’est pas une utopie, c’est une nécessité absolue, une urgence humanitaire qui pourrait enfin rendre justice aux deux peuples. Plus de 120 délégations internationales se sont réunies récemment lors d’une conférence de haut niveau aux Nations Unies pour promouvoir cette voie, reconnaissant qu’il s’agit de la seule issue viable pour satisfaire les aspirations légitimes tant des Israéliens que des Palestiniens. Cette reconnaissance internationale massive démontre que le monde n’est pas aveugle à cette injustice flagrante, mais elle révèle aussi l’isolement grandissant d’Israël et des États-Unis qui ont boycotté cette conférence. L’ironie est amère : ceux qui ont bénéficié de la solidarité internationale pour renaître refusent aujourd’hui d’offrir cette même chance à un autre peuple. Cette contradiction morale est insoutenable, d’autant plus que de nombreux pays s’apprêtent à reconnaître officiellement l’État palestinien, à l’image de Malte qui s’est engagée à le faire en septembre.
Les racines profondes d'une injustice institutionnalisée

La nakba originelle et ses conséquences durables
Il faut remonter à 1948 pour comprendre l’ampleur de l’injustice fondatrice. La création d’Israël, légitime au regard des persécutions subies par le peuple juif, s’est accompagnée d’un drame palestinien d’une ampleur considérable : la Nakba, cette catastrophe qui a vu l’expulsion forcée de centaines de milliers de Palestiniens de leurs terres ancestrales. Cette blessure originelle n’a jamais été pansée, reconue, réparée. Elle continue de suppurer, génération après génération, créant un cycle de violence et de ressentiment qui empoisonne toute perspective de paix. Contrairement aux réparations accordées aux victimes juives de la Seconde Guerre mondiale, les Palestiniens déplacés n’ont jamais bénéficié d’une quelconque forme de justice réparatrice. Leurs maisons détruites, leurs oliviers arrachés, leurs terres confisquées – tout cela s’est fait dans l’indifférence relative de la communauté internationale, focalisée sur la réparation d’une injustice historique tout en en créant une nouvelle. Cette asymétrie dans le traitement des souffrances historiques constitue l’une des racines les plus profondes du conflit actuel.
L’instrumentalisation de la souffrance comme justification
La mémoire de la Shoah, sacro-sainte et incontestable, est progressivement devenue un bouclier politique utilisé pour justifier l’injustifiable. Chaque critique des politiques israéliennes est systématiquement renvoyée vers l’antisémitisme, chaque appel à la justice pour les Palestiniens est accusé de négationnisme. Cette instrumentalisation de la souffrance juive constitue une profanation de la mémoire des victimes du nazisme, car elle utilise leur martyrs pour légitimer l’oppression d’un autre peuple. Les survivants de la Shoah eux-mêmes, quand ils osent critiquer les politiques israéliennes, sont marginalisés, ostracisés, accusés de trahison. Cette perversion de la mémoire transforme un impératif moral – « plus jamais ça » – en slogan politique sélectif. La souffrance devient propriété exclusive, hiérarchisée, instrumentalisée au service d’une agenda politique qui trahit l’universalisme humaniste dont elle prétend s’inspirer. Cette captation mémorielle empêche toute forme de dialogue serein et entretient l’illusion qu’une injustice historique peut en justifier une autre.
L’échec de la communauté internationale face à ses propres principes
Depuis des décennies, la communauté internationale multiplie les résolutions, les condamnations, les appels au respect du droit international, sans jamais assumer ses responsabilités concrètes. L’ONU vote régulièrement des textes en faveur des droits palestiniens, mais ces décisions restent lettres mortes face au véto systématique américain au Conseil de sécurité. Cette paralysie institutionnelle révèle la faillite d’un système international qui prétend défendre l’universalité des droits humains tout en acceptant leur violation chronique quand elle arrange certains intérêts géostratégiques. Les États-Unis, qui avaient joué un rôle crucial dans la création d’Israël et dans la reconstruction post-génocide, refusent aujourd’hui d’appliquer la même logique humanitaire à la Palestine. Cette hypocrisie institutionnalisée mine la crédibilité de l’ordre international et nourrit les frustrations qui alimentent l’extrémisme. La récente conférence de haut niveau sur la solution des deux États, boycottée par Washington et Tel-Aviv, illustre parfaitement cette schizophrénie : d’un côté, une communauté internationale qui reconnaît l’urgence de la situation, de l’autre, les principaux acteurs qui s’enferment dans le déni.
L'escalade actuelle : vers un point de non-retour ?

La stratégie de l’effacement territorial
La décision du cabinet de sécurité israélien d’occuper Gaza City marque une escalade qualitative majeure dans ce conflit. Il ne s’agit plus simplement de « maintenir la sécurité » ou de « lutter contre le terrorisme », mais bien d’une stratégie assumée d’effacement territorial et démographique. Contrôler Gaza City, c’est maîtriser 85% de la bande de Gaza et confiner plus de deux millions de Palestiniens sur moins de 10% du territoire. Cette logique de concentration forcée évoque invariablement les pages les plus sombres de l’histoire européenne, avec une ironie tragique qui devrait interpeller toutes les consciences. Le Premier ministre Netanyahu a d’ailleurs clarifié ses intentions : prendre le contrôle de l’ensemble de la bande de Gaza avant de la confier à des « forces arabes » tout en maintenant un « périmètre de sécurité ». Cette terminologie euphémisée ne trompe personne : il s’agit bel et bien d’une annexion déguisée, d’une colonisation militaire qui bafoue tous les principes du droit international. La réaction internationale, bien que tardive, est sans équivoque : plus de 20 pays ont dénoncé cette « escalade dangereuse », révélant l’isolement croissant d’Israël sur la scène mondiale.
La famine comme arme de guerre
L’utilisation de la famine comme arme de guerre constitue un crime contre l’humanité clairement établi par le droit international. Pourtant, c’est exactement ce qui se déroule sous nos yeux à Gaza, où le blocus israélien a créé une crise alimentaire d’une ampleur inédite. Les chiffres sont accablants : 212 morts de malnutrition, dont 100 enfants, dans un territoire où l’aide humanitaire est drastiquement limitée. L’organisation World Central Kitchen a même été contrainte d’arrêter ses distributions alimentaires faute de provisions, illustrant l’efficacité morbide de cette stratégie d’assiègement. Cette instrumentalisation de la faim révèle une déshumanisation complète de l’adversaire, une logique génocidaire qui vise à rendre la vie impossible pour contraindre au départ ou accepter la mort. Les images d’enfants squelettiques qui nous parviennent de Gaza rappellent d’autres images, d’autres enfants, dans d’autres ghettos, à d’autres époques. Cette répétition de l’histoire devrait provoquer un sursaut universel, un refus catégorique de laisser se reproduire l’irréparable. Mais l’indifférence règne, masquée par des considérations géopolitiques qui transforment des vies humaines en variables d’ajustement.
L’engrenage de la violence et ses conséquences régionales
Cette escalade ne se limite plus au cadre israélo-palestinien, elle menace désormais la stabilité de l’ensemble du Moyen-Orient. Les attaques israéliennes se sont étendues au Liban, à la Syrie, contribuant même à la chute du régime de Assad. Cette régionalisation du conflit transforme une injustice locale en poudrière internationale, avec des répercussions qui dépassent largement les frontières de la Palestine historique. L’Axe de la Résistance s’organise, l’Iran menace d’intervention directe, les manifestations pro-palestiniennes se multiplient dans le monde entier, créant un climat de tension globale qui rappelle les prémices des grands conflits du XXème siècle. Cette dynamique belliqueuse profite aux extrêmes de tous bords, aux marchands d’armes, aux démagogues qui prospèrent sur le chaos et la peur. Elle nourrit l’antisémitisme d’un côté, l’islamophobie de l’autre, creusant des fossés communautaires qui mettent en péril la cohésion sociale dans de nombreux pays. Cette spirale destructrice ne peut être brisée que par un acte politique fort : la reconnaissance mutuelle, l’arrêt immédiat des violences, et l’engagement résolu vers une solution négociée garantissant la dignité et la sécurité des deux peuples.
L'impératif moral d'une justice réparatrice

Les leçons universelles de la reconstruction juive
L’expérience juive post-génocide constitue un modèle unique de résilience collective et de reconstruction nationale. Sortant des cendres de l’Europe détruite, le peuple juif a su, avec l’appui de la communauté internationale, bâtir un État moderne, démocratique, prospère. Cette réussite extraordinaire démontre qu’il est possible de transformer le traumatisme en force créatrice, la souffrance en élan constructif, l’exclusion en projet national. Les institutions israéliennes, malgré leurs défauts et leurs dérives actuelles, témoignent de cette capacité remarquable à créer du neuf sur les ruines du passé. L’innovation technologique, l’excellence universitaire, le dynamisme économique d’Israël prouvent qu’un peuple meurtri peut devenir un acteur majeur du progrès humain. Cette leçon d’espoir devrait être universalisable, extensible à tous les peuples qui souffrent d’injustice historique. Car si les Juifs ont pu renaître de l’horreur nazie, pourquoi les Palestiniens ne pourraient-ils pas renaître de leur propre tragédie ? Cette question n’est pas rhétorique, elle est au cœur de l’impératif moral qui devrait guider l’action internationale. La solidarité qui s’est exprimée envers le peuple juif dans l’après-guerre doit servir de référence, de standard pour traiter toutes les injustices historiques.
La responsabilité particulière du peuple juif
Cette responsabilité particulière découle directement de l’expérience historique juive. Qui mieux que ceux qui ont connu l’exclusion peut comprendre l’aspiration à l’inclusion ? Qui mieux que ceux qui ont subi la négation de leur existence peut saisir l’importance de la reconnaissance ? Cette empathie historique devrait naturellement conduire à une solidarité avec le peuple palestinien, car les mécanismes d’oppression sont similaires, même si leurs modalités diffèrent. Malheureusement, cette empathie semble s’être fossilisée, transformée en privilège exclusif plutôt qu’en compassion universelle. Nombreux sont pourtant les intellectuels juifs, les survivants de la Shoah, les citoyens israéliens qui appellent à cette extension de la solidarité. Leurs voix, souvent marginalisées ou diabolisées, portent une légitimité morale incontestable. Elles rappellent que la mémoire juive, authentique, ne peut se satisfaire de la reproduction de l’injustice. Ces consciences lucides savent que la véritable sécurité d’Israël passe par la justice envers les Palestiniens, car on ne peut bâtir durablement sa paix sur l’oppression de l’autre. Cette sagesse, héritée de siècles de persécutions, devrait prévaloir sur les calculs politiques à court terme.
L’universalité des droits humains face aux particularismes
Le principe d’universalité des droits humains ne souffre aucune exception, aucun privilège, aucune hiérarchisation. Si ce principe a joué un rôle fondamental dans la création d’Israël et la reconstruction juive, il doit s’appliquer avec la même force aux droits palestiniens. Cette universalité n’est pas négociable, elle constitue le socle de notre humanité commune. Accepter son application sélective, c’est la détruire dans son essence même. Car si les droits humains ne valent que pour certains, ils ne valent plus pour personne. Cette logique implacable devrait interpeller tous ceux qui se réclament des valeurs humanistes nées des cendres de la Seconde Guerre mondiale. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, contemporaine de la création d’Israël, énonce des principes qui ne peuvent souffrir d’exception palestinienne. L’article 15 garantit le droit à une nationalité, l’article 13 la liberté de circulation et de résidence, l’article 25 un niveau de vie suffisant – autant de droits systématiquement bafoués pour les Palestiniens. Cette contradiction flagrante mine la crédibilité de l’ensemble du système international des droits humains et nourrit le relativisme culturel qui menace l’universalisme occidental.
Les obstacles structurels à la reconnaissance palestinienne

Le veto systématique américain et ses conséquences
Le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël constitue le principal obstacle structurel à toute évolution du conflit. Depuis des décennies, Washington utilise son droit de veto au Conseil de sécurité pour bloquer toute résolution contraignante concernant les droits palestiniens. Cette protection diplomatique systématique a créé un sentiment d’impunité qui permet à Israël de poursuivre ses politiques d’occupation et de colonisation en toute quiétude. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 40 vétos américains depuis 1972 pour protéger Israël de toute condamnation internationale. Cette obstruction systématique transforme l’ONU en chambre d’enregistrement impuissante, vidant de sa substance le multilatéralisme onusien. Elle révèle aussi la nature profondément asymétrique du « processus de paix » : comment négocier équitablement quand l’un des protagonistes bénéficie du soutien inconditionnel de la première puissance mondiale ? Cette asymétrie structurelle condamne toute négociation à l’échec et nourrit la radicalisation palestinienne. Car face à une injustice protégée par la force, la tentation de la violence devient compréhensible, même si elle reste condamnable.
Les divisions internes palestiniennes et leur instrumentalisation
Les divisions palestiniennes entre le Fatah en Cisjordanie et le Hamas à Gaza offrent un prétexte commode aux partisans du statu quo. Ces divisions, réelles et problématiques, sont régulièrement instrumentalisées pour justifier l’absence de partenaire palestinien crédible. Pourtant, ces fractures sont largement le produit des politiques israeliennes elles-mêmes : isoler Gaza, affaiblir l’Autorité palestinienne, favoriser les extrêmes pour discréditer les modérés. Cette stratégie du « diviser pour régner » transforme les conséquences des politiques d’occupation en causes de leur maintien. Un cercle vicieux parfait qui permet de justifier l’injustifiable. De plus, exiger l’unité parfaite des Palestiniens alors qu’Israël connaît lui-même de profondes divisions politiques relève du deux poids, deux mesures. La société israélienne est traversée par des clivages majeurs entre laïcs et religieux, ashkénazes et séfarades, droite et gauche, sans que cela remette en cause sa légitimité internationale. Pourquoi appliquer aux Palestiniens des standards d’unité que personne ne respecte ailleurs ? Cette exigence disproportionnée révèle un biais cognitif profond qui refuse de reconnaître aux Palestiniens le droit à la complexité politique normale.
L’économie de guerre et ses bénéficiaires
Le maintien du conflit profite à une économie de guerre qui a ses intérêts, ses lobbies, ses bénéficiaires. L’industrie militaire israélienne, devenue l’une des plus performantes au monde, teste ses innovations sur le terrain palestinien avant de les exporter massivement. Cette « vitrine technologique » macabre transforme la souffrance palestinienne en argument commercial pour des systèmes d’armes « battle-tested ». De même, l’aide militaire américaine à Israël, qui se chiffre en milliards de dollars annuels, alimente un complexe militaro-industriel qui a tout intérêt au maintien des tensions. Cette économie de guerre crée une dépendance structurelle au conflit qui rend la paix économiquement coûteuse pour certains secteurs. Il faut ajouter à cela l’industrie de la sécurité, les sociétés de surveillance, les entreprises de construction qui prospèrent sur la militarisation de la société israélienne. Tous ces intérêts convergent pour maintenir un climat de peur et de tension qui justifie des budgets militaires surdimensionnés et des restrictions croissantes aux libertés civiles. La paix menacerait ces rentes de situation, d’où la résistance féroce de ces milieux à toute perspective de normalisation.
L'émergence d'une conscience internationale nouvelle

Les nouvelles générations face à l’injustice palestinienne
Les nouvelles générations, nées dans l’ère numérique et nourries aux réseaux sociaux, développent une sensibilité particulière à la cause palestinienne. Contrairement à leurs aînés, formatés par la guerre froide et les équilibres géopolitiques traditionnels, ces jeunes accèdent directement aux témoignages palestiniens, aux images de la répression, aux analyses critiques des politiques israéliennes. Cette désintermédiation de l’information brise le monopole des médias mainstream et révèle des réalités longtemps occultées. Sur TikTok, Instagram, Twitter, les jeunes Palestiniens racontent leur quotidien, partagent leurs espoirs et leurs souffrances, créant une empathie directe qui court-circuite la propagande officielle. Cette génération Z, moins influencée par la culpabilité occidentale liée à la Shoah, juge la situation présente sans les filtres du passé. Elle applique spontanément les principes de justice et d’égalité qu’on lui a enseignés, sans faire d’exception pour Israël. Cette évolution générationnelle inquiète profondément les soutiens traditionnels d’Israël, car elle remet en cause un consensus qui semblait acquis. Les manifestations étudiantes pro-palestiniennes qui se multiplient sur les campus américains et européens témoignent de cette prise de conscience générationnelle.
La mobilisation de la société civile internationale
Le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) illustre parfaitement cette mobilisation citoyenne qui compense la paralysie des institutions. Inspiré de la lutte contre l’apartheid sud-africain, ce mouvement grassroots utilise les armes du consommateur et de l’investisseur pour faire pression sur Israël. Malgré les tentatives de criminalisation dans certains pays, BDS continue de progresser, touchant des secteurs aussi divers que l’université, le sport, la culture, l’économie. Cette mobilisation révèle une soif de justice qui ne se satisfait plus des discours diplomatiques creux et des résolutions sans effet. Elle témoigne aussi d’une maturation de l’opinion publique mondiale, désormais capable de distinguer antisémitisme et antisionisme, critique légitime et haine raciale. Cette évolution inquiète les dirigeants israéliens qui multiplient les lois liberticides pour museler leurs critiques. Mais la répression ne fait qu’alimenter la mobilisation, créant un effet Streisand qui amplifie la cause palestinienne. La société civile internationale devient ainsi l’acteur principal du changement, suppléant les carences des États et des organisations internationales.
Les fissures dans le consensus occidental
Le consensus occidental pro-israélien, longtemps monolithique, commence à se fissurer sous la pression de l’opinion publique et l’évidence de l’injustice palestinienne. L’Irlande, l’Espagne, la Norvège ont reconnu l’État palestinien, brisant le front du refus européen. Malte s’apprête à franchir le pas en septembre, suivie probablement par d’autres pays. Ces reconnaissances, bien qu’essentiellement symboliques, marquent un tournant dans la perception occidentale du conflit. Elles légitiment la revendication palestinienne et isolent progressivement Israël sur la scène internationale. Plus significatif encore, la Cour internationale de justice examine actuellement un dossier pour génocide contre Israël, tandis que la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre Netanyahu et Galant. Ces procédures judiciaires, impensables il y a quelques années, témoignent d’une évolution profonde du rapport de force international. Même les alliés traditionnels d’Israël commencent à prendre leurs distances : l’Allemagne refuse désormais d’exporter des équipements militaires utilisables à Gaza, la France et le Royaume-Uni dénoncent l’escalade israélienne. Ces évolutions, encore timides, annoncent peut-être un changement paradigmatique dans l’approche occidentale du conflit.
Vers une solution deux États : impératifs et modalités

Les paramètres non négociables d’une paix juste
Une solution deux États viable impose des paramètres non négociables qui garantissent l’égalité et la dignité des deux peuples. D’abord, la reconnaissance mutuelle : Israël doit reconnaître l’État palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, tandis que la Palestine reconnaît Israël dans ses frontières légales. Ensuite, le démantèlement des colonies illégales en Cisjordanie, préalable indispensable à toute normalisation. Ces implantations, contraires au droit international, constituent des faits accomplis destinés à rendre impossible la création d’un État palestinien viable. Leur évacuation, bien que politiquement difficile, reste juridiquement incontournable. Troisièmement, la résolution équitable du problème des réfugiés palestiniens, soit par le retour, soit par la compensation, selon les résolutions onusiennes. Cette question, taboue depuis 75 ans, doit enfin être abordée avec courage et humanité. Quatrièmement, des garanties sécuritaires pour les deux États, avec une présence internationale temporaire si nécessaire. Ces paramètres, conformes au droit international et aux résolutions onusiennes, constituent le minimum vital pour une paix durable.
Les bénéfices économiques et humains de la paix
La paix représenterait un dividende économique colossal pour les deux peuples. Les budgets militaires pourraient être réorientés vers l’éducation, la santé, les infrastructures. Le potentiel économique palestinien, aujourd’hui bridé par l’occupation, pourrait enfin s’exprimer. Gaza, avec ses 2,3 millions d’habitants et son accès à la mer, pourrait devenir un pôle commercial dynamique. La Cisjordanie, riche de son patrimoine historique et religieux, pourrait développer un tourisme de masse. Les échanges économiques entre les deux États créeraient des interdépendances qui rendraient la guerre impensable, à l’image du processus européen post-1945. Cette prospérité partagée constituerait le meilleur rempart contre l’extrémisme et la radicalisation. Sur le plan humain, la paix permettrait enfin aux deux peuples de panser leurs blessures, de construire un avenir pour leurs enfants, de retrouver leur humanité commune. Les familles séparées pourraient se retrouver, les prisonniers rentrer chez eux, les déplacés reconstruire leurs vies. Cette normalisation psychologique et sociale est peut-être plus importante encore que les aspects politiques, car elle seule peut garantir la durabilité de l’accord.
Le rôle crucial de la communauté internationale
La communauté internationale doit assumer pleinement sa responsabilité dans la mise en œuvre de la solution deux États. Cela implique d’abord une pression économique et diplomatique coordonnée sur Israël pour l’amener à négocier sérieusement. Les sanctions européennes, le conditionnement de l’aide américaine, l’isolement diplomatique peuvent créer les incitations nécessaires au changement. Ensuite, un soutien massif à l’édification de l’État palestinien : aide au développement, formation des institutions, soutien à la société civile. Cette assistance internationale, comparable à celle accordée à Israël dans ses premières décennies, donnerait à la Palestine les moyens de réussir. Enfin, des garanties de sécurité internationales pour les deux États, avec une possible présence militaire onusienne durant la période de transition. Cette internationalisation de la solution éviterait le piège des négociations bilatérales asymétriques qui ont toujours échoué. La récente conférence de haut niveau aux Nations Unies, malgré ses limites, montre que cette volonté internationale existe. Il faut maintenant la concrétiser par des actes.
Conclusion : l'heure du choix historique

L’urgence absolue d’agir maintenant
L’urgence n’est plus une option, c’est une nécessité vitale. Chaque jour qui passe aggrave la tragédie palestinienne et éloigne les perspectives de paix. Les 61 430 morts de Gaza, les 212 victimes de la famine organisée, les centaines de milliers de déplacés témoignent d’une situation qui a atteint un point de non-retour moral. Continuer à attendre, à temporiser, à négocier dans le vide équivaut à une complicité passive avec cette tragédie. Le temps n’est plus aux demi-mesures ni aux compromis bancals. Il faut un acte politique fort, courageux, qui brise enfin cette spirale mortifère. Cette urgence morale se double d’une urgence politique : plus la situation se dégrade, plus les positions se radicalisent, rendant toute solution future plus difficile. La fenêtre d’opportunité pour une paix négociée se rétrécit chaque jour. Demain, il sera peut-être trop tard.
L’appel aux consciences juives et israéliennes
Cet appel s’adresse particulièrement aux consciences juives du monde entier et aux Israéliens épris de justice. Votre histoire vous donne une légitimité morale particulière pour comprendre l’injustice palestinienne. Votre expérience de la persécution devrait vous rendre solidaires de tous les opprimés. Votre renaissance après la Shoah prouve que la justice réparatrice est possible. Cette même justice, vous pouvez l’offrir aux Palestiniens. Non pas par culpabilité, mais par grandeur d’âme. Non pas par faiblesse, mais par force morale. La véritable sécurité d’Israël passe par cette réconciliation historique. Car on ne peut bâtir durablement sa paix sur l’oppression de l’autre. Cette vérité, inscrite dans votre mémoire collective, doit enfin s’incarner dans une politique de justice et de paix.
L’espoir d’une renaissance commune
Malgré l’obscurité du présent, l’espoir d’une renaissance commune demeure. Deux peuples peuvent coexister, prospérer, se réconcilier. L’histoire offre des exemples de réconciliations impossibles qui ont pourtant eu lieu. La France et l’Allemagne, ennemies héréditaires, sont devenues le moteur de la construction européenne. L’Afrique du Sud a dépassé l’apartheid sans guerre civile. Ces miracles politiques prouvent que rien n’est jamais définitivement joué. La paix israélo-palestinienne peut rejoindre cette histoire des réconciliations réussies. Elle le doit même, car l’alternative est trop effroyable pour être acceptable. Cette paix sera imparfaite, fragile, contestée. Mais elle sera vivante. Et c’est cela l’essentiel : offrir enfin aux deux peuples la possibilité de vivre, de rêver, de construire leur avenir en paix.