Gaza : la proposition acceptée par le Hamas reprend « presque intégralement » un précédent plan approuvé par Israël
Auteur: Jacques Pj Provost
Un paradoxe qui laisse le souffle court. Après des mois de blocages, de bombardements et de diplomatie sans issue, le Hamas a finalement accepté une proposition d’accord pour Gaza. Pourtant, ce texte n’est rien d’autre qu’une reprise « presque intégrale » d’un plan que Israël avait déjà validé il y a plusieurs semaines. Comment expliquer ce retour en arrière, ce cercle vicieux qui aboutit au même document, mais avec des milliers de morts et des villes réduites en cendres en plus ? Le cœur de la question n’est pas dans le contenu du texte, mais dans ce qu’il révèle : une tragédie politique où les souffrances humaines ne font que servir de levier stratégique. Pendant que les rues de Gaza sombrent dans la misère et que Tel-Aviv vit avec l’ombre des missiles, c’est bien l’absurde répétition des mêmes plans habillés de nouveaux drapeaux qui s’impose. La guerre devient un théâtre de mots, les vies sacrifiées une parenthèse dans un communiqué. Et l’on s’interroge : fallait-il ce bain de sang pour revenir au point de départ ?
Un plan déjà vu

La proposition reprise mot pour mot
Les médiateurs du Qatar et de l’Égypte affirment que le texte signé par le Hamas reprend 90% des clauses de l’accord formulé plus tôt dans l’année, lequel avait déjà reçu l’aval d’Israël. On y retrouve les mêmes points : cessez-le-feu progressif, libération des otages israéliens contre prisonniers palestiniens, accès humanitaire renforcé à Gaza, et ouverture progressive des points de passage. La seule différence ? L’ordre des phases et quelques formulations vagues sur la « garantie internationale » du cessez-le-feu. Autrement dit, rien de révolutionnaire, rien qui puisse justifier que tant de temps et de vies aient été perdus. Ce constat brutal révèle l’inertie diplomatique qui gangrène le conflit, où les leaders préfèrent des postures de fermeté prolongées plutôt que des concessions rapides.
Israël déjà aligné sur les mêmes demandes
Du côté israélien, les demandes essentielles restent inchangées : pas de reconnaissance politique du Hamas, libération des otages en premier, surveillance internationale des processus de reconstruction. Dès le départ, Tel-Aviv avait validé le texte initial, considérant qu’il offrait une voie de sortie sans abandonner ses lignes rouges. Voir revenir le Hamas avec pratiquement le même plan laisse le gouvernement israélien perplexe : fallait-il des mois de guerre pour accepter ce qui a toujours été sur la table ? Ce retour à la case départ met en lumière l’ampleur des blocages idéologiques plus que la difficulté réelle à trouver un compromis.
Une médiation internationale piégée dans la lenteur
Les diplomates qui ont multiplié les allers-retours entre Doha, Le Caire, Tel-Aviv et Gaza reconnaissent à demi-mot leur frustration. Tout était déjà écrit il y a des mois, mais chaque camp a voulu montrer sa résistance, étirer le temps, tester l’autre. Le résultat est un plan identique, mais un prix humain démultiplié. Les médiateurs temporisent en parlant de « maturité progressive » des protagonistes, mais les faits sont implacables : l’Histoire retiendra que les négociations ont avancé en rond, laissant des milliers de civils ensevelis sous les gravats d’un théâtre absurde.
Des signaux contradictoires de part et d’autre

Le Hamas en quête de légitimité politique
Pourquoi le Hamas a-t-il refusé hier ce qu’il accepte aujourd’hui ? La réponse ne tient pas à des clauses, mais à une stratégie politique. Le mouvement voulait s’imposer comme acteur résistant, montrer qu’il ne cédait pas sous la pression militaire. Revenir au même plan plusieurs semaines plus tard, c’est tenter de faire croire que l’évolution est le fruit de leur combat et non d’un compromis forcé. Mais pour beaucoup, cela ressemble surtout à une manœuvre cynique : jouer avec le temps pour apparaître en position de force quand la réalité humaine s’effondre.
Israël oscillant entre victoire militaire et statu quo diplomatique
Côté israélien, la situation est paradoxale. L’armée revendique des succès militaires : destruction d’infrastructures du Hamas, neutralisation de combattants, saisie d’armes. Mais ces « victoires » ne se traduisent par aucun gain stratégique clair, puisque le plan accepté aujourd’hui est identique à celui validé par avance. Israël se retrouve donc enfermé dans un récit contradictoire : affirmer qu’il a progressé militairement, mais enchaîner avec une sortie diplomatique dont les bases étaient déjà acquises depuis des mois. C’est reconnaître implicitement que l’effort militaire n’a pas produit de nouvel horizon politique.
Les alliés fatigués des deux camps
Les États-Unis, le Qatar, l’Égypte et l’Union européenne n’ont cessé de répéter qu’il était urgent de trouver une solution. Voir le Hamas revenir au texte initial provoque une lassitude palpable : tant de pression, de réunions, d’exigences, pour remettre sur la table ce qui y figurait déjà. Au sein même des chancelleries, certains diplomates glissent en privé que « chaque camp préfère perdre des vies que perdre la face ». Une phrase terrible mais qui résume l’absurdité stratégique d’un conflit visqueux, englué dans ses propres contradictions.
Les conséquences pour Gaza et Israël

Un cessez-le-feu fragile
Si le plan est effectivement appliqué, il devrait conduire à un cessez-le-feu temporaire. Mais chacun sait que ces trêves sont précaires, fragilisées par la moindre roquette ou le moindre raid. Les analystes parlent de « respiration » plutôt que de véritable paix. Pour les habitants de Gaza, ce répit signifiera au moins un accès humanitaire vital. Mais la peur reste celle des effondrements soudains : combien de jours ou de semaines avant que les hostilités ne reprennent ?
Un retour partiel des otages et prisonniers
L’un des points centraux du texte approuvé reste la libération progressive des otages israéliens contre prisonniers palestiniens. Ce mécanisme, déjà prévu dans les versions précédentes, revient comme une constante incontournable. Mais là encore, chaque échange sera surveillé, chaque retard ou incident pouvant rallumer les tensions. Les familles des otages en Israël et celles des prisonniers en Palestine vivent ce processus avec intensité, comme une lueur fragile dans un ciel saturé de violence.
Un statu quo durable plutôt qu’une paix réelle
Le vrai problème est ailleurs : ce plan ne règle rien des causes profondes. Il apaise, il ralentit, il donne une illusion de mouvement, mais il n’aborde pas la question d’un État palestinien, ni celle de la sécurité durable d’Israël. Il repousse simplement le problème. C’est la logique du givre sur les braises : un froid apparent qui cache des braises toujours brûlantes, prêtes à rallumer l’incendie. Le conflit se replie provisoirement, mais rien n’indique qu’il se résout.
Un révélateur du chaos diplomatique mondial

L’illusion d’un progrès
Ce que révèle cruellement ce dossier, c’est la fragilité de la diplomatie contemporaine. On présente un accord ancien comme une victoire nouvelle, on maquille un retour en arrière en étape décisive. Le cynisme est total : l’illusion du mouvement sert à calmer les opinions publiques, à raconter l’histoire d’un progrès qui n’existe pas. Les chancelleries se congratulent d’un texte « accepté », alors que ce texte était déjà sur la table. On applaudit des acteurs pour avoir bougé, mais en réalité, ils reviennent au point initial.
La répétition comme stratégie
Politiquement, c’est une stratégie : faire semblant de négocier longtemps pour montrer à sa population que rien n’a été cédé facilement. C’est presque une dramaturgie. Le Hamas montre une résistance, Israël une intransigeance, puis ils finissent par convenir des mêmes termes que des mois plus tôt. Entre-temps, l’opinion publique est conditionnée à percevoir l’accord final comme le fruit d’un sacrifice, d’une lutte, même s’il ne diffère pas du texte original. C’est de la communication pure, mais payée en sang.
L’échec d’une médiation sincère
Ce retour au même texte met aussi en lumière l’échec des médiateurs internationaux à imposer leur tempo. Ils ne sont pas maîtres du calendrier, encore moins du contenu. Les puissances régionales et mondiales assistent avec impuissance à la reproduction de cycles absurdes. L’ONU, malgré ses appels, est réduite à commenter ce qu’elle avait déjà approuvé. C’est la démonstration d’un système international incapable de sortir des conflits de la spirale du déjà-vu.
Conclusion

La proposition acceptée par le Hamas, identique à celle validée par Israël il y a des semaines, est une gifle cruelle à la logique. Elle ne représente pas une avancée, mais le constat d’un gâchis : des négociations circulaires, une guerre prolongée inutilement, et des milliers de vies perdues pour un texte déjà signé. Si cessent enfin les bombardements, cela soulagera Gaza et Israël, mais ce soulagement reste fragile, provisoire, incomplet. Ce plan, « presque intégralement » copié, incarne l’immobilisme tragique d’un conflit prisonnier de ses symboles et de ses illusions. Et il nous oblige à une question brutale : combien de fois encore faudra-t-il mourir pour revenir à un accord qui était déjà sur la table ?