Les géants du numérique abandonnent leurs usagers : support inexistant, réponses automatisées et censure arbitraire
Auteur: Maxime Marquette
Vous avez sans doute déjà connu cette expérience kafkaïenne : bloqué en dehors de votre compte Facebook, incapable de contacter un vrai humain, réduit à cliquer sur des formulaires automatiques qui ne répondent jamais à votre problème. Peut-être que, comme tant d’autres, vous gérez une page monétisée, et depuis des mois, aucun paiement ne vous parvient alors que la publicité tourne toujours. Vous tentez de joindre le « support technique » : un message générique, un copier-coller automatique, puis le ticket est fermé. Rien, pas une explication, pas un humain derrière la machine. Chez Google, chez Meta, chez Amazon, c’est devenu une norme : bâtir des entreprises valant des centaines de milliards de dollars, mais refuser le contact humain élémentaire avec leurs usagers. Ces empires digitales fonctionnent comme des administrations sans visage, où l’assistance est soit inexistante, soit délocalisée à l’autre bout du monde, sans pouvoir réel ni volonté de régler un litige. C’est plus qu’un désagrément : c’est une fracture qui détruit la confiance et laisse les usagers se sentir abandonnés. Dans cette guerre silencieuse, les citoyens numériques sont devenus des fantômes face à des empires mécaniques.
Le désert du support client

Aucun numéro de téléphone
Essayez donc de chercher un numéro de téléphone pour parler à un technicien Facebook ou Google : vous ne trouverez qu’une boucle sans fin de FAQ, de forums d’utilisateurs, et de formulaires qui promettent un suivi “rapide”. Mais derrière ce vernis se cache un désert. Pas de hotline, pas de service client accessible, seulement du silence ou des semi-réponses automatisées. Ces entreprises construisent leur empire sur des milliards de clients, mais ne jugent pas utile d’ouvrir une ligne pour leur répondre. Et c’est là leur paradoxe : elles produisent des outils de « connexion universelle », mais déconnectent volontairement leurs utilisateurs de tout contact humain.
Le support délocalisé
Quand un « échange » existe, il est presque toujours géré par une équipe externalisée à l’étranger, souvent privée de tout pouvoir véritable. Ces employés, soumis à des quotas et des délais intenables, se contentent d’envoyer un message type. Le ressenti est toujours le même : interlocuteurs qui lisent à peine la demande, qui ferment le ticket immédiatement après avoir collé une réponse standard. Ce n’est pas un vrai service : c’est une façade, une mise en scène. Et pendant ce temps, les problèmes restent entiers, qu’il s’agisse de comptes bloqués, de paiements non versés, d’images censurées, ou de pages complètes disparues par erreur.
Une absence de responsabilité
Ces pratiques ne sont pas seulement irritantes : elles sont destructrices. Car il s’agit bien d’un transfert volontaire de responsabilité. Les plateformes refusent d’assumer leur rôle de médiateur en cas de litige, alors même qu’elles s’imposent comme des piliers de la vie économique et culturelle mondiale. L’artisan, le créateur, l’influenceur qui dépend de ses revenus numériques n’a aucun recours légal immédiat. Tous sont contraints d’attendre, impuissants, que la machine daigne rouvrir (ou pas) le dossier. Cette irresponsabilité programmée est l’arme invisible des géants numériques : elle broie les individus dans le silence.
La monétisation piégée

Des paiements suspendus sans explication
Un exemple concret résume cette dynamique de mépris : des gestionnaires de pages monétisées sur Facebook constatent depuis trois mois l’absence totale de versements, alors que leurs vidéos engrangent toujours des publicités et que Meta continue de s’enrichir sur leurs contenus. Quand ces créateurs réclament leur dû par le biais du support, la boucle se referme. Une réponse copié-collée, vague, renvoyant vers une FAQ hors sujet. Aucun suivi, aucune échéance donnée. C’est une confiscation silencieuse, un hold-up réalisé à coups de formulaires automatiques. Le rapport de force est écrasant : l’individu n’a plus aucun poids.
La dépendance financière aggravée
Pour beaucoup de créateurs ou d’entrepreneurs, ces revenus numériques ne sont pas accessoires, ils sont leur gagne-pain. Trois mois sans paiement signifie dettes, faillites, sacrifices. Mais pour Meta, ce n’est qu’une ligne budgétaire secondaire, diluée dans des milliards. Ce décalage illustre une fracture inouïe : l’entreprise la plus connectée du monde est en réalité totalement déconnectée des réalités de ceux qui la font vivre. Derrière chaque compte suspendu, chaque paiement bloqué, c’est une vie d’humains précarisés qui bascule.
La résignation forcée
Après tant de blocages, beaucoup se résignent. Ils attendent, impuissants, que les plateformes daignent rouvrir leur dossier. Certains abandonnent, perdant leurs revenus du jour au lendemain, sans compensation, sans recours. Ce processus d’extorsion légale est à peine remis en question par les gouvernements qui, trop souvent, privilégient leurs relations avec ces multinationales aux dépens de leurs propres citoyens. La résignation devient alors une seconde violence : celle de l’acceptation forcée.
La censure arbitraire

Des images vieilles de dix ans effacées
Autre symptôme inquiétant : la censure automatisée. Des utilisateurs rapportent que leurs comptes Facebook sont brutalement bloqués à cause de vieilles photos datant de dix ou douze ans, parfois déjà supprimées depuis longtemps. Le système de modération, opaque et hyper-rigide, rouvre des archives, autocensure, bloque des comptes. Absence totale d’appel possible, sauf un bouton qui renvoie vers un écran vide. La machine juge, condamne, sans plaider ni audience. C’est une justice sans juge ni avocat, uniquement exécutée par l’algorithme.
Une modération sans recours
Le pire n’est pas seulement l’acte de censure : c’est l’impossibilité de faire appel. Les utilisateurs reçoivent une notification fermée : “Votre compte est suspendu, décision définitive.” Fin de l’histoire. Des années de souvenirs, de travail, de réseaux disparaissent en un claquement froid. Pour une faute parfois imaginaire, un contenu malencontreusement mal interprété. Aucune discussion possible. La censure est totale et la contestation impossible. C’est ainsi que des dizaines de milliers de comptes disparaissent chaque mois. Invisibles, sans voix, rayés, effacés.
Un climat de peur
À force, c’est un climat de peur qui s’installe. Les utilisateurs ne savent plus quoi publier, quoi dire, au risque d’activer un détecteur opaque. L’autocensure devient la règle invisible : mieux vaut se taire que perdre en un instant ce qui fut construit sur des années. Ce climat de terreur numérique est encore plus insupportable parce qu’il n’est jamais assumé. Les plateformes continuent de se présenter comme des “espaces libres”, mais la liberté y est désormais un mensonge codé dans leurs algorithmes.
Le silence des autorités

Un aveuglement volontaire
Si ces pratiques durent, c’est aussi parce que les gouvernements occidentaux laissent faire. Fascinés par la puissance fiscale et technologique de ces géants, ils hésitent à imposer une régulation stricte. Les scandales s’accumulent pourtant, mais les réponses restent tièdes, marginales. Les amendes sont dérisoires face aux profits colossaux de ces entreprises. Elles deviennent des taxes volontaires, presque symboliques, qui n’imposent aucun changement structurel.
Une dépendance politique
Le pire, c’est que les démocraties modernes ont elles-mêmes besoin de ces plateformes pour diffuser leurs messages, contrôler leurs récits, gérer l’opinion publique. Cette dépendance politique neutralise les velléités de sanction. Comment taper sur l’entreprise qui héberge vos campagnes électorales et vos informations officielles ? Les gouvernements se trouvent dans une relation d’otages consentants. Et pendant ce temps, les citoyens sont abandonnés, sans voix, sans recours.
La faiblesse du droit
Le secteur numérique croît trop vite pour que le droit classique puisse l’encadrer. Les plaintes existent, mais elles se perdent dans des procédures longues, coûteuses, inefficaces. Pendant ce temps, l’utilisateur ordinaire, qui a perdu son compte, son autonomie économique ou ses souvenirs numériques, n’a aucun moyen direct d’exiger réparation. Le droit reste muet, les plateformes ricanent, et les citoyens paient la note de leur impuissance collective.
Quand certains géants prouvent qu’un vrai support est possible

Apple et microsoft montrent l’exemple
Le paradoxe devient insupportable en 2025 car d’autres colosses prouvent qu’il est possible de conjuguer gigantisme et support technique exemplaire. Apple, l’entreprise la plus valorisée au monde, offre depuis des années une assistance humaine et personnalisée, accessible par téléphone, en ligne ou dans ses Apple Store où les techniciens interviennent directement face au client. Microsoft également, malgré sa taille tentaculaire et ses centaines de millions d’utilisateurs, met en place des services de contact humain et de dépannage fiable, que ce soit pour ses produits grand public ou professionnels. Cela démontre qu’un modèle différent est non seulement possible, mais qu’il fonctionne même à très grande échelle. Alors comment accepter que Google et Facebook, eux aussi leaders mondiaux, prétendent qu’un support de qualité est irréalisable ? Il ne s’agit pas d’une impossibilité technique ou économique, mais d’un choix délibéré. Si Apple, en gérant un parc gigantesque d’utilisateurs d’iPhone et de Mac, réussit à maintenir une assistance efficace et humaine, rien ne justifie l’indifférence glacée de Meta et de Google. En 2025, l’absence de support n’est plus un défaut : c’est une faute, une insulte. Nous ne parlons pas d’une utopie, l’exemple existe déjà. Et il rend d’autant plus intolérable le silence organisé de ceux qui décident d’économiser leur humanité pour engranger des profits.
Conclusion comme un gouffre ouvert

L’absence de support technique humain, la désinvolture des réponses automatisées, la censure arbitraire et l’impossibilité de contester sont devenues la norme dans les empires de Google, Facebook etc. Plus que de simples irritations, ces pratiques traduisent un rapport de domination où les individus sont réduits à de la donnée exploitable, sans recours ni dignité. Trois mois sans paiement, dix ans de souvenirs effacés, un ticket clos en quelques secondes : voilà la réalité qu’affrontent chaque jour des millions de citoyens numériques. Ce n’est pas seulement un défaut de service : c’est une violence systémique. Et tant que nous n’aurons pas imposé des règles strictes, tant que nous accepterons ce silence mécanique, nous resterons prisonniers d’un monde où l’humain est rayé de l’équation. Le plus terrifiant n’est pas la censure ou l’incompétence. Le plus terrifiant, c’est l’indifférence totale de ces géants devenus sourds à notre existence.