La police de l’immigration jette une candidate démocrate au sol… et est félicitée sur Fox News
Auteur: Jacques Pj Provost
Il y a des images qui marquent l’Histoire. Celle d’une candidate démocrate jetée au sol par un agent de l’ICE masqué devant un centre de détention de l’Illinois pourrait bien devenir l’une d’elles. Car ce qui s’est passé le 19 septembre 2025 dépasse largement la simple altercation : c’est le symbole d’une Amérique qui célèbre désormais la violence contre ses propres représentants politiques. Quand Laura Ingraham, présentatrice vedette de Fox News, félicite publiquement l’agent qui a projeté Kat Abughazaleh sur le bitume d’un simple « Good work », elle révèle la fracture béante qui traverse le pays.
Cette scène, filmée sous tous les angles et devenue virale en quelques heures, cristallise toutes les tensions de l’ère Trump. D’un côté, des manifestants tentant de bloquer des véhicules de l’ICE, de l’autre, des agents fédéraux prêts à user de la force contre quiconque ose défier leur autorité. Entre les deux, une jeune femme de 26 ans, ancienne journaliste devenue candidate au Congrès, qui découvre brutalement ce que signifie s’opposer au système dans l’Amérique de 2025.
La violence comme spectacle télévisé
Lorsque Laura Ingraham diffuse les images de l’incident sur Fox News, ce n’est pas un simple reportage qu’elle propose à ses téléspectateurs. C’est un divertissement politique, une mise en scène de la domination où la violence devient acceptable, voire souhaitable, dès lors qu’elle vise les « bonnes » cibles. « Une candidate démocrate jetée au sol par un agent de l’ICE. Bon travail », lance-t-elle avec cette désinvolture qui caractérise désormais le discours médiatique américain. Pas de questionnement, pas de nuance : juste l’approbation pure et simple d’un acte de force contre une citoyenne américaine.
Cette séquence révèle comment Fox News transforme la réalité en spectacle idéologique. Les images de Kat Abughazaleh projetée violemment au sol, puis se relevant immédiatement pour faire face aux agents, sont présentées comme une victoire de l’ordre sur le chaos. Peu importe que la candidate n’ait eu pour seules armes que « des pancartes, des chants et des chansons », comme elle l’expliquera plus tard. Dans la narration de Fox News, elle devient une terroriste domestique méritant son traitement.
Kat Abughazaleh, de journaliste à cible
Qui est cette femme que l’Amérique conservatrice transforme soudain en ennemi public ? Kat Abughazaleh, 26 ans, ancienne collaboratrice de Media Matters for America, organisation progressiste spécialisée dans la surveillance des médias conservateurs. Ironie du sort, celle qui analysait autrefois les dérives de Fox News depuis son bureau devient aujourd’hui l’objet de leur vindicte. Sa candidature au 9ème district congressionnel de l’Illinois, siège détenu depuis 1999 par Jan Schakowsky, fait d’elle une figure montante de la gauche américaine.
Son parcours de journaliste lui a appris à décrypter les mécanismes de manipulation médiatique. Quand elle se retrouve face aux agents masqués de l’ICE, elle sait exactement ce qui l’attend : devenir un symbole. « Ce que l’ICE vient de me faire subir n’est qu’un abus de pouvoir violent – et ce n’est encore rien comparé à ce qu’ils font subir aux communautés d’immigrants », écrit-elle sur les réseaux sociaux quelques minutes après l’incident. Elle comprend intuitivement que sa chute sur le bitume servira de métaphore à la violence systémique exercée contre les plus vulnérables.
L’Illinois, nouveau terrain de chasse
Le centre de détention de Broadview, en banlieue de Chicago, n’a pas été choisi au hasard pour cette démonstration de force. L’Illinois fait partie de ces États démocrates que l’administration Trump entend soumettre par l’intimidation. L’opération « Midway Blitz » lancée dans la région de Chicago vise officiellement à lutter contre la criminalité liée à l’immigration illégale, mais elle fonctionne surtout comme un instrument de pression politique contre le gouverneur J.B. Pritzker et les élus locaux.
Les manifestants qui tentaient ce vendredi-là de bloquer les véhicules de l’ICE ne protestaient pas seulement contre une politique d’immigration : ils défendaient leur vision de l’Amérique. Face à eux, des agents fédéraux en tenue de camouflage, visages masqués, équipés de gaz lacrymogène et de balles de poivre. Une mise en scène militaire qui transforme chaque intervention en opération de guerre contre des citoyens américains désarmés.
La mécanique de la déshumanisation

Quand résister devient « obstruer la justice »
La réaction de l’administration Trump ne s’est pas fait attendre. Tricia McLaughlin, secrétaire adjointe à la Sécurité intérieure, qualifie immédiatement Kat Abughazaleh de « candidate télé affamée de gloire » qui « met en danger nos forces de l’ordre pour faire obstruction à la justice ». Cette inversion rhétorique est devenue la marque de fabrique du trumpisme : transformer les victimes en agresseurs, les manifestants pacifiques en terroristes, les défenseurs des droits civiques en criminels.
L’accusation d' »obstruction à la justice » révèle toute l’hypocrisie du système. Depuis quand le fait de demander à voir un mandat judiciaire, comme l’avait fait Brad Lander quelques mois plus tôt à New York, constitue-t-il un crime ? Depuis quand bloquer pacifiquement un véhicule gouvernemental mérite-t-il d’être violenté par des agents fédéraux ? La réponse est simple : depuis que l’Amérique a décidé que la dissidence politique était devenue un acte de trahison.
L’uniforme comme masque de l’impunité
Les agents qui ont confronté les manifestants ce jour-là portaient des uniformes de camouflage intégral, visages masqués, sans aucun signe distinctif permettant de les identifier. Cette anonymisation volontaire n’est pas fortuite : elle permet d’exercer la violence sans crainte des conséquences. Quand on ne peut pas identifier l’auteur d’un acte, on ne peut pas le tenir responsable. C’est la mécanique de l’impunité organisée.
Cette tactique, empruntée aux unités militaires d’élite, transforme chaque intervention de l’ICE en opération paramilitaire. Les agents deviennent des soldats, les manifestants des ennemis, et la rue américaine un champ de bataille. Kat Abughazaleh l’a compris quand elle a déclaré après l’incident : « Ils nous traitent comme si c’était une zone de guerre. » C’est exactement ce que c’est devenu.
Le langage comme arme de guerre
Analyser le discours des partisans de l’administration révèle une rhétorique militarisée assumée. Greg Price, commentateur conservateur, écrit sur les réseaux sociaux : « Entraver une opération fédérale de l’ICE est un crime. » Paul Szypula va plus loin : « Arrêtez-la immédiatement et poursuivez-la pour ses nombreux crimes fédéraux. Faites d’elle un exemple légal. » Le vocabulaire utilisé ne laisse aucune place à la nuance : il s’agit de neutraliser un ennemi, pas de gérer un désaccord politique.
Cette déshumanisation linguistique précède toujours la violence physique. En transformant Kat Abughazaleh en « criminelle », en « maniac », en « terroriste », ses détracteurs justifient par avance toutes les violences qu’elle pourra subir. C’est un processus classique de construction de l’ennemi intérieur : on commence par modifier le langage, on finit par légitimer l’agression.
Fox News, fabrique du consentement à la violence

Laura Ingraham, prophète de la force brutale
Le commentaire de Laura Ingraham – « Good work » – résonne comme un verdict moral sur l’état de l’Amérique contemporaine. Cette femme, qui influence quotidiennement des millions de téléspectateurs, vient d’exprimer publiquement son approbation pour un acte de violence policière contre une candidate au Congrès. Pas de contextualisation, pas d’enquête, pas même une tentative d’objectivité journalistique : juste la satisfaction pure d’avoir vu « l’ennemi » humilié.
Cette séquence illustre parfaitement comment Fox News fabrique le consentement à l’autoritarisme. En présentant la violence comme une réponse légitime à la contestation, la chaîne conditionne son audience à accepter, voire à réclamer, des méthodes de plus en plus brutales contre quiconque ose défier l’ordre établi. Chaque « Good work » de Laura Ingraham autorise un peu plus la prochaine escalade.
La machine à produire de la haine
L’écosystème médiatique conservateur ne se contente plus d’informer ou même de convaincre : il produit industriellement de la haine. Les images de Kat Abughazaleh projetée au sol sont immédiatement récupérées, montées, commentées, transformées en contenu viral destiné à nourrir la colère de la base trumpiste. Sur les réseaux sociaux, les appels à la violence se multiplient : « Arrêtez cette folle », « Faites-en un exemple », « Qu’elle apprenne sa leçon ».
Cette machinerie de la radicalisation fonctionne selon un principe simple : déshumaniser pour légitimer. Kat Abughazaleh n’est plus une jeune femme de 26 ans qui manifeste pour ses convictions, elle devient un obstacle à éliminer, une menace à neutraliser. Cette transformation s’opère en temps réel, sous les yeux de millions d’Américains qui applaudissent le spectacle de la violence d’État.
L’audimat de l’autoritarisme
Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’un spectacle. Fox News a compris depuis longtemps que la violence fait audience. Chaque arrestation brutale, chaque confrontation filmée, chaque humiliation publique d’un opposant politique génère des millions de vues, des milliers de commentaires, des heures de débats passionnés. L’indignation, quelle que soit sa nature, est devenue la matière première de l’industrie médiatique.
Laura Ingraham ne félicite pas seulement l’agent de l’ICE : elle félicite le spectacle lui-même. Cette séquence de quelques secondes où une candidate démocrate est brutalisée par un agent masqué offre exactement ce que réclame l’audience de Fox News : la confirmation de sa supériorité morale et la satisfaction de voir « l’ennemi » puni. C’est du divertissement politique à l’état pur, où la souffrance d’autrui devient source de plaisir.
L'engrenage de la répression politique

Une stratégie d’intimidation systémique
L’incident de Broadview ne constitue pas un événement isolé. Depuis le début de l’année 2025, au moins cinq élus démocrates ont été arrêtés, interpellés ou confrontés violemment par les forces fédérales lors d’interventions liées à l’immigration. Brad Lander à New York, LaMonica McIver dans le New Jersey, Alex Padilla en Californie : tous ont découvert que contester la politique migratoire de Trump pouvait désormais mener directement à la case prison.
Cette escalade répressive suit une logique implacable : briser la résistance en s’attaquant à ses figures les plus visibles. En ciblant des élus, l’administration Trump envoie un message clair à tous les autres : votre statut ne vous protégera plus. Votre mandat ne vous met plus à l’abri. Si vous nous défiez, vous subirez les conséquences. C’est l’essence même de la stratégie de la terreur appliquée au système politique américain.
La normalisation de l’exception
Chaque arrestation, chaque confrontation violente contribue à normaliser l’inacceptable. Ce qui semblait impensable il y a encore quelques années – voir des élus américains menottés par des agents fédéraux pour avoir exercé leurs droits constitutionnels – devient progressivement banal. L’opinion publique s’habitue, les médias relativisent, les institutions se taisent. L’exception devient la règle sans que personne ne semble s’en apercevoir.
Cette normalisation s’appuie sur une rhétorique de la légitimité soigneusement construite. Chaque intervention brutale est présentée comme une nécessité opérationnelle, chaque arrestation comme l’application normale de la loi. Les agents de l’ICE ne brutalisent plus des manifestants : ils « maintiennent l’ordre public ». Ils n’arrêtent plus des élus : ils « font respecter la loi fédérale ». Le changement de vocabulaire précède et justifie le changement de pratiques.
La résistance sous surveillance
Face à cette répression organisée, comment les opposants politiques peuvent-ils encore s’exprimer ? La question hante désormais tous ceux qui osent encore défier l’orthodoxie trumpiste. Manifester devient dangereux, protester expose à des poursuites judiciaires, résister peut mener à l’arrestation. Dans ce contexte, beaucoup choisissent l’autocensure plutôt que la confrontation.
C’est exactement l’effet recherché par cette stratégie d’intimidation. Il ne s’agit pas seulement de punir ceux qui résistent aujourd’hui, mais de dissuader tous les autres de résister demain. Chaque image de Kat Abughazaleh jetée au sol, chaque « Good work » de Laura Ingraham, chaque applaudissement de l’audience de Fox News contribue à créer un climat de peur où la dissidence devient impensable.
Les failles béantes du système démocratique

Quand l’État abandonne ses citoyens
La violence exercée contre Kat Abughazaleh révèle une faillite institutionnelle majeure. Où étaient les contre-pouvoirs censés protéger les citoyens américains de la brutalité d’État ? Où étaient les médias mainstream pour dénoncer cette dérive ? Où était le Parti démocrate pour défendre sa candidate ? Cette absence généralisée de réaction institutionnelle constitue peut-être le signal le plus inquiétant de toute cette affaire.
Car si un agent fédéral peut impunément brutaliser une candidate au Congrès devant les caméras, si cette brutalité peut être célébrée sur une chaîne de télévision nationale, si cette célébration ne déclenche aucune réaction officielle, alors c’est que le système démocratique américain a cessé de fonctionner. Les garde-fous ont sauté, les équilibres se sont rompus, et nous assistons en direct à la transformation d’une démocratie en autocratie.
Le silence complice des institutions
Plus troublant encore que la violence elle-même : le silence qui l’entoure. Aucune enquête parlementaire n’a été ouverte sur ces méthodes d’intimidation. Aucun procureur général d’État démocrate n’a lancé de poursuites contre l’ICE. Aucune instance judiciaire ne s’est saisie de ces violations flagrantes des droits constitutionnels. Cette passivité institutionnelle équivaut à une validation tacite de l’usage de la force contre les opposants politiques.
En ne réagissant pas, les institutions démocratiques donnent leur accord implicite à la dérive autoritaire en cours. Chaque silence, chaque non-réaction, chaque refus d’enquêter contribue à légitimer la violence d’État. Les responsables politiques qui se taisent aujourd’hui portent une part de responsabilité dans l’escalade qui se dessine pour demain. Car cette escalade aura lieu, c’est mathématique : la violence politique, une fois normalisée, ne peut que s’intensifier.
La fracture irrémédiable
L’épisode de Broadview cristallise une fracture devenue irrémédiable au sein de la société américaine. D’un côté, ceux qui applaudissent quand une candidate démocrate est brutalisée par la police fédérale. De l’autre, ceux qui s’indignent de cette brutalité. Entre ces deux camps, plus aucun dialogue n’est possible, plus aucun compromis n’est envisageable. Nous assistons à la naissance de deux Amériques irréconciliables.
Cette fracture dépasse largement les clivages politiques traditionnels. Elle porte sur la nature même de ce que doit être une société démocratique. Peut-on accepter que l’État use de violence contre ses citoyens ? Peut-on tolérer que cette violence soit célébrée publiquement ? Peut-on admettre que la contestation politique expose à des représailles physiques ? Sur ces questions fondamentales, l’Amérique s’est scindée en deux, et rien ne semble pouvoir la réconcilier.
Les conséquences à long terme de la banalisation

Quand la violence devient routine
L’incident de Broadview marque une étape décisive dans la normalisation de la violence politique aux États-Unis. Désormais, brutaliser un opposant politique n’est plus tabou : c’est devenu un acte salué publiquement par une partie significative de l’opinion. Cette banalisation ouvre la voie à des dérives encore plus graves. Si on peut applaudir quand une candidate est jetée au sol, qu’applaudira-t-on demain quand elle sera hospitalisée ? Qu’applaudira-t-on après-demain quand elle sera tuée ?
L’histoire nous enseigne que la violence politique suit toujours une logique d’escalade. Elle commence par des bousculades, continue par des coups, et finit par des meurtres. Chaque étape rend la suivante plus acceptable, plus « normale », plus inévitable. En célébrant aujourd’hui la brutalité de l’agent de l’ICE, Fox News et ses téléspectateurs préparent psychologiquement l’opinion à accepter demain des violences encore plus graves.
La jeunesse américaine face à la dérive autoritaire
Kat Abughazaleh a 26 ans. Elle appartient à cette génération qui a grandi dans l’Amérique post-11 septembre, celle qui a vu la militarisation progressive de la société américaine, celle qui a assisté à l’érosion constante des libertés civiques au nom de la sécurité. Pour elle et ses contemporains, la violence d’État n’est plus une exception mais une réalité quotidienne. Cette normalisation générationnelle de l’autoritarisme constitue peut-être le danger le plus grave pour l’avenir démocratique du pays.
Quand une jeune femme de 26 ans déclare après avoir été brutalisée par des agents fédéraux : « Il est temps d’être prêt à être maltraité par les forces de l’ordre, parce que devinez quoi ? Les gens dans cette prison subissent des choses encore pires en ce moment », elle révèle à quel point l’acceptation de la violence s’est généralisée. Cette résignation face à l’inacceptable annonce une société où la brutalité d’État sera devenue si banale que personne ne songera plus à s’en étonner.
L’exportation du modèle américain
Les images de l’incident de Broadview ont fait le tour du monde en quelques heures. Elles sont devenues un symbole international de la dérive autoritaire américaine. Dans tous les pays où des régimes autocratiques répriment leurs opposants, ces images servent désormais de justification : « Même l’Amérique fait pareil. » Cette exportation involontaire du modèle répressif américain légitime partout dans le monde l’usage de la force contre la dissidence politique.
Paradoxalement, les États-Unis, qui se présentent depuis des décennies comme le champion mondial de la démocratie et des droits de l’homme, offrent aujourd’hui aux dictatures du monde entier un exemple parfait de ce qu’il faut faire pour briser la résistance politique : brutaliser les opposants et faire célébrer cette brutalité par les médias. Cette inversion complète du soft power américain constitue l’une des conséquences les plus durables de l’ère Trump.
Vers une Amérique post-démocratique ?

Les signes avant-coureurs d’un basculement
L’affaire Kat Abughazaleh pourrait marquer l’entrée définitive des États-Unis dans l’ère post-démocratique. Tous les signaux d’alarme sont au rouge : la violence d’État normalisée, les médias qui célèbrent cette violence, l’opinion publique qui l’approuve, les institutions qui se taisent. Ces symptômes caractérisent classiquement les sociétés en transition vers l’autocratie. Nous assistons peut-être aux derniers soubresauts de la démocratie américaine.
Cette transition ne se fait pas brutalement, par un coup d’État militaire classique. Elle s’opère progressivement, par l’accumulation de petites transgressions qui finissent par détruire l’ensemble de l’édifice démocratique. Une candidate brutalisée et applaudie aujourd’hui, un élu arrêté et célébré demain, une manifestation réprimée dans le sang après-demain… Chaque étape prépare la suivante, chaque violence rend la prochaine plus acceptable.
La résistance face à l’Histoire
Dans ce contexte dramatique, l’attitude de Kat Abughazaleh prend une dimension historique. En se relevant immédiatement après avoir été jetée au sol, en faisant face aux agents qui l’avaient brutalisée, en publiant les images de sa propre humiliation, elle a envoyé un message puissant : la résistance est encore possible. Cette jeune femme de 26 ans a rappelé à l’Amérique qu’il existe encore des citoyens prêts à payer le prix de leurs convictions.
Sa déclaration après l’incident résonne comme un manifeste de résistance : « Les droitiers appellent à mon arrestation. Vous savez pourquoi ? Parce qu’ils savent que je suis la seule candidate de ma circonscription qui osera vraiment s’opposer à l’ICE et à Trump. Et ils ont raison. » Dans une époque où l’autocensure devient la règle, cette affirmation de détermination constitue un acte de courage rare.
L’urgence du réveil démocratique
L’incident de Broadview lance un ultimatum silencieux à la société américaine : il faut choisir. Soit accepter définitivement que la violence devienne un instrument politique normal, et alors basculer assumément dans l’autocratie. Soit rejeter cette dérive et reconstruire les garde-fous démocratiques. Mais l’entre-deux n’est plus possible. Le statu quo équivaut désormais à un choix en faveur de l’autoritarisme.
Cette alternative radicale concerne tous les Américains, quel que soit leur bord politique. Car une fois que la violence d’État sera devenue totalement normale, plus personne ne sera à l’abri. Ceux qui applaudissent aujourd’hui quand leurs ennemis politiques sont brutalisés découvriront peut-être demain ce que signifie être du mauvais côté de la matraque. L’autoritarisme ne fait jamais de distinction durable entre ses soutiens et ses opposants : il finit toujours par dévorer tout le monde.
Conclusion

Le « Good work » de Laura Ingraham résonnera longtemps dans l’Histoire américaine. Ces deux mots prononcés avec désinvolture après avoir vu une candidate démocrate brutalisée par un agent fédéral marquent peut-être la mort définitive du rêve démocratique américain. Ils incarnent cette Amérique nouvelle où la violence devient spectacle, où la brutalité d’État se transforme en divertissement, où l’humiliation de l’adversaire politique procure du plaisir.
Kat Abughazaleh, en se relevant de ce bitume de Broadview, a offert à son pays une dernière chance de retrouver son âme. Sa résistance face aux agents masqués, sa détermination malgré les coups, son refus de se taire malgré les menaces rappellent ce que fut autrefois l’Amérique des droits civiques, celle qui savait encore distinguer la justice de la force. Mais cette Amérique-là semble désormais appartenir au passé.
Car les applaudissements qui ont suivi les images de sa chute révèlent une transformation anthropologique profonde. Une partie significative de la société américaine a basculé dans l’acceptation, voire la célébration de la violence politique. Cette mutation, probablement irréversible, annonce une ère nouvelle où la démocratie ne sera plus qu’un mot vidé de son sens, une façade pour masquer la réalité d’un régime autoritaire assumé.
L’Histoire retiendra peut-être le 19 septembre 2025 comme le jour où l’Amérique a définitivement renoncé à ses idéaux fondateurs. Le jour où Fox News a officiellement déclaré la guerre à la démocratie. Le jour où une partie du peuple américain a choisi la force contre le droit, la violence contre le débat, l’autoritarisme contre la liberté. Et tout cela sous les applaudissements, dans l’indifférence générale, comme si de rien n’était.
Mais peut-être que d’autres se souviendront aussi de cette jeune femme de 26 ans qui s’est relevée après avoir été jetée au sol, qui a regardé ses bourreaux dans les yeux et qui a continué à parler de justice. Peut-être que son courage inspirera d’autres résistants, d’autres consciences qui refuseront encore de courber l’échine. Peut-être que l’Amérique démocratique trouvera encore en elle la force de se réinventer. Peut-être. Mais il faut se dépêcher : le temps presse, et les bourreaux ont déjà commencé à applaudir.