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La Russie s’effondre de l’intérieur : les drones ukrainiens étranglent l’or noir de Poutine
Credit: Adoibe Stock

Il y a quelque chose de profondément ironique — presque poétique — dans ce qui se déroule actuellement en Russie. Le pays qui s’est toujours vanté d’être une superpuissance énergétique, celui qui a utilisé son gaz et son pétrole comme armes de chantage pendant des décennies, ce géant qui croyait pouvoir tenir l’Europe à genoux en fermant quelques vannes… ce même pays se retrouve aujourd’hui à genoux, non pas à cause des sanctions occidentales, mais parce que des essaims de drones ukrainiens ont décidé de frapper là où ça fait vraiment mal. Depuis août 2025, seize des trente-huit raffineries russes ont été touchées par ces attaques aériennes méthodiques, réduisant la capacité de raffinage du pays de plus d’un million de barils par jour. Un million de barils. Chaque jour. Disparus dans les flammes et la fumée noire qui s’élève au-dessus des installations pétrolières transformées en brasiers.

Ce n’est plus une simple campagne militaire. C’est une guerre économique totale, une strangulation progressive et implacable de la machine de guerre russe. Les images qui nous parviennent de Moscou, de Saint-Pétersbourg, de ces villes russes où les files d’attente s’allongent devant des stations-service à sec, ces images racontent une vérité que le Kremlin tente désespérément de cacher : la Russie, ce colosse aux pieds d’argile, est en train de manquer de carburant. Oui, vous avez bien lu. Le deuxième exportateur mondial de pétrole rationne l’essence comme un pays du tiers-monde. Dix litres par client. Vingt tout au plus. Et encore, quand il y en a. Les prix du diesel ont explosé de quarante à cinquante pourcent depuis le début de l’année, atteignant des records historiques à la bourse de Saint-Pétersbourg. Les exportations de diesel ont chuté à leur niveau le plus bas depuis 2020. Et pendant ce temps, les drones continuent de vrombir dans le ciel russe, silencieux messagers d’une défaite qui ne dit pas encore son nom.

Une campagne méthodique qui vise le cœur du système

Ce qui frappe dans cette campagne ukrainienne, c’est sa précision chirurgicale. On ne parle pas ici de frappes aveugles ou désespérées. Non. Chaque cible est soigneusement sélectionnée, chaque attaque minutieusement planifiée. Le 26 septembre dernier, la raffinerie Afipsky dans la région de Krasnodar a été frappée pour la deuxième fois en un mois. Cette installation, capable de traiter 9,1 millions de tonnes de brut par an, représente 2,1% de la capacité totale de raffinage russe. Elle fournit le carburant pour les chars, les camions militaires, les avions qui bombardent quotidiennement les villes ukrainiennes. En la touchant, Kiev ne détruit pas seulement une infrastructure économique. Kiev coupe les artères qui alimentent le monstre.

Quelques jours plus tôt, le 14 septembre, c’était au tour de la massive raffinerie de Kirishi, dans la région de Leningrad, de s’embraser sous les impacts de drones. Cette installation traite normalement 355 000 barils par jour — soit 6,4% de la capacité nationale. Imaginez l’impact. Imaginez les calculs paniqués au ministère de l’Énergie russe quand ils ont vu les flammes dévorer ce qui était censé être une installation stratégique inviolable. Car c’est bien là le problème pour Moscou : aucun endroit n’est plus sûr. Les drones ukrainiens ont frappé à plus de 1300 kilomètres de la ligne de front, atteignant des cibles en Bachkirie, dans l’Oural, presque aux confins de la Sibérie. La profondeur stratégique russe, ce concept militaire dont se gargarisaient les généraux du Kremlin, n’existe plus.

Le diesel qui disparaît, l’économie qui suffoque

Parlons maintenant des conséquences concrètes, tangibles, de cette guerre asymétrique qui se joue à 10 000 mètres d’altitude. Le Financial Times a publié des chiffres accablants : les exportations russes de diesel ont chuté à leur plus bas niveau depuis cinq ans. Cinq ans. Nous parlons d’un retour aux niveaux de 2020, année de tous les chaos. Mais cette fois, ce n’est pas une pandémie qui est responsable. C’est une volonté délibérée, une stratégie pensée, exécutée avec une efficacité redoutable par les forces ukrainiennes. Le groupe de recherche Energy Aspects confirme : plus d’un million de barils par jour de capacité de raffinage ont été neutralisés, faisant chuter les exportations en-dessous des niveaux d’avant-guerre.

Et l’impact ne se limite pas aux chiffres abstraits du commerce international. Sur le terrain, dans les provinces russes, c’est la pénurie qui s’installe. Des régions entières — la Volga, le sud, l’Extrême-Orient russe — ont instauré des rationnements stricts. Les stations-service limitent les ventes à dix ou vingt litres par client. Certaines ne proposent plus que du diesel. D’autres ferment tout simplement, incapables de s’approvisionner. Pavel Bazhenov, président de l’Union indépendante du carburant, a confirmé au quotidien pro-Kremlin Izvestia que ces mesures visaient à « traverser cette période difficile de pénuries ». Période difficile. Quel euphémisme élégant pour décrire une crise énergétique dans le pays qui se prétendait maître absolu de l’énergie mondiale. Les chauffeurs routiers bloquent les routes. Les agriculteurs ne peuvent plus récolter leurs champs. La colère monte, lentement mais sûrement.

Quand le prix de l’essence devient un problème politique

Il faut comprendre une chose fondamentale sur la Russie de Poutine : le pacte social qui lie le pouvoir au peuple repose sur une promesse simple. Le Kremlin garantit la stabilité économique, des prix accessibles pour les biens essentiels, et en échange, la population ferme les yeux sur les dérives autoritaires. Mais que se passe-t-il quand cette promesse vole en éclats ? Quand le prix de l’essence atteint des sommets records, avec une augmentation de quarante à cinquante pourcent en moins d’un an ? Quand l’AI-92 se négocie à 73 600 roubles la tonne à la bourse de Saint-Pétersbourg, et l’AI-95 à 71 100 roubles ? Ces chiffres ne parlent peut-être pas à tout le monde, mais pour les Russes ordinaires, ils signifient une chose : leur pouvoir d’achat s’effondre.

 

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