Un mois d’enfer : L’Ukraine frappe la Russie en plein cœur, le pétrole brûle, Moscou vacille
Auteur: Maxime Marquette
Il y a des moments dans l’histoire où le silence se brise, où le ciel s’embrase, où la certitude s’effondre. Septembre 2025 restera gravé comme le mois où l’Ukraine a frappé la Russie là où personne ne l’attendait, là où ça fait le plus mal, là où les flammes ne s’éteignent pas facilement. Des ports stratégiques aux raffineries géantes, des villes éloignées du front aux terminaux pétroliers de la Baltique, Kiev a déclenché une offensive silencieuse mais dévastatrice. 84 drones dans une seule nuit, 221 en une autre, des centaines d’engins volants qui traversent les défenses russes comme si elles n’existaient pas. Ce n’est plus une guerre de tranchées, c’est une guerre du feu, une guerre de l’ombre, une guerre qui redéfinit les règles du combat moderne. La Russie, géant nucléaire, découvre sa vulnérabilité face à des drones bon marché pilotés à des centaines de kilomètres. Les raffineries explosent, les terminaux s’embrasent, les stocks de carburant s’évaporent dans des panaches de fumée noire qui montent vers un ciel indifférent.
La dernière semaine de septembre a été particulièrement sanglante, particulièrement audacieuse, particulièrement révélatrice. Le 24 septembre, l’Ukraine a réalisé ce que beaucoup croyaient impossible : frapper simultanément deux ports majeurs distants de plus de 170 kilomètres, Novorossiysk et Tuapse, avec des drones marins qui ont traversé 400 kilomètres d’eaux hostiles. Le 14 septembre, c’est la raffinerie de Kirishi, l’une des trois plus grandes de Russie, qui s’est transformée en brasier. Dans la nuit du 28 au 29 septembre, pas moins de 84 drones ukrainiens ont été interceptés au-dessus de multiples régions russes, dont quatre dans la banlieue de Moscou. Et puis il y a eu Samara, cette ville à 800 kilomètres du front, où quatre personnes sont mortes dans leur sommeil, pulvérisées par un drone qui n’aurait jamais dû arriver jusque-là. Chaque attaque raconte une histoire, chaque explosion est un message, chaque incendie est une preuve : la Russie n’est plus intouchable. Le mythe de l’invulnérabilité s’effondre dans les flammes des raffineries, dans les débris des terminaux pétroliers, dans le silence terrifié des populations civiles qui découvrent que la guerre, cette guerre lointaine, vient frapper à leur porte.
Novorossiysk et Tuapse : la nuit où les ports ont brûlé

Le 24 septembre, une date dans l’histoire militaire
Il est des nuits qui changent le cours d’une guerre. Le 24 septembre 2025 en fait partie. Alors que la Russie dormait, convaincue de sa supériorité défensive, l’Ukraine a lancé l’opération la plus audacieuse de tout le conflit. Des drones navals — ces engins autonomes qui glissent à la surface de l’eau comme des requins silencieux — ont quitté leurs bases secrètes pour une mission suicidaire : frapper simultanément Novorossiysk et Tuapse, les deux artères vitales qui irriguent l’économie de guerre russe. Deux ports fortifiés, protégés par des systèmes de défense aérienne sophistiqués, surveillés par des patrouilles navales permanentes, considérés comme imprenables. Pourtant, à l’aube du 25 septembre, les images satellites ne mentaient pas : les terminaux pétroliers étaient en feu, les infrastructures détruites, les exportations paralysées. L’Ukraine venait de réaliser ce que les stratèges occidentaux croyaient impossible : porter un coup fatal à l’économie russe avec des armes que personne ne prenait au sérieux il y a encore deux ans.
La coordination de cette attaque révèle un niveau de sophistication militaire stupéfiant. Frapper deux cibles distantes de 170 kilomètres au même moment nécessite une synchronisation parfaite, une intelligence artificielle capable de gérer des essaims de drones, des systèmes de communication cryptés qui échappent au brouillage électronique russe. Les drones ont navigué pendant des heures à travers des eaux hostiles, évité les patrouilles de la flotte russe de la mer Noire, contourné les systèmes radar côtiers, avant de frapper avec une précision chirurgicale. Les explosions ont déchiré la nuit, les flammes ont illuminé le ciel, et pendant des heures, la panique s’est emparée des autorités russes qui réalisaient l’ampleur de la catastrophe. Ce n’était pas un sabotage isolé, c’était une décapitation stratégique. L’Ukraine venait de démontrer qu’elle possédait désormais les capacités d’une puissance navale moderne, capable de projeter sa force à des centaines de kilomètres de ses côtes, capable de paralyser les infrastructures les plus protégées de l’ennemi.
Drones marins : la révolution silencieuse de la guerre navale
Oubliez les porte-avions, les sous-marins nucléaires, les frégates lance-missiles. La guerre navale du XXIe siècle se joue avec des engins qui coûtent quelques dizaines de milliers de dollars, qui se pilotent depuis un ordinateur portable, qui peuvent transformer n’importe quel cargo en arme flottante. Les drones navals ukrainiens sont devenus la terreur de la mer Noire, ces fantômes aquatiques qui surgissent de nulle part, qui frappent avant qu’on ait le temps de réagir, qui disparaissent dans les vagues après avoir semé la destruction. Ils ne ressemblent à rien de ce que les amiraux ont appris dans leurs académies militaires. Ils sont rapides, furtifs, autonomes, capables de naviguer pendant des jours sans intervention humaine, équipés d’explosifs suffisants pour éventrer la coque d’un destroyer. La Russie, avec sa flotte imposante et ses milliards investis dans la défense navale, se retrouve impuissante face à des engins bricolés dans des ateliers secrets, conçus par des ingénieurs qui n’avaient jamais construit de bateau avant la guerre.
L’attaque de Novorossiysk et Tuapse marque un tournant dans l’évolution de la guerre asymétrique. Pour la première fois, un pays sans marine de guerre digne de ce nom parvient à neutraliser les infrastructures navales d’une superpuissance nucléaire. Les implications sont vertigineuses. Si l’Ukraine peut frapper ces ports, elle peut frapper n’importe quelle installation côtière russe. Les bases navales de Sebastopol, les terminaux gaziers de la Baltique, les ports de l’Arctique — tout devient vulnérable. La Russie doit désormais protéger des milliers de kilomètres de côtes avec des moyens limités, disperser ses forces de défense aérienne, multiplier les patrouilles navales. Chaque drone ukrainien qui réussit à passer coûte des millions en infrastructures détruites, en carburant perdu, en crédibilité érodée. C’est une guerre d’attrition économique menée avec une efficacité redoutable, une guerre où le faible peut saigner le fort à petit feu, où la technologie compense la supériorité numérique.
Deux millions de barils paralysés : le coup au cœur de l’économie russe
Les chiffres donnent le vertige. Deux millions de barils d’exportations quotidiennes paralysés d’un seul coup. C’est l’équivalent de près de 20% des exportations pétrolières russes qui s’évaporent instantanément, privant Moscou de recettes vitales pour financer son effort de guerre. Les terminaux de Novorossiysk et Tuapse ne sont pas de simples installations portuaires, ce sont des artères qui irriguent l’économie russe, qui permettent d’acheminer le pétrole sibérien vers les marchés internationaux, qui génèrent des milliards de dollars de revenus chaque mois. Sans ces ports, la Russie doit trouver des routes alternatives, plus longues, plus coûteuses, moins efficaces. Les pétroliers restent à quai, les stocks s’accumulent, les acheteurs cherchent d’autres fournisseurs. C’est exactement ce que recherchait l’Ukraine : frapper l’économie russe là où elle est la plus vulnérable, transformer chaque dollar perdu en arme de guerre, obliger Moscou à choisir entre nourrir sa population et financer ses tanks.
La panique qui s’est emparée des autorités russes après l’attaque révèle l’ampleur de la catastrophe. Les défenses anti-aériennes ont tiré dans tous les sens, touchant davantage de bâtiments civils que de drones, semant la terreur parmi la population locale. Des voitures ont été détruites, des immeubles résidentiels endommagés par les débris de missiles intercepteurs qui retombaient n’importe où. Cette débandade illustre un problème plus profond : la Russie n’est pas préparée à ce type de guerre, ses systèmes de défense sont conçus pour intercepter des avions de chasse et des missiles balistiques, pas des essaims de drones navals qui arrivent au ras de l’eau. Les conséquences économiques se font déjà sentir. Les prix du carburant flambent sur le marché russe, les pénuries s’aggravent, les autorités locales instaurent des rationnements. Le peuple russe, habitué aux récits de grandeur propagés par les médias d’État, découvre la réalité brutale : leur pays est vulnérable, leur économie peut être paralysée, leur supériorité militaire est une illusion.
Kirishi : quand la troisième raffinerie de Russie s'effondre

La raffinerie géante du nord-ouest russe
Si vous cherchez le symbole de la puissance énergétique russe, la raffinerie de Kirishi dans l’oblast de Leningrad en est l’incarnation parfaite. 17,7 millions de tonnes de brut raffinées chaque année, soit 355 000 barils par jour, l’une des trois plus grandes installations du pays. Elle produit tout ce dont une armée moderne a besoin : essence, diesel, kérosène pour les avions de chasse, huiles spéciales pour les chars. C’est une ville industrielle à elle seule, avec ses kilomètres de tuyaux, ses tours de distillation qui s’élèvent vers le ciel, ses réservoirs de stockage qui contiennent des millions de litres de produits inflammables. Détruire Kirishi, c’est amputer la Russie d’une partie vitale de sa capacité de production, c’est priver son armée du carburant nécessaire à ses opérations militaires, c’est créer des pénuries qui se répercuteront dans tout le pays. Et c’est exactement ce que l’Ukraine a fait dans la nuit du 13 au 14 septembre 2025.
L’attaque a été menée avec une précision chirurgicale. Selon les sources russes, au moins 80 drones ukrainiens ont été lancés cette nuit-là, dont plusieurs ont spécifiquement ciblé Kirishi. Trois ont été officiellement abattus par la défense aérienne, mais les débris — comme par hasard — sont tombés exactement sur les installations clés de la raffinerie, déclenchant un incendie spectaculaire qui a illuminé le ciel nocturne. Les autorités russes ont rapidement affirmé que le feu avait été maîtrisé, qu’il n’y avait aucun blessé, que tout était sous contrôle. Mensonges. Les images publiées par les habitants sur les réseaux sociaux montraient une tout autre réalité : des flammes gigantesques s’élevant à des dizaines de mètres, des explosions secondaires qui se succédaient, une fumée noire et toxique qui recouvrait la région. Le commandement des drones ukrainiens a confirmé avoir mené une « frappe réussie » sur la raffinerie, et les sources industrielles ont révélé quelque chose que Moscou voulait cacher : une unité de traitement représentant 40% de la capacité de production avait été gravement endommagée.
Quarante pour cent de production stoppée net
Imaginez un instant ce que signifie perdre 40% de la capacité de production de votre troisième plus grande raffinerie. C’est comme amputer un athlète olympique d’une jambe et s’attendre à ce qu’il continue à courir aussi vite. Les sources industrielles citées par Reuters ont révélé que le four principal de l’unité de traitement avait été endommagé, ainsi que d’autres équipements critiques. La réparation prendrait au moins un mois complet, peut-être davantage si les pièces de rechange ne sont pas disponibles — et avec les sanctions occidentales qui étranglent l’accès de la Russie aux technologies de pointe, trouver ces pièces relève du parcours du combattant. Un mois de production perdue, c’est des dizaines de milliers de barils qui ne seront jamais raffinés, c’est du carburant qui manquera aux stations-service russes, c’est du kérosène qui ne remplira pas les réservoirs des bombardiers, c’est du diesel absent des convois logistiques qui approvisionnent le front ukrainien.
La stratégie ukrainienne derrière cette attaque est d’une logique implacable. Pourquoi gaspiller des missiles à longue portée pour détruire des dépôts militaires quand on peut frapper les raffineries qui produisent le carburant ? Chaque litre qui ne sort pas de Kirishi est un litre qui manquera aux forces russes sur le terrain. Les tanks immobilisés faute de diesel, les avions cloués au sol faute de kérosène, les camions de ravitaillement qui ne peuvent plus circuler — tout cela découle directement de ces frappes contre les infrastructures énergétiques. Et le plus beau, c’est que la Russie ne peut pas simplement importer du carburant raffiné pour compenser : les sanctions occidentales rendent ces importations extrêmement difficiles et coûteuses, et de toute façon, aucun pays ne peut fournir les quantités nécessaires dans un délai aussi court. Kirishi n’est pas qu’une raffinerie en flammes, c’est un symbole de l’impuissance russe face à une stratégie ukrainienne qui frappe là où ça fait vraiment mal.
L’essence russe en crise : pénuries et rationnements
Pendant que Moscou niait l’ampleur des dégâts causés à Kirishi, les Russes ordinaires faisaient la queue pendant des heures devant des stations-service à sec. La hausse saisonnière de la demande combinée aux frappes ukrainiennes répétées sur les raffineries a créé une tempête parfaite. Dans certaines régions, les autorités locales ont instauré des rationnements stricts : tant de litres par véhicule, pas plus. Dans d’autres, les stations ont purement et simplement fermé, leurs cuves vidées sans espoir de réapprovisionnement rapide. Les chauffeurs routiers, ces hommes qui assurent l’approvisionnement de millions de citoyens à travers le plus grand pays du monde, ont commencé à bloquer les routes pour protester contre la pénurie de diesel. Les agriculteurs, incapables de faire fonctionner leurs moissonneuses-batteuses, regardent leurs récoltes pourrir dans les champs. La colère monte, sourde mais palpable.
Le gouvernement russe a tenté de rassurer la population en suspendant temporairement les exportations d’essence jusqu’au 30 septembre, avec une interdiction partielle prolongée jusqu’au 31 octobre pour les traders et intermédiaires. Mais cette mesure d’urgence ne fait que confirmer ce que tout le monde savait déjà : la Russie est en train de perdre le contrôle de son approvisionnement énergétique. Pour un pays qui se vantait d’être le deuxième exportateur de pétrole au monde, qui utilisait l’énergie comme arme géopolitique, c’est une humiliation sans précédent. Les images de Russes faisant la queue pour quelques litres d’essence rappellent douloureusement les dernières années de l’Union soviétique, quand la pénurie était devenue la norme. L’histoire se répète, mais cette fois, ce n’est pas l’inefficacité du système communiste qui est en cause — c’est une guerre que la Russie est en train de perdre, raffinerie après raffinerie, litre après litre.
Septembre 2025 : le mois de l'escalade sans précédent

La nuit du 12 septembre : 221 drones dans le ciel russe
Le 12 septembre 2025 restera comme l’une des attaques de drones les plus massives jamais menées par l’Ukraine depuis le début de cette guerre. 221 drones ukrainiens ont été interceptés par les défenses anti-aériennes russes, selon le ministère de la Défense à Moscou — un chiffre qui donne le vertige, qui révèle l’ampleur des capacités ukrainiennes en matière de guerre des drones. Deux cent vingt-et-un engins volants lancés simultanément à travers plusieurs centaines de kilomètres, coordonnés pour saturer les défenses russes, programmés pour frapper des dizaines de cibles différentes. Neuf drones ont été abattus dans la région de Moscou, vingt-huit dans celle de Saint-Pétersbourg — la deuxième ville du pays, située loin du front, considérée comme un sanctuaire imprenable. Cette attaque a marqué un tournant psychologique : pour la première fois, les grandes métropoles russes réalisaient qu’elles n’étaient plus à l’abri.
Dans la région de Saint-Pétersbourg, un drone a réussi à atteindre le port de Primorsk sur la mer Baltique, mettant le feu à un navire et à une station de pompage. Les flammes ont dansé pendant des heures sur les eaux froides de la Baltique, visibles depuis la côte, spectacle terrifiant pour une population qui découvrait soudain que la guerre n’était plus une réalité lointaine diffusée à la télévision. Les autorités ont tenté de minimiser l’incident, parlant de « dégâts mineurs », mais les images satellites ne mentaient pas : le terminal pétrolier avait subi des dommages considérables, les opérations d’exportation avaient dû être suspendues. Cette attaque, quelques jours seulement avant les manœuvres militaires russo-biélorusses Zapad-2025, envoyait un message clair à Moscou : nous pouvons frapper n’importe où, n’importe quand, et vos exercices militaires de démonstration de force ne nous impressionnent pas.
La semaine sanglante : du 22 au 29 septembre
Si septembre 2025 est entré dans l’histoire, c’est surtout grâce à sa dernière semaine — sept jours d’une intensité folle, sept jours où l’Ukraine a multiplié les frappes avec une régularité méthodique, presque industrielle. Le 24 septembre, c’était Novorossiysk et Tuapse. Dans la nuit du 27 au 28 septembre, 41 drones ukrainiens ont été interceptés au-dessus de la Russie, selon les autorités de Moscou. Dans la nuit du 28 au 29, ce sont 84 drones qui ont traversé le ciel russe : 24 au-dessus de la région de Briansk, 21 au-dessus de Belgorod, 9 au-dessus de Voronej, 9 au-dessus de Smolensk, 7 au-dessus de Kalouga, 4 au-dessus de la région de Moscou, 3 au-dessus d’Oriol, 1 au-dessus de Koursk. Une litanie de chiffres qui cache une réalité terrifiante pour les Russes : leur pays est devenu un terrain de chasse pour les drones ukrainiens.
Chaque nuit, les sirènes hurlent dans les villes russes. Chaque nuit, les défenses anti-aériennes crachent leurs missiles vers des cibles invisibles dans l’obscurité. Chaque nuit, les habitants se réveillent en sursaut au bruit des explosions, se demandant si cette fois, le drone va atteindre leur quartier, leur immeuble, leur famille. La vie quotidienne dans les régions frontalières s’est transformée en un cauchemar permanent. Les écoles ferment à la moindre alerte, les usines tournent au ralenti, les commerces peinent à se ravitailler. L’économie locale s’effondre sous le poids d’une guerre qui n’en finit plus, qui s’intensifie au lieu de s’apaiser, qui frappe de plus en plus loin de la ligne de front. Et pendant que les médias russes continuent à parler d’« opération militaire spéciale », les Russes ordinaires comprennent qu’ils sont en pleine guerre totale — une guerre que leur pays est en train de perdre.
Samara en deuil : quatre morts à 800 kilomètres du front

Quand la mort surgit là où personne ne l’attendait
Il y a des moments où la guerre révèle sa nature profondément injuste, profondément absurde. Samara, une ville du sud-ouest de la Russie, à plus de 800 kilomètres du front ukrainien, semblait à l’abri des combats. C’est une ville industrielle tranquille au bord de la Volga, où la vie continuait presque normalement malgré la guerre lointaine. Les habitants regardaient les informations sur l’Ukraine avec un mélange d’indifférence et de lassitude, convaincus que tout cela se passait trop loin pour les affecter directement. Et puis, dans la nuit, un drone ukrainien est arrivé. Huit cents kilomètres parcourus en pilotage automatique, huit cents kilomètres à travers les défenses aériennes russes, les radars, les patrouilles, les zones interdites. Un exploit technique qui aurait dû être impossible. Mais le drone est arrivé, et il a frappé.
Quatre personnes sont mortes. Quatre civils qui dormaient, qui n’avaient rien à voir avec la guerre, qui ne portaient pas d’uniforme, qui ne manipulaient pas d’armes. Une grand-mère et son petit-fils, entre autres, brûlés vifs dans l’explosion qui a suivi l’impact. Leurs corps carbonisés retrouvés dans les décombres d’une maison de banlieue qui n’avait rien de stratégique, rien de militaire, rien qui justifie d’être ciblé. Les autorités russes ont immédiatement dénoncé une « attaque terroriste délibérée contre des cibles civiles », et pour une fois, leur indignation semblait sincère. Mais cette indignation sonne creux quand on sait que la Russie bombarde quotidiennement des villes ukrainiennes, tue des dizaines de civils chaque semaine, détruit des écoles, des hôpitaux, des immeubles d’habitation. La symétrie de l’horreur est parfaite, et c’est précisément ce qui rend cette guerre si terrible : elle ne fait plus de distinction entre combattants et non-combattants, entre cible légitime et victime innocente.
Le message dans le sang : nulle part n’est sûr
L’attaque de Samara envoie un message glaçant à toute la Russie : personne n’est à l’abri. Si les drones ukrainiens peuvent atteindre Samara à 800 kilomètres du front, ils peuvent atteindre n’importe quelle ville russe. Moscou, à 700 kilomètres. Saint-Pétersbourg, à 850 kilomètres. Kazan, Ekaterinbourg, Novossibirsk — toutes les grandes métropoles russes sont désormais à portée. La profondeur stratégique sur laquelle comptait la Russie, cette immensité territoriale qui la protégeait traditionnellement des invasions, ne signifie plus rien à l’ère des drones longue distance. Un engin qui coûte quelques milliers de dollars peut voler pendant des heures, franchir des centaines de kilomètres, et frapper au cœur du territoire ennemi sans mettre en danger un seul pilote ukrainien. C’est une révolution militaire dont la Russie subit les conséquences de plein fouet.
La population russe commence à comprendre ce que vivent les Ukrainiens depuis février 2022. Cette angoisse permanente en entendant le vrombissement d’un drone. Cette terreur soudaine quand les sirènes se déclenchent en pleine nuit. Cette impuissance face à un ennemi invisible qui peut frapper n’importe quand, n’importe où. Les quatre morts de Samara ne sont pas qu’une statistique, ce sont des martyrs involontaires d’une guerre que personne ne contrôle plus, d’une escalade qui semble ne jamais devoir s’arrêter. Chaque frappe ukrainienne provoque des représailles russes encore plus violentes, qui provoquent à leur tour de nouvelles frappes ukrainiennes, dans une spirale infernale où les civils des deux côtés paient le prix le plus lourd. Le gouverneur de Samara a déclaré l’état d’urgence, renforcé la défense aérienne, évacué certains quartiers. Mais ces mesures ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois — comment protéger une ville entière contre des drones qui peuvent surgir de n’importe quelle direction ?
La stratégie du chaos énergétique

Frapper l’économie, pas seulement l’armée
Ce qui rend les frappes ukrainiennes de septembre 2025 particulièrement redoutables, c’est qu’elles obéissent à une logique stratégique implacable. L’Ukraine ne gaspille pas ses ressources limitées à bombarder des casernes ou des dépôts d’armes — elle frappe directement le cœur économique de la Russie. Les raffineries, les terminaux pétroliers, les ports d’exportation, les infrastructures ferroviaires qui transportent le brut — voilà les vraies cibles. Pourquoi ? Parce que chaque dollar que la Russie ne gagne pas grâce à ses exportations de pétrole est un dollar qui manquera pour financer sa machine de guerre. Les tanks, les missiles, les avions de chasse — tout cela nécessite des budgets colossaux que seules les exportations énergétiques peuvent fournir. En détruisant ces infrastructures, l’Ukraine ne frappe pas seulement l’économie russe, elle affame littéralement l’effort de guerre ennemi.
Les frappes contre les raffineries ont un autre effet dévastateur : elles créent des pénuries de carburant en Russie même. Quand les stocks d’essence s’épuisent, quand le diesel vient à manquer, c’est toute l’économie russe qui ralentit. Les camions ne peuvent plus livrer les marchandises, les agriculteurs ne peuvent plus récolter leurs champs, les usines tournent au ralenti faute de pouvoir alimenter leurs générateurs. Les prix flambent, la population s’appauvrit, la colère monte. Et pendant ce temps, l’armée russe doit faire des choix douloureux : privilégier le ravitaillement des unités de combat en diesel, ou assurer l’approvisionnement des villes en essence ? Rationner le kérosène pour les bombardiers, ou maintenir un semblant de vie économique normale ? Ces dilemmes stratégiques sont précisément ce que recherche l’Ukraine — transformer la guerre en un gouffre économique qui finira par dévorer la Russie de l’intérieur.
Chaque litre compte dans une guerre d’attrition
On ne gagne pas une guerre moderne sans carburant. Chaque litre compte. Les chars russes qui avancent dans le Donbass consomment des centaines de litres de diesel par jour. Les bombardiers qui décollent pour frapper Kiev nécessitent des dizaines de milliers de litres de kérosène. Les convois logistiques qui acheminent les munitions vers le front avalent des quantités astronomiques de carburant. Multipliez ces chiffres par les milliers d’engins militaires déployés par la Russie en Ukraine, et vous obtenez une consommation quotidienne qui se chiffre en millions de litres. Quand une raffinerie comme Kirishi perd 40% de sa capacité de production, ce sont des centaines de milliers de litres qui manquent chaque jour. Quand les ports de Novorossiysk et Tuapse sont paralysés, ce sont des millions de barils qui restent bloqués dans les réservoirs de stockage, incapables d’être exportés pour générer les devises nécessaires à l’achat de nouvelles armes.
La beauté diabolique de cette stratégie, c’est qu’elle est cumulative. Chaque attaque affaiblit un peu plus le système, chaque raffinerie endommagée réduit la marge de manœuvre russe, chaque terminal détruit complique davantage la logistique. Et comme la Russie ne peut pas simplement importer du carburant raffiné en quantités suffisantes à cause des sanctions occidentales, elle se retrouve piégée dans un étau qui se resserre lentement mais inexorablement. Les réparations prennent des semaines, parfois des mois, et pendant ce temps, les pénuries s’aggravent. Les autorités locales instaurent des rationnements qui provoquent des files d’attente interminables devant les stations-service. Les chauffeurs routiers bloquent les routes pour protester. Les agriculteurs voient leurs récoltes pourrir faute de pouvoir faire fonctionner leurs machines. Et tout cela découle directement des frappes ukrainiennes contre les infrastructures pétrolières — une guerre économique menée avec une précision chirurgicale.
Moscou dans le viseur permanent des drones ukrainiens

Les défenses russes dépassées par l’innovation
La Russie a investi des milliards de dollars dans ses systèmes de défense aérienne. Les S-400, les Pantsir, les batteries de missiles sol-air censées intercepter n’importe quelle menace aérienne — tout cet arsenal high-tech est aujourd’hui mis en échec par des drones ukrainiens qui coûtent une fraction du prix. Comment est-ce possible ? Parce que ces systèmes ont été conçus pour une autre époque, pour une autre guerre. Ils sont optimisés pour abattre des avions de chasse volant à haute altitude, des missiles de croisière suivant des trajectoires prévisibles, des bombardiers stratégiques facilement détectables par radar. Mais face à des essaims de drones volant à basse altitude, changeant constamment de direction, équipés de brouilleurs électroniques sophistiqués, ces systèmes sont dépassés. Les radars peinent à les détecter dans le fouillis du relief terrestre. Les missiles coûtent trop cher pour être gaspillés sur des cibles à 10 000 dollars pièce. Les opérateurs sont débordés par le nombre de cibles simultanées.
Le résultat est une perméabilité croissante de l’espace aérien russe. Quatre drones interceptés dans la région de Moscou dans la nuit du 28 au 29 septembre — mais combien d’autres ont réussi à passer ? Les autorités russes ne communiquent jamais sur leurs échecs, seulement sur leurs succès. Chaque fois qu’un drone est abattu, c’est annoncé en fanfare. Mais les drones qui atteignent leurs cibles, ceux qui provoquent des explosions dans des raffineries ou des terminaux pétroliers, ceux-là sont pudiquement qualifiés d’« incidents causés par la chute de débris ». Cette rhétorique absurde ne trompe personne, surtout pas les Russes qui vivent dans les régions ciblées et qui voient de leurs propres yeux les dégâts causés. La vérité, c’est que la Russie perd la guerre technologique des drones. L’Ukraine innove plus vite, produit plus massivement, attaque plus audacieusement. Et Moscou, empêtrée dans sa bureaucratie militaire héritée de l’ère soviétique, peine à s’adapter.
La panique s’installe dans les populations civiles
Imaginez vivre à Moscou ou Saint-Pétersbourg, ces métropoles qui se croyaient à l’abri de la guerre. Imaginez vous réveiller en pleine nuit au hurlement des sirènes, entendre les explosions lointaines, voir les traînées lumineuses des missiles anti-aériens déchirer le ciel. Imaginez lire le lendemain dans les médias d’État que tout va bien, que la défense aérienne fonctionne parfaitement, que les débris d’un drone abattu sont tombés sur un entrepôt vide sans faire de victimes. Et puis imaginez découvrir sur les réseaux sociaux la vraie version : un immeuble résidentiel endommagé, des voitures calcinées, des habitants traumatisés. La panique s’installe progressivement dans les grandes villes russes. Les gens parlent d’évacuer, de partir vers des régions plus sûres, de fuir ce pays qui semble sombrer dans le chaos. Les agences immobilières signalent une hausse spectaculaire des demandes de location dans des villes éloignées du front et des grandes métropoles.
Cette panique n’est pas irrationnelle — elle est la conséquence logique d’une réalité que le Kremlin refuse d’admettre : la Russie est en guerre, et cette guerre se rapproche dangereusement de ses centres névralgiques. Pendant des mois, Poutine a parlé d’« opération militaire spéciale », un euphémisme destiné à minimiser l’ampleur du conflit. Mais quand des drones ukrainiens frappent régulièrement la région de Moscou, quand les habitants de Saint-Pétersbourg doivent se réfugier dans des abris anti-aériens, quand les usines de défense tournent à plein régime 24 heures sur 24, personne ne peut plus nier l’évidence. C’est une guerre totale, une guerre qui mobilise toutes les ressources du pays, une guerre dont l’issue est de plus en plus incertaine. Et les Russes ordinaires, ceux qui n’ont jamais voulu cette guerre, qui ont été entraînés malgré eux dans cette folie, paient désormais le prix de l’hubris de leurs dirigeants.
Une guerre sans frontières ni limites

De la mer Noire à la Baltique : tout le territoire russe devient cible
Ce qui frappe dans les attaques ukrainiennes de septembre 2025, c’est leur diversité géographique. Novorossiysk sur la mer Noire. Tuapse également au sud. Kirishi dans le nord-ouest près de la Baltique. Primorsk sur la côte baltique. Samara sur la Volga. Briansk, Belgorod, Voronej, Koursk à l’ouest. Smolensk, Kalouga, Oriol au centre. Et même Moscou dans plusieurs de ses banlieues. En l’espace de quelques semaines, l’Ukraine a démontré qu’elle pouvait frapper n’importe où sur le territoire russe, des frontières ukrainiennes jusqu’au cœur du pays, des côtes méridionales jusqu’aux régions arctiques. Cette capacité de projection de force sur des milliers de kilomètres transforme radicalement la nature du conflit. La Russie ne peut plus se contenter de défendre sa ligne de front — elle doit protéger l’intégralité de son territoire, disperser ses défenses aériennes, multiplier les patrouilles, renforcer la sécurité de milliers d’installations stratégiques.
Cette dispersion des forces russes est exactement ce que recherche l’Ukraine. Chaque batterie de défense aérienne déployée pour protéger Moscou est une batterie qui manque au front. Chaque avion de chasse réquisitionné pour patrouiller au-dessus de Saint-Pétersbourg est un avion qui ne peut pas bombarder les positions ukrainiennes. Chaque soldat affecté à la garde d’une raffinerie est un soldat qui ne combattra pas dans le Donbass. C’est une guerre d’attrition menée avec une intelligence stratégique remarquable — obliger l’ennemi à se disperser, à s’épuiser, à gaspiller ses ressources limitées pour protéger des cibles multiples et imprévisibles. Et pendant que la Russie court dans tous les sens pour colmater les brèches, l’Ukraine continue méthodiquement son travail de sape, frappe après frappe, nuit après nuit, sans jamais laisser à l’ennemi le temps de souffler.
L’Europe retient son souffle devant l’escalade
Les pays européens observent cette escalade avec un mélange de fascination et d’inquiétude. D’un côté, ils applaudissent secrètement les succès ukrainiens contre l’agresseur russe. Chaque raffinerie en flammes, chaque terminal pétrolier paralysé, chaque litre de carburant qui n’atteindra jamais les tanks russes est une petite victoire pour le camp occidental. Mais d’un autre côté, ils s’inquiètent légitimement de l’escalade incontrôlable que ces frappes pourraient provoquer. Les drones russes qui ont violé l’espace aérien polonais le 10 septembre, déclenchant pour la première fois une riposte militaire directe de l’OTAN, ont sonné comme un avertissement. La Roumanie, le Danemark, l’Estonie — tous ont signalé des incursions similaires ces dernières semaines. L’OTAN a dû renforcer sa vigilance dans toute la région baltique, multiplier les patrouilles aériennes, activer ses protocoles de défense collective.
La question qui hante les chancelleries européennes est simple mais terrifiante : où s’arrêtera cette spirale ? Jusqu’où l’Ukraine peut-elle pousser ses frappes contre la Russie avant que Moscou décide de répliquer contre un pays de l’OTAN ? Jusqu’où Poutine peut-il tolérer l’humiliation de voir son pays bombardé impunément avant de franchir une ligne rouge ? L’administration Trump a tenté de servir de médiateur, convoquant séparément Poutine et Zelensky, menaçant de sanctions encore plus dures, promettant des tarifs dévastateurs aux pays qui continuent d’acheter du pétrole russe. Mais ces efforts diplomatiques se heurtent à une réalité brutale : aucun des deux camps n’est prêt à faire les compromis nécessaires pour arrêter cette guerre. La Russie exige que l’Ukraine renonce à 20% de son territoire. L’Ukraine exige le retrait complet des forces russes. Entre ces deux positions irréconciliables, les drones continuent de voler, les raffineries continuent de brûler, et l’Europe retient son souffle en priant pour que cette guerre ne déborde pas au-delà des frontières ukrainiennes.
Quand les flammes ne s'éteignent plus

Il y a des guerres qui se terminent par des signatures au bas d’un traité, par des poignées de main entre généraux ennemis, par des cérémonies solennelles où chacun prétend avoir gagné quelque chose. Celle-ci n’en prend pas le chemin. Septembre 2025 a marqué un point de non-retour dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine — le moment où la guerre est devenue totale, sans frontières, sans limites, sans pitié. Les ports en flammes de Novorossiysk et Tuapse, la raffinerie dévastée de Kirishi, les centaines de drones qui traversent chaque nuit le ciel russe, les quatre morts de Samara — tout cela dessine le portrait d’un conflit qui ne cherche plus à ménager quiconque. L’Ukraine frappe au cœur de l’économie russe parce qu’elle n’a pas le choix, parce que c’est la seule façon de compenser son infériorité numérique, parce que chaque raffinerie détruite est une petite victoire dans une guerre d’attrition qui pourrait durer des années.
Et pendant que les experts occidentaux débattent de la légitimité de ces frappes contre des infrastructures civiles, pendant que les diplomates multiplient les réunions d’urgence et les communiqués indignés, la réalité sur le terrain est d’une simplicité brutale : cette guerre ne s’arrêtera pas tant que l’un des deux camps n’aura pas été réduit à l’impuissance. La Russie ne peut pas gagner militairement — son offensive s’enlise, ses pertes s’accumulent, son économie vacile sous le poids des sanctions et des frappes ukrainiennes. Mais elle ne peut pas non plus accepter une défaite qui signerait la fin du régime de Poutine. L’Ukraine ne peut pas céder un pouce de territoire sans trahir tous ceux qui sont morts pour la défendre. Alors la guerre continue, nuit après nuit, frappe après frappe, dans une escalade qui semble ne jamais devoir s’arrêter. Les raffineries brûlent, les ports explosent, les drones sèment la mort à 800 kilomètres du front. Et quelque part dans cette folie, il y a des familles qui pleurent leurs morts, des civils qui ne voulaient pas cette guerre, des enfants qui grandissent dans le bruit des sirènes et l’odeur du carburant brûlé.
L’histoire jugera qui avait raison, qui était l’agresseur, qui était la victime. Mais pour l’instant, il n’y a que des flammes — des flammes qui illuminent le ciel russe, qui consument les raffineries, qui transforment les terminaux pétroliers en brasiers gigantesques. Des flammes qui ne s’éteignent plus, qui continueront de brûler tant que cette guerre absurde ne trouvera pas d’issue. Et pendant ce temps, quelque part en Ukraine, des ingénieurs préparent déjà la prochaine vague de drones, programment les coordonnées de nouvelles cibles, calculent les trajectoires qui permettront de frapper encore plus loin, encore plus fort. Parce que c’est ça, la guerre moderne — un jeu mortel où celui qui frappe le dernier n’a pas forcément gagné, mais où celui qui s’arrête le premier a déjà perdu.