Le plan fou de l’UE sur les actifs russes déclenche la promesse d’une riposte brutale et totale
Auteur: Maxime Marquette
La déclaration qui glace l’Europe
Ce jeudi 2 octobre 2025, une onde de choc traverse les capitales européennes. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, vient de frapper un grand coup en qualifiant le projet européen d’utilisation des actifs russes gelés de « délirant », promettant une riposte « très dure » de la part de Moscou. Les mots claquent comme des coups de fouet, chargés de menaces, lourds de conséquences. Le Kremlin ne bluffe pas : il prévient que toute attaque contre ses avoirs déclenchera une réponse « politique et économique appropriée », mobilisant un « arsenal suffisant de contre-mesures ». L’Europe, qui croyait avoir trouvé la solution miracle pour financer l’Ukraine sans confisquer directement les actifs russes, se retrouve face à un mur de rage froide et calculée.
Le plan en question ? Un prêt-réparation de 140 milliards d’euros à l’Ukraine, adossé aux quelque 300 milliards de dollars d’actifs russes gelés depuis le début de la guerre. Un mécanisme tortueux où Bruxelles prêterait l’argent à Kyiv, qui ne rembourserait que si — et seulement si — la Russie paie des réparations de guerre après un hypothétique accord de paix. Autrement dit, un pari sur la défaite de Moscou, une confiscation déguisée en montage financier sophistiqué. Et le Kremlin l’a bien compris. Zakharova ridiculise l’idée : « Quel genre de réparations la présidente de la Commission von der Leyen évoque-t-elle ? », lance-t-elle avec sarcasme. « La Russie est en train de gagner la guerre contre l’Ukraine. Ce sont les perdants qui paient des réparations. » Le ton est donné : Moscou ne cèdera rien, et l’affrontement promet d’être titanesque.
le plan européen : ingéniosité ou folie ?

Un montage financier audacieux
Depuis des mois, l’Union européenne cherche comment exploiter les 300 milliards de dollars d’actifs russes gelés sans violer ouvertement le droit international, qui interdit la confiscation pure et simple de biens souverains. La solution proposée par Ursula von der Leyen relève du génie financier — ou de l’acrobatie juridique selon les points de vue. Le mécanisme fonctionne ainsi : l’UE utiliserait les liquidités accumulées par Euroclear, le dépositaire central de titres basé à Bruxelles qui détient 185 milliards d’euros des actifs russes, pour accorder un prêt massif à l’Ukraine. Ce prêt serait versé progressivement, soumis à conditions, et ne serait remboursé que lorsque la Russie paiera des réparations de guerre à Kyiv — ce qui pourrait ne jamais arriver.
En théorie, il ne s’agit pas d’une confiscation : les actifs restent gelés, seuls les flux de trésorerie générés par la maturation des titres sont utilisés. En pratique, c’est une confiscation différée, une saisie qui ne dit pas son nom. Si la Russie refuse de payer des réparations — et elle le fera — l’argent ne sera jamais remboursé, et l’Europe aura de facto confisqué les fonds. Von der Leyen se défend : « Nous ne confisquons pas les actifs. Il y a un consensus croissant parmi nous que ce ne sont pas seulement les contribuables européens qui doivent payer pour soutenir l’Ukraine, mais que la Russie doit être tenue responsable. » Une justification morale qui masque mal l’audace juridique de l’opération.
Les milliards d’Euroclear au cœur du dispositif
Sur les 300 milliards de dollars gelés au total, environ 210 milliards d’euros se trouvent en Europe, dont 185 milliards chez Euroclear à Bruxelles. Ce dépositaire central détient les obligations et titres souverains russes, qui continuent de générer des intérêts et des flux de trésorerie au fil de leur maturation. Jusqu’à présent, l’UE se contentait de capter les profits excédentaires générés par ces actifs — quelques milliards par an — pour les transférer à l’Ukraine. Mais le nouveau plan va beaucoup plus loin : il s’agit de transférer l’intégralité des liquidités accumulées à la Commission européenne, qui émettrait alors le prêt de 140 milliards.
Le problème ? La Belgique, qui héberge Euroclear, se retrouverait en première ligne en cas de représailles russes. Le Premier ministre belge Bart De Wever a d’ailleurs exigé des garanties de la part des autres États membres : si Moscou riposte en confisquant des actifs belges ou en lançant des poursuites judiciaires, Bruxelles ne peut pas porter seule le fardeau. « Si d’autres pays veulent les actifs et les procès qui vont avec, qu’ils les prennent tout de suite ! », a-t-il lancé avec exaspération. Cette tension intra-européenne révèle les failles du plan : personne ne veut assumer les risques, tous veulent profiter des bénéfices.
Les réparations, un pari sur l’avenir
Le mécanisme repose entièrement sur l’idée que la Russie, un jour, paiera des réparations de guerre à l’Ukraine. Mais cette hypothèse est-elle crédible ? Zakharova a ridiculisé cette notion : « Les réparations sont payées par les perdants. La Russie est en train de gagner. » Moscou n’a aucune intention de reconnaître une défaite, encore moins de dédommager Kyiv. Si un accord de paix est un jour conclu, il sera probablement le résultat d’un compromis où chaque camp revendiquera la victoire — et où les réparations ne figureront pas. Le plan européen parie donc sur un scénario improbable, transformant de facto le prêt en don déguisé, financé par la confiscation des actifs russes.
la fureur russe : menaces et arsenal de représailles

Zakharova : rhétorique de l’intimidation
Maria Zakharova, connue pour son ton incisif et ses sorties virulentes, n’a pas mâché ses mots lors de la conférence de presse tenue jeudi à Nizhny Novgorod, en marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères des BRICS. « Je ne veux même pas discuter du concept lui-même, c’est tellement délirant », a-t-elle déclaré en évoquant le plan européen. Mais c’est le mot « réparations » qui a capté son attention — et déclenché son ire. « Quel genre de paiements de réparations la présidente von der Leyen évoque-t-elle ? La Russie est en train de gagner la guerre contre l’Ukraine, et les réparations sont payées par les perdants. » Le message est clair : Moscou n’acceptera jamais de se voir imposer le statut de vaincu, encore moins de payer quoi que ce soit à Kyiv.
Zakharova a ensuite prévenu que la Russie possède un « arsenal suffisant de contre-mesures » et la capacité de répondre « politiquement et économiquement de manière appropriée ». Elle a également rappelé aux gouvernements de l’UE — en particulier à la Belgique — leurs obligations internationales, suggérant que toute atteinte aux actifs russes violerait le droit international et justifierait des représailles. « Conformément au principe de réciprocité, toute attaque de l’UE contre nos biens sera accueillie par une réponse très ferme. Ils le savent. » Le ton est celui d’un ultimatum : touchez à notre argent, et nous frapperons en retour — sans pitié.
Le spectre de la « grande guerre de confiscation »
Mais concrètement, quelles formes prendront ces représailles ? La Russie ne l’a pas encore détaillé, mais les analystes anticipent plusieurs scénarios. Le plus probable : la nationalisation et la confiscation des actifs occidentaux encore présents en Russie. Selon le média financier indépendant russe The Bell, le plan européen pourrait déclencher une « grande guerre de confiscation entre Moscou et l’Europe ». La Russie a déjà commencé à s’emparer d’entreprises occidentales depuis le début de la guerre — Danone, Carlsberg, Renault et d’autres ont vu leurs filiales russes saisies ou vendues sous contrainte. Maintenant, Moscou pourrait passer à la vitesse supérieure, ciblant systématiquement les entreprises européennes opérant sur son territoire.
Le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, avait déjà indiqué l’an dernier que la Russie avait gelé une quantité d’actifs occidentaux équivalente aux actifs russes immobilisés par l’Occident. Cette symétrie délibérée prépare le terrain pour une riposte en miroir : si l’Europe confisque 140 milliards, Moscou confisquera l’équivalent. Les entreprises allemandes, françaises, italiennes encore présentes en Russie — souvent dans les secteurs de l’énergie, de l’automobile, de la chimie — deviendraient les cibles prioritaires. Leurs actifs, évalués à des dizaines de milliards, seraient saisis, redistribués, liquidés. Une perspective terrifiante pour les industriels européens, qui pourraient perdre non seulement leurs investissements, mais aussi leurs parts de marché dans un pays de 144 millions d’habitants.
Poursuites judiciaires interminables
Au-delà de la confiscation directe, la Russie menace également de lancer une offensive juridique tous azimuts. L’ancien président russe Dmitri Medvedev, aujourd’hui vice-président du Conseil de sécurité, a déclaré sur Telegram que si la confiscation avait lieu, Moscou poursuivrait « les États de l’UE et les dégénérés européens à Bruxelles » devant toutes les juridictions possibles — internationales, nationales, informelles — « jusqu’à la fin du siècle ». Une guerre juridique interminable, destinée à paralyser les institutions européennes, à éroder la confiance dans les obligations souveraines occidentales, à transformer chaque tribunal en champ de bataille diplomatique.
Ces poursuites viseraient également à dissuader les investisseurs de placer leur argent en Europe ou aux États-Unis. Si des actifs souverains peuvent être confisqués au mépris du droit international, quel gouvernement étranger accepterait encore de déposer ses réserves à Londres, Paris ou New York ? La Russie mise sur l’effet boomerang : en détruisant la confiance dans le principe de « l’inviolabilité de la propriété », Moscou espère affaiblir durablement l’attractivité financière de l’Occident.
les divisions européennes : qui paiera la facture ?

La Belgique refuse de porter seule le risque
Au cœur du problème se trouve la Belgique, qui héberge Euroclear et concentre donc 185 milliards d’euros d’actifs russes sur son sol. Le Premier ministre Bart De Wever a clairement exprimé son malaise lors du sommet européen informel à Copenhague mercredi. Il exige que les autres États membres partagent le risque : si la Russie riposte en confisquant des actifs belges, en lançant des poursuites contre Bruxelles, ou en ciblant les entreprises belges opérant en Russie, la Belgique ne peut pas être laissée seule face aux conséquences. « Nous voulons que d’autres pays assument leur part de responsabilité », a-t-il martelé.
Mais cette demande soulève une question épineuse : comment mutualiser juridiquement et financièrement un risque aussi massif ? Qui paiera si Moscou obtient gain de cause devant un tribunal international ? Qui compensera les entreprises belges confisquées ? Les mécanismes de solidarité européenne, souvent théoriques, se heurtent ici à la réalité brutale des intérêts nationaux. Chaque pays veut que l’argent russe serve à financer l’Ukraine — mais aucun ne veut assumer les représailles. Cette tension révèle la fragilité du consensus européen, toujours prompt à se fissurer dès que les coûts deviennent tangibles.
Le soutien apparent des leaders nordiques
Malgré ces réserves belges, plusieurs dirigeants européens ont exprimé leur soutien au plan. Le Premier ministre finlandais Petteri Orpo l’a qualifié de « très bonne idée », ajoutant : « Je pense que nous devons aller de l’avant avec ça. » Son homologue suédois Ulf Kristersson a été tout aussi enthousiaste : « Nous avons longtemps plaidé en faveur d’une manière plus offensive d’utiliser les actifs gelés, car il est tout simplement inacceptable d’avoir tous ces actifs gelés et de les considérer comme des capitaux propres russes sans aucune chance de les utiliser. » La Première ministre danoise Mette Frederiksen a appelé à accélérer rapidement l’assistance financière et militaire à Kyiv, reconnaissant toutefois qu’il existe « des questions juridiques à poser ».
Ces pays nordiques, traditionnellement fermes face à la Russie, sont prêts à prendre des risques pour soutenir l’Ukraine. Mais ils ne sont pas ceux qui hébergent les actifs russes — et donc pas ceux qui subiront en premier les représailles. Cette asymétrie des risques alimente les tensions : facile d’être audacieux quand on ne paiera pas la facture. La Belgique, elle, sait qu’elle sera en première ligne — et elle refuse d’être sacrifiée sur l’autel de la solidarité européenne.
Von der Leyen tente de rassurer
Ursula von der Leyen, consciente de ces divisions, a tenté de rassurer lors du sommet. « Nous ne confisquons pas les actifs », a-t-elle répété, insistant sur le fait que le mécanisme de prêt-réparation respecte le droit international. Elle a également souligné qu’il existe désormais un « consensus croissant » sur le fait que ce ne sont pas seulement les contribuables européens qui doivent financer l’Ukraine, mais que « la Russie doit être tenue responsable ». Mais ces assurances verbales ne suffisent pas à apaiser les craintes belges. Sans garanties concrètes, écrites, juridiquement contraignantes, De Wever ne bougera pas. Et sans la Belgique, le plan ne peut pas fonctionner — puisque c’est là que se trouve l’essentiel de l’argent.
les implications juridiques : confiscation déguisée ou montage légal ?

Le droit international en question
Au cœur du débat se trouve une question juridique explosive : le plan européen viole-t-il le droit international, qui protège l’immunité souveraine et interdit la confiscation d’actifs d’un État étranger ? Officiellement, non : l’UE ne confisque pas les actifs russes, elle les utilise comme garantie pour un prêt qui sera remboursé… si la Russie paie des réparations. Mais cette construction juridique repose sur une hypothèse hautement improbable. Si les réparations ne sont jamais versées — et elles ne le seront probablement jamais — le prêt ne sera jamais remboursé, et les actifs russes auront été de facto confisqués. C’est une confiscation différée, une saisie qui ne dit pas son nom.
Certains juristes européens soutiennent que le mécanisme est légal, invoquant l’idée de « contre-mesures » autorisées en réponse à une agression armée. Puisque la Russie a envahi l’Ukraine en violation flagrante de la Charte des Nations Unies, l’Europe serait en droit de prendre des mesures exceptionnelles pour aider la victime. D’autres experts, plus prudents, préviennent que cette interprétation pourrait ne pas tenir devant les tribunaux internationaux — et ouvrir la voie à des décennies de contentieux juridiques. La Cour internationale de Justice, la Cour permanente d’arbitrage, les tribunaux nationaux de dizaines de pays pourraient être saisis, paralysant le système judiciaire mondial dans une bataille titanesque.
Le précédent dangereux
Au-delà des arguments juridiques, se pose une question de précédent. Si l’Europe confisque les actifs russes aujourd’hui, qu’est-ce qui empêchera d’autres pays de faire de même demain ? La Chine pourrait saisir les avoirs américains en cas de conflit autour de Taïwan. Les pays du Golfe pourraient geler les actifs occidentaux en représailles à des sanctions. Le système financier mondial repose sur la confiance dans l’inviolabilité de la propriété souveraine — si ce principe s’effondre, c’est toute l’architecture des échanges internationaux qui vacille. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a d’ailleurs prévenu : « Ce sont des étapes supplémentaires vers la destruction totale de la confiance dans le principe de l’inviolabilité de la propriété. Le boomerang frappera sérieusement ceux qui sont les principaux dépositaires. »
Les banquiers inquiets
Les banquiers centraux et les institutions financières observent cette évolution avec une inquiétude croissante. Si des actifs souverains peuvent être saisis, pourquoi un gouvernement étranger continuerait-il à placer ses réserves en Europe ou aux États-Unis ? Les obligations allemandes, françaises, américaines — considérées comme les plus sûres au monde — pourraient perdre leur statut de « valeur refuge ». Les investisseurs se détourneraient vers l’or, les cryptomonnaies, les actifs décentralisés, moins vulnérables aux décisions politiques. À long terme, la confiscation des actifs russes pourrait affaiblir la domination financière occidentale, accélérant le basculement vers un monde multipolaire où l’Europe et les États-Unis ne dictent plus les règles du jeu.
les enjeux pour l'Ukraine : salut ou mirage ?

Un financement vital dans un contexte désespéré
Pour l’Ukraine, ce prêt de 140 milliards d’euros représente une bouée de sauvetage inespérée. Le pays a besoin d’environ 60 milliards d’euros entre 2026 et 2027 pour combler son déficit budgétaire, et d’une somme équivalente pour se procurer armes et munitions. Avec le soutien américain qui décline sous l’administration Trump, l’Europe devient le principal — voire le seul — financeur de la résistance ukrainienne. Sans cet argent, Kyiv risque l’effondrement économique, l’incapacité à payer ses fonctionnaires, ses soldats, ses infrastructures. Le plan européen est donc littéralement une question de survie.
Mais ce prêt vient avec des conditions. L’Ukraine devra se soumettre à des audits, des réformes, des contrôles stricts de l’utilisation des fonds. La souveraineté de Kyiv sera entravée par les exigences de Bruxelles, transformant potentiellement l’aide en tutelle économique. Certains analystes craignent que l’Ukraine ne devienne un protectorat européen de fait, dépendant entièrement de l’argent et des décisions de l’UE. Le prix de la survie pourrait être l’indépendance — un dilemme tragique pour un pays qui se bat précisément pour sa liberté.
Le risque de ne jamais voir l’argent
Mais le plus grand risque pour l’Ukraine, c’est que ce plan ne se concrétise jamais. Les divisions européennes, les blocages juridiques, les menaces russes pourraient retarder indéfiniment la mise en œuvre. La Belgique refuse de bouger sans garanties, la Russie menace de représailles massives, les tribunaux pourraient suspendre le mécanisme. Pendant ce temps, l’Ukraine continue de saigner, de perdre des soldats, de voir ses infrastructures détruites. Chaque semaine de retard rapproche Kyiv de l’effondrement. Le plan européen, aussi ambitieux soit-il, pourrait rester lettre morte — une promesse magnifique qui ne se transforme jamais en réalité tangible.
L’alternative : dépendance totale vis-à-vis de l’Occident
Même si le prêt est accordé, l’Ukraine se retrouve piégée dans une dépendance totale vis-à-vis de l’Occident. Son économie, sa défense, sa reconstruction — tout repose sur l’argent européen et américain. Cette situation fragilise Kyiv dans toute négociation future : comment dire non à Bruxelles quand c’est Bruxelles qui paie les salaires ? Cette asymétrie de pouvoir pourrait transformer l’Ukraine en État client, privé de marge de manœuvre, contraint d’accepter toutes les exigences de ses créanciers. Un scénario que certains nationalistes ukrainiens redoutent autant que la victoire russe.
réactions internationales et équilibres mondiaux

Washington observe avec prudence
Les États-Unis, sous l’administration Trump, observent le plan européen avec un mélange d’approbation et de réserve. D’un côté, Washington salue l’engagement accru de l’Europe, qui partage désormais le fardeau financier du soutien à l’Ukraine. De l’autre, certains au Pentagone et au Trésor s’inquiètent des conséquences juridiques et financières d’une confiscation déguisée. Si le précédent est établi, d’autres pays pourraient s’en inspirer — y compris contre les États-Unis. La Chine, par exemple, pourrait justifier la saisie d’actifs américains en invoquant le modèle européen. Une perspective qui refroidit les ardeurs à Washington.
La Chine et les BRICS en embuscade
La Chine, de son côté, observe cette bataille avec un intérêt stratégique. Pékin ne soutient pas ouvertement la Russie, mais condamne fermement toute atteinte aux actifs souverains. Le plan européen renforce la narration chinoise selon laquelle l’Occident est un « prédateur économique » qui ne respecte pas ses propres règles. Cette rhétorique alimente l’influence chinoise dans le Sud global, où de nombreux pays redoutent de voir leurs propres réserves confisquées s’ils déplaisent à Washington ou Bruxelles. Le projet européen pourrait donc, paradoxalement, renforcer le camp adverse — accélérant la dédollarisation et la montée des systèmes financiers alternatifs pilotés par Pékin et Moscou.
Le Kremlin joue sur les divisions occidentales
Moscou, de son côté, exploite habilement les divisions européennes et transatlantiques. En menaçant de représailles, en ridiculisant le plan, en brandissant la menace juridique, le Kremlin espère paralyser la décision européenne, créer des dissensions entre États membres, affaiblir la cohésion occidentale. Chaque déclaration de Zakharova, chaque tweet de Medvedev vise à semer le doute, à rappeler aux Européens que leurs entreprises, leurs investissements, leurs citoyens en Russie sont vulnérables. La guerre psychologique atteint des sommets — et Moscou sait qu’elle peut gagner sans tirer un seul coup de feu, simplement en effrayant suffisamment l’Europe pour qu’elle renonce.
perspectives et scénarios futurs

Scénario 1 : le plan se concrétise, Moscou riposte
Premier scénario : l’Europe surmonte ses divisions, la Belgique obtient ses garanties, le prêt-réparation est accordé. L’Ukraine reçoit 140 milliards d’euros, lui permettant de tenir plusieurs années supplémentaires. Mais Moscou riposte immédiatement : confiscation massive d’actifs occidentaux en Russie, poursuites judiciaires internationales, campagne de déstabilisation financière. Une guerre économique totale s’engage, paralysant les échanges, détruisant des milliards de valeur, fragilisant le système financier mondial. Les entreprises européennes perdent leurs investissements russes, les tensions géopolitiques explosent, le risque d’escalade militaire augmente. Un scénario de destruction mutuelle assurée économique.
Scénario 2 : le plan avorte, l’Ukraine s’effondre
Deuxième scénario : les divisions européennes, les menaces russes et les blocages juridiques empêchent la mise en œuvre du plan. L’argent ne parvient jamais à Kyiv, ou arrive trop tard, en quantités insuffisantes. L’Ukraine, privée de ressources, voit son économie s’effondrer, son armée manquer de munitions, sa population sombrer dans la détresse. Moscou, sentant la faiblesse, intensifie ses offensives, conquiert de nouveaux territoires, impose ses conditions. L’Europe assiste, impuissante, à la défaite de son allié — et à l’effondrement de sa crédibilité stratégique. Un scénario de capitulation rampante, où l’audace initiale se transforme en fiasco historique.
Scénario 3 : un compromis bancal, une solution intermédiaire
Troisième scénario : un compromis est trouvé, mi-figue mi-raisin. L’Europe accorde un prêt réduit, disons 50 ou 60 milliards, en utilisant uniquement les profits excédentaires sans toucher au capital. La Russie grogne mais ne riposte pas frontalement, se contentant de mesures symboliques. L’Ukraine reçoit de l’argent, mais pas assez pour changer radicalement la donne. La guerre s’enlise davantage, devient un conflit gelé permanent, une plaie ouverte au cœur de l’Europe. Personne ne gagne, personne ne perd vraiment — mais tous s’épuisent dans une attrition sans fin. Un scénario de statu quo douloureux, où l’ambition initiale se dilue dans la prudence et les compromis.
conclusion

L’affrontement titanesque qui s’annonce
La fureur russe face au plan européen d’utilisation des actifs gelés marque un tournant décisif dans la guerre économique entre Moscou et l’Occident. En qualifiant le projet de « délirant » et en promettant une riposte « très dure », le Kremlin ne bluffe pas — il prépare méthodiquement une contre-offensive qui pourrait plonger l’Europe dans une spirale de confiscations mutuelles, de poursuites judiciaires interminables, de tensions géopolitiques explosives. Le prêt-réparation de 140 milliards d’euros à l’Ukraine, aussi ingénieux juridiquement, repose sur un pari audacieux : confisquer les actifs russes sans le dire, en espérant que Moscou ne réagira pas de manière disproportionnée. Mais les menaces de Zakharova, les précédentes saisies d’entreprises occidentales, les avertissements répétés de Medvedev — tout indique que la Russie est prête à tout pour défendre ses intérêts. Une guerre de confiscation totale se prépare, où chaque euro saisi en Europe sera un euro confisqué en Russie, où chaque tribunal deviendra champ de bataille.
Le pari existentiel de l’Europe
L’Europe se trouve face à un choix existentiel : céder à la peur et renoncer, laissant l’Ukraine sombrer faute de financement — ou assumer l’audace, accepter les risques, et transformer la solidarité en actes concrets. Les divisions internes, les hésitations belges, les incertitudes juridiques révèlent la fragilité du consensus européen. Mais elles révèlent aussi l’ampleur de l’enjeu : il ne s’agit plus seulement de soutenir l’Ukraine, mais de redéfinir l’ordre financier mondial, de tester les limites du droit international, de décider qui, de Moscou ou de Bruxelles, imposera sa volonté. Le monde retient son souffle, suspendu entre l’escalade et le recul, entre la confrontation totale et le compromis bancal. L’histoire jugera — mais pour l’instant, personne ne sait comment cette partie d’échecs mortelle se terminera.