Des drones fantômes paralysent l’Europe : la menace invisible qui affole les autorités
Auteur: Jacques Pj Provost
Ils surgissent de nulle part, en pleine nuit, silencieux et insaisissables. Des drones mystérieux survolent les aéroports européens, les bases militaires, les infrastructures stratégiques — et personne ne sait qui les contrôle. L’aéroport de Munich a été fermé deux fois en 48 heures. Copenhague paralysé pendant quatre heures. Oslo, Aalborg, des dizaines de sites sensibles en Allemagne, au Danemark, en Norvège, en Pologne, en France, en Belgique — tous visés par ces intrusions qui défient toute explication. Nous sommes début octobre 2025, et l’Europe fait face à une vague d’incursions de drones d’une ampleur jamais vue, une menace diffuse qui échappe à toute surveillance, qui se joue des forces de l’ordre, qui transforme chaque nuit en cauchemar opérationnel pour les autorités de sécurité. Plus de 3000 passagers bloqués à Munich jeudi soir, des hélicoptères de la police fédérale déployés pour traquer des ombres dans le ciel, des dizaines de vols annulés ou détournés, et au final : aucune trace, aucun responsable identifié, aucune réponse satisfaisante. Ce n’est pas une fiction dystopique. C’est la réalité actuelle de l’espace aérien européen, transformé en terrain de jeu pour des opérateurs invisibles qui testent les failles, sondent les réactions, perturbent à volonté.
Le phénomène ne date pas d’hier, mais il s’intensifie de manière alarmante depuis septembre 2025. Les premiers signes sont apparus au Danemark le 22 septembre : deux ou trois gros drones ont forcé la fermeture de l’aéroport de Copenhague pendant près de quatre heures. La Première ministre danoise, Mette Frederiksen, n’a pas mâché ses mots : elle a qualifié l’événement d’« attaque la plus grave contre les infrastructures critiques danoises à ce jour ». Depuis, c’est une cascade ininterrompue de signalements — Aalborg, Esbjerg, Sønderborg, la base aérienne de Skrydstrup où stationnent les F-16 et F-35 danois. En Allemagne, les incidents se multiplient : le chantier naval Thyssenkrupp dans le Schleswig-Holstein, des installations portuaires à Rostock, des centrales électriques côtières, et maintenant l’aéroport de Munich, deuxième plus grand du pays. Les autorités européennes parlent ouvertement d’opération hybride, un terme diplomatique pour désigner une forme de guerre non conventionnelle où l’on déstabilise sans déclarer officiellement le conflit. La Russie est pointée du doigt, mais Moscou nie toute implication. Et pendant ce temps, les drones continuent de voler, impunément, invisibles aux radars, insaisissables pour les forces déployées. Chaque incident révèle l’ampleur de notre vulnérabilité collective face à cette technologie bon marché, accessible, et terriblement efficace.
Munich paralysé : l'aéroport fermé deux fois en deux jours

Jeudi soir : le chaos s’installe
Jeudi 2 octobre, vers 20h30 heure locale, les premiers rapports commencent à affluer. Plusieurs drones sont aperçus dans les environs de l’aéroport de Munich, puis près de la clôture de sécurité, et finalement à l’intérieur du périmètre aéroportuaire lui-même. À 22h10, le contrôle aérien allemand restreint les vols. À 22h18, c’est la suspension progressive. À 22h35, les deux pistes sont complètement fermées. 17 vols ne peuvent pas décoller, affectant presque 3000 passagers. 15 vols entrants sont détournés vers trois autres aéroports allemands et un en Autriche, à Vienne. La police fédérale déploie immédiatement des hélicoptères, mobilise tous ses effectifs disponibles, lance des opérations de recherche autour du site. Résultat : aucune trace des drones. Ils ont disparu aussi mystérieusement qu’ils sont apparus. Les passagers bloqués passent la nuit sur des lits de camp installés dans les terminaux, certains sont transportés vers des hôtels, on distribue des couvertures, des boissons, des collations. L’aéroport reprend ses opérations à 5h du matin vendredi. Mais le répit sera de courte durée.
Samedi matin : ça recommence
À peine deux jours plus tard, samedi 4 octobre au matin, nouveaux signalements de drones. L’aéroport retarde le redémarrage de ses opérations. Cette fois, 46 vols sont annulés ou retardés, affectant environ 6500 passagers. Le scénario se répète : déploiement massif de forces, recherches intensives, aucun résultat tangible. Stefan Bayer, porte-parole de la police fédérale à l’aéroport de Munich, admet qu’il n’est pas immédiatement clair combien de drones sont impliqués. Les témoins — policiers, employés des compagnies aériennes, civils autour de l’aéroport — rapportent avoir vu les appareils, mais impossible de les localiser une fois l’alerte donnée. C’est comme chasser des fantômes. Les autorités allemandes se retrouvent face à un problème majeur : leur cadre légal actuel ne permet pas à la police de tirer sur ces drones sans autorisation militaire spéciale. Des voix s’élèvent pour réclamer un changement législatif urgent, permettant aux forces de l’ordre d’abattre immédiatement tout drone non autorisé dans l’espace aérien sensible. Mais en attendant, l’aéroport reste vulnérable, exposé à de nouvelles intrusions qui peuvent survenir à tout moment.
L’impuissance des autorités face à une menace insaisissable
Ce qui frappe dans ces incidents munichois, c’est l’incapacité totale des forces de sécurité à identifier, localiser ou intercepter les drones. Pourtant, nous ne parlons pas d’un petit aéroport régional mal équipé — Munich est le deuxième plus grand aéroport d’Allemagne, un hub international majeur avec tous les systèmes de sécurité imaginables. Et malgré tout, des drones peuvent surgir, perturber les opérations pendant des heures, puis s’évanouir sans laisser de trace. Les hélicoptères de police survolent la zone, les équipes au sol ratissent les environs, les radars scrutent le ciel — rien. Cette impuissance révèle une faille systémique dans notre approche de la sécurité aérienne. Les drones modernes, surtout les modèles de petite taille, sont extrêmement difficiles à détecter avec les systèmes radar traditionnels. Ils volent bas, se fondent dans le bruit de fond électronique, peuvent être pilotés à distance ou programmés pour suivre des trajectoires autonomes. Et surtout, ils sont bon marché. N’importe qui avec quelques milliers d’euros peut acquérir un drone capable de fermer un aéroport pendant des heures, de semer le chaos, de paralyser des milliers de personnes. Le rapport coût-bénéfice pour un acteur malveillant est absurdement favorable : investissement minimal, perturbation maximale, risque quasi nul de se faire prendre.
Danemark sous tension : l'opération hybride qui ébranle la nation

22 septembre : Copenhague paralysé
L’incident déclencheur de cette crise européenne s’est produit le 22 septembre 2025 à l’aéroport de Copenhague. Deux ou trois gros drones — bien plus imposants que les modèles grand public habituels — ont pénétré de manière répétée dans l’espace aérien contrôlé. L’aéroport a été forcé de suspendre tous ses vols pendant près de quatre heures. La même nuit, l’aéroport d’Oslo en Norvège a également fermé brièvement suite à un signalement séparé mais potentiellement lié. La Première ministre danoise Mette Frederiksen n’a pas tardé à qualifier l’événement d’« attaque la plus sérieuse contre les infrastructures critiques danoises » jamais enregistrée. Le choix des mots est significatif : elle parle d’attaque, pas d’incident ou d’intrusion. Les autorités danoises caractérisent clairement ces événements comme une opération hybride délibérée, conçue pour déstabiliser la population, perturber les infrastructures critiques, tester les capacités de réponse. Ce n’est plus une question de nuisance ou d’accident — c’est une agression calculée.
Une vague d’intrusions sur les sites militaires
Dans les jours qui ont suivi, le Danemark a connu une cascade de signalements. L’aéroport d’Aalborg — qui héberge également une base aérienne militaire — a été affecté deux fois, les 24-25 et 25-26 septembre. Des drones ont été repérés près des aéroports d’Esbjerg et de Sønderborg. Le 27 septembre, le commandement de la défense danois a confirmé que des drones avaient été observés au-dessus de plusieurs installations militaires, notamment la base aérienne de Skrydstrup, principale base des chasseurs F-16 et F-35 danois. La police a confirmé une activité près de la base aérienne de Karup. Le National Operative Staff (NOST), l’organe central de gestion de crise inter-agences du Danemark, est passé à son niveau de préparation le plus élevé. La police nationale danoise a relevé son état de préparation au niveau « vigilance accrue », un niveau qui n’avait pas été employé depuis les attentats terroristes de Copenhague en 2015. Laissez cette information pénétrer : le Danemark traite cette situation avec le même sérieux qu’une menace terroriste majeure. Ce n’est pas une exagération bureaucratique — c’est une reconnaissance explicite que la nation fait face à une menace sécuritaire de premier ordre.
Sommet européen sous protection anti-drones
Le timing de ces incidents n’est probablement pas aléatoire. Le Danemark assumait la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne de juillet à décembre 2025, et un sommet informel du Conseil européen était prévu à Copenhague début octobre. En réponse à la vague d’intrusions, les autorités danoises ont imposé une interdiction temporaire de vol pour tous les drones civils sur l’ensemble du territoire national du 29 septembre au 3 octobre, couvrant la période du sommet. L’Allemagne et la Suède ont prêté des systèmes anti-drones pour protéger l’événement. L’OTAN a annoncé qu’elle augmenterait sa présence dans la région de la mer Baltique, déployant des moyens de renseignement et la frégate FGS Hamburg, spécialisée dans la défense aérienne. Tout cela pour contrer une menace qui, il y a encore quelques années, aurait été considérée comme marginale ou anecdotique. Les autorités danoises n’ont pas publiquement identifié les responsables au 28 septembre, mais elles ont reconnu enquêter sur plusieurs hypothèses et ont caractérisé l’opérateur comme un « acteur capable », n’excluant pas que les drones soient lancés depuis un navire maritime. Un pétrolier russe suspect a d’ailleurs été intercepté par les autorités françaises — mais la fouille n’a révélé aucun drone ni équipement de lancement à bord.
Allemagne du Nord : espionnage présumé sur les infrastructures stratégiques

25 septembre : essaims de drones sur le Schleswig-Holstein
Le soir du 25 septembre 2025, une activité de drones coordonnée a été détectée dans le Land de Schleswig-Holstein, au nord de l’Allemagne. Vers 21h00, deux petits drones ont été repérés au-dessus du chantier naval Thyssenkrupp, une installation critique connue pour fabriquer des navires militaires pour l’Allemagne et l’OTAN. Peu après, un essaim de drones a été vu survolant un hôpital universitaire non identifié, suivi par des signalements au-dessus d’une centrale électrique côtière vers 22h00. D’autres drones ont été observés au-dessus de Kiel, la capitale régionale du Schleswig-Holstein, où un drone plus grand accompagné de plusieurs plus petits a survolé la baie et le bâtiment du parlement régional. Les forces de l’ordre ont noté que ces drones maintenaient des trajectoires de vol parallèles, suggérant un effort coordonné probablement destiné à cartographier ou recueillir des renseignements sur des cibles au sol. Les drones ont parcouru d’est en ouest de longues portions du canal de Kiel, une artère maritime cruciale reliant la mer Baltique à la mer du Nord.
Infrastructures militaires ciblées
Le même jour, des signalements de drones suspects ont été enregistrés au-dessus d’une base militaire allemande à Sanitz, dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale. Le lendemain, des drones ont été observés près du quartier général de la Marine allemande à Rostock, avec des signalements supplémentaires près du terminal portuaire de Rostock le 20 septembre. Les officiels ont souligné que ces drones semblaient opérer de manière « coordonnée et synchronisée ». Sabine Sütterlin-Waack, ministre de l’Intérieur du Schleswig-Holstein, a confirmé que le ministère enquêtait activement sur ces intrusions avec un focus particulier sur d’éventuelles menaces d’espionnage ou de sabotage. Le schéma est clair : des installations stratégiques — chantiers navals militaires, bases navales, centrales électriques, infrastructures de transport maritime — sont systématiquement survolées, photographiées, cartographiées. Ce n’est pas de la curiosité amateur. C’est une opération de renseignement structurée, méthodique, probablement destinée à collecter des données exploitables pour de futures actions — qu’elles soient de sabotage, d’attaque ciblée ou simplement d’intelligence stratégique.
Un rapport national alarmant
Un rapport national du service allemand de navigation aérienne (DFS) a révélé 144 survols de drones enregistrés en 2025, dont 35 près de l’aéroport de Francfort. Bien que la plupart des signalements concernent les aéroports, des questions demeurent sur les risques d’espionnage. Selon des données de la FAA américaine examinées en parallèle, les rapports d’incursions illégales de drones près des aéroports aux États-Unis ont augmenté de 25,6% au premier trimestre 2025 par rapport à la même période en 2024 — passant de 327 à 411 rapports. Le problème n’est donc pas limité à l’Europe ; c’est une tendance mondiale. Les drones deviennent plus accessibles, plus autonomes, plus capables — et les mesures défensives peinent à suivre le rythme. En Allemagne, certains politiciens réclament désormais que la police obtienne le pouvoir d’abattre immédiatement les drones suspects sans attendre une autorisation militaire. Mais cette solution soulève d’autres problèmes : risque de dommages collatéraux, responsabilité légale, possibilité d’erreurs avec des drones civils innocents.
Norvège, Pologne, Belgique : une menace continentale

Oslo : fermeture nocturne liée au Danemark
Le 22 septembre, la même nuit où Copenhague a été paralysé, l’aéroport d’Oslo Gardermoen en Norvège a également fermé brièvement son espace aérien suite à un signalement de drone. Le 23 septembre, Oslo a de nouveau interrompu ses opérations après de nouveaux signalements, détournant des vols. Les autorités danoises et norvégiennes mènent une enquête conjointe, suspectant un lien entre les incidents des deux pays. La Norvège, bien qu’elle ne soit pas membre de l’Union européenne, fait partie de l’OTAN et partage des préoccupations sécuritaires similaires avec ses voisins scandinaves. La proximité temporelle et géographique des incidents suggère fortement une campagne coordonnée plutôt qu’une série de coïncidences.
Pologne : 19 drones russes abattus
La Pologne a subi certaines des activités les plus agressives. Le 9 septembre 2025, au moins 19 drones russes sont entrés dans l’espace aérien polonais, incitant les forces armées à les abattre dans ce que Varsovie a qualifié d’« acte d’agression ». La Russie et son allié proche, la Biélorussie, ont reconnu que certains drones utilisés dans la guerre en Ukraine avaient pénétré le territoire polonais — un aveu rare mais qui ne fait qu’aggraver les tensions. La Pologne a déployé des chasseurs en coordination avec ses alliés de l’OTAN pour intercepter et détruire ces appareils. Contrairement aux incidents danois et allemands où les drones disparaissent sans laisser de traces, ici nous avons une confirmation directe de leur origine russe. Cela renforce considérablement l’hypothèse selon laquelle les autres incidents européens pourraient également être orchestrés par Moscou, même si les preuves directes manquent encore.
Belgique : 15 drones au-dessus d’une base militaire
Dans la nuit de jeudi à vendredi (probablement 2-3 octobre), 15 drones ont été repérés au-dessus de la base militaire d’Elsenborn en Belgique, près de la frontière allemande. Cette base sert principalement de centre d’entraînement pour l’armée avec un champ de tir. Theo Francken, ministre belge de la Défense, a déclaré au journal Le Soir que la nature des vols était « suspecte et inconnue ». Une enquête du ministère de la Défense est en cours. Elsenborn se trouve à environ 600 kilomètres de Munich — ce qui signifie que les incidents de drones se produisent simultanément sur un vaste territoire s’étendant de la Scandinavie à l’Europe centrale. Ce n’est plus une série d’événements isolés ; c’est une campagne coordonnée à l’échelle continentale, visant à déstabiliser, tester les défenses, collecter du renseignement et peut-être préparer le terrain pour des actions futures plus graves.
France, Roumanie, Lituanie : personne n'est épargné

France : drones au-dessus d’une base d’entraînement ukrainienne
Le 22 septembre, des drones non identifiés ont été repérés au-dessus de la base de Mourmelon-le-Grand en France, qui abrite le 501e régiment de chars et qui a servi à former des soldats ukrainiens. Les autorités ont souligné que les drones n’étaient pas opérés par des militaires et étaient plus grands que les petits modèles commerciaux typiques. L’incident a déclenché une sécurité renforcée et une enquête policière. Le symbolisme de cibler une installation qui entraîne des forces ukrainiennes n’est pas subtil — c’est un message, une intimidation, une démonstration que même les alliés de l’Ukraine sur le territoire français ne sont pas à l’abri de la surveillance.
Roumanie : activité prolongée près des frontières
La Roumanie, membre de l’OTAN et de l’UE, partageant une frontière avec l’Ukraine, a également signalé des activités suspectes de drones ces derniers mois. Bien que les détails spécifiques soient moins documentés publiquement, le pays figure sur la liste des nations européennes touchées par cette vague d’intrusions. Sa position géographique — proche de la mer Noire et du théâtre de guerre ukrainien — en fait une cible logique pour des opérations de renseignement visant à surveiller les flux logistiques de soutien à l’Ukraine.
Lituanie : drones armés découverts sur le territoire
La Lituanie a connu plusieurs intrusions cet été. Le 10 juillet, un drone russe a pénétré dans son espace aérien, suivi d’un autre incident le 28 juillet lorsqu’un drone en provenance de Russie a été découvert plus tard armé d’explosifs dans une zone d’entraînement militaire. Dovile Sakaliene, ministre lituanienne de la Défense, a déclaré que l’appareil était probablement destiné à l’Ukraine. Vilnius a fait appel à l’OTAN pour obtenir du soutien, et le Secrétaire général Mark Rutte a promis des mesures immédiates pour renforcer la défense aérienne des pays baltes. La découverte d’un drone armé sur le sol lituanien franchit un seuil critique — ce n’est plus seulement de la surveillance ou de la perturbation, c’est une capacité offensive concrète qui s’égare (ou qui est délibérément acheminée) sur le territoire d’un État membre de l’OTAN.
Qui est derrière tout ça ? La Russie, acteur évident mais insaisissable

Accusations et démentis
Les autorités européennes pointent ouvertement du doigt la Russie comme responsable probable de cette vague d’intrusions. Le contexte est accablant : la guerre en Ukraine fait rage, la Russie mène une campagne de déstabilisation hybride contre l’Occident depuis des années, et les incidents de drones ciblent systématiquement des infrastructures stratégiques liées à l’OTAN et au soutien européen à l’Ukraine. Le vice-Premier ministre danois, Troels Lund Poulsen, a révélé que le Danemark avait même envisagé d’invoquer l’Article 4 de l’OTAN — la clause de consultation en cas de menace à la sécurité d’un membre — tellement la situation était considérée comme grave. Cependant, Moscou nie catégoriquement toute implication. Les autorités russes rejettent les accusations, qualifiant les allégations de propagande occidentale. Et techniquement, il n’y a aucune preuve irréfutable — pas de drone capturé avec des marquages russes, pas d’opérateur arrêté avec des liens démontrables avec les services russes.
L’hypothèse du navire-mère
Les enquêteurs danois n’excluent pas que les drones soient lancés depuis un navire maritime. Un pétrolier lié à la Russie, dont le nom a changé plusieurs fois et qui est maintenant connu sous les noms « Pushpa » ou « Boracay », a été intercepté par les autorités françaises. Son itinéraire depuis un terminal pétrolier russe vers l’Atlantique l’avait fait passer au large des côtes danoises. Une fouille approfondie menée par des commandos de la Marine française a été effectuée, mais aucun drone, aucun équipement de lancement n’a été trouvé, et aucune preuve que des drones avaient décollé du navire. Le bateau a depuis été relâché et est reparti en mer, se dirigeant vers le canal de Suez. L’absence de preuves ne signifie pas nécessairement l’absence de culpabilité — les drones peuvent être lancés depuis des navires puis récupérés, ou simplement sacrifiés. Mais sans preuve matérielle, il est impossible d’établir une responsabilité juridique claire.
« Ça pourrait être n’importe qui »
Hans-Christian Mathiesen, vice-président des programmes de défense chez Sky-Watch, un fabricant danois de drones de combat utilisés en Ukraine, offre une perspective plus nuancée : « Ça pourrait être n’importe qui ». Selon lui, quiconque possède un drone peut voler dans un espace aérien restreint et perturber les activités — des adolescents qui s’amusent sans réfléchir aux conséquences, des organisations criminelles, des acteurs étatiques. Un acteur étatique peut perturber les activités et examiner les réponses « avec un niveau d’effort minimal ». C’est précisément ce qui rend cette menace si pernicieuse : l’attribution est quasi impossible sans capture physique de l’appareil ou de l’opérateur. Et même avec un drone capturé, les composants sont souvent commerciaux, achetés sur le marché international, impossibles à tracer de manière définitive vers une source spécifique. Cette zone grise d’attribution est exactement ce que recherche un acteur étatique menant une guerre hybride — créer le chaos et la confusion sans franchir le seuil qui déclencherait une réponse militaire conventionnelle.
Une menace mondiale : les États-Unis également touchés

+25,6% d’incursions au premier trimestre 2025
Le problème n’est pas limité à l’Europe. Selon des données de la Federal Aviation Administration (FAA) américaine, les rapports d’incursions illégales de drones près des aéroports aux États-Unis ont augmenté de 25,6% au premier trimestre 2025 par rapport à la même période en 2024 — passant de 327 à 411 rapports. Cette augmentation alarmante révèle une tendance mondiale, pas seulement un phénomène européen lié au conflit ukrainien. En mars 2025, un avion de ligne commercial en descente vers un grand aéroport américain a frôlé la catastrophe : un drone « relativement large » de couleur argentée est passé à seulement 20 pieds de l’aile gauche de l’appareil à 3300 pieds d’altitude. Le pilote a décrit l’incident comme survenu trop rapidement pour prendre des mesures d’évitement. Le drone mesurait environ 4 à 5 pieds de diamètre — bien plus grand qu’un drone de loisir typique.
« Nous allons avoir un événement catastrophique »
Les rapports d’incidents déposés auprès du NASA Aviation Safety Reporting System (ASRS) révèlent une tendance troublante et potentiellement dangereuse, soulignant le défi croissant que posent les drones non autorisés à la sécurité aérienne. Des experts cités dans un rapport de The Debrief avertissent : « Nous allons avoir un événement catastrophique ». La collision entre un drone et un avion de ligne pourrait entraîner une catastrophe avec des centaines de morts. Les moteurs d’avion peuvent ingérer des oiseaux et survivre, mais les drones contiennent des composants métalliques durs — batteries au lithium, moteurs, structures en aluminium ou en carbone — qui pourraient causer des dommages catastrophiques. Le pare-brise d’un cockpit pourrait être percé. Les systèmes de contrôle de vol pourraient être endommagés. Le risque n’est pas théorique — il est réel, immédiat et croissant.
Bases militaires américaines également ciblées
Il n’est pas clair si les données de la FAA incluent explicitement les survols de drones près d’installations militaires, mais les rapports du premier trimestre 2025 montrent que les incursions illégales et dangereuses près de l’espace aérien civil restreint ont augmenté de façon spectaculaire. Le contraste entre les réponses européennes — comme l’autorisation récente accordée par l’Allemagne à ses forces armées de tirer sur les drones non identifiés — et la posture plus prudente et souvent contradictoire des agences américaines souligne une déconnexion fondamentale. Alors que les incursions se multiplient et que les quasi-collisions deviennent plus courantes, la fenêtre d’action préventive se referme. Les drones commerciaux sont maintenant plus abordables, plus autonomes et plus capables que jamais — une courbe d’innovation qui a clairement dépassé les mesures défensives de l’Amérique.
Conclusion

Octobre 2025 marque un tournant dans la perception de la menace des drones en Europe et au-delà. Ce qui était autrefois considéré comme une nuisance marginale ou un risque théorique s’est transformé en une crise sécuritaire majeure affectant simultanément une douzaine de pays. L’aéroport de Munich fermé deux fois en 48 heures. Copenhague paralysé pendant quatre heures. Des bases militaires de l’OTAN survolées méthodiquement. Des infrastructures stratégiques cartographiées par des essaims de drones coordonnés. Des dizaines de milliers de passagers affectés, des centaines de vols annulés ou détournés, des ressources de sécurité massives déployées — et au final, aucun responsable identifié, aucun drone capturé, aucune solution tangible en vue. Cette impuissance collective face à une technologie accessible et bon marché révèle une vulnérabilité systémique de nos sociétés modernes. Nous avons construit des systèmes de défense sophistiqués contre les menaces conventionnelles du XXe siècle, mais nous sommes cruellement mal préparés face aux menaces asymétriques du XXIe. Un drone acheté quelques milliers d’euros peut fermer un aéroport pendant des heures, semer le chaos parmi des milliers de personnes, forcer le déploiement de moyens militaires coûteux — et repartir sans laisser de trace. Le rapport coût-bénéfice pour un adversaire est ridiculement favorable.
Les autorités européennes accusent ouvertement la Russie, citant le contexte de la guerre en Ukraine, les précédentes campagnes de déstabilisation hybride menées par Moscou, et le ciblage systématique d’infrastructures liées au soutien occidental à Kiev. Mais Moscou nie, et surtout, les preuves matérielles manquent. Aucun drone capturé ne porte de marquages russes. Aucun opérateur arrêté ne peut être lié directement aux services de renseignement russes. Le pétrolier suspect fouillé par les autorités françaises n’a révélé aucun équipement de lancement. Cette zone grise d’attribution est précisément ce que recherche un acteur menant une guerre hybride : créer le chaos sans franchir le seuil qui déclencherait une réponse militaire directe. Et pendant que l’Europe débat, enquête, déploie des moyens anti-drones et renforce ses législations, les incidents continuent. Samedi 4 octobre, alors que Munich rouvrait à peine après la fermeture de jeudi, de nouveaux drones apparaissent et forcent un nouveau retard. La menace n’est pas ponctuelle — elle est persistante, évolutive, adaptative. Les opérateurs, quels qu’ils soient, apprennent de chaque intervention, testent les limites des réponses, affinent leurs tactiques. Nous sommes entrés dans une ère nouvelle où la guerre ne se déclare plus officiellement, où les frontières entre paix et conflit s’estompent complètement, où n’importe quelle nuit peut apporter une nouvelle vague d’intrusions contre laquelle nous restons, pour l’instant, largement impuissants. L’Europe est en état d’alerte, l’OTAN mobilise des ressources, les États-Unis enregistrent une augmentation de 25% des incidents — mais tant que nous n’aurons pas résolu le problème fondamental de détection, d’attribution et d’interception, nous resterons dans cette posture défensive permanente, réagissant aux symptômes sans pouvoir traiter la cause. Et chaque nouvelle nuit pourrait être celle où un drone franchira une ligne de trop — percutant un avion de ligne, détruisant une infrastructure critique, causant la catastrophe que les experts annoncent avec une certitude croissante.