L’Ukraine frappe au cœur de la Russie : navire de guerre coulé et raffinerie en flammes
Auteur: Jacques Pj Provost
Ils ont frappé à 1000 kilomètres à l’intérieur du territoire russe. En pleine nuit, sans préavis, avec une précision chirurgicale qui glace le sang des stratèges du Kremlin. Le 4 octobre 2025, à 04h31 heure locale, les Forces d’opérations spéciales ukrainiennes ont touché le navire lance-missiles russe Grad — l’un des plus modernes de la flotte — alors qu’il traversait le lac Onega en République de Carélie, au nord-est de Saint-Pétersbourg. Le projectile a percé le compartiment tribord de la salle des machines. Le bâtiment, capable de lancer des missiles de croisière Kalibr qui terrorisent les villes ukrainiennes depuis le début de l’invasion, était en route de la mer Baltique vers la mer Caspienne. Il ne finira peut-être jamais son voyage. Simultanément, des drones ukrainiens ont embrasé la raffinerie de Kirishi, l’une des plus grandes et des plus modernes de Russie, située à plus de 800 kilomètres de la frontière ukrainienne dans l’Oblast de Leningrad. Une explosion massive, un incendie qui a illuminé le ciel nocturne, et cette installation qui représente 6,6% de la capacité totale de raffinage russe — 18,4 millions de tonnes par an — partiellement paralysée. Ce n’est pas une frappe isolée. C’est une campagne systématique qui vise le cœur économique et militaire de l’agresseur, qui porte la guerre chez l’ennemi, qui transforme chaque nuit russe en cauchemar opérationnel.
La même nuit, d’autres cibles ont été touchées. Le complexe radar Garmon et un véhicule de transport-chargement du système de missiles Iskander dans l’Oblast de Koursk. Un poste de commandement de la 8e Armée russe en territoire occupé de l’Oblast de Donetsk. Et la veille, le 3 octobre, les drones ukrainiens avaient déjà frappé la raffinerie Orsknefteorgsintez dans l’Oblast d’Orenbourg — à 1400 kilomètres du territoire contrôlé par l’Ukraine — ainsi qu’une usine chimique Azot dans la région de Perm, l’un des plus grands producteurs d’engrais azotés du pays, qui fournit également des produits chimiques utilisés dans les explosifs. L’intensité s’accélère. La portée s’allonge. La précision s’affine. Depuis août 2025, 16 des 38 raffineries russes ont été ciblées selon le Financial Times. Près de 40% de la capacité de raffinage russe serait actuellement hors service selon des sources ukrainiennes. Les exportations de diesel russe ont chuté à leur plus bas niveau depuis 2020. Une pénurie de carburant s’installe à travers tout le pays. Et pendant ce temps, Moscou continue de bombarder des civils ukrainiens — samedi matin, deux drones russes ont frappé des trains de passagers à la gare de Shostka dans l’Oblast de Soumy, tuant au moins une personne et blessant 30 autres dans ce que Kiev qualifie de « double frappe » — la tactique barbare consistant à frapper d’abord, puis à frapper à nouveau pour tuer les sauveteurs. Mais l’Ukraine ne se contente plus de défendre. Elle attaque. Elle porte le feu chez l’agresseur. Et ce que nous voyons se dérouler en ce début octobre 2025, c’est une transformation stratégique majeure : l’Ukraine démontre qu’aucune installation russe n’est à l’abri, aucun navire n’est en sécurité, aucun arrière ne peut rester tranquille. La guerre revient à ses origines. Et elle brûle.
Le Grad : un navire de guerre moderne touché à 1000 km de la frontière

04h31 : la frappe qui change tout
À exactement 04h31 heure locale le 4 octobre 2025, quelque chose a percuté le petit navire lance-missiles Grad (numéro de coque 575) de classe Buyan-M alors qu’il naviguait sur le lac Onega, en République de Carélie, Russie. L’impact a touché le côté tribord du compartiment de la salle des machines — une zone critique pour tout navire, car endommager les moteurs signifie perdre la propulsion, la mobilité, la capacité de manœuvre. Les Forces d’opérations spéciales ukrainiennes ont revendiqué la frappe quelques heures plus tard, confirmant que le Grad était en route de la mer Baltique vers la mer Caspienne, probablement pour un redéploiement opérationnel ou une réaffectation de forces. Le lac Onega, situé au nord-est de Saint-Pétersbourg, se trouve à environ 1000-1100 kilomètres de Kiev et bien plus loin encore des positions ukrainiennes sur la ligne de front. C’est profondément à l’intérieur du territoire russe, dans une zone que Moscou considérait comme sûre, protégée, hors de portée. Cette frappe pulvérise cette illusion. Elle démontre que les capacités ukrainiennes de frappe à longue distance ont atteint un niveau où aucun actif militaire russe ne peut se sentir à l’abri, même à mille kilomètres des combats.
Le Grad : un navire moderne armé de missiles de croisière Kalibr
Le Grad n’est pas un vieux rafiot soviétique bon pour la ferraille. C’est l’un des navires les plus récents et les plus avancés de la flotte russe, officiellement mis en service dans la flotte de la Baltique le 29 décembre 2022 — il y a moins de trois ans. Appartenant à la classe Buyan-M (Projet 21631), c’est une corvette petite mais lourdement armée, conçue pour opérer dans les eaux peu profondes, avec un armement principal composé du système de missiles Kalibr-NK. Ces missiles de croisière, avec une portée dépassant 2000 kilomètres, sont précisément ceux que la Russie utilise régulièrement pour frapper des villes ukrainiennes lors de ses attaques massives — infrastructures énergétiques, immeubles résidentiels, hôpitaux, écoles. Le Grad fait partie des premiers navires de surface russes utilisés pour lancer ces Kalibr contre l’Ukraine. C’est un actif stratégique de première importance, capable de projeter une puissance de feu considérable depuis des positions maritimes éloignées. Et maintenant, il est endommagé, peut-être irrémédiablement, à l’intérieur même des frontières russes, sur un lac intérieur que le Kremlin croyait inviolable.
Une portée qui terrorise Moscou
Ce qui terrifie vraiment le commandement militaire russe, c’est l’implication de cette frappe : si l’Ukraine peut toucher un navire sur le lac Onega, elle peut toucher n’importe quoi à peu près n’importe où dans l’ouest de la Russie. Le lac Onega est relié par des canaux à la Baltique et à la mer Blanche, formant partie du système de voies navigables intérieures que la Russie utilise pour transférer des navires militaires entre différentes flottes. C’était censé être une route sûre, à l’abri des attaques. Plus maintenant. L’arme utilisée n’a pas été spécifiée officiellement — probablement un drone longue distance, peut-être un système encore plus sophistiqué. Mais peu importe le vecteur. Ce qui compte, c’est la capacité démontrée : l’Ukraine peut identifier une cible mobile, suivre ses mouvements à travers le territoire russe, planifier une frappe avec une fenêtre de timing précise, et exécuter l’attaque avec suffisamment de précision pour toucher un navire en mouvement dans une zone spécifique. Cette combinaison de renseignement, de planification et d’exécution suggère un niveau de sophistication opérationnelle qui rivalise avec les grandes puissances militaires. La Russie ne combattait pas seulement une « opération militaire spéciale » contre un voisin plus faible. Elle fait face à un adversaire capable de frapper en profondeur, avec précision, et impunité croissante.
Kirishi en flammes : frapper l'économie de guerre russe

Une raffinerie ultra-moderne réduite en brasier
Dans la nuit du 3 au 4 octobre, des drones ukrainiens ont frappé la raffinerie de Kirishi, exploitée par Kirishinefte orgsintez dans l’Oblast de Leningrad, à plus de 800 kilomètres de la frontière ukrainienne. Des explosions massives ont retenti, suivies d’un incendie qui a illuminé le ciel nocturne. Des vidéos publiées par le média indépendant russe Astra montrent une déflagration énorme et des flammes s’élevant du site. Des résidents locaux ont signalé l’incendie sur les réseaux sociaux avant même que les autorités ne confirment. Le gouverneur régional Alexander Drozdenko a finalement reconnu l’attaque de drones et l’incendie, affirmant que les défenses aériennes avaient intercepté sept drones et que le feu avait été éteint. Mais les images et les témoignages racontent une histoire différente — une frappe qui a clairement atteint sa cible, causé des dommages significatifs, et perturbé les opérations d’une installation critique pour l’économie de guerre russe. Cette raffinerie n’est pas une vieille usine soviétique délabrée. Elle a été ouverte en 2017 — c’est l’une des installations de raffinage les plus modernes de Russie, avec une capacité annuelle de traitement de 18,4 millions de tonnes de pétrole, représentant 6,6% du volume total de raffinage russe.
Une cible récidiviste : quatrième attaque en 18 mois
Kirishi n’est pas une victime occasionnelle. C’est une cible récurrente, visée au moins quatre fois depuis mars 2024 : mars 2024, mars 2025, septembre 2025, et maintenant octobre 2025. L’armée ukrainienne a revendiqué les frappes de septembre et mars 2025, et l’état-major général a confirmé celle d’octobre sur les réseaux sociaux. Le 14 septembre, une frappe avait touché l’une des principales unités de traitement de la raffinerie, réduisant de près de moitié sa capacité de production selon des sources de renseignement open source. Chaque attaque inflige des dommages, force des réparations coûteuses, perturbe la production, et surtout — mine la confiance du Kremlin dans sa capacité à protéger ses infrastructures critiques. Kirishi est située à seulement quelques dizaines de kilomètres de Saint-Pétersbourg, la deuxième plus grande ville de Russie, berceau de Poutine lui-même. Si une raffinerie aussi proche de cette métropole majeure peut être frappée répétitivement, qu’est-ce qui est vraiment en sécurité ? La réponse, de plus en plus évidente, c’est : rien.
40% de la capacité de raffinage russe hors service
La frappe sur Kirishi s’inscrit dans une campagne systématique que l’Ukraine mène contre le secteur pétrolier russe depuis plus d’un an. Selon des sources ukrainiennes, près de 40% de la capacité de raffinage russe serait actuellement hors service à cause des attaques répétées. Le Financial Times rapporte que 16 des 38 raffineries russes ont été ciblées depuis août 2025 seulement. Les exportations de diesel russe ont chuté à leur plus bas niveau depuis 2020. Une pénurie de carburant s’installe progressivement à travers le pays, affectant non seulement l’effort de guerre mais aussi l’économie civile — transport, agriculture, industrie. Kiev considère ouvertement les raffineries russes comme des cibles militaires légitimes qui financent et alimentent l’effort de guerre de Moscou. Chaque baril de pétrole non raffiné, c’est moins de carburant pour les tanks russes, moins de kérosène pour les bombardiers, moins de diesel pour les camions logistiques. C’est aussi moins de revenus pour le budget russe — des milliards de dollars qui ne financeront pas de nouvelles munitions, de nouveaux missiles, de nouveaux équipements. Cette guerre économique menée par frappes de drones représente peut-être la stratégie la plus efficace de l’Ukraine : frapper l’ennemi là où ça fait le plus mal, dans sa capacité à générer les ressources nécessaires pour continuer la guerre.
Orenbourg et Perm : élargir la campagne de destruction économique

1400 kilomètres : la raffinerie d’Orenbourg touchée
Le 3 octobre, la veille de la frappe sur Kirishi, des drones ukrainiens ont attaqué la raffinerie Orsknefteorgsintez dans l’Oblast d’Orenbourg, dans le sud de l’Oural. Cette installation se trouve à environ 1400 kilomètres du territoire contrôlé par l’Ukraine — une distance qui défie l’imagination quand on parle de drones. Fondée en 1935, Orsknefteorgsintez est l’une des raffineries les plus anciennes et les plus grandes du sud de l’Oural, avec une capacité annuelle de 6,6 millions de tonnes de pétrole brut. Elle produit de l’essence automobile, du diesel Euro 5, du carburant d’aviation, du bitume et des lubrifiants — servant comme seule raffinerie de l’Oblast d’Orenbourg et élément clé du réseau énergétique domestique russe. Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent au moins un drone s’écrasant à l’intérieur du périmètre de la raffinerie, suivi d’une colonne de fumée noire s’élevant au-dessus de l’installation. Le gouverneur régional Yevgeny Solntsev a confirmé l’attaque mais prétend que les opérations de la raffinerie n’ont pas été perturbées. Une source du Service de sécurité ukrainien (SBU) a cependant déclaré au Kyiv Independent qu’une évacuation avait été annoncée sur le site — un détail qui contredit la version russe selon laquelle tout fonctionnerait normalement.
L’usine chimique Azot : frapper la production d’explosifs
Le même jour, des drones ukrainiens ont frappé l’usine chimique Azot dans la région de Perm, l’un des plus grands producteurs d’engrais azotés de Russie, qui fournit également des produits chimiques utilisés dans la fabrication d’explosifs. L’installation, située à environ 1500 kilomètres de la frontière ukrainienne, a brièvement interrompu ses opérations suite à l’attaque avant de reprendre, selon le gouverneur Dmitry Makhonin. Des résidents ont rapporté deux explosions bruyantes près de l’usine en fin de soirée jeudi, tandis que des vidéos en ligne semblaient montrer un témoin oculaire affirmant que trois drones étaient impliqués. Frapper une usine chimique qui produit des composants pour explosifs, c’est attaquer directement la chaîne d’approvisionnement de l’industrie de défense russe. Moins de produits chimiques signifie moins de munitions, moins de charges explosives pour les bombes et les missiles, moins de capacité à maintenir l’intensité des bombardements contre l’Ukraine. Cette diversification des cibles — non plus seulement les raffineries mais aussi les usines chimiques, les installations militaires, les infrastructures logistiques — montre une sophistication croissante dans la planification stratégique ukrainienne.
La géographie comme arme psychologique
Ce qui rend ces frappes particulièrement démoralisantes pour Moscou, c’est leur profondeur géographique. Orenbourg et Perm ne sont pas près de la frontière ukrainienne. Ce sont des régions de l’intérieur profond de la Russie, loin des zones de combat, considérées comme sûres. Les habitants de ces villes ne s’attendaient pas à devenir des cibles. Les autorités locales ne s’étaient pas préparées à subir des attaques. Et pourtant, les drones ukrainiens arrivent, frappent avec précision, et repartent avant que quiconque puisse réagir efficacement. Cette capacité à projeter la puissance à de telles distances transforme la perception de la guerre pour les Russes ordinaires. Ce n’est plus une « opération militaire spéciale » qui se déroule confortablement loin de chez eux. C’est une guerre qui peut frapper n’importe où, n’importe quand. Cette anxiété collective, cette perte du sentiment de sécurité — c’est exactement ce que l’Ukraine cherche à créer. Pas pour terroriser les civils, mais pour faire pression sur le régime en démontrant que la guerre de Poutine a des conséquences domestiques inacceptables.
Les autres cibles de la nuit : radars, missiles et postes de commandement

Le complexe radar Garmon : aveugler l’ennemi
Dans la nuit du 3 au 4 octobre, les Forces de défense ukrainiennes ont également frappé le complexe radar Garmon dans l’Oblast de Koursk. Ces systèmes radar sont les yeux de la défense aérienne russe, permettant la détection précoce des menaces, le guidage des missiles intercepteurs, la coordination des ripostes. Détruire ou endommager un radar, c’est créer une zone aveugle dans le réseau de défense, une fenêtre que les drones et missiles ukrainiens peuvent exploiter lors de futures frappes. C’est une guerre méthodique, systématique, où chaque cible est choisie pour affaiblir progressivement les capacités ennemies. Les radars ne font pas les gros titres comme les navires de guerre ou les raffineries, mais ils sont tout aussi critiques. Sans yeux, un système de défense aérienne est impuissant, capable seulement de réactions tardives et inefficaces. L’Ukraine le comprend et cible ces systèmes avec une régularité implacable.
Véhicule Iskander : frapper la logistique des missiles
Également dans l’Oblast de Koursk, les Forces ukrainiennes ont touché un véhicule de transport-chargement du système de missiles Iskander. Ces systèmes balistiques tactiques sont parmi les plus dangereux de l’arsenal russe, capables de lancer des missiles avec une précision considérable contre des cibles à des centaines de kilomètres. Mais un lanceur sans véhicule de transport pour amener les missiles est inutile. En ciblant la logistique — les camions, les véhicules de support, les dépôts de munitions — l’Ukraine ne se contente pas de détruire des armes ; elle paralyse la capacité opérationnelle globale. Un missile Iskander coûte des millions de dollars et prend du temps à produire. Un véhicule de transport peut être remplacé plus facilement, mais sa destruction empêche immédiatement l’utilisation des missiles disponibles jusqu’à ce qu’un remplacement arrive. Cette approche de ciblage révèle une compréhension sophistiquée de la guerre moderne : ce n’est pas seulement une question de détruire l’ennemi frontalement, mais de dégrader systématiquement sa capacité à opérer.
Poste de commandement de la 8e Armée : décapiter le commandement
Enfin, les Forces ukrainiennes ont frappé le poste de commandement de la 8e Armée des forces armées russes, situé en territoire temporairement occupé de l’Oblast de Donetsk. Les postes de commandement sont les centres nerveux de toute opération militaire — c’est là que les décisions sont prises, les ordres transmis, la coordination assurée entre différentes unités. Frapper un PC, c’est créer du chaos, forcer l’ennemi à reconstruire ses chaînes de commandement, perturber la planification opérationnelle. Même si le personnel clé survit en se trouvant ailleurs au moment de la frappe, les équipements de communication, les systèmes informatiques, les cartes et documents opérationnels peuvent être détruits, forçant un redémarrage coûteux en temps et en ressources. La cible a été touchée, les résultats sont en cours de vérification selon l’état-major ukrainien. Mais le simple fait de pouvoir cibler avec précision un PC en territoire occupé démontre des capacités de renseignement impressionnantes — quelqu’un identifie ces positions, transmet les coordonnées, et l’attaque suit rapidement.
La flotte russe en déclin : une série de pertes catastrophiques

La mer Noire devenue inhabitable pour Moscou
La frappe contre le Grad s’inscrit dans une tendance plus large qui voit la flotte russe progressivement décimée par les attaques ukrainiennes répétées. Depuis le début de l’invasion, l’Ukraine a détruit plusieurs navires russes majeurs : le navire de débarquement Caesar Kunikov, le patrouilleur Sergei Kotov, la corvette lance-missiles Ivanovets, et de multiples embarcations de débarquement rapide. Ces attaques — utilisant des drones navals, des missiles, et des drones aériens à longue portée — ont forcé le Kremlin à réduire massivement sa présence navale en Crimée occupée. La mer Noire, que la Russie considérait comme son lac privé au début de l’invasion, est devenue un environnement hostile où chaque navire russe devient une cible potentielle. Le 21 août, le renseignement militaire ukrainien (HUR) a également revendiqué avoir frappé un patrouilleur russe dans la mer Noire près de la ville occupée de Zaliznyi Port dans l’Oblast de Kherson, tuant cinq membres d’équipage. Cette guerre navale asymétrique — où l’Ukraine, sans véritable marine de guerre conventionnelle, parvient à neutraliser une flotte russe bien plus puissante sur le papier — est l’une des réussites stratégiques les plus remarquables du conflit.
Des voies navigables intérieures plus sûres : le mythe s’effondre
Face aux pertes en mer Noire, la Russie avait commencé à utiliser ses voies navigables intérieures — lacs et canaux — pour transférer des navires entre différentes flottes en relative sécurité. Le système de canaux reliant la Baltique, les Grands Lacs (comme Onega et Ladoga), et la mer Caspienne permettait théoriquement de déplacer des petits navires comme les corvettes Buyan-M sans les exposer aux drones navals ukrainiens opérant en mer. Mais la frappe contre le Grad sur le lac Onega vient de pulvériser cette illusion de sécurité. Si les voies navigables intérieures ne sont plus sûres, où la marine russe peut-elle opérer sans risque ? La réponse devient de plus en plus évidente : nulle part. Chaque navire russe est désormais une cible potentielle, où qu’il se trouve. Cette réalité force Moscou à disperser ses actifs navals, à augmenter les mesures de protection (avec un coût financier et logistique énorme), et à accepter un niveau de risque constant pour toute opération navale.
L’impact stratégique : moins de missiles de croisière sur l’Ukraine
Chaque navire lance-missiles que l’Ukraine détruit ou endommage représente une réduction directe de la capacité russe à bombarder les villes ukrainiennes. Les corvettes Buyan-M comme le Grad sont armées du système Kalibr-NK, capable de lancer des missiles de croisière avec une portée dépassant 2000 kilomètres. Ces missiles sont régulièrement utilisés dans les frappes massives contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes, les centres urbains, les installations militaires. Moins de navires opérationnels signifie moins de plateformes de lancement disponibles, ce qui réduit l’intensité des bombardements russes. C’est un calcul simple mais crucial : chaque actif militaire russe neutralisé se traduit par moins de destruction en Ukraine, moins de civils tués, moins d’infrastructures détruites. Cette logique sous-tend toute la stratégie de frappes en profondeur de l’Ukraine — il ne s’agit pas de vengeance ou de représailles symboliques, mais d’une guerre d’attrition méthodique visant à dégrader progressivement les capacités offensives russes jusqu’à ce que Moscou n’ait plus les moyens de continuer la guerre à l’intensité actuelle.
La brutalité russe persiste : double frappe contre des trains civils

Shostka : 30 blessés dans une attaque contre une gare
Pendant que l’Ukraine frappe des cibles militaires et économiques en profondeur sur le territoire russe, Moscou continue de bombarder des civils. Samedi 4 octobre au matin, deux drones russes ont frappé des trains de passagers à la gare de Shostka dans l’Oblast de Soumy, à environ 70 kilomètres de la frontière russe. Au moins une personne a été tuée et 30 autres blessées selon le président Volodymyr Zelenskyy, qui a qualifié l’attaque de « sauvage ». Les drones ont d’abord frappé un train local, puis un second train en direction de Kiev. Crucialmente, le deuxième drone a frappé alors qu’une évacuation était en cours suite à la première attaque — une tactique connue sous le nom de « double frappe », spécifiquement conçue pour tuer les premiers secours et les personnes tentant d’évacuer les victimes. Le ministre ukrainien de la Reconstruction Oleksiy Kuleba a souligné qu’il s’agit de « l’une des tactiques russes les plus brutales ». Le ministre des Affaires étrangères Andrii Sybiha a également dénoncé cette approche samedi. Des photos publiées par Zelenskyy et le gouverneur local Oleh Hryhorov montrent une voiture de passagers en feu, la scène de destruction typique des bombardements russes contre des infrastructures civiles.
Cibler les infrastructures ferroviaires : paralyser les déplacements
Les attaques contre les gares et les trains s’inscrivent dans une campagne plus large de Moscou visant à détruire les infrastructures ferroviaires ukrainiennes, particulièrement alors que l’hiver approche. Les chemins de fer sont l’artère principale du système de transport ukrainien — ils permettent l’évacuation des civils, le transport de l’aide humanitaire, et crucialement, la logistique militaire. En les bombardant systématiquement, la Russie cherche à compliquer massivement les mouvements à travers le pays, à isoler certaines régions, à rendre la vie quotidienne impossible pour la population. La frappe de Shostka a également coupé l’approvisionnement électrique de la ville, qui comptait environ 70 000 habitants avant la guerre, ainsi que des zones environnantes selon le gouverneur Hryhorov. C’est une guerre totale menée contre une population civile, visant non seulement à tuer mais à rendre l’existence elle-même insoutenable.
Le contraste moral : cibles militaires vs cibles civiles
Le contraste entre les frappes ukrainiennes et russes ne pourrait être plus clair. L’Ukraine cible des installations militaires — navires de guerre, radars, postes de commandement — et des infrastructures économiques qui alimentent directement l’effort de guerre russe — raffineries, usines chimiques produisant des explosifs. Ces cibles sont légitimes selon le droit international des conflits armés. Elles contribuent directement à la capacité de la Russie à mener la guerre. Les frapper réduit cette capacité et, ultimement, peut raccourcir le conflit. La Russie, en revanche, bombarde systématiquement des cibles civiles — gares ferroviaires, trains de passagers, immeubles résidentiels, hôpitaux, écoles, infrastructures électriques servant principalement la population civile. Ces attaques ne servent aucun objectif militaire légitime. Elles visent uniquement à terroriser, à punir, à briser le moral de la population ukrainienne. C’est la différence fondamentale entre une nation qui défend son existence et un agresseur qui cherche à soumettre par la terreur. Et cette différence, documentée jour après jour, consolidera le jugement de l’histoire sur ce conflit.
L'intensification : vers une nouvelle phase du conflit

Des capacités qui ne cessent de croître
Ce qui frappe dans les événements du 3-4 octobre 2025, c’est l’intensification évidente des capacités ukrainiennes de frappe en profondeur. Il y a un an, frapper une raffinerie à 500 kilomètres était exceptionnel. Maintenant, l’Ukraine frappe régulièrement des cibles à 800, 1000, 1400 kilomètres — et pas des frappes isolées chanceueses, mais des campagnes coordonnées touchant de multiples objectifs simultanément. La technologie s’améliore constamment. Les drones ukrainiens deviennent plus autonomes, plus précis, plus difficiles à intercepter. Les systèmes de renseignement permettant d’identifier et de suivre les cibles s’affinent. La planification opérationnelle atteint un niveau de sophistication qui n’existait pas au début du conflit. Cette courbe de progression inquiète profondément Moscou, qui réalise que l’avantage dont elle disposait en termes de profondeur stratégique — l’idée que ses arrières seraient toujours hors de portée — s’érode rapidement. Dans six mois, dans un an, jusqu’où l’Ukraine pourra-t-elle frapper ? Quelles installations actuellement considérées comme intouchables deviendront vulnérables ? Ces questions obsèdent certainement le commandement militaire russe.
L’aide occidentale : le facteur multiplicateur
Cette amélioration des capacités ukrainiennes n’est pas uniquement le fruit d’innovations domestiques. L’aide occidentale joue un rôle crucial — pas nécessairement en fournissant les drones eux-mêmes (beaucoup sont de production ukrainienne), mais en fournissant l’intelligence, les systèmes de surveillance satellite, les technologies de guidage, et les composants critiques. Les États-Unis et leurs alliés partagent des données de renseignement qui permettent à l’Ukraine d’identifier des cibles de haute valeur. Les satellites commerciaux occidentaux fournissent des images en temps quasi réel. Les systèmes de communication sécurisée permettent la coordination d’opérations complexes. Sans cet écosystème de soutien, l’Ukraine pourrait développer des capacités impressionnantes, mais pas au rythme et à l’échelle que nous observons. Cette synergie entre innovation ukrainienne et soutien occidental crée un effet multiplicateur qui transforme Kiev en un adversaire autrement plus redoutable que ce que Moscou anticipait au début de l’invasion. Et tant que ce soutien persiste, les capacités ukrainiennes continueront probablement de croître.
La question de l’escalade : jusqu’où peut aller cette guerre ?
Chaque nouvelle frappe soulève inévitablement la question : jusqu’où cela peut-il aller avant que la situation n’échappe complètement à tout contrôle ? L’Ukraine frappe maintenant régulièrement des cibles à plus de 1000 kilomètres en territoire russe. Elle coule des navires de guerre. Elle paralyse des raffineries représentant des milliards de dollars d’investissement. Moscou réplique en intensifiant les bombardements contre les infrastructures ukrainiennes et les civils. Mais à un certain point, cette spirale pourrait franchir un seuil où les options diplomatiques disparaissent complètement, où l’une ou l’autre partie ressent le besoin de recourir à des mesures encore plus extrêmes pour éviter la défaite. L’arme nucléaire plane toujours comme une ombre sur ce conflit — Poutine a régulièrement évoqué la possibilité de son utilisation si la Russie se sentait existentiellement menacée. Mais jusqu’à présent, les frappes ukrainiennes, aussi audacieuses soient-elles, restent dans le domaine de la guerre conventionnelle. Elles ciblent des actifs militaires et économiques légitimes. Elles ne menacent pas l’existence de l’État russe. Cette distinction est cruciale. Tant que l’Ukraine maintient cette ligne — frapper des cible
Conclusion

La nuit du 3 au 4 octobre 2025 restera comme une démonstration éclatante de la transformation stratégique qu’a subie l’Ukraine depuis le début de cette guerre. Un navire de guerre moderne touché à 1000 kilomètres de la frontière, en plein cœur du territoire russe, sur un lac que Moscou croyait inviolable. La raffinerie de Kirishi — l’une des plus grandes et plus modernes de Russie, représentant 6,6% de la capacité totale de raffinage du pays — embrasée par des drones ukrainiens à 800 kilomètres de distance. Des frappes simultanées contre Orenbourg et Perm, à 1400-1500 kilomètres, ciblant des raffineries et des usines chimiques cruciales pour l’effort de guerre russe. Des radars détruits, des systèmes de missiles endommagés, des postes de commandement frappés — une campagne coordonnée, multidimensionnelle, exécutée avec une précision qui aurait semblé impossible il y a encore deux ans. Cette Ukraine-là n’est plus la victime passive d’une agression brutale. C’est un acteur militaire sophistiqué, capable de projeter sa puissance en profondeur, de frapper des cibles stratégiques avec une efficacité redoutable, de mener une guerre d’attrition économique qui saigne progressivement les capacités russes. Près de 40% de la capacité de raffinage russe hors service. Les exportations de diesel au plus bas depuis 2020. Une pénurie de carburant qui s’installe à travers le pays. Et maintenant, même les voies navigables intérieures ne sont plus sûres pour la marine russe.
Pendant ce temps, Moscou persiste dans sa barbarie systématique contre les civils ukrainiens — la double frappe sur la gare de Shostka samedi matin, tuant et blessant des dizaines de personnes, y compris des secouristes venus aider après la première explosion, illustre parfaitement le contraste moral entre les deux camps. L’Ukraine frappe des navires militaires, des raffineries alimentant la machine de guerre, des installations stratégiques. La Russie frappe des trains de passagers, des gares, des immeubles résidentiels. Ce contraste définira le jugement historique sur ce conflit. Mais au-delà de la moralité, il y a la réalité stratégique froide : l’Ukraine est en train de démontrer qu’aucun actif russe n’est vraiment en sécurité, qu’aucun arrière n’est inviolable, qu’aucune distance ne garantit l’immunité. Cette capacité transforme la nature du conflit. Moscou ne peut plus se permettre de considérer la guerre comme une opération lointaine qui n’affecte pas son territoire. Les flammes de Kirishi, les dommages sur le Grad, les explosions à Orenbourg et Perm — tout cela se produit en Russie, visible pour la population russe, impossible à dissimuler complètement malgré la censure. Et à mesure que ces frappes s’intensifient, la pression domestique sur le régime de Poutine pour mettre fin à cette guerre coûteuse ne peut qu’augmenter. C’est précisément ce que Kiev recherche : non pas une victoire militaire totale — impossible face à un adversaire aussi massif — mais une dégradation progressive des capacités russes combinée à une pression croissante pour un règlement qui préserve la souveraineté et l’intégrité territoriale ukrainiennes. La nuit du 3-4 octobre montre que cette stratégie fonctionne. Et qu’elle ne fera que s’intensifier.