La guerre de l’énergie frappe en plein cœur : 40 000 russes plongés dans l’obscurité par une double frappe ukrainienne
Auteur: Maxime Marquette
L’escalade énergétique entre l’Ukraine et la Russie vient de franchir un nouveau cap dramatique. En moins de 24 heures, les forces ukrainiennes ont mené deux attaques consécutives contre la centrale thermique Luch de Belgorod, plongeant plus de 40 000 civils russes dans l’obscurité totale. Cette offensive coordonnée, menée les 5 et 6 octobre 2025, marque un tournant décisif dans cette guerre de l’énergie qui oppose désormais infrastructure contre infrastructure, civils contre civils.
Le gouverneur de la région de Belgorod, Vyacheslav Gladkov, a confirmé des « dommages significatifs » touchant sept municipalités. Les hôpitaux fonctionnent sur générateurs de secours, les écoles perturbent leurs activités, et les habitants découvrent brutalement ce que ressentent les Ukrainiens depuis des mois : l’angoisse du noir, du froid qui approche, de l’incertitude totale.
Double frappe sur le cœur énergétique de Belgorod

Première attaque : la nuit du 5 octobre
La première frappe a eu lieu dans la nuit du 5 octobre 2025, vers 23h30 heure locale. Les systèmes HIMARS ukrainiens ont visé avec une précision chirurgicale la centrale thermique Luch et plusieurs sous-stations électriques. L’explosion a été si violente que des témoins ont rapporté avoir vu des flammes s’élever à des dizaines de mètres au-dessus de l’installation, créant un brasier visible depuis les quartiers résidentiels environnants.
Les premières conséquences ont été immédiates : 40 000 résidents se sont retrouvés privés d’électricité en quelques minutes. Les systèmes de chauffage, cruciaux avec l’approche de l’hiver russe, ont cessé de fonctionner. L’eau courante, dépendante des pompes électriques, s’est tarie dans de nombreux quartiers. Internet et les télécommunications ont été coupés sur de vastes zones, isolant complètement certaines communautés.
Seconde attaque : l’après-midi du 6 octobre
Mais l’Ukraine n’en avait pas terminé. Moins de 18 heures après la première frappe, alors que les équipes de réparation s’affairaient désespérément à rétablir l’électricité, une seconde salve de missiles s’est abattue sur la même infrastructure énergétique. Cette fois, la frappe a fait deux morts parmi les ouvriers qui tentaient de réparer les dégâts de la première attaque.
Le gouverneur Gladkov a confirmé que l’un des hommes tués était un employé de la centrale qui aidait aux réparations. Le second, grièvement blessé lors de l’explosion, est décédé à l’hôpital quelques heures plus tard. Ces morts transforment cette guerre de l’énergie en tragédie humaine directe, tangible, douloureuse.
Impact technique et humain
Au matin du 6 octobre, 5 400 habitants restaient encore privés d’électricité dans 24 localités différentes. Les hôpitaux de Belgorod fonctionnent exclusivement sur générateurs de secours, ce qui limite drastiquement leur capacité d’intervention. Les écoles ont dû réorganiser leurs horaires et certaines ont fermé temporairement.
L’approvisionnement en eau potable reste perturbé dans plusieurs districts, forçant les autorités locales à organiser des distributions d’urgence. Les stations-service connaissent des files d’attente interminables, les habitants craignant de nouveaux problèmes d’approvisionnement. La température extérieure, déjà fraîche en cette saison, transforme chaque heure sans chauffage en épreuve supplémentaire.
L'escalade des attaques énergétiques

Stratégie de réciprocité ukrainienne
Cette double frappe sur Belgorod s’inscrit dans une stratégie délibérée de réciprocité énergétique annoncée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky en septembre 2025. « Toute attaque contre le système énergétique ukrainien déclenchera une réponse similaire contre celui de la Russie », avait-il déclaré. « Une tentative de couper l’électricité à Kyiv entraînera un blackout à Moscou. »
Cette doctrine de la guerre miroir représente un changement fondamental dans la stratégie ukrainienne. Jusqu’à présent, l’Ukraine concentrait ses attaques sur les installations militaires, les dépôts de carburant et les raffineries. Désormais, elle frappe directement les infrastructures civiles qui alimentent les villes russes, reproduisant exactement ce que la Russie inflige à l’Ukraine depuis des mois.
Précédents récents et intensification
La centrale Luch de Belgorod n’en était pas à sa première attaque. Le 28 septembre 2025, une première frappe ukrainienne avait déjà endommagé l’installation, privant d’électricité des milliers de résidents pendant deux jours complets. Cette récidive prouve que l’Ukraine a identifié Belgorod comme un point névralgique de l’infrastructure énergétique russe frontalière.
Selon les services de renseignement ukrainiens, ces attaques font partie d’une offensive plus large visant 16 des 38 raffineries russes depuis août 2025. Les perturbations ont limité la capacité de raffinage de la Russie de plus d’un million de barils par jour, faisant chuter les exportations en dessous des niveaux d’avant-guerre.
Réponse russe et défense aérienne
Le ministère russe de la Défense affirme avoir intercepté 251 drones ukrainiens dans la nuit du 5 au 6 octobre, marquant l’une des plus importantes attaques de représailles ukrainiennes de l’année 2025. Près de la moitié de ces drones auraient été abattus au-dessus de la Crimée occupée, de la mer Noire et de la mer d’Azov.
Cependant, la réussite de l’attaque sur Belgorod démontre les limites de la défense aérienne russe face aux missiles HIMARS. Ces systèmes d’artillerie à roquettes multiples, d’une portée d’environ 70 kilomètres, permettent à l’Ukraine de frapper avec une précision redoutable depuis le territoire ukrainien.
Impact sur la population civile russe

Vie quotidienne bouleversée
Pour les habitants de Belgorod, ces attaques répétées transforment le quotidien en survie organisée. Maria Petrovnа, résidente du quartier Nord, témoigne dans un appel intercepté par les services ukrainiens : « Tout Shchebekino était sans électricité. Les rues étaient complètement sombres. On ne savait plus quoi faire, les enfants avaient peur. »
Les commerces ferment par manque d’éclairage et de réfrigération. Les pompes à essence ne fonctionnent plus, créant des pénuries locales de carburant. Les ascenseurs restent bloqués, isolant les personnes âgées dans les étages supérieurs des immeubles. Les pharmacies ne peuvent plus conserver les médicaments nécessitant une chaîne du froid.
Système de santé en crise
Les hôpitaux de Belgorod vivent un véritable cauchemar logistique. Fonctionnant exclusivement sur générateurs de secours, ils doivent rationner l’électricité entre les services vitaux. Les blocs opératoires ne peuvent plus fonctionner normalement, forçant le report d’interventions non urgentes. Les patients sous assistance respiratoire vivent dans l’angoisse permanente d’une panne de générateur.
Le Dr. Alexeï Volkov, chef du service des urgences de l’hôpital central, confie à la presse locale : « Nous fonctionnons en mode catastrophe depuis 48 heures. Chaque heure compte, chaque litre de carburant pour nos générateurs devient crucial pour sauver des vies. »
Impact psychologique et social
Au-delà des désagréments matériels, ces blackouts répétés créent un traumatisme collectif dans la population de Belgorod. Les réseaux sociaux russes regorgent de témoignages d’habitants découvrant brutalement leur vulnérabilité face à ces attaques energétiques. « Maintenant, nous comprenons ce que vivent les Ukrainiens depuis des mois », écrit un habitant sur Telegram.
Les écoles primaires signalent une augmentation des troubles anxieux chez les enfants. Les sirènes d’alerte, désormais quotidiennes, réveillent les familles en pleine nuit. Cette peur permanente d’une nouvelle attaque transforme Belgorod en ville traumatisée, exactement comme le sont devenues de nombreuses villes ukrainiennes.
Crise énergétique russe systémique

Déficit structurel de 25 gigawatts
Les attaques ukrainiennes révèlent et amplifient une crise énergétique structurelle que traverse la Russie. Selon les services de renseignement ukrainiens, le pays fait face à un déficit de capacité électrique de 25 gigawatts, causé par un déséquilibre entre la demande croissante et le développement insuffisant des infrastructures.
La majorité des centrales thermiques russes fonctionnent depuis plus de 30 ans, avec plus de 70% des équipements en état d’usure avancée. Cette vétusté entraîne des surcharges sur les lignes électriques, multipliant les pannes et les accidents. Les régions les plus touchées incluent le Kamtchatka, le kraï de Krasnoïarsk, les régions de Magadan et Sakhaline.
Impact des sanctions occidentales
Les sanctions occidentales liées à la guerre en Ukraine ont privé la Russie d’accès aux équipements modernes, aux logiciels et aux technologies nécessaires pour moderniser son réseau électrique. L’impossibilité d’importer des turbines, des transformateurs et des systèmes de contrôle de pointe aggrave la dégradation du réseau national.
Cette situation force les autorités russes à adopter des mesures d’urgence : compensations financières pour ceux qui réduisent leur consommation aux heures de pointe, déconnexions des consommateurs non prioritaires, rationnement énergétique dans certaines régions industrielles. Malgré ces efforts, le déficit électrique continue de croître.
Conséquences économiques en cascade
Cette crise énergétique provoque des répercussions économiques majeures dans l’industrie russe. Les entreprises manufacturières subissent des interruptions de production coûteuses. L’industrie minière, grande consommatrice d’électricité, doit réduire sa capacité d’extraction. L’agriculture moderne, dépendante des systèmes d’irrigation électrifiés, voit ses rendements chuter.
Les experts économiques estiment que chaque gigawatt de déficit énergétique coûte à l’économie russe environ 2 milliards de dollars annuels en production perdue. Avec un déficit de 25 gigawatts, ce sont potentiellement 50 milliards de dollars qui s’évaporent chaque année, aggravant l’impact des sanctions internationales.
Guerre de l'énergie et approche hivernale

Stratégie du « Winter War » 2.0
L’intensification des attaques énergétiques à l’approche de l’hiver 2025 n’est pas fortuite. Les deux camps appliquent désormais la doctrine du « Winter War » : paralyser l’ennemi par le froid et l’obscurité. La Russie avait initié cette stratégie en octobre 2022, visant systématiquement les centrales électriques et les systèmes de chauffage ukrainiens.
L’Ukraine riposte aujourd’hui avec la même méthode, mais amplifiée par l’expérience. Elle cible prioritairement les installations qui alimentent les régions frontalières russes, créant un « cordon de blackout » le long de la frontière. Cette stratégie vise à dissuader les bombardements russes en créant des zones tampon énergétiquement paralysées.
Course contre la montre hivernale
Avec des températures qui chuteront bientôt sous zéro, chaque jour sans chauffage devient potentiellement mortel pour les populations civiles. Les autorités de Belgorod mobilisent des générateurs d’urgence, mais leur capacité reste largement insuffisante pour alimenter une ville de 370 000 habitants.
Les réserves de diesel pour les générateurs s’amenuisent rapidement. Les livraisons de combustible sont perturbées par les attaques répétées contre les dépôts de carburant. Cette spirale de pénuries pourrait transformer un blackout temporaire en crise humanitaire durable si les réparations n’aboutissent pas rapidement.
Escalade prévisible et imprévisible
Bloomberg rapporte que la Russie planifie de continuer à cibler l’énergie ukrainienne cet hiver dans le cadre d’une stratégie plus large visant à forcer Kyiv aux concessions. En réponse, l’Ukraine intensifie ses propres attaques contre l’infrastructure énergétique russe, créant une escalade symétrique potentiellement catastrophique.
Cette guerre de l’énergie pourrait atteindre des niveaux inédits si l’une des parties décide de frapper les grandes métropoles. Moscou et Kyiv restent pour l’instant épargnées par les blackouts massifs, mais cette « ligne rouge » pourrait être franchie si l’escalade continue. Les conséquences humanitaires seraient alors dramatiques pour des millions de civils.
Réactions internationales et implications géopolitiques

Position américaine et soutien logistique
Les États-Unis ont annoncé fournir à l’Ukraine des renseignements sur les cibles énergétiques russes pour les frappes à longue portée, selon le Wall Street Journal. Cette assistance informationnelle marque une escalade dans l’implication américaine, transformant Washington en co-architecte de la stratégie énergétique ukrainienne.
L’administration américaine justifie cette aide par la nécessité de dissuader la Russie de continuer ses attaques contre l’infrastructure civile ukrainienne. Cependant, cette position expose les États-Unis à des accusations de co-responsabilité dans les attaques contre les installations civiles russes, compliquant les relations diplomatiques futures.
Préoccupations européennes et sécurité énergétique
L’Europe observe avec inquiétude cette escalade énergétique, craignant ses répercussions sur sa propre sécurité énergétique. La destruction d’infrastructures énergétiques russes pourrait affecter les derniers approvisionnements gaziers vers certains pays européens encore dépendants du gaz russe.
Les services de renseignement européens s’inquiètent également d’une possible extension de cette guerre énergétique. Des drones non identifiés ont été signalés au-dessus de plusieurs installations énergétiques européennes, suscitant des craintes d’attaques par procuration ou d’escalade involontaire du conflit.
Précédent dangereux pour les conflits futurs
Cette guerre de l’énergie Ukraine-Russie crée un précédent inquiétant pour les conflits futurs. Elle démontre l’efficacité des attaques contre l’infrastructure civile pour démoraliser l’ennemi, ouvrant la voie à une généralisation de ces tactiques dans d’autres théâtres d’opérations.
Les experts militaires craignent que cette stratégie ne devienne la norme dans les guerres modernes, transformant chaque centrale électrique, chaque station d’épuration, chaque hôpital en cible militaire potentielle. Cette évolution marquerait un recul civilisationnel majeur dans la conduite des conflits armés.
Conclusion

La double frappe ukrainienne sur Belgorod marque un tournant dramatique dans cette guerre qui dévore l’Europe de l’Est depuis plus de trois ans. En plongeant 40 000 civils russes dans l’obscurité, l’Ukraine franchit définitivement le Rubicon de la guerre énergétique totale, appliquant à la Russie la même stratégie de terreur par privation que Moscou impose à ses villes depuis des mois.
Cette escalade symétrique révèle l’absurdité tragique d’un conflit où chaque camp cherche à briser le moral de l’autre en s’attaquant aux plus vulnérables. Les enfants de Belgorod qui tremblent dans le noir rejoignent dans la souffrance les enfants ukrainiens privés de chauffage depuis l’hiver 2022. Cette guerre de l’énergie ne fait que multiplier les victimes civiles des deux côtés, sans rapprocher d’un millimètre la perspective d’une résolution.
L’approche de l’hiver 2025 transforme cette guerre énergétique en course contre la montre humanitaire. Chaque centrale détruite, chaque blackout prolongé, chaque générateur qui tombe en panne peut se transformer en tragédie humaine quand les températures chuteront sous zéro. Cette escalade aveugle nous mène vers un hiver qui pourrait devenir le plus meurtrier pour les populations civiles depuis le début de ce conflit.
Mais au-delà du drame immédiat, cette guerre de l’énergie crée un précédent terrifiant pour l’avenir des conflits armés. Elle normalise l’attaque contre l’infrastructure civile, transforme la privation énergétique en arme de guerre, et banalise la souffrance des populations comme instrument tactique. Cette évolution marque peut-être la fin définitive de la distinction entre combattants et non-combattants, entre cibles militaires et civiles.