149 combats en 24 heures : l’enfer de Pokrovsk et la guerre d’usure qui dévore tout
Auteur: Maxime Marquette
Un chiffre qui résume l’horreur quotidienne
Cent quarante-neuf affrontements en une seule journée. Cent quarante-neuf fois où des hommes se sont entretués dans la boue, sous les obus, dans les tranchées glacées de l’est ukrainien. Ce 12 octobre 2025, l’état-major ukrainien a publié son rapport quotidien — un document bureaucratique, presque clinique dans sa précision — qui cache derrière ses chiffres une réalité apocalyptique. Cent quarante-neuf combats ne signifie pas cent quarante-neuf batailles distinctes avec début et fin clairement définis. Non. Ça signifie cent quarante-neuf fois où les forces russes ont tenté de percer, d’avancer de quelques mètres, de prendre une position, une tranchée, un bâtiment en ruines. Et cent quarante-neuf fois où les Ukrainiens ont riposté, tenu bon, repoussé l’assaut au prix de pertes qu’on ne compte même plus. Les secteurs de Pokrovsk et d’Oleksandrohrad concentrent à eux seuls plus de la moitié de ces affrontements — des noms qui ne disent rien à la plupart des gens, mais qui sont devenus des charniers où se joue l’avenir de cette guerre. Et pendant que le monde s’habitue à ces chiffres quotidiens, pendant qu’on normalise l’horreur… des milliers d’hommes meurent pour des gains territoriaux mesurés en dizaines de mètres.
La géographie de l’apocalypse
Pokrovsk. Un nom qui résonne désormais dans tous les briefings militaires, toutes les analyses stratégiques, tous les rapports de pertes. Cette ville minière de l’oblast de Donetsk, autrefois peuplée de soixante mille habitants, est devenue le pivot de l’offensive russe en 2025. Pourquoi ? Parce qu’elle contrôle un nœud logistique crucial — des routes, des voies ferrées qui alimentent tout le front sud de l’Ukraine. Prendre Pokrovsk permettrait aux Russes de couper les lignes d’approvisionnement ukrainiennes, d’isoler des unités entières, de créer les conditions d’un effondrement en cascade. Alors Moscou jette des vagues d’assaut après vagues d’assaut contre les défenses ukrainiennes. Des fantassins russes avancent sous le feu, meurent par centaines, sont remplacés par d’autres qui meurent à leur tour. Les Ukrainiens tiennent — mais à quel prix ? Les pertes s’accumulent. Les munitions s’épuisent. La fatigue devient pathologique. Et pendant ce temps, Oleksandrohrad — un peu plus au sud — subit une pression similaire. Deux secteurs où se concentre la violence absolue de cette guerre d’attrition. Deux endroits où l’humanité révèle ce qu’elle a de plus sombre. Deux noms qui rejoindront bientôt Verdun, Stalingrad, les Sommes dans le panthéon macabre des batailles les plus meurtrières de l’Histoire.
La normalisation de l’horreur quotidienne
Le plus terrifiant dans ce rapport du 12 octobre n’est pas qu’il décrive cent quarante-neuf combats. C’est qu’il soit banal. Qu’il s’inscrive dans une série de rapports similaires — cent trente affrontements la veille, cent soixante l’avant-veille, cent vingt le jour d’avant. C’est devenu la routine. Le rythme normal de cette guerre. Les médias internationaux n’en parlent même plus systématiquement — il faut une offensive majeure, une ville tombée, des milliers de morts d’un coup pour mériter un titre. Mais cette intensité quotidienne, cette usure permanente, ces centaines d’hommes qui meurent chaque jour dans des combats dont personne ne se souviendra… ça n’intéresse plus grand monde. Nous nous sommes habitués. Nous avons normalisé l’apocalypse. Et c’est peut-être ça le vrai scandale : pas que ces combats aient lieu, mais que nous ayons collectivement décidé que c’était acceptable. Que cent quarante-neuf affrontements en vingt-quatre heures soit juste… un autre jour sur le front de l’est. Pendant que nous buvons notre café du matin en scrollant les actualités, des hommes de vingt ans explosent sous les obus. Et nous… haussons les épaules. Parce que quoi faire d’autre ? C’est trop. C’est trop grand. C’est trop horrible pour vraiment le saisir. Alors on se déconnecte. Et la guerre continue.
Pokrovsk, l'épicentre du carnage

Une ville devenue symbole de résistance
Pokrovsk n’était rien de spécial avant cette guerre. Une ville minière ukrainienne typique, construite autour de l’extraction du charbon, avec ses immeubles soviétiques gris, ses usines vieillissantes, ses habitants ordinaires vivant des vies ordinaires. Mais depuis que les forces russes ont intensifié leur offensive vers cette zone en été 2024, Pokrovsk est devenue un symbole. Les Ukrainiens y ont tracé une ligne rouge — ici, on ne recule plus. Ici, chaque mètre sera défendu jusqu’au dernier. Les fortifications se sont multipliées : tranchées s’étendant sur des kilomètres, bunkers enterrés, positions d’artillerie camouflées, champs de mines denses. La ville elle-même a été largement évacuée — les civils qui restent sont ceux qui n’ont nulle part où aller ou qui refusent obstinément de partir. Les combats se déroulent désormais dans les faubourgs, dans les villages environnants aux noms imprononçables qui apparaissent et disparaissent des cartes au rythme des gains et pertes quotidiens. Et chaque jour, les Russes attaquent. Avec une régularité mécanique. Avec une détermination qui frise la folie. Parce que pour Moscou aussi, Pokrovsk est devenue symbolique — la preuve que l’offensive russe progresse, que la victoire est possible, que tous ces sacrifices ont un sens.
Les tactiques russes de la chair à canon
L’approche russe à Pokrovsk ressemble de plus en plus aux assauts suicidaires de la Première Guerre mondiale. Des vagues d’infanterie avancent à découvert, sous le feu de l’artillerie ukrainienne, des drones FPV qui plongent depuis le ciel, des mitrailleuses qui fauchent les rangs. Les pertes sont catastrophiques — parfois cinquante pour cent ou plus des assaillants tombent avant même d’atteindre les positions ukrainiennes. Mais les Russes continuent. Parce qu’ils ont des hommes. Des mobilisés forcés, des prisonniers recrutés dans les colonies pénales, des mercenaires africains et asiatiques promettant salaire et citoyenneté russe. De la chair humaine jetée dans le broyeur avec pour seul objectif d’user les défenseurs ukrainiens. Et ça fonctionne. Lentement. Douloureusement. Mais ça fonctionne. Parce que même si chaque assaut russe échoue tactiquement, même si les pertes sont absurdes… les Ukrainiens aussi saignent. Leurs munitions d’artillerie diminuent. Leurs soldats accumulent la fatigue. Leurs drones s’épuisent. Et à un moment, dans cette guerre d’attrition pure… celui qui a le plus d’hommes et de matériel à sacrifier finit par l’emporter. C’est brutal. C’est primitif. C’est indigne du XXIe siècle. Mais c’est la réalité de Pokrovsk.
La défense ukrainienne au bord de la rupture
Les unités ukrainiennes défendant Pokrovsk sont parmi les plus expérimentées de l’armée — des vétérans ayant combattu depuis 2022, connaissant chaque tactique russe, chaque astuce de survie. Mais même les meilleurs soldats ont des limites. Certaines brigades tiennent la ligne depuis des mois sans rotation significative. Les hommes dorment trois heures par nuit quand ils ont de la chance. Ils mangent des rations froides parce qu’allumer un feu attire l’artillerie. Ils vivent dans la boue, le froid qui arrive avec l’automne ukrainien, sous la menace constante des drones russes qui peuvent surgir à tout moment. Les pertes s’accumulent — pas toujours des morts, souvent des blessés évacués qui ne reviennent jamais, des cas de stress post-traumatique si sévères que les hommes deviennent inutilisables au combat. Les remplacements arrivent… mais ce sont de plus en plus des recrues fraîches, mobilisées récemment, qui n’ont pas l’expérience des vétérans qu’elles remplacent. La qualité des unités s’érode. Et Moscou le sait. Moscou parie précisément là-dessus — que la défense ukrainienne finira par craquer, non pas à cause d’une brillance tactique russe, mais simplement parce que tout le monde a une limite de ce qu’il peut endurer. Et cette limite approche.
Oleksandrohrad et les autres secteurs critiques

Un front qui s’étend sur des centaines de kilomètres
Pokrovsk concentre l’attention, mais ce n’est qu’un secteur parmi d’autres où la violence atteint des niveaux insoutenables. Oleksandrohrad, légèrement au sud-ouest, subit également une pression massive — les Russes tentent de créer une tenaille, d’encercler les forces ukrainiennes entre plusieurs axes d’attaque. Plus au nord, le secteur de Koupiansk voit des dizaines d’affrontements quotidiens. À l’est, autour de Bakhmout — cette ville déjà martyrisée qui a changé de mains plusieurs fois — les combats continuent pour des ruines qu’aucune force ne veut vraiment mais que personne ne peut se permettre de perdre. Le front s’étend sur plus de mille kilomètres, mais ces cent quarante-neuf combats quotidiens se concentrent sur quelques dizaines de kilomètres où la densité de troupes, d’artillerie, de violence pure atteint des niveaux que l’Europe n’avait plus vus depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est une anomalie dans le XXIe siècle — une guerre totale, industrielle, d’attrition, menée avec des armes modernes mais selon des logiques archaïques. Les drones FPV côtoient les assauts d’infanterie à la baïonnette. Les missiles de croisière frappent pendant que des hommes meurent dans des duels d’artillerie qui n’ont pas changé fondamentalement depuis 1916.
La stratégie russe du grignotage permanent
Moscou ne cherche plus de percées spectaculaires. Plus d’offensives éclair comme en février 2022. La stratégie maintenant, c’est le grignotage. Avancer de quelques centaines de mètres par jour. Prendre un village. Consolider. Répéter. C’est lent. C’est coûteux. Mais ça fonctionne parce que l’Ukraine ne peut pas contre-attaquer partout simultanément. Chaque petit gain russe doit être accepté ou contesté au prix de pertes ukrainiennes importantes. Et avec le temps, ces petits gains s’accumulent. Une carte publiée en octobre 2025 montre que les Russes contrôlent maintenant environ vingt-deux pour cent du territoire ukrainien — contre dix-huit pour cent un an plus tôt. Quatre points de pourcentage. Ça semble insignifiant. Mais ça représente des milliers de kilomètres carrés, des dizaines de villes et villages, des centaines de milliers de civils passés sous occupation russe. Et surtout… ça représente la tendance. Lente mais constante. Moscou avance. Kiev recule. Pas partout. Pas rapidement. Mais la direction générale est claire. Et c’est précisément ce que cette guerre d’usure vise à accomplir — user l’adversaire jusqu’à ce qu’il ne puisse plus résister, puis avancer méthodiquement jusqu’à ce que toute résistance s’effondre.
Les conséquences humanitaires catastrophiques
Derrière ces chiffres militaires se cache une catastrophe humanitaire en développement. Les zones de combat intensif comme Pokrovsk et Oleksandrohrad sont devenues invivables. Les infrastructures sont détruites — plus d’électricité, plus d’eau courante, plus de services médicaux. Les civils qui restent survivent dans des caves, sous terre, sortant à peine pour chercher de la nourriture et de l’eau. Les organisations humanitaires ne peuvent plus accéder à ces zones — trop dangereux, trop proche du front. Les évacuations continuent quand c’est possible, mais beaucoup de personnes âgées ou handicapées ne peuvent pas partir. Elles restent, prisonnières de cette violence qu’elles n’ont pas choisie, attendant que l’obus suivant tombe ailleurs. Et quand les Russes finissent par prendre un village… les témoignages qui filtrent parlent d’exécutions sommaires de personnes soupçonnées d’avoir aidé l’Ukraine, de viols systématiques, de pillages généralisés. Ce n’est pas de la guerre civilisée — si une telle chose existe. C’est de la barbarie déchaînée, rendue possible par l’effondrement de tout ordre, de toute loi, de toute humanité dans ces zones où la mort règne en maître absolu.
La guerre d'usure et ses mathématiques impitoyables

Le calcul brutal des pertes acceptables
Dans une guerre d’attrition, tout se résume à des mathématiques macabres. Combien d’hommes peux-tu perdre par jour tout en continuant à fonctionner ? Combien de munitions consommes-tu versus combien tu peux produire ou recevoir ? Combien de territoire peux-tu céder avant que ta position stratégique s’effondre ? Les analystes militaires estiment que la Russie perd entre cinq cents et mille hommes par jour — tués, blessés, capturés, disparus. Des chiffres horrifiants. Mais la Russie mobilise, recrute, presse des hommes dans l’armée plus vite qu’elle ne les perd. Les prisons sont vidées, les minorités ethniques des régions pauvres sont mobilisées de force, des mercenaires étrangers sont recrutés. C’est une machine à broyer l’humanité qui continue de fonctionner tant que le régime tient. L’Ukraine, elle, perd peut-être deux cents à quatre cents hommes par jour — moins que la Russie, mais sur une population beaucoup plus petite. Et contrairement à Moscou, Kiev ne peut pas mobiliser indéfiniment sans vider le pays de sa force de travail. Les mathématiques sont implacables : si les taux de pertes actuels persistent, l’Ukraine s’épuise plus vite proportionnellement que la Russie. C’est ça, la logique de l’attrition. Ce n’est pas qui gagne les batailles. C’est qui peut continuer à saigner le plus longtemps.
L’équation des munitions et du matériel
Les munitions deviennent le facteur limitant critique. L’Ukraine tire environ six à huit mille obus d’artillerie par jour selon les estimations — beaucoup moins que les vingt mille quotidiens au pic de la guerre, mais toujours un volume considérable. La Russie en tire probablement dix à quinze mille. D’où viennent ces munitions ? Pour l’Ukraine, principalement de la production occidentale et des stocks donnés par les alliés. Mais la production européenne et américaine ne suit pas la consommation. Les usines tournent à plein régime mais ne peuvent pas produire assez assez vite. Pour la Russie, c’est un mélange de production domestique accélérée, de stocks soviétiques immenses mais vieillissants, et d’importations depuis la Corée du Nord et l’Iran. Le résultat ? Les deux camps rationnent. Les commandants ukrainiens se plaignent de ne pouvoir répondre à l’artillerie russe qu’à un ratio de un pour trois — pour chaque obus ukrainien tiré, trois russes arrivent. C’est insoutenable à long terme. Les équipements lourds suivent la même logique : chars, véhicules blindés, systèmes de défense aérienne. L’Ukraine reçoit des livraisons occidentales, mais pas assez vite pour remplacer les pertes. La Russie puise dans des stocks gigantesques mais finis. À un moment, les deux camps manqueront. La question est : qui en premier ? Et celui qui manque en premier… perd.
Le facteur temps et la lassitude internationale
Mais au-delà des hommes et du matériel, il y a le temps. La Russie parie qu’elle peut tenir plus longtemps que le soutien occidental à l’Ukraine. Que les opinions publiques européennes et américaines finiront par se lasser, par exiger qu’on arrête de dépenser des milliards pour une guerre lointaine pendant que leurs propres économies peinent. Les signes de cette lassitude apparaissent déjà : des partis populistes pro-russes gagnent des élections en Europe centrale. Des voix s’élèvent au Congrès américain pour questionner l’aide continue. Les budgets pour l’Ukraine sont votés avec des majorités de plus en plus étroites. Moscou voit tout ça. Et Moscou conclut qu’il suffit de tenir encore un an, peut-être deux. Que l’Occident finira par forcer l’Ukraine à accepter un cessez-le-feu gelant les lignes actuelles. Que la Russie gardera ses gains territoriaux — la Crimée, le Donbass, une partie de Zaporijia et Kherson. Que Poutine pourra déclarer victoire. C’est le pari russe. Et franchement… vu la trajectoire actuelle, ce n’est pas un mauvais pari. Parce que le temps joue effectivement contre Kiev. Chaque mois qui passe sans changement majeur rapproche ce scénario cauchemardesque où l’Ukraine est abandonnée, où les sacrifices de centaines de milliers d’hommes n’aboutissent à rien, où l’agression paie finalement.
Les cent quarante-neuf combats dans le contexte global

Un jour parmi tant d’autres depuis février 2022
Ces cent quarante-neuf affrontements du 12 octobre 2025 ne sont pas une anomalie. C’est la norme depuis que cette guerre est entrée dans sa phase d’attrition prolongée. Certains jours voient cent combats. D’autres cent quatre-vingts. En moyenne, on tourne autour de cent trente à cent soixante affrontements quotidiens sur l’ensemble du front depuis début 2025. Multipliez ça par les jours, les semaines, les mois. Depuis février 2022, il y a eu plus de trois ans et demi de guerre. Disons en moyenne cent affrontements par jour sur cette période — une estimation conservative. Ça fait plus de cent vingt-cinq mille engagements de combat. Cent vingt-cinq mille fois où des hommes se sont affrontés, ont tiré, ont saigné. Et chaque engagement coûte des vies. Dix morts ici. Cinquante là. Parfois juste deux ou trois. Parfois des centaines dans une seule bataille majeure. Les chiffres deviennent abstraits à cette échelle. Le cerveau humain ne peut pas vraiment saisir ce que signifient des centaines de milliers de morts. On lit le chiffre. On hoche la tête gravement. Et puis… on passe à autre chose. Parce que sinon, comment continuer à vivre ?
L’impact cumulatif invisible mais dévastateur
Mais cet impact cumulatif transforme les sociétés d’une manière qui ne sera pleinement visible que dans des années. Une génération entière d’hommes ukrainiens et russes est en train d’être décimée. Ceux qui survivent porteront des traumatismes psychologiques qui affecteront le reste de leur vie. Les économies des deux pays sont ravagées — l’Ukraine par la destruction physique, la Russie par les sanctions et l’isolement. Les démographies s’effondrent — baisse de natalité, fuite des cerveaux, pertes de population massive. Dans vingt ans, quand les historiens analyseront cette période, ils identifieront probablement 2022-2025 comme le moment où l’Ukraine et la Russie ont sacrifié leur avenir pour un conflit dont ni l’un ni l’autre ne sortira vraiment vainqueur. Parce que même si l’Ukraine repousse finalement la Russie, elle le fera avec un pays détruit, une population traumatisée, une économie en lambeaux qui prendra des décennies à reconstruire. Et même si la Russie garde ses gains territoriaux, elle le fera au prix d’un isolement international prolongé, d’une économie atrophiée, d’une génération perdue. Il n’y a pas de gagnants dans les guerres d’attrition. Seulement des perdants à différents degrés.
La responsabilité du monde qui regarde
Et pendant ce temps, le reste du monde regarde. Certains pays aident l’Ukraine — l’OTAN, l’Union européenne, partiellement. D’autres aident la Russie — la Corée du Nord, l’Iran, la Chine indirectement. Mais la majorité ? La majorité reste neutre. L’Inde achète du pétrole russe à prix cassé. Les pays du Golfe naviguent entre les camps. L’Afrique s’abstient aux votes ONU. L’Amérique latine s’en fiche largement. Et on ne peut pas vraiment les blâmer — pourquoi devraient-ils se soucier d’une guerre européenne alors qu’ils ont leurs propres problèmes ? Mais cette neutralité a un coût moral. Parce que cent quarante-neuf combats par jour, ça signifie que des crimes de guerre sont commis quotidiennement. Des civils meurent. Des infrastructures civiles sont délibérément détruites. Et le monde… hausse les épaules. Passe des résolutions inefficaces. Condamne mollement. Mais ne fait rien de substantiel pour arrêter ça. Parce qu’arrêter ça nécessiterait une intervention directe, un risque d’escalade nucléaire, un prix que personne n’est prêt à payer. Alors la guerre continue. Les cent quarante-neuf combats deviennent cent cinquante demain. Puis cent trente. Puis cent soixante-dix. Et nous… nous continuons de vivre nos vies, vaguement conscients qu’une horreur indicible se déroule à quelques heures d’avion, mais incapables ou non disposés à faire quoi que ce soit de significatif pour l’arrêter.
Conclusion

Ce qu’il faut retenir
Cent quarante-neuf combats en vingt-quatre heures ne sont pas un événement exceptionnel. C’est la réalité quotidienne d’une guerre d’attrition qui dévore des vies, des ressources, des avenirs entiers sans que le monde semble vraiment s’en soucier. Pokrovsk et Oleksandrohrad sont devenus des noms synonymes de carnage industriel, où des hommes meurent pour des gains mesurés en dizaines de mètres. La Russie avance lentement, payant chaque mètre avec du sang, pariant qu’elle peut saigner plus longtemps que l’Ukraine ne peut résister. L’Ukraine tient, désespérément, héroïquement, mais avec des ressources qui s’amenuisent et un soutien occidental qui montre des signes de fatigue. Les mathématiques de l’attrition sont impitoyables : hommes, munitions, matériel, temps — tout s’épuise. Et celui qui s’épuise en premier perd. C’est brutal. C’est primitif. C’est indigne du XXIe siècle. Mais c’est la guerre telle qu’elle existe vraiment, pas telle qu’on la fantasme dans les films et les jeux vidéo. C’est des hommes qui meurent dans la boue pour rien, encore et encore, jour après jour, pendant que le monde normalise l’horreur et passe à d’autres actualités. Ces cent quarante-neuf combats racontent une histoire que nous refusons d’entendre : la guerre totale est revenue en Europe. Et personne ne sait comment l’arrêter.
Ce qui change dès maintenant
À partir de ce moment, chaque jour qui passe sans changement stratégique majeur rapproche l’Ukraine d’un point de rupture. Les réserves s’épuisent. Les hommes accumulent une fatigue qui devient pathologique. Le soutien occidental montre des fissures de plus en plus évidentes. Moscou le voit. Moscou parie là-dessus. Et à moins qu’un événement transformateur ne survienne — livraison massive d’armes occidentales, effondrement interne russe, intervention directe de l’OTAN — la trajectoire actuelle mène vers un gel du conflit aux conditions russes. Pas demain. Pas le mois prochain. Mais dans six mois, un an peut-être. Les cent quarante-neuf combats quotidiens ne sont pas soutenables indéfiniment. Quelque chose doit céder. Et dans une guerre d’attrition entre un pays de quarante millions d’habitants et un empire de cent quarante millions… les mathématiques favorisent le plus grand. À moins que l’Occident ne décide vraiment de s’impliquer massivement, de traiter cette guerre comme une menace existentielle pour l’ordre international, de fournir à l’Ukraine tout ce dont elle a besoin pour gagner — et pas juste survivre. Mais ce niveau d’engagement nécessite une volonté politique qui, franchement, n’existe pas actuellement. Alors les combats continuent. Les morts s’accumulent. Et la fin… reste invisible à l’horizon.
Ce que je recommande
À l’Ukraine : tenez bon, mais préparez-vous aussi à négocier. Parce que tenir indéfiniment sans perspective de victoire claire n’est pas une stratégie — c’est un suicide national prolongé. Cherchez des gains qui changent l’équation : frappes en profondeur qui paralysent l’effort de guerre russe, mobilisation internationale qui force l’Occident à s’impliquer davantage, innovations tactiques qui neutralisent l’avantage numérique russe. Mais sachez aussi reconnaître quand continuer devient contre-productif. À l’Occident : décidez-vous. Soit vous voulez vraiment que l’Ukraine gagne, et alors fournissez les armes, les munitions, le soutien financier nécessaires sans restrictions absurdes. Soit vous voulez juste que cette guerre se termine et vous poussez pour un cessez-le-feu négocié. Mais cette position intermédiaire — juste assez d’aide pour que l’Ukraine ne perde pas, mais pas assez pour qu’elle gagne — est la pire de toutes. Elle prolonge l’agonie sans offrir d’issue. C’est immoral. À la Russie… arrêtez. Juste arrêtez. Vous ne gagnerez rien qui vaille les centaines de milliers de vies perdues, l’économie détruite, la génération sacrifiée. Poutine mourra un jour, et son successeur devra expliquer pourquoi tant ont été sacrifiés pour si peu. Négociez maintenant avant que tout s’effondre complètement. Et au reste du monde : regardez vraiment ce qui se passe. Cent quarante-neuf combats par jour. Des milliers de morts par semaine. Une guerre totale en plein XXIe siècle. Et vous… vous vous en foutez. Changez ça. Parce que si nous normalisons l’horreur ici… elle se répandra partout.
Je termine cet article épuisé, vidé, conscient que rien de ce que j’écris ne changera quoi que ce soit. Les combats continueront demain. Cent cinquante affrontements peut-être. Ou cent trente. Peu importe le chiffre exact. L’horreur reste. Et nous… nous continuerons de vivre nos petites vies confortables, vaguement conscients que quelque part, très loin mais pas tant que ça, l’enfer existe. Et nous ne faisons rien. Parce que nous ne savons pas quoi faire. Ou peut-être parce que nous nous en foutrons toujours un peu trop pour vraiment essayer. Je ne sais plus. Je sais juste que je suis fatigué. Tellement fatigué.