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149 combats en 24 heures : l’enfer de Pokrovsk et la guerre d’usure qui dévore tout
Credit: Adoibe Stock

Un chiffre qui résume l’horreur quotidienne

Cent quarante-neuf affrontements en une seule journée. Cent quarante-neuf fois où des hommes se sont entretués dans la boue, sous les obus, dans les tranchées glacées de l’est ukrainien. Ce 12 octobre 2025, l’état-major ukrainien a publié son rapport quotidien — un document bureaucratique, presque clinique dans sa précision — qui cache derrière ses chiffres une réalité apocalyptique. Cent quarante-neuf combats ne signifie pas cent quarante-neuf batailles distinctes avec début et fin clairement définis. Non. Ça signifie cent quarante-neuf fois où les forces russes ont tenté de percer, d’avancer de quelques mètres, de prendre une position, une tranchée, un bâtiment en ruines. Et cent quarante-neuf fois où les Ukrainiens ont riposté, tenu bon, repoussé l’assaut au prix de pertes qu’on ne compte même plus. Les secteurs de Pokrovsk et d’Oleksandrohrad concentrent à eux seuls plus de la moitié de ces affrontements — des noms qui ne disent rien à la plupart des gens, mais qui sont devenus des charniers où se joue l’avenir de cette guerre. Et pendant que le monde s’habitue à ces chiffres quotidiens, pendant qu’on normalise l’horreur… des milliers d’hommes meurent pour des gains territoriaux mesurés en dizaines de mètres.

La géographie de l’apocalypse

Pokrovsk. Un nom qui résonne désormais dans tous les briefings militaires, toutes les analyses stratégiques, tous les rapports de pertes. Cette ville minière de l’oblast de Donetsk, autrefois peuplée de soixante mille habitants, est devenue le pivot de l’offensive russe en 2025. Pourquoi ? Parce qu’elle contrôle un nœud logistique crucial — des routes, des voies ferrées qui alimentent tout le front sud de l’Ukraine. Prendre Pokrovsk permettrait aux Russes de couper les lignes d’approvisionnement ukrainiennes, d’isoler des unités entières, de créer les conditions d’un effondrement en cascade. Alors Moscou jette des vagues d’assaut après vagues d’assaut contre les défenses ukrainiennes. Des fantassins russes avancent sous le feu, meurent par centaines, sont remplacés par d’autres qui meurent à leur tour. Les Ukrainiens tiennent — mais à quel prix ? Les pertes s’accumulent. Les munitions s’épuisent. La fatigue devient pathologique. Et pendant ce temps, Oleksandrohrad — un peu plus au sud — subit une pression similaire. Deux secteurs où se concentre la violence absolue de cette guerre d’attrition. Deux endroits où l’humanité révèle ce qu’elle a de plus sombre. Deux noms qui rejoindront bientôt Verdun, Stalingrad, les Sommes dans le panthéon macabre des batailles les plus meurtrières de l’Histoire.

La normalisation de l’horreur quotidienne

Le plus terrifiant dans ce rapport du 12 octobre n’est pas qu’il décrive cent quarante-neuf combats. C’est qu’il soit banal. Qu’il s’inscrive dans une série de rapports similaires — cent trente affrontements la veille, cent soixante l’avant-veille, cent vingt le jour d’avant. C’est devenu la routine. Le rythme normal de cette guerre. Les médias internationaux n’en parlent même plus systématiquement — il faut une offensive majeure, une ville tombée, des milliers de morts d’un coup pour mériter un titre. Mais cette intensité quotidienne, cette usure permanente, ces centaines d’hommes qui meurent chaque jour dans des combats dont personne ne se souviendra… ça n’intéresse plus grand monde. Nous nous sommes habitués. Nous avons normalisé l’apocalypse. Et c’est peut-être ça le vrai scandale : pas que ces combats aient lieu, mais que nous ayons collectivement décidé que c’était acceptable. Que cent quarante-neuf affrontements en vingt-quatre heures soit juste… un autre jour sur le front de l’est. Pendant que nous buvons notre café du matin en scrollant les actualités, des hommes de vingt ans explosent sous les obus. Et nous… haussons les épaules. Parce que quoi faire d’autre ? C’est trop. C’est trop grand. C’est trop horrible pour vraiment le saisir. Alors on se déconnecte. Et la guerre continue.

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