Alerte maximale : la guerre OTAN-Russie avant 2029, selon le chef des espions allemands
Auteur: Maxime Marquette
Le silence glacial qui a suivi l’audition parlementaire du 13 octobre à Berlin révèle l’ampleur du choc. Martin Jäger, fraîchement nommé à la tête du BND (Service fédéral de renseignement allemand), vient de briser le dernier tabou européen avec une déclaration qui fait trembler les chancelleries occidentales : « La Russie n’hésitera pas, si nécessaire, à entrer en conflit militaire direct avec l’OTAN. » Ces mots, prononcés devant la commission de contrôle parlementaire du Bundestag, marquent un tournant historique dans l’approche allemande de la menace russe.
Mais ce qui glace vraiment le sang, c’est l’échéance temporelle révélée par Jäger. Ancien ambassadeur en Ukraine jusqu’en septembre dernier, cet homme de terrain qui a vécu les horreurs de la guerre de Poutine au quotidien pendant deux ans, martèle avec une gravité inhabituelle : « Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers en pensant qu’une éventuelle attaque russe n’aura pas lieu avant 2029 au plus tôt. Nous sommes déjà dans le feu de l’action aujourd’hui. » Cette révélation n’est pas une simple hypothèse de travail — c’est un avertissement officiel des services de renseignement allemands qui disposent des informations les plus sensibles sur les capacités militaires russes et les intentions réelles de Vladimir Poutine.
L’homme qui sait trop
Le profil de Martin Jäger ajoute un poids considérable à cet avertissement. Ce diplomate de 61 ans n’est pas un bureaucrate enfermé dans les bureaux feutrés de Berlin — c’est un témoin direct de la brutalité russe. De 2023 à septembre 2025, il a représenté l’Allemagne à Kiev pendant les phases les plus meurtrières du conflit ukrainien. Il a vu les bombardements nocturnes contre les infrastructures civiles, entendu les sirènes de raid aérien déchirer la nuit, compté les morts civils dans les décombres des immeubles résidentiels.
Mais son expérience des régimes autoritaires dépasse largement l’Ukraine. Ambassadeur en Afghanistan de 2013 à 2014 pendant la transition chaotique post-OTAN, puis en Irak de 2021 à 2023 au cœur des tensions irano-américaines, Jäger connaît intimement les stratégies de déstabilisation des dictatures. Quand un homme de ce calibre, fraîchement nommé à la tête du BND le 15 septembre dernier, tire la sonnette d’alarme sur une guerre imminente avec la Russie, ce n’est pas de la rhétorique géopolitique — c’est un signal d’urgence absolue basé sur des renseignements classifiés.
La multiplication inquiétante des incidents
L’avertissement de Jäger intervient dans un contexte de multiplication explosive des incidents militaires entre la Russie et l’OTAN. Ces dernières semaines ont vu une escalade sans précédent : incursion de 20 drones russes en Pologne le 9 septembre, violation de l’espace aérien estonien par trois chasseurs MiG-31 le 19 septembre pendant douze minutes, survols répétés de drones au-dessus des infrastructures critiques allemandes, y compris l’aéroport de Munich paralysé à deux reprises en une semaine.
Ces provocations ne sont pas fortuites — elles constituent ce que les services de renseignement appellent une guerre hybride systématique visant à tester les réflexes de l’OTAN. Comme l’a souligné Jäger devant les parlementaires : « L’Europe connaît au mieux une paix glaciale qui peut dégénérer en confrontation violente à tout moment. Nous devons nous préparer à une nouvelle détérioration de la situation. » Cette formulation clinique masque mal l’urgence de la menace : l’Europe est déjà en guerre, mais refuse encore de le reconnaître officiellement.
L'objectif stratégique russe : soumettre l'Europe par la peur

L’analyse de Jäger révèle une stratégie russe d’une cohérence terrifiante. Devant les parlementaires allemands, le chef du BND a exposé avec une clarté brutale les ambitions de Moscou : « À Moscou, on estime avoir des chances réalistes d’étendre sa zone d’influence vers l’ouest et de rendre l’Europe, économiquement bien plus puissante, dépendante de la Russie. » Cette formulation révèle le paradoxe central du calcul poutinien — transformer la supériorité économique européenne en vulnérabilité stratégique.
Cette stratégie repose sur un pari audacieux : l’Europe démocratique, habituée à la prospérité et à la paix, n’a plus l’estomac pour affronter les sacrifices d’un conflit majeur. Comme l’a explicité Jäger : « Les actions de la Russie visent à saper l’OTAN, déstabiliser les démocraties européennes, diviser et intimider nos sociétés. L’Europe doit être paralysée par la peur et l’inaction, poussée à l’abandon de soi. » Cette guerre psychologique transforme chaque incident — drone abattu, cyberattaque réussie, campagne de désinformation — en test de la volonté européenne.
La guerre hybride : mille coupures avant l’assaut final
L’approche russe actuelle s’inspire directement des tactiques de la Guerre froide, mais adaptées aux vulnérabilités du XXIe siècle. Sinan Selen, président du Service fédéral de protection de la Constitution (BfV, le renseignement intérieur allemand), a confirmé lors de la même audition : « La Russie n’a pas oublié la Guerre froide, ce qui signifie que les instruments utilisés à l’époque sont toujours disponibles. » Cette continuité historique révèle une machine de guerre psychologique rodée pendant des décennies.
Les outils de cette guerre hybride forment un arsenal impressionnant : manipulation électorale via des campagnes de désinformation sophistiquées, cyberattaques contre les infrastructures critiques (plus de 1 000 détectées chaque semaine rien qu’en Allemagne), sabotages physiques contre les réseaux de transport et d’énergie, assassinats ciblés de dissidents et d’opposants, violations répétées de l’espace aérien par drones et avions militaires. Chaque action prise isolément ne justifie pas une riposte militaire majeure — mais leur accumulation crée un climat de terreur rampante.
L’Allemagne : cible prioritaire numéro un en Europe
La révélation la plus inquiétante de Jäger concerne la place de l’Allemagne dans la hiérarchie des cibles russes. Le chef du BND n’a laissé planer aucun doute : l’Allemagne est « la cible numéro un de la Russie en Europe », en raison de son statut de plus grande économie de l’UE et de son rôle prépondérant dans le soutien à l’Ukraine. Cette désignation explicite transforme chaque citoyen allemand en victime potentielle d’une guerre qui ne dit pas encore son nom.
Les preuves de ce ciblage systématique s’accumulent. L’Allemagne subit des survols de drones répétés au-dessus de ses installations militaires et infrastructures civiles, des sabotages en série contre ses réseaux de transport (notamment ferroviaire), des campagnes massives de désinformation visant à influencer l’opinion publique contre le soutien à l’Ukraine, et des cyberattaques d’une sophistication croissante contre ses administrations et entreprises stratégiques. Cette guerre de l’ombre vise à épuiser psychologiquement la société allemande avant même le début des hostilités ouvertes.
2029 : l'échéance fatidique de la reconstitution militaire russe

L’année 2029 revient comme un leitmotiv obsédant dans les analyses des services de renseignement occidentaux. Cette date ne sort pas du chapeau — elle correspond aux estimations les plus récentes du temps nécessaire à la Russie pour reconstituer pleinement ses capacités militaires après les pertes colossales subies en Ukraine. Le général Carsten Breuer, chef d’état-major de la Bundeswehr, avait déjà averti en juin que « la Russie sera militairement prête à attaquer les pays de l’OTAN d’ici 2029, au plus tôt. »
Les chiffres de la production militaire russe révèlent l’ampleur de cette mobilisation. En 2024, Moscou a produit environ 1 500 chars de combat principaux et 4 millions d’obus d’artillerie de 152 mm. Mais contrairement aux apparences, tous ces équipements ne sont pas envoyés en Ukraine. « Tous les chars ne vont pas à la guerre en Ukraine, mais ils vont aussi dans des stocks et dans de nouvelles structures militaires toujours orientées vers l’Ouest », a expliqué Breuer. Cette accumulation révèle une préparation méthodique à un affrontement futur avec l’OTAN.
Le corridor de Suwałki : le maillon faible de l’Europe
Les scénarios militaires élaborés par le renseignement allemand convergent vers une cible prioritaire russe : les États baltes. Le corridor de Suwałki — cette bande de terre de 100 kilomètres reliant la Pologne à la Lituanie, coincée entre l’enclave russe de Kaliningrad et le Belarus allié de Moscou — constitue le point le plus vulnérable de l’architecture défensive européenne. Breuer l’a qualifié de « l’un des points les plus fragiles en cas d’agression. »
Un scénario catastrophe se dessine avec une clarté terrifiante : une attaque-éclair russe visant à couper ce corridor et isoler les trois États baltes du reste de l’OTAN. Cette manœuvre permettrait à Moscou de placer l’alliance devant un dilemme impossible — accepter le fait accompli ou déclencher une guerre totale pour libérer des territoires déjà occupés. La capacité de production militaire russe actuelle — 1 500 chars par an — vise précisément à constituer les forces blindées nécessaires à une telle offensive.
La préparation sanitaire allemande : 1 000 blessés par jour
L’urgence de ces préparatifs militaires se mesure aux dispositions sanitaires extraordinaires révélées en septembre. L’armée allemande planifie activement comment traiter potentiellement 1 000 soldats blessés par jour en cas de conflit à grande échelle entre l’OTAN et la Russie. Ce chiffre astronomique — équivalent aux pertes quotidiennes lors des plus grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale — révèle l’ampleur du carnage anticipé par les planificateurs militaires allemands.
Cette planification médicale ne constitue pas un exercice théorique — elle reflète les enseignements tirés du conflit ukrainien où les pertes quotidiennes atteignent régulièrement des centaines de soldats de chaque côté. L’adaptation de ces projections à un conflit OTAN-Russie, impliquant des armées beaucoup plus importantes et des technologies plus destructrices, aboutit à ces estimations terrifiantes de 1 000 blessés quotidiens rien que pour les forces allemandes.
La transformation du BND : vers une posture offensive

Face à cette menace existentielle, Martin Jäger annonce une révolution doctrinale du renseignement allemand. Devant les parlementaires, le nouveau chef du BND a esquissé une transformation radicale de son service : « Nous prendrons des risques plus élevés de manière ciblée et cohérente. Cela nous permettra d’obtenir des renseignements qui révèlent ce que visent nos adversaires et, idéalement, exposent leurs faiblesses. » Cette formulation clinique masque un changement de paradigme majeur — le BND abandonne sa posture traditionnellement défensive pour adopter une approche offensive.
Cette transformation s’inscrit dans un contexte de modernisation accélérée des services allemands. Comme l’a souligné Thorsten Frei, coordinateur des services de renseignement du chancelier Friedrich Merz : « Compte tenu de la situation sécuritaire actuelle tendue, cette nomination constitue un atout important. Avec ses nombreuses années d’expérience professionnelle dans des pays en crise, M. Jäger est idéalement équipé pour remplir avec succès le rôle de président du BND. » Cette militarisation du renseignement allemand reflète l’urgence perçue de la menace russe.
Confronter les adversaires partout où nécessaire
Le vocabulaire employé par Jäger révèle une agressivité nouvelle du positionnement allemand. « Nous devons confronter nos adversaires partout où c’est nécessaire. Cette attitude s’appliquera également au BND. Le service doit et deviendra plus opérationnel et plus compatible avec ses partenaires européens et internationaux », a-t-il déclaré avec une détermination inhabituelle pour un responsable allemand traditionnellement prudent dans ses formulations publiques.
Cette nouvelle posture implique une coopération renforcée avec les services alliés, notamment la CIA américaine, le MI6 britannique et la DGSE française. L’objectif : créer un réseau de renseignement occidental intégré capable de détecter et de contrer les opérations russes en temps réel. Comme l’a résumé Jäger : « Mon message sera : le BND est une force importante avec laquelle il faut compter. » Cette affirmation marque la fin de la retenue allemande traditionnelle en matière de renseignement offensif.
L’expérience ukrainienne comme laboratoire tactique
L’expérience de Jäger comme ambassadeur à Kiev de 2023 à 2025 constitue un atout stratégique majeur pour sa nouvelle fonction. Pendant deux ans, il a observé de première main les méthodes russes de guerre hybride, les tactiques de désinformation, les stratégies de terreur contre les populations civiles. Cette immersion dans la réalité du conflit lui confère une compréhension intime des intentions et capacités russes que peu de responsables occidentaux possèdent.
Dans son message d’adieu aux Ukrainiens enregistré le 5 septembre, Jäger avait révélé l’impact profond de cette expérience : « Après deux années intenses et mouvementées, mon mandat d’ambassadeur d’Allemagne en Ukraine touche à sa fin aujourd’hui. Ce fut un honneur pour moi de représenter mon pays ici en Ukraine à cette époque particulière. Nous avons vécu de nombreux événements, bons et mauvais. Douleur et peur qui, comme je l’ai appris de vous, peuvent être surmontées par l’espoir et l’amitié… L’Ukraine m’a profondément impressionné — son peuple, son courage, sa détermination et sa foi inébranlable en la liberté et un avenir radieux. » Cette connexion émotionnelle avec les victimes de l’agression russe transforme sa fonction de chef du renseignement en mission personnelle.
La guerre hybride russe : une réalité quotidienne en Europe

Les révélations du chef du renseignement intérieur allemand, Sinan Selen, dévoilent l’ampleur terrifiante de la guerre hybride que mène actuellement la Russie contre l’Europe. « La Russie poursuit agressivement ses ambitions politiques contre l’Allemagne, l’UE et ses alliés occidentaux. Les services russes changent constamment les niveaux d’escalade de leurs activités dans le but stratégique d’affaiblir les démocraties libérales », a-t-il déclaré devant les parlementaires. Cette guerre de l’ombre se déploie simultanément sur de multiples fronts avec une coordination impressionnante.
Les statistiques de cette guerre invisible donnent le vertige. L’Allemagne détecte plus de 1 000 cyberattaques par semaine visant ses infrastructures critiques, agences gouvernementales et entreprises stratégiques. Cette intensité révèle une offensive systématique contre les fondements numériques de la société allemande. Mais au-delà des chiffres, c’est la diversité des méthodes qui impressionne : espionnage classique, désinformation via les réseaux sociaux, ingérence dans les processus électoraux, sabotages physiques d’infrastructures, cyberattaques sophistiquées contre les systèmes de contrôle industriels.
Le paralysie de Munich : un cas d’école
L’incident de l’aéroport de Munich illustre parfaitement cette stratégie du chaos contrôlé. En octobre, cet aéroport majeur — l’un des plus importants hubs européens — a été paralysé à deux reprises en une semaine par des survols de drones d’origine inconnue mais fortement suspectés d’être russes. Ces intrusions ont forcé l’interruption de tous les décollages et atterrissages, créant des perturbations massives affectant des dizaines de milliers de passagers.
La sophistication de ces opérations révèle un niveau de planification militaire impressionnant. Les drones ont réussi à pénétrer des espaces aériens théoriquement protégés, à échapper aux systèmes de détection existants, et à se retirer sans être interceptés. Cette capacité d’action impunie dans l’un des pays les plus technologiquement avancés d’Europe démontre soit une supériorité technologique russe inquiétante, soit des failles de sécurité béantes dans les dispositifs de protection européens — ou les deux simultanément.
Les violations massives d’espace aérien
L’escalade des violations d’espace aérien européen par la Russie atteint des niveaux jamais vus depuis la Guerre froide. L’incursion de 20 drones russes en Pologne le 9 septembre, la violation de l’espace estonien par trois MiG-31 le 19 septembre, les survols répétés des champs pétroliers en mer du Nord danoise, les intrusions en Norvège — tous ces incidents dessinent une carte de l’agressivité russe qui couvre l’ensemble du flanc oriental européen.
Selon le Center for European Policy Analysis basé à Washington, au moins 38 incidents supplémentaires ont été documentés à travers la Scandinavie, la Belgique et la région baltique rien que depuis le premier incident polonais du 9 septembre. Cette multiplication exponentielle révèle une stratégie délibérée visant à saturer les capacités de réponse occidentales et à normaliser progressivement des violations qui auraient déclenché des crises diplomatiques majeures il y a quelques années encore.
Les infrastructures énergétiques : la vulnérabilité critique de l'Europe

L’approche de l’hiver européen amplifie dramatiquement les inquiétudes sécuritaires concernant les infrastructures énergétiques. Un rapport de Reuters publié le 13 octobre révèle que la récente recrudescence d’incidents de « guerre hybride » russe présumée à travers l’Europe a mis les gouvernements en état d’alerte maximale, soulevant des interrogations sur la vulnérabilité des systèmes énergétiques du continent alors qu’il entre dans la période critique de chauffage hivernal.
La protection d’un réseau énergétique tentaculaire contre d’éventuels sabotages pose des défis sécuritaires et logistiques monumentaux. L’Europe dispose de milliers de kilomètres de pipelines, de centaines de stations de transformation électrique, de dizaines de terminaux gaziers et pétroliers — autant de cibles potentielles qu’il est matériellement impossible de sécuriser intégralement. Cette vulnérabilité structurelle transforme chaque menace en potentielle catastrophe humanitaire si elle se matérialise pendant les mois d’hiver.
Les précédents inquiétants de sabotage
Les incidents récents révèlent une escalade dans l’audace des opérations russes présumées. Au-delà des survols de drones, les autorités européennes ont signalé des cas suspectés de brouillage de systèmes de navigation maritime, de cyberattaques ciblées contre les réseaux de contrôle industriel, et de sabotages physiques sur des infrastructures critiques. Chaque incident pris isolément pourrait être attribué à des défaillances techniques ou des actes criminels ordinaires — mais leur accumulation dessine un schéma cohérent d’action hostile coordonnée.
Les survols de champs pétroliers en mer du Nord danoise en septembre constituent un cas particulièrement préoccupant. Ces installations offshore, essentielles pour l’approvisionnement énergétique européen, représentent des cibles de choix pour des opérations de sabotage : difficiles à protéger en raison de leur isolement maritime, vulnérables aux attaques de drones longue portée, capables de provoquer des perturbations massives si elles sont endommagées. La simple reconnaissance de ces sites par des drones suspects constitue déjà une forme d’intimidation stratégique.
Le scénario cauchemar de l’hiver sans énergie
Les planificateurs européens doivent désormais envisager un scénario catastrophe jusqu’ici relégué aux exercices théoriques : un sabotage massif coordonné des infrastructures énergétiques au cœur de l’hiver. Imaginez simultanément des pipelines sectionnés, des stations électriques détruites, des terminaux gaziers incendiés — le tout orchestré pour maximiser le chaos et la souffrance civile. Ce scénario transformerait l’hiver européen en arme de terreur massive, forçant potentiellement des gouvernements à capituler face aux exigences russes.
La dépendance énergétique résiduelle de l’Europe vis-à-vis de la Russie, bien que réduite depuis 2022, amplifie cette vulnérabilité. Certains pays d’Europe centrale et orientale restent partiellement tributaires du gaz russe, créant des points de pression que Moscou pourrait exploiter dans une logique de diviser pour régner. Cette géographie de la dépendance énergétique dessine la carte des vulnérabilités stratégiques européennes que Poutine connaît parfaitement.
La réponse européenne : entre fermeté et divisions internes

Face à cette montée des périls, l’Europe tente de construire une réponse coordonnée — avec des résultats mitigés qui révèlent les fractures internes de l’alliance. Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a accusé la Russie de « jouer avec la guerre » après la multiplication des violations d’espace aérien par des drones et jets militaires russes. Cette formulation brutale marque un durcissement du ton diplomatique européen, mais les actes ne suivent pas toujours les paroles.
Le Parlement européen a adopté le 10 octobre une résolution appelant à une « action coordonnée, unie et proportionnée » contre toutes les violations d’espace aérien, incluant explicitement « l’abattage des menaces aériennes ». Cette position constitue potentiellement un tournant majeur — autoriser l’usage de la force létale contre des appareils russes transformerait radicalement la nature de la confrontation. Mais entre l’adoption d’une résolution parlementaire et sa mise en œuvre opérationnelle par des pilotes de chasse prêts à ouvrir le feu, il existe un gouffre que la prudence politique peine à franchir.
Les préparatifs militaires de l’OTAN
L’alliance atlantique multiplie les démonstrations de force pour dissuader toute aventure militaire russe. L’exercice nucléaire annuel « Steadfast Noon » lancé le 13 octobre mobilise 71 aéronefs de 14 pays membres et 2 000 personnels. Pour la première fois, les États-Unis déploient des chasseurs F-35 dans un rôle à double capacité nucléaire, remplaçant les F-15E Strike Eagle traditionnels. Ce changement technique révèle une modernisation inquiétante de l’arsenal nucléaire occidental en réponse aux menaces russes croissantes.
La 31e réunion du Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine, programmée le 15 octobre au siège de l’OTAN, réunira plus de 50 pays pour coordonner l’assistance militaire à Kiev. Mais au-delà du soutien à l’Ukraine, cette réunion abordera nécessairement la préparation de l’OTAN elle-même à un conflit potentiel avec la Russie. Les ministres de la Défense devront décider des niveaux de dépenses militaires, des déploiements de forces sur le flanc oriental, et des règles d’engagement contre les provocations russes.
Les divisions européennes : le talon d’Achille occidental
Malgré les déclarations d’unité, des fractures profondes divisent l’Europe face à la menace russe. La France continue de privilégier son autonomie stratégique et refuse de participer pleinement à certaines initiatives comme le programme PURL d’achats d’armes américaines. La Hongrie de Viktor Orbán maintient ses liens avec Moscou et bloque régulièrement les sanctions européennes. L’Italie hésite entre solidarité atlantique et préservation de ses intérêts économiques en Russie.
Ces divisions constituent précisément ce que Moscou cherche à exploiter. Comme l’a souligné Jäger : « Les actions de la Russie visent à saper l’OTAN, déstabiliser les démocraties européennes, diviser et intimider nos sociétés. » Chaque hésitation européenne, chaque désaccord public entre alliés, chaque blocage d’une initiative commune renforce le pari russe que l’Occident finira par se fragmenter sous la pression. La cohésion occidentale constitue donc l’enjeu central — bien plus que la supériorité militaire technique qui reste largement favorable à l’OTAN.
Conclusion

L’avertissement lancé par Martin Jäger le 13 octobre devant le Bundestag allemand restera probablement dans l’Histoire comme le moment où l’Europe a cessé de se bercer d’illusions sur la paix perpétuelle. « La Russie n’hésitera pas, si nécessaire, à entrer en conflit militaire direct avec l’OTAN » — ces mots prononcés par le chef du renseignement allemand marquent la fin d’une époque et le début d’une ère nouvelle, celle de la préparation consciente à une guerre totale qui pourrait éclater avant 2029, voire bien avant selon les propres termes de Jäger.
Cette révélation s’inscrit dans un contexte d’escalade multidimensionnelle qui transforme progressivement l’Europe en champ de bataille d’une guerre hybride déjà commencée. Plus de 1 000 cyberattaques hebdomadaires contre l’Allemagne seule, 38 violations d’espace aérien documentées en quelques semaines, paralysie d’aéroports majeurs par des drones mystérieux, sabotages d’infrastructures critiques — tous ces incidents ne constituent pas des accidents isolés mais les composantes d’une stratégie russe cohérente visant à déstabiliser, diviser et intimider l’Europe avant l’assaut final.
La transformation radicale du BND annoncée par Jäger — adoption d’une posture offensive, prise de risques accrue, confrontation systématique des adversaires — reflète l’urgence absolue perçue par les services de renseignement allemands. Cette militarisation du renseignement occidental marque l’abandon de la retenue traditionnelle au profit d’une logique de confrontation assumée. L’Allemagne, désignée comme « cible numéro un de la Russie en Europe », n’a plus le luxe de la prudence diplomatique — sa survie en tant que démocratie prospère dépend désormais de sa capacité à déjouer et neutraliser les opérations russes avant qu’elles ne se matérialisent.
Les préparatifs militaires révélés ces derniers mois — planification du traitement de 1 000 blessés quotidiens, exercices nucléaires renforcés, déploiements massifs sur le flanc oriental — témoignent de la gravité avec laquelle les responsables militaires occidentaux considèrent la menace d’un conflit OTAN-Russie. L’année 2029 n’est plus une échéance lointaine et théorique — c’est un horizon temporel terriblement proche qui ne laisse que quatre années pour préparer les armées, les industries et surtout les sociétés européennes à affronter le plus grand défi existentiel depuis 1945.
Mais la véritable bataille se joue peut-être moins sur les champs de bataille futurs que dans les esprits européens aujourd’hui. Poutine mise sur notre lassitude, notre confort, notre incapacité à concevoir qu’une guerre totale puisse vraiment éclater en Europe au XXIe siècle. Chaque division entre alliés, chaque hésitation à soutenir l’Ukraine, chaque recul face aux provocations russes renforce ce pari sur notre faiblesse collective. L’avertissement de Jäger constitue donc un appel au réveil urgent : nous sommes déjà en guerre, même si nous refusons encore de le reconnaître. La seule question qui reste est de savoir si nous nous réveillerons à temps pour éviter la catastrophe ou si nous attendrons passivement que les chars russes franchissent le corridor de Suwałki pour enfin comprendre l’ampleur de notre aveuglement.