
Le 17 octobre 2025 restera gravé comme l’une des journées les plus sanglantes de cette guerre interminable. 128 engagements de combat en 24 heures. Cent vingt-huit batailles rangées, cent vingt-huit fois où des hommes se sont affrontés à mort le long d’une ligne de front de plus de mille kilomètres. Les chiffres frappent comme des coups de marteau : 109 frappes aériennes, 268 bombes guidées larguées sur des positions ukrainiennes et des zones civiles, 6 024 drones kamikazes lâchés dans le ciel comme des essaims de guêpes métalliques, 4 941 bombardements d’artillerie qui ont transformé des villages entiers en cratères fumants. Et au milieu de ce déluge de fer et de feu, des hommes qui tiennent, qui se battent, qui meurent. C’est la réalité de l’automne 2025 en Ukraine : une intensité de combat qui n’a jamais faibli depuis plus de trois ans et demi, un acharnement russe qui semble ne connaître aucune limite, et une résistance ukrainienne qui, malgré l’épuisement, refuse de céder.
La direction de Pokrovsk concentre à elle seule un tiers de ces combats — 39 assauts russes dans ce seul secteur, un enfer d’obus, de drones et de corps brisés. Pokrovsk, cette ville de 60 000 habitants avant la guerre, est devenue le symbole de l’acharnement russe à conquérir l’intégralité du Donetsk, cette région orientale que Moscou prétend avoir annexée mais dont un quart échappe encore à son contrôle. Chaque jour, les forces russes lancent des vagues d’assaut — infanterie portée par des blindés, groupes d’infiltration sur des motos, colonnes de chars sacrifiés dans des attaques mécanisées suicidaires. Et chaque jour, les Ukrainiens les repoussent, au prix de pertes terribles. Les bombardements n’épargnent personne : ni les soldats dans leurs tranchées, ni les civils qui refusent d’évacuer, ni les infrastructures énergétiques qui explosent sous les frappes répétées. Cette journée du 17 octobre n’est pas une exception. C’est la norme. C’est l’horreur devenue quotidienne, banalisée, acceptée comme une fatalité par un monde qui regarde ailleurs.
L'apocalypse quotidienne sur le front ukrainien

Une intensité de combat sans précédent
Cent vingt-huit combats en une journée. Pour saisir ce que cela signifie, il faut imaginer 128 batailles simultanées, éparpillées sur un front gigantesque qui s’étend de la frontière biélorusse au nord jusqu’à la mer d’Azov au sud. À chaque heure de cette journée du 17 octobre, plus de cinq engagements se déroulaient quelque part en Ukraine — des affrontements d’infanterie dans les ruines de villages détruits, des duels d’artillerie à des dizaines de kilomètres de distance, des chasses aux drones dans le ciel nocturne. Le rapport du État-Major général des Forces armées ukrainiennes publié le 18 octobre détaille cette violence avec une précision clinique : 109 frappes aériennes russes larguant 268 bombes planantes guidées, ces monstres d’acier pesant parfois jusqu’à 1 500 kilogrammes qui pulvérisent tout dans un rayon de plusieurs centaines de mètres.
Les drones kamikazes — 6 024 en une seule journée — saturent les défenses ukrainiennes. Ces machines volantes, souvent fabriquées à bas coût mais redoutablement efficaces, traquent les véhicules, les positions fortifiées, même les soldats isolés. L’artillerie russe a tiré 4 941 fois, dont 117 salves de systèmes de roquettes multiples, ces orgues de Staline modernes qui arrosent des zones entières de projectiles explosifs. Les forces russes ont également frappé la ville de Sumy avec des bombes guidées, visant délibérément des zones civiles pour terroriser la population. Cette intensité n’est pas nouvelle — depuis le début de 2025, les combats n’ont cessé de s’intensifier. En septembre, la Russie a lancé la plus grande attaque aérienne de toute la guerre, déployant 823 munitions en une seule nuit, dont 810 drones longue portée et 13 missiles puissants. Les civils ukrainiens paient un prix atroce : en septembre 2025, au moins 214 civils ont été tués et près de 1 000 blessés, selon les moniteurs des droits de l’homme de l’ONU.
Pokrovsk, l’enfer focal du conflit
Sur les 128 combats enregistrés ce jour-là, 39 se sont déroulés dans la direction de Pokrovsk — un tiers de toute l’activité militaire concentré sur un seul axe stratégique. Pokrovsk est devenue l’obsession russe, le point focal d’une offensive qui dure depuis des mois et qui coûte des milliers de vies sans résultats décisifs. La ville elle-même, jadis peuplée de 60 000 personnes, est désormais largement évacuée, ses rues vidées de civils mais remplies de soldats, de barricades, de positions de tir improvisées. Les Russes ont réussi à pénétrer dans certains quartiers lors de missions d’infiltration — des images géolocalisées publiées les 16 et 17 octobre montrent des forces russes à l’intérieur des parties occidentale et centrale de Pokrovsk. Mais ces incursions ne changent rien au front : ce sont des raids suicidaires, des groupes isolés qui s’enfoncent dans la ville et sont systématiquement éliminés.
La stratégie russe repose sur l’attrition pure. Des blogueurs militaires russes affirment que leurs forces mènent des assauts parallèles pour se couvrir mutuellement, ajuster les tirs d’artillerie et lancer des drones tactiques. Ils prétendent avoir coupé Pokrovsk en deux moitiés, nord et sud, empêchant les forces ukrainiennes de se retirer. Mais ces affirmations sont largement exagérées. La réalité est plus simple : les Russes jettent des hommes et des machines dans un hachoir à viande, espérant qu’à force de sacrifices, la défense ukrainienne finira par craquer. Jusqu’à présent, elle tient. Les pertes russes dans la direction de Pokrovsk ont augmenté de 18 à 20 % au cours de la semaine du 7 au 14 octobre par rapport à la semaine précédente, selon un porte-parole d’un corps ukrainien opérant dans le secteur. Chaque assaut russe se solde par des dizaines de morts, des blindés détruits, des colonnes décimées par les drones ukrainiens qui patrouillent dans des zones de destruction de 12 kilomètres où tout véhicule, toute moto, tout soldat fait face à une élimination immédiate.
La contre-offensive ukrainienne autour de Dobropillia
Pendant que les Russes s’acharnent sur Pokrovsk, l’Ukraine frappe au nord, autour de Dobropillia. Cette ville, située à seulement 17 kilomètres au nord-ouest de Pokrovsk, est devenue le théâtre d’une contre-offensive ukrainienne qui a repris 182 kilomètres carrés de territoire depuis la fin août 2025. Le commandant en chef ukrainien Oleksandr Syrskyi a rapporté que les unités d’assaut ukrainiennes ont avancé jusqu’à 1,6 kilomètre sur certains fronts en une seule journée, menant des opérations de ratissage sur une zone de 3,4 kilomètres carrés. Cette contre-offensive a infligé des pertes massives aux Russes : 13 945 soldats russes et 1 289 unités d’équipement neutralisés depuis le début de l’opération le 21 août.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a déclaré que cette contre-offensive autour de Dobropillia a perturbé tous les plans russes de capturer Pokrovsk et l’ensemble du Donetsk à l’automne 2025. Initialement, Moscou visait septembre, puis a repoussé l’échéance à novembre. Mais les pertes subies autour de Dobropillia ont brisé cet élan. Les Russes ont tenté de reprendre l’initiative en lançant des assauts mécanisés massifs les 6, 9 et 13 octobre — des colonnes de dizaines de blindés fonçant vers les positions ukrainiennes. Toutes ont été repoussées avec des pertes catastrophiques. Le 10 octobre, une attaque russe près de Shakhove, composée de 35 chars et véhicules blindés, a été décimée : 20 véhicules détruits ou endommagés, des dizaines de soldats tués. Le 16 octobre, une autre colonne de 22 véhicules blindés, dont 11 chars et véhicules de combat d’infanterie, a tenté de percer près de Volodymyrivka. Résultat : 9 véhicules détruits, 4 endommagés. Ces assauts mécanisés, qui rappellent les tactiques soviétiques de la Seconde Guerre mondiale, sont devenus suicidaires face aux drones ukrainiens.
L'artillerie et les drones, piliers de la destruction

Les bombes planantes guidées, terreur venue du ciel
Le 17 octobre 2025, la Russie a largué 268 bombes planantes guidées sur l’Ukraine en une seule journée — un record qui dépasse largement la moyenne quotidienne de 170 à 180 bombes observée ces dernières semaines. Ces armes, souvent appelées glide bombs en anglais, sont des bombes conventionnelles équipées de kits de guidage GPS et d’ailerons qui leur permettent de planer sur des dizaines de kilomètres après avoir été larguées depuis des avions russes volant en toute sécurité au-dessus du territoire russe. Pesant entre 500 et 1 500 kilogrammes, elles sont conçues pour détruire des bunkers, des bâtiments fortifiés, des concentrations de troupes. Mais en pratique, elles frappent souvent des zones civiles, transformant des immeubles résidentiels en amas de gravats.
L’utilisation massive de ces bombes témoigne d’une stratégie russe axée sur la destruction totale. Dans certaines villes de première ligne, presque tous les logements ont été endommagés ou détruits. Le 9 septembre 2025, une bombe planante russe a tué 25 civils à Yarova, dans la région de Donetsk. La plupart des victimes récupéraient leurs pensions auprès d’un bureau de poste mobile lorsque la bombe a frappé à proximité : 21 des personnes tuées et 13 des blessées avaient plus de 60 ans. Ce massacre illustre une réalité atroce : les personnes âgées sont souvent les dernières à évacuer, incapables ou refusant de quitter leurs maisons malgré le danger. Et elles paient ce choix de leur vie. Selon les chiffres de la mission de surveillance des droits de l’homme de l’ONU, 69 % des victimes civiles de septembre se trouvaient près de la ligne de front, avec des nombres particulièrement élevés dans les régions de Donetsk et Kherson.
Les drones kamikazes, fléau omniprésent
Six mille vingt-quatre drones kamikazes en une journée. Ce chiffre donne le vertige. Ces machines, souvent des Shahed iraniens modifiés ou des drones FPV bon marché fabriqués en masse, sont devenus l’arme la plus prolifique de cette guerre. Ils volent à basse altitude, évitant les radars, cherchant des cibles — véhicules, positions fortifiées, soldats isolés. Certains sont guidés par des opérateurs humains via des caméras embarquées, d’autres fonctionnent de manière semi-autonome, suivant des coordonnées préprogrammées. Leur coût de production est dérisoire — quelques milliers de dollars pour un drone FPV — mais leur efficacité est redoutable. Ils ont transformé le champ de bataille en un environnement où aucun mouvement n’est sûr, où chaque déplacement peut être fatal.
L’Ukraine produit environ 400 000 drones FPV par mois, selon des sources militaires, et une partie croissante de cette production est consacrée à des drones intercepteurs capables de chasser les drones russes en plein vol. En septembre 2025, 50 % de drones Shahed supplémentaires ont été abattus par rapport à août grâce au déploiement de ces intercepteurs spécialisés au-dessus de Pokrovsk. Mais la Russie réagit : elle a augmenté la vitesse de ses Shahed de 170 km/h à plus de 200 km/h pour échapper aux intercepteurs ukrainiens. C’est une course sans fin, où chaque innovation est copiée, améliorée, dépassée en quelques semaines. Les Russes ont également modifié leurs Shahed pour attaquer des cibles mobiles près des lignes de front, utilisant des modems cellulaires pour transmettre des images en temps réel et permettre un contrôle direct par un opérateur humain. Cette capacité change radicalement la nature de la guerre : les convois, les véhicules de commandement, même les soldats en mouvement deviennent des cibles potentielles.
L’artillerie, la reine du champ de bataille
Malgré l’omniprésence des drones, l’artillerie reste l’arme la plus meurtrière de cette guerre. 4 941 bombardements d’artillerie en une journée, dont 117 salves de systèmes de roquettes multiples — ces chiffres témoignent d’une guerre d’attrition classique où les obus pleuvent sans relâche sur les tranchées, les positions fortifiées, les villages transformés en forteresses. Les Russes disposent d’une supériorité écrasante en artillerie, avec des milliers de canons et de lance-roquettes alignés le long du front. Ils utilisent cette supériorité pour saturer les défenses ukrainiennes, pilonnant les mêmes positions pendant des heures, parfois des jours, avant de lancer des assauts d’infanterie.
Les forces ukrainiennes, en infériorité numérique, doivent compter sur la précision plutôt que sur le volume. Elles utilisent des drones pour repérer les positions d’artillerie russes, puis frappent avec des systèmes de contre-batterie ou des munitions guidées. Selon le État-Major général, les forces ukrainiennes ont frappé sept zones de concentration de personnel et d’équipement russe au cours de la journée du 17 octobre, ainsi que des postes de commandement et des positions d’artillerie ennemies. Mais ces frappes, aussi précises soient-elles, ne compensent pas le déluge d’obus russes. Les soldats ukrainiens dans les tranchées vivent sous un bombardement constant, un martèlement incessant qui brise les nerfs autant que les os. Certains secteurs du front subissent des centaines de frappes par jour — un enfer de bruit, de fumée et de mort dont peu sortent indemnes, même physiquement intacts.
Les pertes humaines, un carnage sans fin

Plus d’un million de soldats russes hors de combat
Les chiffres des pertes russes donnent le vertige. Selon le État-Major général ukrainien, la Russie a perdu environ 1 129 180 soldats (tués, blessés ou capturés) entre le 24 février 2022 et le 18 octobre 2025. Rien que le 17 octobre, 1 150 soldats russes supplémentaires ont été mis hors de combat. Ces chiffres sont contestés — ni la Russie ni l’Ukraine ne publient de données officielles vérifiables sur leurs pertes — mais toutes les estimations occidentales convergent vers des totaux catastrophiques. En avril 2025, le général Cavoli, alors commandant suprême allié en Europe, estimait que la Russie avait subi plus de 790 000 tués ou blessés, avec 50 000 disparus supplémentaires. Une méta-estimation de The Economist publiée en octobre 2025 place les pertes russes entre 984 000 et 1 438 000 soldats, dont 192 000 à 480 000 morts.
L’initiative ukrainienne « Je veux vivre », qui offre un passage sûr aux soldats russes qui se rendent, a rapporté en octobre que 281 550 soldats russes avaient été tués, blessés ou portés disparus rien qu’au cours des premiers mois de 2025, sur la base de documents militaires fuités. Parmi eux, 86 744 décès ont été confirmés, mais près de 34 000 soldats restent portés disparus et sont présumés morts. Ces pertes sont comparables à celles subies par les forces russes lors de leur invasion de la Pologne et de la Prusse en 1939 — une comparaison historique glaçante qui souligne l’ampleur du carnage. Pourtant, malgré ces sacrifices, Moscou n’a pas réussi à capturer Pokrovsk, une ville de taille moyenne qui résiste depuis plus d’un an.
Les pertes ukrainiennes, un secret bien gardé
L’Ukraine ne publie pas de chiffres officiels sur ses pertes militaires, mais les estimations occidentales suggèrent qu’elles sont également catastrophiques. En janvier 2025, le président Volodymyr Zelensky a estimé que l’Ukraine avait subi 400 000 tués ou blessés et 35 000 disparus depuis le début de l’invasion à grande échelle. Ces chiffres, bien que nettement inférieurs aux pertes russes, représentent une saignée insoutenable pour un pays dont la population active est bien plus petite que celle de la Russie. Les pertes ukrainiennes se concentrent dans les unités d’élite qui défendent les points les plus chauds du front — Pokrovsk, Kupiansk, Bakhmut. Un porte-parole d’une brigade ukrainienne opérant près de Chasiv Yar a rapporté que les forces russes avaient perdu l’équivalent d’une compagnie entière (environ 100 soldats) tués en une seule semaine de combats, mais il n’a pas mentionné les pertes ukrainiennes, qui sont probablement également élevées.
Les civils paient également un prix atroce. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, au moins 14 383 civils ont été tués et 37 541 blessés entre le 24 février 2022 et le 30 septembre 2025, bien que l’ONU reconnaisse que les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés. En septembre 2025 seulement, au moins 214 civils ont été tués et près de 1 000 blessés, marquant un mois dévastateur, en particulier pour les communautés le long de la ligne de front. Le procureur en chef ukrainien pour les crimes de guerre, Yuriy Belousov, a déclaré en février 2023 qu’« il pourrait y avoir 100 000 civils tués à travers l’Ukraine, dont les corps devront être retrouvés et identifiés une fois que les territoires occupés seront libérés ». Cette estimation macabre suggère que la véritable ampleur de l’horreur ne sera connue qu’après la fin de la guerre — si elle finit un jour.
L’épuisement des deux camps
Après plus de trois ans et demi de combats intensifs, les deux armées montrent des signes d’épuisement profond. Les forces russes continuent à avancer — l’Institut pour l’étude de la guerre estime que la Russie a gagné environ 226 miles carrés (environ 585 km²) de territoire ukrainien entre le 19 août et le 16 septembre 2025, soit une moyenne mensuelle de 169 miles carrés (437 km²) depuis le début de 2025. Mais ces gains territoriaux minuscules ne reflètent en rien les sacrifices nécessaires pour les obtenir. À ce rythme, il faudrait à la Russie jusqu’en juin 2030 pour capturer les parties restantes des quatre régions que Poutine prétend avoir annexées — Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia. Occuper toute l’Ukraine prendrait 103 années supplémentaires, selon une analyse de The Economist.
Côté ukrainien, les pénuries de main-d’œuvre deviennent critiques. Des familles ont reçu l’ordre d’évacuer de nombreux villages autour de Kupiansk, dans le nord-est, en raison d’une détérioration de la situation sécuritaire. 409 familles, dont 601 enfants, ont été instruites de quitter 27 localités, un chiffre qui a ensuite grimpé à 40 localités. Ces évacuations témoignent de l’incapacité ukrainienne à défendre chaque position — il faut choisir, concentrer les forces sur les points stratégiques, abandonner le reste. La Russie, malgré ses pertes massives, dispose d’une réserve humaine bien plus importante. Des rapports suggèrent que Moscou pourrait mobiliser environ 2 millions de réservistes militaires supplémentaires si nécessaire, grâce à des amendements législatifs attendus au Parlement. Cette asymétrie démographique est l’une des réalités les plus sombres de cette guerre : l’Ukraine peut gagner chaque bataille tactique et perdre quand même la guerre d’usure stratégique.
Les autres fronts, une guerre sur mille kilomètres

Le secteur de Kupiansk, une pression constante
Pendant que Pokrovsk accapare l’attention, d’autres secteurs du front connaissent des combats tout aussi intenses. Dans la direction de Kupiansk, les forces ukrainiennes ont repoussé sept assauts ennemis près de Pishchane, Petropavlivka et vers Kupiansk elle-même. Cette ville du nord-est de l’Ukraine, déjà largement détruite par des mois de bombardements, fait face à une offensive russe persistante visant à la capturer pour sécuriser les communications le long de la ligne Kreminna-Svatove-Kupiansk. Les Russes ont pris le contrôle du centre-ville de Kupiansk et de la localité de Peschanoe, consolidant progressivement leurs positions. Les forces aérospatiales russes frappent les positions ukrainiennes près de Kurilovka et Novoosinovo, préparant le terrain pour de nouvelles avancées.
Le président Zelensky a qualifié la situation près de Kupiansk de particulièrement difficile, soulignant que les défenseurs ukrainiens font face à des attaques incessantes depuis plusieurs mois. Des centaines de familles ont été évacuées de force, les autorités locales reconnaissant qu’il n’est plus possible de garantir leur sécurité. Les combats dans ce secteur sont caractérisés par des assauts d’infanterie en petits groupes, soutenus par des frappes d’artillerie et de drones. Les Russes progressent lentement, mètre par mètre, payant chaque avancée avec des dizaines de morts. Mais ils avancent quand même, grignotant le terrain, poussant les Ukrainiens vers l’ouest.
Le secteur de Lyman, batailles positionnelles
Dans la direction de Lyman, les forces russes ont lancé 13 attaques près de Hrekivka, Karpivka, Torske, Shandryholove et Drobysheve, ainsi que vers Korovii Yar. Ce secteur, situé dans l’oblast de Donetsk, est le théâtre de batailles positionnelles intenses où ni l’un ni l’autre camp ne parvient à obtenir un avantage décisif. Les combats se déroulent souvent dans des conditions de tranchées, rappelant la Première Guerre mondiale, avec des lignes de front figées pendant des semaines avant qu’une percée temporaire ne modifie légèrement la géométrie du terrain. Les deux camps subissent des pertes quotidiennes importantes sans progresser de manière significative.
Les Russes utilisent des assauts mécanisés réduits dans ce secteur, souvent composés de quelques blindés soutenus par de l’infanterie montée sur des motos ou des véhicules civils modifiés. Ces attaques sont généralement repoussées avec de lourdes pertes, mais elles épuisent les défenseurs ukrainiens, qui doivent constamment être en alerte, constamment réagir, constamment tenir. Un porte-parole d’une brigade ukrainienne opérant dans le secteur de Lyman a déclaré que les forces russes ont subi des pertes équivalentes à une compagnie entière (environ 100 soldats) tués en une seule semaine près de Chasiv Yar, mais que les Russes continuent à envoyer de nouvelles vagues d’assaut, apparemment indifférents aux sacrifices.
Le secteur sud : Zaporizhzhia et Kherson
Dans le sud, les combats se concentrent autour de Zaporizhzhia et Kherson. Dans le secteur de Zaporizhzhia, les forces russes mènent des assauts exclusivement en petits groupes, tentant de rassembler des forces pour une attaque sur les positions ukrainiennes et pénétrer dans les abords de Mala Tokmachka. Mais les vastes champs ouverts avec peu de brise-vent près de cette localité rendent difficile pour les Russes de dissimuler leurs positions, et les drones ukrainiens les repèrent facilement. Un porte-parole d’une brigade ukrainienne opérant dans la partie ouest de la région de Zaporizhzhia a rapporté que les forces russes utilisent un grand nombre de drones pour frapper les systèmes logistiques ukrainiens et les populations civiles dans la direction d’Orikhiv.
Le 12 octobre, Zelensky a annoncé que les forces ukrainiennes avaient progressé de plus de 3 kilomètres dans la région de Zaporizhzhia, capturant le village de Mali Shcherbaky. Ces gains modestes témoignent d’une contre-offensive limitée visant à améliorer les positions tactiques ukrainiennes avant l’hiver. Dans la région de Kherson, un convoi de véhicules des Nations Unies livrant de l’aide a été pris pour cible par les forces russes près de Bilozerka, un incident que l’ONU a condamné comme « totalement inacceptable ». Deux des quatre camions de l’ONU ont été incendiés par des drones opérés à distance, bien qu’heureusement aucun membre du personnel n’ait été blessé. Cet incident illustre la réalité brutale : même les missions humanitaires ne sont pas à l’abri dans cette guerre totale.
Les frappes russes sur les infrastructures civiles

Sumy, cible répétée des bombes guidées
Le 17 octobre, les forces russes ont frappé la ville de Sumy avec des bombes planantes guidées, visant délibérément des zones civiles. Sumy, située dans le nord de l’Ukraine près de la frontière russe, subit des attaques régulières depuis le début de l’invasion. La région de Sumy a été bombardée 68 fois en 24 heures selon le gouverneur régional Vyacheslav Chaus, provoquant des incendies dans une entreprise de bois et endommageant des structures résidentielles. Ces frappes ne visent aucun objectif militaire évident — leur seul but semble être de terroriser la population, de rendre la vie quotidienne impossible, de forcer les civils à fuir.
Les bombes planantes guidées utilisées contre Sumy pèsent souvent entre 500 et 1 500 kilogrammes et sont capables de détruire des bâtiments entiers. Lorsqu’une telle bombe frappe une zone résidentielle, l’explosion pulvérise tout dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres, tuant ou blessant tous ceux qui se trouvent à proximité. Les survivants doivent ensuite vivre avec la peur constante qu’une autre bombe tombe à tout moment, sans avertissement, transformant leur maison en tombeau. Cette stratégie de terreur systématique vise à briser la volonté de résistance de la population civile ukrainienne, à rendre le coût humain de la guerre si élevé que les Ukrainiens accepteront n’importe quelles conditions de paix pour que cela cesse.
Les attaques contre les infrastructures énergétiques
Parallèlement aux frappes sur les zones résidentielles, la Russie continue à cibler systématiquement les infrastructures énergétiques ukrainiennes. En septembre 2025, des attaques massives contre des centrales électriques et des stations de transformation ont provoqué des coupures de courant et d’eau dans plusieurs régions du pays. Le 5 octobre, une attaque aérienne massive a tué quatre personnes dans l’oblast de Lviv et une chacune à Zaporizhzhia et Kherson. Cette stratégie vise à plonger l’Ukraine dans l’obscurité et le froid à l’approche de l’hiver, rendant la vie quotidienne insupportable pour des millions de civils.
Le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk, a averti en octobre 2025 que la guerre en Ukraine « est entrée dans une phase encore plus dangereuse et meurtrière pour les civils, sous un bombardement incessant de leurs écoles, hôpitaux et abris ». Il a souligné que 2025 a vu des attaques intenses le long de la ligne de front et des frappes aériennes massives, en grande partie dans des zones peuplées. Les dommages aux civils ukrainiens ont fortement augmenté, avec un total de victimes civiles au cours des huit premiers mois de l’année en hausse de 40 % par rapport à 2024. En juillet 2025, l’ONU a documenté le nombre le plus élevé de victimes civiles en un mois en plus de trois ans de guerre — un sombre record qui témoigne de l’escalade continue de la violence.
La double frappe, tactique de terreur
La Russie utilise également la tactique de la double frappe — bombarder une cible, attendre que les secours arrivent, puis frapper à nouveau pour tuer les sauveteurs. Le 4 octobre 2025, une double frappe russe sur une gare ferroviaire à Shostka a tué une personne et blessé 30 autres. Cette tactique, considérée comme un crime de guerre par le droit international humanitaire, vise à maximiser les pertes civiles et à terroriser les équipes de secours. Lorsque les ambulances et les pompiers hésitent à intervenir par peur d’une seconde frappe, les blessés meurent faute de soins, et les incendies se propagent sans être combattus.
Dans la région de Kherson contrôlée par la Russie, des tirs d’artillerie ukrainiens ont tué deux adultes et un enfant de 10 ans selon le gouverneur installé par la Russie, Vladimir Saldo. Dans la région de Sumy, des frappes russes ont tué un homme de 38 ans et blessé quatre autres. Au moins huit personnes ont été blessées dans les régions de Dnipro et Kharkiv en raison d’assauts russes. Ces chiffres quotidiens — quelques morts ici, quelques blessés là — s’accumulent jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, jusqu’à ce que le total devienne presque incompréhensible. Chaque vie perdue est une tragédie, mais lorsque les morts se comptent par milliers, nous cessons de les voir comme des individus et commençons à les traiter comme des statistiques.
La stratégie russe : attrition et terreur

Les assauts mécanisés suicidaires
La Russie a repris ses assauts mécanisés à grande échelle en octobre 2025, après avoir largement abandonné cette tactique à la fin de 2024 en raison de pertes catastrophiques. Les 6, 9 et 13 octobre, des colonnes russes composées de dizaines de chars et de véhicules blindés ont foncé vers les positions ukrainiennes autour de Dobropillia. Toutes ont été repoussées avec des pertes massives. Le 16 octobre, une colonne de 22 véhicules blindés comprenant 11 chars et véhicules de combat d’infanterie a tenté de percer près de Volodymyrivka et Shakhove. Les forces ukrainiennes ont détruit 9 véhicules blindés et en ont endommagé 4, selon un analyste OSINT. Un autre analyste a noté que c’était la quatrième assaut mécanisé en un mois dans ce secteur — une fréquence alarmante qui suggère que les Russes sont prêts à accepter des pertes massives pour tenter des percées.
Ces assauts mécanisés semblent être menés pendant des conditions météorologiques pluvieuses et brumeuses, lorsque les opérations de drones ukrainiens sont compliquées. Un blogueur militaire russe a affirmé que les forces russes attaquant Pokrovsk mènent des assauts parallèles pour se couvrir mutuellement, ajuster les tirs d’artillerie et lancer des drones tactiques. Ils prétendent exploiter le mauvais temps, la guerre électronique et les frappes contre les opérateurs de drones ukrainiens pour avancer. Mais malgré ces tactiques, les résultats restent maigres : quelques centaines de mètres gagnés, au prix de centaines de morts et de dizaines de véhicules détruits. C’est une stratégie qui n’a de sens que si l’on considère les soldats russes comme une ressource jetable, une monnaie d’échange pour des gains territoriaux insignifiants.
La guerre électronique et les drones
La Russie investit massivement dans la guerre électronique pour contrer la supériorité ukrainienne en matière de drones. Des systèmes de brouillage portables alimentés par intelligence artificielle sont déployés le long du front, perturbant les communications entre les drones ukrainiens et leurs opérateurs. Ces systèmes forcent parfois les drones à s’écraser ou à retourner automatiquement vers leur point de départ, réduisant l’efficacité des attaques. La Russie a également développé des unités de drones d’élite comme Rubicon, qui causent des ravages sur les forces ukrainiennes en utilisant des drones FPV guidés avec précision pour frapper des véhicules, des positions fortifiées et des concentrations de troupes.
Mais l’Ukraine riposte avec ses propres innovations. Les drones intercepteurs ukrainiens comme le Sting chassent les Shahed russes en plein vol, les détruisant par collision cinétique ou explosion de proximité. Les forces ukrainiennes ont également développé des zones de destruction de drones de 12 kilomètres autour de points stratégiques comme Pokrovsk, où chaque véhicule, moto ou soldat russe fait face à une élimination quasi certaine. Cette guerre de drones évolue à une vitesse vertigineuse : ce qui fonctionne aujourd’hui est obsolète demain, et les deux camps doivent constamment innover pour survivre. C’est une course technologique sans fin, alimentée par le sang et l’urgence.
L’objectif politique : prendre Donetsk avant l’hiver
Le président Zelensky a déclaré cette semaine que la Russie vise à s’emparer de l’intégralité de la région de Donetsk cet automne, dont environ un quart reste sous contrôle ukrainien. La ville de Pokrovsk, autrefois peuplée de 60 000 résidents, a résisté à la fois aux attaques directes et aux manœuvres d’encerclement depuis Dobropillia au nord. Le commandant en chef ukrainien Syrskyi a déclaré que la contre-offensive ukrainienne à Dobropillia a repris 181 kilomètres carrés de territoire depuis fin août, infligeant 12 000 victimes russes, dont 1 000 morts, perturbant les plans russes de prendre Donetsk cet automne.
Zelensky a remarqué que les opérations ukrainiennes ont « perturbé tous les plans communiqués par les Russes, prétendant qu’ils prendraient soi-disant la plupart du Donbass d’ici novembre ». Initialement, ils visaient septembre, mais ont ensuite repoussé le calendrier à novembre. La détermination russe à capturer Donetsk se manifeste par le retour aux assauts mécanisés à pertes élevées les 6, 9 et 13 octobre, comme l’a noté l’Institut pour l’étude de la guerre, qui a observé que la Russie avait précédemment réduit ses assauts mécanisés renforcés à la fin de 2024. Tous trois les attaques étaient dirigées vers Dobropillia et ont été repoussées avec des pertes importantes. Cet acharnement suggère que Poutine a fixé un objectif politique — capturer Donetsk avant l’hiver — et que ses généraux jettent des hommes et des machines dans le hachoir pour tenter de l’atteindre, quelles que soient les pertes.
Conclusion

Une guerre sans fin visible
Cent vingt-huit combats en 24 heures. Ce n’est pas une exception, c’est la norme. Chaque jour depuis plus de trois ans et demi, des hommes s’affrontent le long d’un front de mille kilomètres, se tuant mutuellement pour des gains mesurés en mètres, parfois en centaines de mètres si la journée est bonne. Les chiffres du 17 octobre 2025 — 109 frappes aériennes, 268 bombes guidées, 6 024 drones kamikazes, 4 941 bombardements d’artillerie — ne sont pas des anomalies. Ce sont les paramètres quotidiens d’une guerre totale qui consume des vies, des villages, des nations entières sans montrer le moindre signe de ralentissement. Plus d’un million de soldats russes hors de combat, des centaines de milliers d’Ukrainiens tués ou blessés, des dizaines de milliers de civils massacrés. Et pour quoi ? Pour quelques kilomètres carrés de terre brûlée, pour des villes réduites en gravats, pour des victoires qui sonnent creux même lorsqu’elles sont proclamées.
La Russie avance, c’est vrai. Elle a gagné 226 miles carrés entre août et septembre 2025, un gain qui semble impressionnant jusqu’à ce qu’on réalise qu’à ce rythme, il faudra cinq ans pour capturer le reste du Donetsk et plus d’un siècle pour occuper toute l’Ukraine. Ces calculs absurdes révèlent la futilité stratégique de l’offensive russe : Moscou dépense des dizaines de milliers de vies chaque mois pour des gains territoriaux qui ne changent rien à l’équation fondamentale de la guerre. L’Ukraine ne peut pas vaincre la Russie militairement — elle n’a ni la population ni les ressources industrielles. Mais la Russie ne peut pas non plus conquérir l’Ukraine — chaque avancée coûte trop cher, chaque victoire est une défaite déguisée. C’est une guerre d’attrition pure, où les deux camps s’épuisent mutuellement dans l’espoir que l’autre craquera en premier. Et pendant ce temps, les morts s’accumulent, les villes brûlent, et le monde regarde en haussant les épaules.
L’hiver approche, et avec lui l’incertitude
L’hiver 2025-2026 sera le quatrième hiver de cette guerre. Les Russes intensifient leurs attaques maintenant, en octobre, parce qu’ils savent que l’hiver ralentira les opérations offensives. Le sol gelé rendra certaines avancées plus faciles — les véhicules ne s’enliseront plus dans la boue — mais les conditions météorologiques limiteront la visibilité, compliqueront la logistique, rendront la vie en tranchée encore plus insupportable qu’elle ne l’est déjà. Les frappes russes sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes visent à plonger le pays dans le froid et l’obscurité, espérant que la population civile, gelée et terrifiée, forcera son gouvernement à négocier. Mais trois hivers précédents ont prouvé que cette stratégie ne fonctionne pas — les Ukrainiens tiennent, malgré tout.
Le président américain Donald Trump a appelé à plusieurs reprises à un gel des combats le long des lignes actuelles, mais ni Moscou ni Kyiv ne semblent intéressés par cette proposition. La Russie veut consolider ses gains territoriaux avant l’hiver, et l’Ukraine refuse d’accepter la perte de 20 % de son territoire. Les pourparlers de paix restent bloqués sur des questions fondamentales : sécurité garanties pour l’Ukraine, statut des territoires occupés, reconstruction, réparations. Et pendant que les diplomates discutent, les soldats meurent. Cent vingt-huit combats en 24 heures. Et demain, ce sera probablement autant. Et après-demain aussi. Jusqu’à ce que quelque chose cède — mais personne ne sait quoi, ni quand.