Chronique : Poutine annonce 10 000 encerclés, l’étau se resserre sur le front ukrainien
Auteur: Maxime Marquette
Selon le Kremlin, la situation est simple et catastrophique pour l’Ukraine. Cinq mille soldats ukrainiens entourés près de Kupyansk, une ville de Kharkiv à 100 kilomètres à l’est de Kharkiv. Cinq mille cinq cents encerclés à Krasnoarmeysk, ce qui signifie en territoire de Pokrovsk, actuellement contrôlé par l’Ukraine. Les Russes auraient traversé l’Oskol — une rivière stratégique — coupant les voies de ravitaillement. Ils auraient isolé les positions ukrainiennes. Créé des poches — des « caldrons » en terminologie militaire — d’où s’échapper est devenu mathématiquement impossible. Peskov, le porte-parole du Kremlin, a précisé les détails avec une précision suspecte. Trente et un bataillons. Quatre cents officiers de haut niveau. Des chiffres qui sonnent vrais parce qu’ils sont précis. Mais la précision n’est pas le contraire du mensonge. La précision peut être sa meilleure amie. Vous pouvez mentir avec des chiffres exacts. Et cela reste un mensonge. Poutine a même ordonné à ses généraux de faciliter les redditions tout en minimisant les pertes. Du théâtre humanitaire. Une mise en scène parfaite. Parce que capitulation c’est victoire. Même si le vrai chiffre d’encerclés est bien inférieur à 10 000.
La contre-affirmation ukrainienne : le déni systématique
L’État-major général des forces armées ukrainiennes a répondu le 25 octobre en fin d’après-midi. Pas d’encerclement total. Pas 10 000 soldats piégés. Une situation tendue, oui. Des combats urbains à Pokrovsk, oui. Environ 200 soldats russes infiltrés dans la ville même. Des combats de rue. Des drones en action. Mais une encirclement complet ? Non. Jamais. L’État-major ukrainien a même boasté avoir libéré neuf villages depuis le 21 août. Avoir repris du terrain. Avoir contre-attaqué. Et sur ce point, les données indépendantes les soutiennent. L’Ukrainian Center for Defense Strategies, une institution de recherche sérieuse, confirme que l’Ukraine a repris plusieurs villages et consolidé des positions près de Pokrovsk. Donc il y a une profonde contradiction. Ou la Russie fabule sur l’encerclement. Ou l’Ukraine minimise la menace. Ou — et c’est probablement ça — les deux ont raison partiellement. Un encerclement partiel, en cours, pas encore complété. Une situation instable. Fluidé. Chaotique.
Le chaos stratégique autour de Pokrovsk
TrenchArt, une source analytique fiable, a offert une image infiniment plus nuancée. Le chaos règne autour de Pokrovsk. Les Russes essaient de fermer une tenaille. Les Ukrainiens essaient de fermer une tenaille inverse autour des troupes russes. Deux pincers se ferment simultanément. Deux encerclement s’opposent. C’est une danse mortelle. Asymétrique. Imprévisible. La 225e et la 425e brigade d’assaut ukrainiennes avaient la capacité de compléter un encerclement de troupes russes le week-end du 25 octobre. Mais elles ont cessé leurs contre-attaques. Pourquoi ? Pour « assurer la stabilité des flancs ». Translation : elles avaient peur que leurs propres flancs soient pris à revers. Elles se sont retenues. Parce que la situation était trop dangereuse. Trop incertaine. L’équilibre des forces reste flou, selon TrenchArt. Les Russes peuvent fermer leur pincer. Mais pas sans risque majeur. L’Ukraine peut briser l’encerclement. Mais pas sans sacrifice énorme. Nous sommes dans du brouillard stratégique total. Les cartes que vous voyez en ligne ? Elles sont obsolètes en heures. Les affirmations de chaque camp ? Elles exagèrent ou minimisent selon le public.
L'Oskol traversée : un tournant tactique ou du théâtre de victoire ?
Les Russes ont franchi l’Oskol. C’est un fait qui semble confirmé. L’Economist rapporte que des troupes russes ont atteint et franchi cette rivière stratégique, coupant les lignes de communication directes pour certaines positions ukrainiennes. Cela signifie quoi tactiquement ? Cela signifie que le ravitaillement par la route devient plus difficile. Que les renforts doivent contourner. Que la vulnérabilité augmente. Mais cela signifie-t-il encerclement complet ? Non. Pas nécessairement. Les armées modernes n’ont pas besoin de routes directes. Elles utilisent des hélicoptères. Des convois aériens. Des sauts par parachute. Les drones assurent la logistique. Donc même si l’Oskol a été traversée, et même si la route principale est coupée, les troupes ukrainiennes ne sont pas nécessairement isolées. Elles sont stressées. Vulnérables. Mais vivantes. Communicantes. Ravitaillées. Capables de se battre. Poutine a présenté cela comme une victoire majeure, un tournant dans la phase décisive de la guerre. Mais les généraux savent que franchir une rivière en combat, c’est juste franchir une rivière. Ce n’est pas encore une encerclement. Ce n’est pas encore une victoire. Ça ne le devient que si vous complétez le mouvement.
Volchansk 70 % libérée : l’équation qui ne s’ajoute pas
Peskov a mentionné que Volchansk était « 70 % libérée ». L’idiome russe pour « contrôlée ». Mais d’après les sources ukrainiennes et les images satellites, Volchansk est une ruine. Une ville rasée. Presque vidé de civils. Les Russes ont fait des gains, oui. Mais à quel prix ? Le Kyiv Post rapporte que Volchansk est quasiment un champ de morts. Que les civils sont partis. Que les combats urbains tuent indistinctement. Donc oui, techniquement, 70 % pourraient être « libérées ». Mais qu’est-ce que ça signifie au juste ? Que 70 % des ruines ont été occupées ? Que 70 % de la population morte ou refugiée a été retrouvée sous les décombres ? Les chiffres de « libération » russes sont déconnectés de la réalité. Yampol « libéré ». Volchansk « libéré à 70 % ». Et pendant ce temps, les contre-offensives ukrainiennes reconquièrent villages après villages. Donc qui avance réellement ? Personne. Tout le monde avance par endroits, recule par d’autres. C’est de l’enlisement. De l’attrition. Une guerre de positions contre-positions. Pas une « libération » au sens poutinien.
Les 31 bataillons : chiffres ou fanfaronnade militaire ?
Trente et un bataillons ukrainiens encerclés. Le chiffre est spécifique. Terrifiant à première lecture. Mais qu’est-ce qu’un « bataillon » dans cette guerre ? Normalement, un bataillon compte 600 à 1 000 soldats. Donc 31 bataillons, ce serait 18 600 à 31 000 hommes. Mais l’Ukraine a déployé une politique de « bataillons réduits ». Des unités de 200 à 400 hommes appelées bataillons. Donc 31 bataillons réduits, ce n’est peut-être que 6 200 à 12 400 hommes. Et le Kremlin en annonce 10 500. Les chiffres s’alignent presque. Presque. Mais l’imprécision demeure. Personne ne sait vraiment. Les généraux russes envoient des rapports gonflés au Kremlin. Le Kremlin en gonfle encore une couche pour Poutine. Poutine en gonfle une dernière pour les caméras. C’est le jeu du téléphone russe. À l’arrivée, on a des affirmations où la confiance est zéro. L’Institute for the Study of War, une source très crédible, ne confirme pas ces chiffres. Elle note juste qu’une situation « tendue » existe à Pokrovsk. Qu’une encirclement partielle est possible. Mais que rien n’est assuré. Que tout bouge. Que les affirmations catégoriques sont suspectes.
Le doute méthodique comme seule certitude
Voilà ce que je constate en octobre 2025. Le doute méthodique est devenu la seule certitude. Poutine annonce 10 000 encerclés avec une précision surhumaine. L’Ukraine dit non, on tient bon, on avance ailleurs. Et les observateurs indépendants disent : « Peut-être, mais on ne sait pas. » Cette impossibilité à vérifier, c’est le brouillard de la guerre. Et dans ce brouillard, Poutine navigue avec la propagande. Il annonce la victoire alors que rien n’est décidé. Il se montre magnanimé — ordonnant de traiter les capitulards avec honneur — alors que ses unités tuent des prisonniers. Il parle de « libérations » et de « phases décisives » alors que la Russie perd 300 à 500 hommes par jour pour des gains mesurant en kilomètres parfois moins d’un. Le General Arsen Dimitrik, officier ukrainien d’élite, a déclaré que les Russes avaient perdu environ 10 000 soldats depuis août dans le secteur de Pokrovsk seul. Dix mille. Pour gagner des villages? Pour créer une encirclement non confirmée? L’asymétrie est grotesque.
Les redditions massives rapportées : illusion ou réalité ?
Depuis septembre 2025, des vidéos circulent de soldats russes se rendant en masse. Des canaux Telegram ukrainiens les documentent. Des formations entières qui capitulent. Des cas où entre 30 et 50 soldats russes se rendent simultanément. Pourquoi ? Parce qu’ils sont encerclés ? Oui. Parce qu’ils sont démoralisés ? Clairement. Parce qu’ils réalisent qu’ils ne peuvent pas gagner ? Absolument. Une vidéo publiée par Kanal13 montre que les Russes en poche ont perdu 50 chars et véhicules blindés en une seule semaine. Que leur nombre est passé de « des centaines » à « moins de 100 ». Que les prédictions d’une capitulation complète sont imminentes. Mais Poutine, lui, parle encore de phases décisives. De victoires. De progrès. Il vit dans une réalité alternative. Ou il ment délibérément à son peuple. L’Ukraine, elle, admet les difficultés. Elle reconnaît que le front est tendu. Mais elle jure aussi qu’elle tient. Qu’elle contre-attaque. Qu’elle reprend du terrain. Les données indépendantes semblent la soutenir sur ce dernier point. Les contre-offensives ukrainiennes ont libéré des villages que la Russie prétendait contrôler.
La chaîne logistique russe fragile
Ce qui devient évident, c’est que la chaîne logistique russe est fragile. Les Ukrainiens, avec leurs drones, leurs missiles longue portée ATACMS, leurs frappes intelligentes sur les dépôts de munitions russes, créent des goulots. La Russie doit acheminer des fournitures sur des centaines de kilomètres. Traverser des zones de combat actives. Contourner les obstacles. Passer par des routes constamment bombardées. Les Russes prétendent avoir l’avantage. Mais l’avantage logistique, c’est l’Ukraine qui commence à l’avoir. Parce qu’elle se bat défensivement. Qu’elle n’a pas besoin d’étirer les lignes logistiques aussi loin. Que ses munitions arrivent plus vite. Que ses renforts accèdent plus facilement. Donc même si Pokrovsk est « encerclée » partiellement, l’encerclement peut être brisé parce que les lignes ukrainiennes arrivent à pénétrer. Et les encerclés, eux, russes, dans leurs poches, savent qu’ils ont un temps limité. Qu’il faut tenir. Ou se rendre.
Conclusion
Poutine brandit l’annonce de 10 000 encerclés. C’est une arme informationnelle. Un coup de théâtre destiné à démoraliser l’Ukraine, impressionner la Russie domestique, intimider l’Occident. Mais la réalité sur le terrain ? Beaucoup plus compliquée. Beaucoup plus grise. Beaucoup moins victoire, beaucoup plus attrition. L’Ukraine tient à Pokrovsk. Elle est vulnérable. Certes. Mais elle ne tombe pas. Elle ne capitule pas. Elle contre-attaque. Elle reprend du terrain. Les chiffres de pertes russes suggèrent que Moscou paye un prix terrifiément élevé pour des gains symboliques. Dix mille encerclés ? Peut-être. Dix mille soldats russes morts pour créer ces encerclements ? Probablement. Et à ce rythme, la Russie n’a pas assez de soldats. Pas assez de motivation. Pas assez de patience. Le front se stabilise. L’attrition favorise l’Ukraine sur le long terme. Poutine le sait. Donc il annonce des victoires avant qu’elles ne se concrétisent. Il met en scène sa propre mort psychologique. Et espère que personne ne remarque.
Encadré de transparence du chroniqueur
Je ne suis pas journaliste, mais chroniqueur, je suis analyste, observateur des annonces militaires russes et des dynamiques opérationnelles qui définissent le conflit ukrainien. Mon travail consiste à décortiquer les affirmations du Kremlin, à les confronter aux données indépendantes, à distinguer la propagande de la tactique militaire réelle. Je ne prétends pas à l’objectivité froide du journalisme traditionnel. Je prétends à la lucidité, à l’analyse critique, à la compréhension profonde de la manipulation informationnelle qui façonne la guerre moderne.
Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et commentaires interprétatifs. Les informations factuelles présentées dans cet article proviennent de sources officielles et vérifiables, notamment la déclaration du porte-parole du Kremlin Dmitry Peskov du 25 octobre 2025 concernant les annonces de Poutine, les réponses de l’État-major général des forces armées ukrainiennes publiées le 25 octobre 2025, les analyses de l’Institute for the Study of War datées d’octobre 2025, les rapports de l’Ukrainian Center for Defense Strategies, les articles de The Economist, du Kyiv Post, de TrenchArt et d’autres sources analytiques indépendantes, les rapports d’agences de presse internationales reconnues telles que Reuters, BBC, CNN, France 24, Le Monde, ainsi que les données compilées par des militants de la documentation militaire comme Kanal13. Les statistiques concernant les pertes russes rapportées par les officiers militaires ukrainiens, les chiffres de bataillons encerclés et les positions géographiques proviennent de publications officielles du ministère de la Défense ukrainien et de rapports de renseignement.
Les analyses et interprétations contextuelles présentées dans les sections analytiques de cet article représentent une synthèse critique basée sur la comparaison des affirmations russes et ukrainiennes avec les données indépendantes disponibles. Mon rôle est d’interpréter ces affirmations contradictoires, de contextualiser la situation militaire réelle, et de décortiquer les stratégies de communication militaire employées par le Kremlin. Toute clarification ultérieure de la situation réelle sur le terrain — confirmation ou infirmation des encerclements — pourrait modifier les perspectives présentées ici. Cet article sera mis à jour si de nouvelles données vérifiables majeures du terrain opérationnel sont publiées par des sources indépendantes ou officielles vérifiables.