Chronique : Bill Gates trahit le climat, le philanthrope choisit la maladie sur le réchauffement
Auteur: Kevin Marcoux 
    De «Climate Disaster» au « Everything’s Fine »
En 2021, Bill Gates a écrit un livre entier intitulé «How to Avoid a Climate Disaster» — comment éviter la catastrophe climatique. Il y exposait sa vision: le monde doit atteindre zéro émission nette pour survivre. Il y détaillait l’urgence, la menace existentielle, le besoin de transformation totale de l’économie mondiale. Il fondait Breakthrough Energy. Il investait. Il parlait. Il alarmait. Et puis en 2023, il écrivait un essai sur Breakthrough Energy affirmant que le changement climatique était «overwhelming» — accablant — et nécessitait une réponse «sans précédent».
Quatre ans plus tard, en octobre 2025 — quatre années! — Bill Gates se réveille et dit, en essense: «En fait, c’est pas si mal. Oui, le climat se réchauffe, mais l’humanité survivra. Les projections d’émissions ont baissé. L’innovation va sauver le jour. Oubliez l’alarme, concentrez-vous sur les vrais problèmes: la maladie, la pauvreté.» C’est quoi, cette volte-face? C’est quoi, cette incohérence flagrante entre le messager d’hier et le sage prudent d’aujourd’hui? Aucun scientifique majeur n’a changé d’avis entre 2021 et 2025 — au contraire, les prévisions se sont *aggravées*. Donc pourquoi Bill Gates change-t-il?
Le timing suspect: Trump, USAID, et la capitulation nécessaire
Regardez le contexte. En mars 2025, Breakthrough Energy a fermé son groupe de politique climatique. En mai 2025, Gates a annoncé qu’il réduisait les activités de sa fondation. Et maintenant, octobre 2025, il publie ce mémo. L’administration Trump a déjà annoncé des coupes drastiques à USAID — l’agence d’aide étrangère que la Gates Foundation soutient. Trump a aussi désigné des climatosceptiques à des postes clés. Et voilà comment un milliardaire «s’adapte» au nouvel environnement politique: il pivote, il adoucit, il dit aux militantes climatiques d’être moins alarmistes.
David Callahan, éditeur d’Inside Philanthropy cité par The New York Times et d’autres sources, a explicitement noté que Gates pourrait «essayer de se repositionner vers le centre pour éviter de devenir une cible de l’administration Trump». C’est dire. En essense, le message de Gates ne vient pas d’une reconsidération intellectuelle — il vient d’une recalibraton stratégique face au pouvoir politique. Gates explique que son pivot vers la santé et la pauvreté est nécessaire car les budgets fédéraux américains se contractent. Mais qui a causé cette contraction? Trump. Et Gates l’accepte, plutôt que de la combattre. C’est une capitulation molle, une reddition sans combattre.
Les contradictions qui hurlent
 
    «Je choisirais 0.1 degré de plus pour éliminer le paludisme»
Cette phrase unique résume tout l’absurdité du pivot de Gates. Lui-même avait écrit dans son livre que le climat «threatens all the progress we’ve made on health». Le climat menace tous les progrès en santé. Mais maintenant, il prétend pouvoir séparer les deux — sacrifier 0.1 degré de réchauffement pour la santé. C’est un faux choix, et Gates le sait. Selon les climatologues, chaque dixième de degré compte. Et selon les parasitologues, le changement climatique *expande l’habitat du paludisme* — donc en permettant plus de réchauffement, Gates permettrait au paludisme de s’étendre. C’est contradictoire sur le plan logique même.
Le climatologge Michael Mann, directeur du Centre Penn pour la Science, la Durabilité et les Médias, a rapidement répliqué selon The Independent et d’autres sources: «Bill Gates est profondément égaré sur le climat». Gates lui-même a dû préciser: «Si tu penses que le climat n’est pas important, tu ne seras pas d’accord. Si tu penses que le climat est la *seule* catastrophe apocalyptique, tu ne seras pas d’accord.» Mais voilà, c’est pas ça qu’il dit. Il dit que le climate n’est pas existentiel, que les gens vont survivre et prospérer. Ça, c’est un changement majeur.
L’innovation magique qui n’existe pas
Gates affirme que l’innovation va résoudre le problème climatique — énergie solaire bon marché, fusion nucléaire, géothermie. C’est… optimiste. Trop optimiste. Gates oublie que même si l’énergie propre se démocratise, le reste de l’économie produit toujours des émissions. L’agriculture, le transport, l’industrie manufacturière — ce ne sont pas simplement des problèmes d’énergie. Ce sont des transformations civilisationnelles. Et Gates reconnaît lui-même que nous ne pouvons pas atteindre l’objectif de 1.5 degré — «c’est presque inévitable» de selon les scientifiques que les humains vont dépasser ce seuil en 2028. Donc si l’innovation était vraiment la solution magique, pourquoi on l’a pas encore fait?
La réalité, c’est que l’innovation *seule* n’a jamais résolu aucun grand problème systémique. C’est l’innovation *plus* les changements politiques, les régulations, les incitations, la mobilisation sociale — tout ensemble. Gates semble oublier ça. Il met tout son pari sur la technologie, en ignorant la volonté politique. Et en ignorant aussi que son propre choix — de pivoter vers la santé plutôt que d’avancer sur le climat — *affaiblit* la mobilisation politique nécessaire pour forcer les gouvernements à agir.
Les conséquences: démoralisation stratégique
 
    Le timing parfait pour les climatosceptiques
Le mémo de Gates arrive à la veille de COP30 — le sommet climatique principal de cette année. Il arrive au moment où l’on a besoin de mouvance climatique forte pour montrer l’urgence, pour pousser les gouvernements à agir, pour construire le consensus. Au lieu de ça, le plus grand philanthrope climatique du monde publie un texte qui dit «en fait c’est pas si grave». Elon Musk a immédiatement tweeté son approbation selon The Independent. Donald Trump a revendiqué une victoire. Les climatosceptiques, qui attendaient une arme pour saper la mobilisation climatique, viennent de recevoir un cadeau emballé: le sceau d’approbation de Bill Gates.
C’est pas un hasard. C’est stratégique. Gates savait que son mémo serait utilisé pour affaiblir la position des pays demandant une action climatique plus agressive. Et il l’a publié quand même. Callahan a aussi noté — selon The New York Times — que la recherche montre que le langage alarmiste sur le climat n’est pas le plus efficace pour motiver l’action. Ce qui peut être intellectuellement correct devient une excuse pour abandonner le combat. «On était trop alarmiste, donc maintenant soyons pas assez alarmiste.» C’est pas un équilibre — c’est une excitation.
L’USAID et la vraie priorité: l’aide américaine, pas le climat
Gates a noté que les coupes à l’aide étrangère — particulièrement l’USAID qui perd 8 milliards de dollars annuels — représentent une menace plus immédiate que le changement climatique. Et techniquement, en termes de morts immédiates, il a raison. Mais voilà: Gates a le pouvoir de combattre *les deux*. Au lieu de ça, il accepte les coupes à USAID et pivote vers remplir le vide laissé par le gouvernement américain. C’est une capitulation déguisée en pragmatisme. Gates dit: «Trump coupe, donc je dois compenser.» Mais qui *force* Trump à ne pas couper? La mobilisation politique. Et qui affaiblit la mobilisation politique? Des déclarations comme celle de Gates qui disent que le climat n’est pas une catastrophe existentielle.
Gavi, la partenariat public-privé que Gates a aidé à fonder pour acquérir des vaccins, verra son financement réduit de 25% sur cinq ans, selon PBS Newshour et autres sources. Gates le reconnaît. Mais au lieu de combattre cette réduction, il la rationalise comme une opportunité de rediriger ses propres ressources. C’est la logique de la capitulation — «OK, c’est comme ça. Je vais m’adapter et remplir les vides.» Mais ça ne résout rien. Ça normalise juste les coupes.
Conclusion
 
    Bill Gates vient de briser quelque chose. Pas seulement sa propre cohérence — bien qu’il l’ait fait. Il a brisé une partie cruciale de la crédibilité de la mobilisation climatique: qu’un milliardaire puissant, qui a investi sa vie et sa fortune dans la lutte climatique, peut se réveiller un matin et dire «en fait, c’était pas si urgent». Ça envoie un message dévastateur — si même Bill Gates n’est pas vraiment préoccupé, pourquoi devrions-nous l’être? Cette capitulation molle, stratégiquement minutée, arrive au moment où nous en avons le moins besoin — juste avant COP30, juste pendant que Trump émascule l’aide américaine, juste quand la mobilisation climatique doit être plus forte, pas plus faible.
Je vais te dire la vérité crue — Bill Gates s’est mis à l’abri. Il dit: je vais continuer à investir dans l’énergie propre, mais je ne vais pas être le champion du sauvetage du climat. Je vais être le champion pragmatique de la santé et de la pauvreté. Et en faisant ça, il a livré une arme aux climatosceptiques, affaibli le mouvement climatique, et montré qu’aucune conviction n’est assez forte pour résister au vent politique. Ce n’est pas un pivot intelligent. C’est une trahison.
Encadré de transparence du chroniqueur
 
    Je ne suis pas journaliste, mais chroniqueur, je suis analyste, observateur des stratégies philanthropiques et politiques qui façonnent notre monde. Mon travail consiste à décortiquer les changements de position d’acteurs puissants, à comprendre les implications stratégiques de leurs pivots, à anticiper les conséquences pour les mouvements de justice climatique. Je ne prétends pas à l’objectivité froide du journalisme traditionnel. Je prétends à la lucidité critique, à l’analyse de ce qui se cache sous les annonces officielles.
Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et commentaires interprétatifs. Les informations factuelles présentées dans cet article proviennent de sources officielles et vérifiables, notamment le mémo de Bill Gates publié le 28 octobre 2025, ses déclarations lors d’entretien exclusif avec Andrew Ross Sorkin de CNBC, les rapports d’agences de presse internationales reconnues telles que Reuters, CNN, NBC News, PBS Newshour, The New York Times, CNBC, The Independent et CTV News. Les citations directes de Gates sont vérifiées dans ces sources datées du 28-29 octobre 2025. Les données sur les réductions budgétaires d’USAID et les coupes à Gavi proviennent des déclarations de Gates dans ces mêmes sources.
Les analyses et interprétations contextuelles — particulièrement concernant le timing politique, les stratégies philanthropiques, et les implications pour le mouvement climatique — représentent une synthèse critique basée sur les informations disponibles et les commentaires d’experts cités dans les sources consultées, incluant David Callahan d’Inside Philanthropy, Michael Mann du Penn Center for Science, et Kristie Ebi de l’Université de Washington. Mon rôle est d’interpréter ces faits, de les contextualiser, de révéler ce qui se cache stratégiquement derrière les déclarations officielles. Toute évolution ultérieure de la position de Gates pourrait modifier ces perspectives. Cet article sera mis à jour si de nouvelles déclarations majeures de Gates ou de réactions significatives d’experts climatiques sont publiées.
 
     
     
     
     
     
     
     
    