Chronique : 160 frappes sur l’or noir russe, l’Ukraine étrangle l’économie de guerre du Kremlin
Auteur: Kevin Marcoux
Six raffineries, deux terminaux, trois dépôts, neuf stations: le détail qui frappe
Maliuk ne se contente pas d’annoncer un chiffre abstrait. Il décompose. Selon Kyiv Independent, Kyiv Post, Caspian Post et European Conservative rapportant ses déclarations du 31 octobre, les 160 frappes incluent des cibles stratégiques précises. En septembre et octobre seuls — deux mois — l’Ukraine a frappé six raffineries pétrolières, responsables de transformer le pétrole brut en essence, diesel, kérosène. Six raffineries en deux mois, c’est une cadence industrielle de destruction. Ensuite — deux terminaux pétroliers, ces hubs logistiques massifs où le pétrole est stocké avant distribution. Puis — trois dépôts de carburant, les réserves tactiques qui alimentent les tanks, les camions militaires, l’aviation. Et enfin — neuf stations de pompage, les points névralgiques qui maintiennent la pression dans les pipelines, qui poussent le pétrole à travers des milliers de kilomètres de tuyaux.
Ces cibles ne sont pas choisies au hasard. Chaque frappe est planifiée pour maximiser l’impact économique et militaire. Une raffinerie détruite met des mois à être réparée — certaines ne rouvrent jamais complètement. Un terminal pétrolier brûlé coûte des centaines de millions de roubles à reconstruire. Un dépôt explosé prive l’armée russe de carburant immédiat pour ses opérations. Une station de pompage sabotée paralyse des sections entières de pipeline pendant des semaines. L’Ukraine ne frappe pas pour terroriser — elle frappe pour étrangler l’économie de guerre russe, pour couper les artères qui alimentent les tanks et les jets de Poutine.
Le résultat concret: 37% de capacité arrêtée, 20% de pénurie
Les conséquences ne sont pas théoriques. Selon Maliuk cité par Caspian Post, European Conservative, et RBC Ukraine, les frappes ukrainiennes ont forcé 37 pour cent de la capacité de raffinage russe à s’arrêter. Trente-sept pour cent. Cela représente des millions de barils par jour qui ne sont plus transformés en carburant utilisable. Carnegie Endowment, cité par ABC News dans une analyse du 31 octobre, estime que l’Ukraine a frappé 16 des 38 grandes raffineries russes — soit 42 pour cent de la capacité nominale. Certaines sources ukrainiennes citées par RBC Ukraine évoquent même une réduction de 90 pour cent de la production dans certains secteurs — un chiffre probablement exagéré pour l’ensemble de la Russie mais plausible pour certaines régions spécifiques.
La pénurie de carburant intérieur atteint 20 pour cent selon Maliuk. Vingt pour cent. Cela se traduit par des stations-service fermées, des files d’attente interminables, des prix qui explosent. 57 régions russes signalent des pénuries de carburant selon Kyiv Independent et Caspian Post. Cinquante-sept sur environ 85 régions administratives — c’est plus des deux tiers du pays. Le gouvernement russe, désespéré, a imposé une interdiction totale d’exportation d’essence jusqu’à la fin de l’année 2025 selon European Conservative et Reuters. C’est un aveu implicite — la Russie ne peut plus produire suffisamment de carburant pour alimenter à la fois son économie intérieure et ses exportations lucratives. L’Ukraine a réussi à transformer l’abondance énergétique russe en crise de pénurie.
Le pipeline Koltsevoy: le coup de grâce du 31 octobre
400 kilomètres d’artère militaire détruits en une nuit
Si les 160 frappes constituent une campagne, le 31 octobre 2025 marque le coup le plus spectaculaire. Selon la Diretorat du renseignement militaire ukrainien (HUR) rapporté par Kyiv Independent, United24media, Euronews, Caliber.az et toutes les sources internationales, l’Ukraine a détruit le pipeline Koltsevoy — un réseau de 400 kilomètres ravitaillant l’armée russe en carburant depuis les raffineries de Ryazan, Nizhny Novgorod et Moscou. Koltsevoy (signifiant «anneau» en russe) n’est pas un pipeline civil. C’est une infrastructure exclusivement militaire selon HUR, conçue pour acheminer essence, diesel et kérosène directement vers les bases militaires, les aérodromes, les dépôts de l’armée russe.
Dans la nuit du 31 octobre, des drones ukrainiens ont frappé simultanément les trois lignes principales du pipeline près du district de Ramensky, à environ 50 kilomètres au sud-est de Moscou selon HUR et Kyiv Independent. Trois explosions simultanées. Trois lignes détruites. «Le système anti-drones et la protection par gardes paramilitaires se sont révélés inefficaces,» proclame le communiqué HUR cité par Euronews et United24media. «Les trois lignes transportant essence, diesel et kérosène ont explosé simultanément et avec succès; le pipeline a été mis hors service.» Malgré les filets anti-drones, malgré la sécurité armée, malgré les systèmes de défense aérienne russes concentrés autour de Moscou — les drones ukrainiens ont pénétré, ont frappé, ont détruit.
Capacité annuelle: 3 millions de tonnes de kérosène, 2,8 de diesel, 1,6 d’essence
Les chiffres de capacité donnés par HUR sont vertigineux. Selon United24media, Caliber.az et Kyiv Independent, avant sa destruction, le pipeline Koltsevoy pouvait transporter annuellement jusqu’à 3 millions de tonnes de kérosène (carburant pour avions de chasse et hélicoptères), 2,8 millions de tonnes de diesel (carburant pour tanks, camions militaires, véhicules blindés), et 1,6 million de tonnes d’essence (carburant pour véhicules légers et générateurs). En tout — 7,4 millions de tonnes de carburant par an. C’est suffisant pour alimenter des dizaines de divisions, des centaines d’escadrons aériens, des milliers de convois logistiques.
Kyrylo Budanov, chef de HUR, cité par Kyiv Independent et United24media, a commenté avec une satisfaction à peine voilée: «En fait, nos frappes ont eu plus d’impact que les sanctions. C’est juste une vérité mathématique. Nous avons infligé beaucoup plus de dégâts directs à la Fédération de Russie par l’action directe que n’importe quels leviers économiques d’influence qui avaient été introduits sur eux jusqu’à présent.» Plus d’impact que les sanctions occidentales. C’est une affirmation audacieuse — mais les faits la soutiennent. Les sanctions ont réduit les revenus pétroliers russes, certes. Mais les drones ukrainiens ont physiquement détruit les raffineries, les pipelines, les infrastructures — des dégâts qui prennent des années à réparer et coûtent des milliards.
La campagne de drones: une innovation artisanale devenue arme stratégique
De 500 à 1000 kilomètres: l’évolution des drones ukrainiens
Comment l’Ukraine accomplit-elle ces frappes à 1 000 kilomètres derrière les lignes ennemies? La réponse réside dans une innovation militaire remarquable. Selon ABC News et Associated Press du 31 octobre, l’Ukraine a développé une capacité de drones de longue portée qui a évolué dramatiquement. Au début de la guerre, les drones ukrainiens atteignaient peut-être 300-400 kilomètres. En 2024, cette portée s’étendait à 500-600 kilomètres. Maintenant, en 2025, les drones ukrainiens volent régulièrement 1 000 kilomètres ou plus selon le commandant identifié sous le pseudonyme «Fidel» cité par ABC News.
«Les drones évoluent,» dit Fidel. «Au lieu de 500 kilomètres, maintenant 1 000. Trois facteurs: les drones, les hommes, la planification. Nous voulons un meilleur résultat. Pour nous, c’est une mission sacrée.» Ces drones ne sont pas des systèmes sophistiqués occidentaux. Ce sont des appareils artisanaux, construits dans des ateliers secrets répartis à travers l’Ukraine selon ABC News. Des composants civils — moteurs de modélisme, électronique commerciale, explosifs improvisés. Assemblés la nuit. Lancés depuis des pistes improvisées. Programmés pour voler bas, éviter les radars, suivre des corridors identifiés dans la défense aérienne russe. Le taux de succès est impressionnant — suffisamment pour que l’Ukraine maintienne une campagne soutenue depuis des mois.
Les corridors invisibles: comment les drones franchissent la défense russe
L’Ukraine a identifié ce qu’elle appelle des «corridors» — des passages à travers la défense aérienne russe qui permettent aux drones de pénétrer presque à volonté selon ABC News. Ces corridors exploitent les faiblesses de la défense: zones mal couvertes par radar, secteurs où les Pantsir anti-aériens ont été détruits (48 pour cent de la flotte Pantsir russe éliminée selon Maliuk cité par United24media et Caspian Post), angles morts créés par le terrain. Les drones volent bas — parfois seulement 50 mètres d’altitude — pour éviter la détection radar. Ils utilisent la navigation GPS combinée avec la reconnaissance terrain. Certains opèrent en essaims — si un drone est abattu, les autres continuent.
La Russie a tenté de répondre. Elle a déployé davantage de systèmes Pantsir. Elle a installé des filets anti-drones autour des raffineries. Elle a posté des gardes armés dans les installations pétrolières. Mais rien n’a arrêté la vague. La nuit du 31 octobre-1er novembre, la Russie a prétendu avoir intercepté 98 drones ukrainiens dans 10 régions selon Meduza cité par Kyiv Independent. Mais ces 98 ne représentaient qu’une fraction des drones lancés — d’autres ont franchi, ont frappé, ont détruit. La défense aérienne russe est saturée, incapable de protéger simultanément des centaines de cibles stratégiques réparties sur des milliers de kilomètres carrés.
L'impact économique et militaire: étranglement progressif du Kremlin
90% du budget militaire russe provient du pétrole
Pourquoi l’Ukraine concentre-t-elle tant d’efforts sur les raffineries pétrolières? Parce que le pétrole est le cœur de l’économie de guerre russe. Selon Maliuk cité par Kyiv Independent, RBC Ukraine et European Conservative, 90 pour cent du budget du ministère de la Défense russe provient des revenus pétroliers. Quatre-vingt-dix pour cent. Cela signifie que chaque baril de pétrole non raffiné est un missile non acheté, un soldat non payé, un char non produit. La Russie ne dispose pas d’une économie diversifiée capable de compenser la perte de revenus pétroliers. Elle dépend structurellement de l’exportation d’hydrocarbures pour financer sa machine militaire.
Zelensky lui-même avait déclaré en octobre que les frappes ukrainiennes avaient réduit la capacité de raffinage et de production de carburant russe de 20 à 27 pour cent selon Kyiv Post. Vingt-sept pour cent. Carnegie Endowment, cité par ABC News, estime que l’impact réel a été «sérieux mais pas paralysant» — la plupart des raffineries redémarrent dans les semaines suivant une frappe, la Russie dispose de capacité de raffinage excédentaire et de stocks de carburant. Mais même une réduction de 20 pour cent représente des dizaines de milliards de roubles de pertes. Cela force Moscou à rationner le carburant, à interdire les exportations, à détourner les ressources de l’économie civile vers l’armée.
Les pénuries russes: 57 régions affectées, interdiction d’exportation
Les symptômes de l’étranglement sont visibles partout en Russie. Selon Caspian Post, European Conservative et Kyiv Independent, 57 régions russes rapportent des pénuries de carburant en octobre 2025. Des stations-service ferment faute d’approvisionnement. Les prix à la pompe explosent — certaines régions voient des hausses de 30 à 50 pour cent en quelques mois selon les rapports médiatiques russes cités par diverses sources. Les files d’attente s’allongent. Les transporteurs routiers réduisent leurs opérations. Les agriculteurs se plaignent de ne pas pouvoir obtenir de diesel pour les récoltes.
Face à cette crise, Moscou a pris une mesure drastique: interdiction totale d’exportation d’essence jusqu’à la fin 2025 selon European Conservative, Reuters et Kyiv Independent. C’est un aveu d’échec. La Russie, qui exportait des millions de tonnes de produits pétroliers raffinés pour générer des revenus en devises étrangères, doit maintenant tout garder pour sa consommation intérieure. Les revenus d’exportation s’effondrent. Les partenaires commerciaux cherchent des fournisseurs alternatifs. La réputation de fiabilité énergétique de la Russie — déjà ternie par les sanctions occidentales — s’effrite davantage.
Conclusion
Cent soixante frappes. 37 pour cent de capacité de raffinage arrêtée. 20 pour cent de pénurie de carburant intérieur. 57 régions affamées d’essence. Un pipeline militaire de 400 kilomètres détruit en une nuit. Ce ne sont pas des statistiques abstraites — ce sont les symptômes de l’étranglement progressif de la machine de guerre russe. L’Ukraine, qu’on croyait épuisée, acculée, défensive, a transformé des ateliers artisanaux en usines de drones stratégiques. Elle a transformé des composants civils en armes capables de voler 1 000 kilomètres. Elle a transformé l’invulnérabilité perçue de la Russie en vulnérabilité chronique.
Je vais te dire la vérité crue — chaque raffinerie qui brûle, chaque pipeline qui explose, chaque station de pompage qui s’effondre retire directement des capacités de Moscou pour poursuivre cette guerre. Les sanctions occidentales ont affaibli l’économie russe. Mais les drones ukrainiens détruisent physiquement l’infrastructure qui alimente les tanks, les jets, les missiles de Poutine. C’est une guerre économique menée avec une précision chirurgicale, une détermination implacable, une innovation remarquable. Et tant que l’Ukraine possède des ateliers secrets, des pilotes déterminés, des cibles pétrolières à frapper — cette campagne continuera. 160 frappes en 2025. Combien en 2026? Le Kremlin tremble déjà.
Encadré de transparence du chroniqueur
Je ne suis pas journaliste, mais chroniqueur, je suis analyste, observateur des dynamiques économiques et militaires qui façonnent l’issue des conflits modernes. Mon travail consiste à décortiquer les stratégies d’attrition économique, à comprendre comment les frappes ciblées sur l’infrastructure énergétique transforment les équilibres de guerre, à anticiper les conséquences à long terme de la destruction des capacités de raffinage pétrolier. Je ne prétends pas à l’objectivité froide du journalisme traditionnel. Je prétends à la lucidité, à l’analyse sincère, à la compréhension profonde de la guerre économique qui se déroule parallèlement aux combats frontaux.
Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et commentaires interprétatifs. Les informations factuelles présentées dans cet article proviennent de sources officielles et vérifiables, notamment les déclarations de Vasyl Maliuk, chef du Service de sécurité d’Ukraine (SBU), lors du briefing du 31 octobre 2025 avec le président Zelensky, les communiqués du Directorat du renseignement militaire ukrainien (HUR) concernant la destruction du pipeline Koltsevoy, ainsi que les rapports d’agences de presse internationales reconnues telles que Reuters, Kyiv Independent, Kyiv Post, United24media, Euronews, ABC News, Associated Press, BBC News, European Conservative, Caspian Post, Caliber.az, RBC Ukraine et les analyses de Carnegie Endowment. Les données de frappes, les chiffres de capacité de raffinage, et les statistiques de pénurie proviennent des déclarations officielles ukrainiennes du 31 octobre-1er novembre 2025.
Les analyses et interprétations contextuelles présentées dans les sections analytiques de cet article représentent une synthèse critique basée sur les informations disponibles et les commentaires d’experts cités dans les sources consultées, incluant Kyrylo Budanov (chef de HUR), les analyses de Carnegie Endowment sur l’impact des frappes pétrolières, et les évaluations d’analystes occidentaux. Mon rôle est d’interpréter ces faits, de les contextualiser, de leur donner un sens dans le grand récit de la guerre économique que l’Ukraine mène contre l’infrastructure énergétique russe. Toute évolution ultérieure de la situation pourrait modifier les perspectives présentées ici. Cet article sera mis à jour si de nouvelles informations officielles majeures sont publiées concernant les frappes pétrolières ou leurs conséquences économiques.