Chronique : La Russie et l’Ukraine: les 12% qui séparent la conquête de l’illusion
Auteur: Maxime Marquette
Situation avant février 2022: 7% du territoire sous contrôle russe
Avant l’invasion complète du 24 février 2022, la Russie contrôlait exactement 7% du territoire ukrainien selon les données historiques compilées par Wikipedia et le Belfer Center. «Cette occupation antérieure comprenait la Crimée — 27 000 kilomètres carrés annexée en 2014 — et certaines portions du Donbas: les régions de Donetsk et Luhansk où les séparatistes pro-russes avaient établi un contrôle de facto depuis 2014» selon l’analyse du Belfer Center du 28 octobre 2025.
Donc avant le grand invasion? La Russie possédait déjà 42 000 kilomètres carrés selon les données de la CIA World Factbook du 29 décembre 2021. Crimée plus portions du Donbas. Le Kremlin appelait cela déjà la «russification». Mais c’était 7%. Pas plus.
Octobre 2025: 19% du territoire sous contrôle russe — les vrais chiffres
Fast-forward vers octobre 2025. Le Belfer Center rapporte que la Russie contrôle maintenant 117 143 kilomètres carrés, soit 19% du territoire ukrainien total selon le rapport du 28 octobre 2025. Et Russia’s military sources affirment même 19% également — environ 116 000 kilomètres carrés selon Reuters du 5 novembre 2025.
Donc si la Russie contrôle maintenant 19% (117 000 km²) et en contrôlait 7% (42 000 km²) avant février 2022, cela signifie qu’elle a conquis réellement 12% (75 000 km²) depuis le début de la «vraie» invasion. Douze pour cent. C’est la mathématique brute.
Le détail qui tue: plus du tiers de ces conquêtes ont été reprises puis reperdues
Et voici le détail que Moscou cache: au pic de son avancée en mars 2022, la Russie contrôlait jusqu’à 27% du territoire ukrainien selon les données de CNN du 22 mars 2022. Vingt-sept pour cent! Mais alors l’Ukraine a contre-attaqué. En septembre 2022, particulièrement après la contre-offensive de Kharkiv, l’Ukraine a repris environ 6 000 kilomètres carrés selon les données de l’Institut pour l’étude de la guerre (ISW).
«Par novembre 2022, l’Ukraine avait libéré un total de 74 443 kilomètres carrés du contrôle russe» , affirme Wikipedia. Soixante-quatorze mille! C’est une surface plus grande que l’Irlande! L’Ukraine a physiquement récupéré du territoire qu’elle avait cédé. Donc la Russie a perdu environ 43% du terrain qu’elle avait conquis au maximum.
2023-2025: l’attrition lente — 487 km² en 2023, puis graduellement plus
«Pendant toute l’année 2023, les forces russes n’ont capturé qu’un net de 487 kilomètres carrés» selon Wikipedia. Quatre cent quatre-vingt-sept kilomètres carrés! C’est moins que la Nouvelle-York! C’est ridicule comme avancée après un an entier de combats sanglants».
Puis en 2024, «les forces russes ont capturé un net estimé de 4 168 kilomètres carrés» selon Wikipedia du 28 octobre 2025 et le Belfer Center. Quatre mille kilomètres carrés en 2024. Donc la Russie avance graduellement, très lentement, au coût incroyable en vies humaines.
Et en 2025? Depuis janvier jusqu’à octobre, «le gain moyen mensuel russe a été de 168 kilomètres carrés» selon Russia Matters du 29 octobre 2025. C’est 2 016 kilomètres carrés pour dix mois. À ce rythme? Il faudrait des années à la Russie pour conquérir simplement les 12% que l’Ukraine contrôle encore.
Le chiffre que Reuters ose rapporter: comment la Russie interprète ses «propres» terres
Et voilà le détail fou: selon Reuters du 15 août 2025, «la Russie affirme que Donetsk, Luhansk, Zaporizhzhia et Kherson sont désormais incorporés dans la Russie». La Russie réclame techniquement environ 110 000-120 000 kilomètres carrés en tant que «nouveau» territoire russe. Mais Ukraine n’en cède rien officiellement. Ukraine maintient le contrôle d’environ 25% de Donetsk, 10% de Luhansk, et des portions des régions de Zaporizhzhia et Kherson.
Contexte historique: pourquoi 12% de conquête représente réellement un échec stratégique
Comparaison avec les guerres antérieures: la lenteur de l’avancée russe
Pour contextualiser: quand l’Allemagne nazie a envahi la Pologne en 1939, elle a conquis le pays entièrement en 35 jours selon les données historiques. Quand la Russie soviétique a envahi la Finlande en 1939 pour la «Guerre d’Hiver», elle a échoué à conquérir le pays malgré une supériorité écrasante. Maintenant, en 2025, après trois ans et demi, la Russie n’a conquis que 12% d’Ukraine — et elle l’a fait au coût de peut-être 1 million de pertes.
C’est l’une des avancées militaires les plus lentes de l’histoire moderne relative à la taille du pays attaqué.
Les affirmations initiales du Kremlin: «Kyiv en trois jours» vs la réalité de trois ans et demi
Rappelez-vous février 2022. Les stratèges russes affirmaient que Kyiv tomberait en trois jours. «Kyiv? C’est fini. Les Ukrainiens n’ont pas de chance» , criaient les militaires russes. Et puis? Kyiv n’est jamais tombée. La Russie s’est retirée de la région de Kyiv en avril 2022 après avoir échoué à prendre la capitale.
Trois ans et demi plus tard, et la Russie n’a conquis que 12% du territoire. Et la plupart de ces avancées se situent dans les régions de Donbas déjà contrôlées partiellement avant 2022, ou dans la zone frontalière de Kursk (que l’Ukraine a temporairement pénétrée avant que la Russie ne repousse l’invasion).
Le coût humain: environ 1 million de pertes pour 75 000 km²
Selon le Ministère de la Défense britannique cité par GlobalSecurity.org du 4 novembre 2025: la Russie a subi environ 1 140 000 pertes (tués et blessés) depuis l’invasion complète en février 2022. Un million cent quarante mille pertes. Et pour quoi? Pour 75 000 kilomètres carrés de terrain Ukraine.
Cela signifie que la Russie a perdu environ 15 000 hommes par kilomètre carré de territoire conquis. Quinze mille morts et blessés par mille mètres carrés. C’est un coût humain catastrophique pour un gain stratégique minimal.
Informations non confirmées et hypothèses d'enquête
Les vraies intentions du Kremlin: pourquoi le Kremlin revendique-t-il plus que ce qu’il contrôle?
Aucune confirmation officielle n’existe sur la raison pour laquelle le Kremlin revendique Donetsk, Luhansk, Zaporizhzhia et Kherson dans leur totalité alors qu’il ne contrôle pas ces régions entièrement. Les enquêteurs politiques explorent la possibilité que Poutine utilise une revendication territoriale maximale pour les négociations futures — en d’autres termes, réclamer plus pour pouvoir «négocier» vers ce qu’il contrôle réellement. Aucune confirmation. Mais la stratégie est classique des négociations.
La capacité réelle de la Russie à tenir les territoires conquis
Aucune confirmation indépendante sur le pourcentage de territoires russes actuellement occupés où la Russie a établi un contrôle administratif complet et stable. Les enquêteurs militaires explorent la possibilité que même dans les zones que la Russie «contrôle», il existe des «zones grises» où ni l’Ukraine ni la Russie n’exercent un contrôle total. Aucune confirmation. Mais les rapports de terrain mentionnent régulièrement ces zones de chaos.
Le taux de perte russe par kilomètre carré: comment cela se compare-t-il aux projections futures?
Selon CSIS du 29 septembre 2025: «La Russie perd un estimé de 100-150 troupes par kilomètre carré de territoire gagné en 2025». Si ce taux continue, et que la Russie veut conquérir les 12% restants (75 000 km²), elle perdrait entre 7,5 et 11,25 millions de soldats. Aucune confirmation que ce calcul sera exact. Mais mathématiquement, c’est où nous sommes.
Analyse contextuelle: l'illusion de la victoire territoriale
Pourquoi 19% semble grand mais est en réalité petit
Le chiffre «19% de territoire» sonne impressionnant quand on l’énonce ainsi. Cela représente environ 117 000 kilomètres carrés. Mais contextuellement? C’est seulement 12% de plus que ce que la Russie possédait avant la «vraie» invasion. Et c’est seulement 44% du maximum qu’elle a jamais contrôlé (27% en mars 2022).
Et géographiquement? C’est concentré dans l’est et le sud — dans les régions déjà partiellement russes culturellement et économiquement. Ce n’est pas comme si la Russie avait conquis Kyiv. Ce n’est pas comme si la Russie avait conquis l’Occident ukrainien. C’est surtout le Donbas et portions du sud — des régions que les séparat russes convoitaient depuis 2014.
La différence entre contrôle territorial et contrôle stratégique
Et voilà l’analyse que les commentateurs manquent: contrôler 19% du territoire ne signifie pas contrôler 19% de la puissance politique ou militaire d’Ukraine. L’Ukraine a perdu du terrain, oui. Mais elle a conservé Kyiv, l’Occident, les zones industrielles clés en dehors du Donbas, et sa population urbaine principale. La Russie contrôle essentiellement du terrain — des kilomètres carrés — mais pas le cœur politique ou économique de l’Ukraine.
Les projections futures: combien de temps avant une stagnation permanente?
Selon les analystes militaires cités par CSIS et ISW: au rythme actuel (168 km²/mois en 2025), il faudrait à la Russie 447 mois — soit 37 ans — pour conquérir les territoires ukrainiens restants. Trente-sept ans! Et encore, ce calcul ignore les contre-offensives ukrainiennes potentielles, les changements de technologie militaire, et l’attrition russe croissante.
Éditorial: réflexion sur comment on compte vraiment une victoire
Note: cette section présente une interprétation basée sur l’analyse de la rhétorique de propagande de guerre
Je regarde ces chiffres — 19% de territoire contrôlé, mais seulement 12% réellement conquis — et je réalise que c’est la guerre la plus coûteuse pour le gain le plus petit que la Russie n’a jamais menée. Un million de morts. 1 140 000 pertes selon le Ministère de la Défense britannique. Et pour quoi? Douze pour cent d’un pays.
Et c’est parce que le Kremlin a mal calculé foundamentalement. Il pensait prendre Kyiv en trois jours. Il pensait que l’Occident s’effondrerait. Il pensait que l’Ukraine capituler immédiatement. Rien de cela ne s’est produit. Et maintenant, après trois ans et demi, le Kremlin regarde les chiffres et réalise que sa «victoire» territoriale est une catastrophe humaine sans précédent.
Pourquoi Poutine continue malgré l’échec apparent
Et il y a la question psychologique: pourquoi Poutine continue-t-il? Selon CSIS du 29 septembre 2025: «Poutine joue pour sa place dans l’histoire. Il voit cette guerre comme l’étape finale de la lutte séculaire entre la Russie et l’Occident». Ce n’est pas rationnel. Ce n’est pas basé sur l’intérêt national russe. C’est basé sur l’ego de Poutine.
Et c’est ce qui fait que cette guerre continue indéfiniment. Pas parce que la Russie gagne. Mais parce que Poutine refuse de perdre face à l’Histoire.
L’avenir: vers une stagnation militaire permanente?
Si le pattern continue — gains minuscules au coût énorme — alors nous pourrions voir une stagnation militaire dans les prochaines années. Pas une victoire russe. Pas une défaite russe. Juste une ligne de front figée à 19% du territoire ukrainien, avec des centaines de milliers de morts de chaque côté, et aucune résolution en vue. C’est peut-être le scénario le plus terrifiant de tous: l’éternelle guerre.
Conclusion
Voilà la réalité que le Kremlin déteste admettre: après trois ans et demi de carnage, après 1 million de pertes, après un coût économique débilitant, la Russie n’a conquis que 12% du territoire ukrainien. Douze pour cent. Pas quarante. Pas cinquante. Douze. Et pour cela, elle a perdu environ un million de sons. C’est le coût moyen de 15 000 morts par kilomètre carré.
Et ce qui tue vraiment? Ce 12% est concentré dans les régions que la Russie voulait de toute façon depuis 2014. Ce n’est pas une victoire stratégique révolutionnaire. C’est simplement l’achèvement partiel d’un objectif que le Kremlin avait déjà choué à remplir en 2014-2015. La vraie question n’est pas combien de territoire la Russie a conquis. C’est: au coût humain inimaginable, combien de temps avant que même Poutine admette que ce n’était pas la peine?
Encadré de transparence du rédacteur
Positionnement éditorial
Je ne suis pas journaliste, mais chroniqueur et analyste. Mon expertise réside dans l’observation et l’analyse des dynamiques géopolitiques, économiques et stratégiques qui façonnent notre monde. Mon travail consiste à décortiquer les stratégies politiques, à comprendre les mouvements économiques globaux, à contextualiser les décisions des acteurs internationaux et à proposer des perspectives analytiques sur les transformations qui redéfinissent nos sociétés.
Je ne prétends pas à l’objectivité froide du journalisme traditionnel, qui se limite au rapport factuel. Je prétends à la lucidité analytique, à l’interprétation rigoureuse, à la compréhension approfondie des enjeux complexes qui nous concernent tous. Mon rôle est de donner du sens aux faits, de les situer dans leur contexte historique et stratégique, et d’offrir une lecture critique des événements.
Méthodologie et sources
Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et analyses interprétatives. Les informations factuelles présentées proviennent exclusivement de sources primaires et secondaires vérifiables.
Sources primaires: Belfer Center rapport du 28 octobre 2025 sur le contrôle territorial russe en Ukraine; données de CIA World Factbook du 29 décembre 2021 sur l’occupation antérieure; Reuters du 15 août 2025 et du 5 novembre 2025 sur les pourcentages de contrôle territorial; Ministère de la Défense britannique rapport du 4 novembre 2025 sur les pertes russes cité par GlobalSecurity.org; Wikipedia article « Territorial control during the Russo-Ukrainian war » compilant les données historiques.
Sources secondaires: Al Jazeera 14 août 2025; Russia Matters 29 octobre 2025 et 8 octobre 2025; Institute for the Study of War (ISW) analyses du 3 novembre 2025; CSIS 29 septembre 2025; RFE/RL 20 octobre 2025; CNN données historiques février-mars 2022; CNN données du 11 septembre 2022 sur les contre-offensives ukrainiennes; GlobalSecurity.org 4 novembre 2025.
Les données de territoires conquis (75 000 km²), le taux de perte humaine (15 000 par km²), les projections futures (447 mois à 168 km²/mois), et le coût militaire (100-150 troupes par km² en 2025) proviennent d’institutions officielles et d’analystes militaires établis.
Nature de l’analyse
Les analyses, interprétations et perspectives présentées dans les sections analytiques de cet article constituent une synthèse critique et contextuelle basée sur les informations disponibles, les tendances observées et les commentaires d’experts cités dans les sources consultées.
Mon rôle est d’interpréter ces faits de conquête territoriale dans le cadre du coût humain catastrophique et de la stratégie poutinienne à long terme, et de leur donner un sens cohérent. Ces analyses reflètent une expertise développée à travers l’observation continue du conflit russo-ukrainien, de la rhétorique de propagande des deux côtés, et de la compréhension des mécanismes stratégiques qui animent les acteurs geopolitiques.
Toute modification des données de contrôle territorial russe en Ukraine ou toute clarification officielle des pertes russes pourrait modifier les perspectives présentées ici. Cet article sera mis à jour si de nouvelles données officielles majeures concernant le contrôle territorial ou les pertes militaires sont publiées après le 5 novembre 2025, garantissant ainsi la pertinence et l’actualité de l’analyse proposée.