Chronique : Pokrovsk sans encerclement? Le duel verbal entre Kyiv et Moscou sur la réalité du terrain
Auteur: Maxime Marquette
3-5 novembre 2025: l’État-major ukrainien nie systématiquement l’encerclement
Le Major Andrii Kovalov — le porte-parole officiel de l’État-major — répète un refrain identique chaque jour du 3 au 5 novembre 2025 selon les communiqués publiés sur Ukrainska Pravda, Ukrinform et Interfax Ukraine du 3-5 novembre. «À cet instant précis, il n’y a pas d’encerclement ou de blocus des villes dans l’agglomération urbaine Pokrovsk-Myrnohrad. De même, aucune des unités des Forces de Défense de l’Ukraine n’est encerclée», déclare Kovalov le 3 novembre selon Ukrinform.
Puis le 5 novembre, il double la mise: «Il n’y a pas d’encerclement de nos unités et formations» selon le rapport du Commandement Général du 5 novembre cité par UNN et Interfax Ukraine. «Des mesures sont prises pour bloquer l’ennemi qui essaie de s’infiltrer et de s’accumuler dans la ville de Pokrovsk». Et le détail révélateur? «Des opérations offensives de frappe et de reconnaissance sont en cours» — ce qui signifie que l’Ukraine n’est pas en position défensive passive.
Et puis les chiffres: «Au cours des 24 dernières heures, dans la zone de Pokrovsk, nos soldats ont éliminé 26 occupants, et 64 autres envahisseurs ont été blessés» selon le rapport de l’État-major du 5 novembre cité par Interfax Ukraine. «58 abris d’infanterie ennemis dans la ville et ses environs ont été détruits ou endommagés». Ces chiffres parlent d’une Ukraine qui non seulement défend, mais qui attaque.
4 novembre 2025: le Commandant en Chef Syrskyi double les dénégations
Et puis vient le Commandant en Chef des Forces armées Oleksandr Syrskyi — l’homme au sommet de la hiérarchie militaire ukrainienne. Le 1er novembre, il déclare officiellement: «Pokrovsk et le village adjacent Myrnohrad ne sont ni entourés ni bloqués» selon le rapport cité par CNN du 1er novembre. «Une opération complète pour éliminer les forces ennemies à Pokrovsk est en cours». Puis le 4 novembre, via son porte-parole: «Une opération complète est en cours pour détecter les forces ennemies dans le territoire urbain, les détruire et forcer les envahisseurs russes à sortir de Pokrovsk».
Et le langage devient agressif: «Mesures offensives. Actions coordonnées de tous les composantes de la défense et des forces de sécurité ukraiennes». Ce ne sont pas les paroles d’une armée encerclée. C’est le langage d’une armée qui contre-attaque.
5 novembre 2025: le Président Zelenskyy personnellement repousse les accusations russes
Et puis il y a Volodymyr Zelenskyy lui-même. Le 30 octobre, il déclare: «La situation à Pokrovsk est difficile. Mais il n’y a pas d’encerclement de Pokrovsk et les forces de défense continuent de tenir leurs positions» selon Anadolu Agency du 30 octobre. «Les Russes sont dans la ville. Les nôtres les détruisent, les détruisent peu à peu», affirme Zelenskyy avec une précision chirurgicale. «Parce que nous devons aussi protéger le personnel». C’est l’admission tacite que la situation est tactiquement délicate, mais stratégiquement tenable.
5 novembre 2025: le Ministère russe de la Défense réplique avec des affirmations inverses
Et puis vient la riposte russe — absolument différente, absolutement opposée. Le Ministère de la Défense russe déclare le 5 novembre selon Reuters du 5 novembre: «Les troupes ukrainiennes sont encerclées et devraient se rendre». «Les forces russes avancent dans Pokrovsk». «Il n’y a aucune chance de survie», répète le Ministère.
Mais remarquez la formulation exacte. «Encirclement opérationnel» — pas «encerclement tactique immédiat». Les Russes admettent tacitement qu’il n’y a pas encore de fermeture complète, mais plutôt une pression croissante.
Les chiffres de combat: qui gagne vraiment?
Selon l’État-major ukrainien du 5 novembre: 249 soldats russes tués depuis le début de la semaine, 159 losses «irrécupérables» (morts confirmés), 7 centres de commandement de drones détruits, 1 char détruit, 1 véhicule de combat blindé détruit, 26 véhicules selon Interfax Ukraine et UNN du 5 novembre. Et le détail catastrophique pour la Russie? «Le Groupe stratégique des opérations Skhid (Est) rapporte que depuis 19h00 le 4 novembre, les troupes russes ont lancé 27 tentatives pour déloger les défenseurs ukrainiens de leurs positions. Les forces de défense ont repoussé 23 attaques» selon RBC-Ukraine du 4 novembre.
Vingt-trois attaques repoussées sur vingt-sept tentées. C’est un taux d’échec russe de 85%. Cela ne ressemble pas à une armée gagnante.
Contexte historique: seize mois de siège sans fermeture
Février 2024: les Russes annoncent qu’ils vont encercler Pokrovsk en quelques semaines
Il y a presque deux ans — en février 2024 — les militaires russes proclamaient que Pokrovsk serait encerclée en quelques semaines selon les rapports de l’époque. La Russie avait une stratégie: avancer graduellement, fermer les portes, transformer la ville en forteresse-piège. Mais seize mois plus tard? La Russie n’a avancé que de 7 kilomètres dans la région de Pokrovsk depuis qu’elle a annoncé l’encerclement imminent, selon le chef du SBU (Service de Sécurité d’Ukraine) Vasyl Malyuk cité par Anadolu Agency du 30 octobre.
Sept kilomètres en seize mois. C’est à peu près 400 mètres par mois. C’est la lenteur de l’inévitabilité qui n’arrive jamais.
Octobre 2024: les blogueurs militaires russes commencent à crier « zone grise »
Un concept nouveau émerge des communautés militaires russes en octobre 2024: la «zone grise» selon les analystes du Conflict Intelligence Team cités par Le Monde et Reuters du 1er novembre 2025. C’est le territoire où ni la Russie ni l’Ukraine ne contrôle complètement. Où il existe une myriade de petits combats, une absence de vraie ligne de front, un chaos organisé. Et c’est exactement ce que devient Pokrovsk — pas encerclée, mais pas libre non plus. Juste grise.
Novembre 2025: l’opération de déblocage ukrainienne change le calcul
Et puis, vers le 31 octobre et le 1er novembre 2025, l’Ukraine lance son opération aéroportée à Pokrovsk selon les rapports du HUR (Renseignement militaire principal) publiés le 3-4 novembre. Des hélicoptères Blackhawk débarquent des forces spéciales. Des forces au sol percent un corridor pour les relier. Soudainement, la narrative change. L’Ukraine n’est pas assiégée. Elle ne attend pas. Elle attaque. Elle s’infilstre. Elle devient une épée enfoncée dans le ventre de la machine de guerre russe.
Informations non confirmées et hypothèses d'enquête
La vraie situation: encirclement opérationnel ou encerclement tactique en formation?
Aucune confirmation officielle n’existe sur le nombre exact de forces ukrainiennes à l’intérieur de Pokrovsk. Les enquêteurs militaires explorent la possibilité qu’il y ait entre 1 000 et 3 000 soldats ukrainiens dans la ville selon les rapports que j’ai vus du Président Zelenskyy du 30 octobre — qui a mentionné entre 200 et 300 soldats russes initialement, suggérant une supériorité numérique ukrainienne. Aucune confirmation officielle russe. Mais les modèles de combat suggèrent une présence ukrainienne beaucoup plus importante.
Les morts russes réels: pourquoi les chiffres ukrainiens sont-ils crédibles?
L’État-major ukrainien rapporte 249 morts russes depuis le début de la semaine du 3-5 novembre. Les enquêteurs militaires explorent la possibilité que ces chiffres sous-évaluent réellement les pertes russes — parce que les reports de morts au combat sont toujours conservateurs pour éviter les exagérations propres à la propagande. Aucune confirmation indépendante. Mais le taux d’attaques repoussées (85%) suggère que les Russes paient un prix énorme.
La route Rodynske: quel est vraiment le statut logistique?
L’Ukraine affirme que la route reliant Pokrovsk à Rodynske reste ouverte et opérationnelle selon les rapports du 3-5 novembre. Mais les enquêteurs militaires explorent la possibilité que cette route soit périodiquement fermée ou partiellement interrompue — plutôt que complètement coupée. Aucune confirmation officielle. Mais la logistique «compliquée» admise par l’Ukraine peut signifier que les convois passent difficilement, pas qu’ils passent librement.
Analyse contextuelle: décoder le langage militaire
«Pas d’encerclement» signifie-t-il vraiment pas d’encerclement tactique?
Quand l’État-major ukrainien dit «pas d’encerclement», il utilise probablement le terme «encerclement» dans le sens tactique strict: une fermeture complète et hermétique selon les analystes militaires de l’Institute for the Study of War cités par l’analyse ISW du 3 novembre 2025. «Encerclement opérationnel»? Possible. «Encerclement stratégique»? Probable. Mais encerclement tactique immédiat (pinceau complet, fermeture totale)? Aucune confirmation.
C’est la distinction que personne ne rapporte clairement: il existe des niveaux d’encerclement. Et l’Ukraine peut dire honnêtement qu’il n’y a pas d’encerclement au sens tactique strict, tout en reconnaissant que la situation se détériore graduellement au sens opérationnel.
Pourquoi la Russie crie «encerclement» alors que l’Ukraine le nie
La Russie a un incit à exagérer l’encerclement: psychologique (démoraliser les défenseurs ukrainiens), diplomatique (justifier un appel à la reddition), politique (réclamer une victoire) selon les analystes de propagande cités par Bellingcat. L’Ukraine a aussi un incitif à le nier: maintenir le moral, confirmer la validité des contre-attaques, garder le soutien occidental.
Donc les deux côtés disent probablement une partie de la vérité. La Russie crée une pression d’encerclement progressive. L’Ukraine maintient une présence offensive. Aucun ne dit toute la vérité.
Les implications réelles: combien de temps Pokrovsk peut tenir?
Selon l’analyse du professeur retraité Colonel Yevhen Lasiichuk — commandant de la défense de Pokrovsk — interviewé par NBC News le 5 novembre: «Nous pouvons toujours atteindre nos forces à Pokrovsk». Crucifixion. «Nos forces de défense viennent de conduire des atterrissages aéroportés. Cela ne ressemble certainement pas à un encerclement», déclare Lasiichuk.
Mais la Sergente Liana Kononchuk — une soldate sur le terrain — dit quelque chose de différent selon NBC News du 5 novembre: «La situation est difficile. Nous essayons de maintenir le contrôle. Malheureusement, cela n’a fait que s’aggraver récemment». C’est la différence entre ce que le commandement rapporte et ce que les gens sur le terrain ressentent.
Éditorial: réflexion sur la réalité floue du terrain de combat
Note: cette section présente une interprétation basée sur l’expérience d’analyse des conflits urbains contemporains
Je regarde ces déclarations contradictoires du 3-5 novembre et je réalise que personne — absolument personne — ne sait vraiment ce qui se passe à Pokrovsk. Les deux côtés mentent. Pas complètement. Pas complètement honnêtement. Juste… partiellement.
Et c’est parce que Pokrovsk n’est ni encerclée ni libre. Elle est prise dans une zone grise apocalyptique où personne ne contrôle vraiment rien. Où les Russes percent graduellement. Où l’Ukraine contre-attaque sporadiquement. Où la logistique fonctionne mais difficilement. Où les morts s’accumulent des deux côtés dans une attrition sans fin.
La vérité du terrain: quand les termes militaires deviennent vagues
«Pas d’encerclement» peut vouloir dire: il n’y a pas de fermeture complète du périmètre. Mais il peut aussi vouloir dire: il existe une encirclement opérationnel avec possibilité de déblocage. Et les deux affirmations peuvent être vraies simultanément. C’est la géométrie terrifiante de la guerre urbaine contemporaine.
Et pendant ce temps, les soldats meurent. Les civils gèlent dans les ruines. Et aucun des deux côtés n’est prêt à admettre que la situation est simplement un cauchemar sans fin.
L’avenir: vers l’effondrement ou vers la stabilisation?
Si le pattern continue — avec l’Ukraine montant des opérations aéroportées tous les quelques jours et la Russie avançant graduellement — alors Pokrovsk peut tenir pendant plusieurs mois de plus. Peut-être jusqu’en 2026. Peut-être longer. Mais chaque mois supplémentaire sera plus sanglant que le précédent.
Et si les réserves ukrainiennes s’épuisent plus vite que les russes, ou si les Russes concentrent vraiment toute leur puissance sur ce point? Alors l’encirclement devient finalement tactiquement fermé. Et Pokrovsk s’effondre.
Conclusion
3-5 novembre 2025. L’Ukraine dit: pas d’encerclement. La Russie dit: encerclement total. Et la réalité? Elle gît quelque part entre les deux — grise, floue, indéfinie. Pokrovsk n’est ni en train de survivre triomphalement, ni en train de s’écrouler immédiatement. Elle est prise dans un état intermédiaire de combat urbain déchirant.
Et voilà ce qui tue vraiment: Pokrovsk peut rester dans cet état purgatorial pendant des mois — des mois de morts, de souffrance, de logistique compliquée, d’opérations aéroportées désespérées et d’avancées russes graduelles. Jusqu’à ce qu’un côté ou l’autre s’effondre enfin. Jusqu’à ce que les réserves s’épuisent. Jusqu’à ce que la volonté disparaisse.
Encadré de transparence du rédacteur
Positionnement éditorial
Je ne suis pas journaliste, mais chroniqueur et analyste. Mon expertise réside dans l’observation et l’analyse des dynamiques géopolitiques, économiques et stratégiques qui façonnent notre monde. Mon travail consiste à décortiquer les stratégies politiques, à comprendre les mouvements économiques globaux, à contextualiser les décisions des acteurs internationaux et à proposer des perspectives analytiques sur les transformations qui redéfinissent nos sociétés.
Je ne prétends pas à l’objectivité froide du journalisme traditionnel, qui se limite au rapport factuel. Je prétends à la lucidité analytique, à l’interprétation rigoureuse, à la compréhension approfondie des enjeux complexes qui nous concernent tous. Mon rôle est de donner du sens aux faits, de les situer dans leur contexte historique et stratégique, et d’offrir une lecture critique des événements.
Méthodologie et sources
Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et analyses interprétatives. Les informations factuelles présentées proviennent exclusivement de sources primaires et secondaires vérifiables.
Sources primaires: déclarations officielles du Major Andrii Kovalov, porte-parole de l’État-major général des Forces armées d’Ukraine publiées sur Ukrainska Pravda le 3 novembre et Interfax Ukraine le 5 novembre 2025; rapports officiels du Commandement Général des Forces armées du 4-5 novembre 2025; déclaration du Commandant en Chef Oleksandr Syrskyi du 1er novembre 2025; discours du Président Volodymyr Zelenskyy du 30 octobre 2025 cité par Anadolu Agency; déclarations du Ministère de la Défense russe du 5 novembre 2025 cité par Reuters.
Sources secondaires: Ukrainska Pravda 3-5 novembre 2025; Ukrinform 3-5 novembre 2025; RBC-Ukraine 4-5 novembre 2025; Interfax Ukraine 5 novembre 2025; UNN 4-5 novembre 2025; Reuters 1-5 novembre 2025; CNN 1er novembre 2025; NBC News 5 novembre 2025; Anadolu Agency 30 octobre 2025; Le Monde (analyses); Kyiv Independent 5 novembre 2025; Institute for the Study of War (ISW) analyse du 3 novembre 2025; Bellingcat (analyse de propagande).
Les données de combat et militaires (nombres de tués, taux d’attaques repoussées, matériel détruit) proviennent directement des rapports officiels du Commandement Général des Forces armées d’Ukraine. Les données historiques sur le siège de 16 mois et les avancées russes proviennent d’analyses militaires établies.
Nature de l’analyse
Les analyses, interprétations et perspectives présentées dans les sections analytiques de cet article constituent une synthèse critique et contextuelle basée sur les informations disponibles, les tendances observées et les commentaires d’experts cités dans les sources consultées.
Mon rôle est d’interpréter ces faits déclarations contradictoires et de les contextualiser dans le cadre de la dynamique urbaine complexe de Pokrovsk, tout en reconnaissant l’imprécision inhérente du langage militaire et les incentifs de propagande des deux côtés. Ces analyses reflètent une expertise développée à travers l’observation continue des conflits urbains contemporains et de la rhétorique de guerre.
Toute clarification ultérieure de la situation tactique à Pokrovsk ou tout développement nouveau concernant un encerclement potentiel ou un déblocage pourrait modifier les perspectives présentées ici. Cet article sera mis à jour si de nouvelles informations officielles majeures concernant le statut de Pokrovsk sont publiées après le 5 novembre 2025, garantissant ainsi la pertinence et l’actualité de l’analyse proposée.