Chronique: Pokrovsk tombera-t-elle? Pourquoi les prophètes de malheur parlent-ils trop prématurément ?
Auteur: Maxime Marquette
5 novembre 2025: Sam Kiley rapporte du front que les affirmations russes sont menteuses
«Après avoir visité récemment les lignes de front près de Pokrovsk, correspondant mondial de The Independent Sam Kiley rapporte que les affirmations russes selon lesquelles les forces ukrainiennes sont encerclées sont complètement fausses» selon l’article publié par The Independent du 5 novembre 2025. C’est un rapport direct. C’est un observation personnelle. Ce n’est pas une analyse de bureau. Kiley a marché sur le terrain. Il a parlé aux soldats ukrainiens. Il a vu les positions de première ligne. Et voilà son verdict: encerclement russe? Non. Situation difficile? Oui. Mais catastrophale? Absolument pas.
Et le détail révélateur de Kiley: «Si le modèle des batailles précédentes pour les villes de l’est se répète, alors Pokrovsk ne tombera pas rapidement». Rappelez-vous Bakhmut. Rappelez-vous Avdiivka. Les Russes ont pris ces villes, mais cela a pris des mois de combat urbain sanglant — pas des jours. Pas des semaines. Des mois.
30 octobre 2025: le chef du renseignement estonien déclare que Pokrovsk ne tombera pas bientôt
Le Colonel Ants Kiviselg, chef du Centre de Renseignement des Forces de Défense estoniennes, déclare officiellement le 30 octobre 2025: «Bien que la Russie ait concentré sa pression militaire sur la capture de Pokrovsk, la ville ne risque pas de tomber dans les prochains jours» selon le rapport ERR du 30 octobre. «La chute de la zone de Pokrovsk ne déterminera pas le cours global de la guerre en Ukraine», ajoute Kiviselg.
Et c’est l’affirmation qui tue vraiment: même si Pokrovsk tombe, cela ne sera pas la fin de l’Ukraine. Cela ne sera pas la fin de la guerre. Ce sera une bataille perdue dans une guerre plus longue.
27 octobre 2025: le Général Gerasimov exagère gravement l’encerclement, même les pro-Russes le savent
Le 27 octobre, le Chef d’État-major du Kremlin Valery Gerasimov prétend que 10 000 soldats ukrainiens sont «encerclés» à Pokrovsk et Kupiansk selon The Moscow Times du 27 octobre. «Cette affirmation ne correspond pas à la réalité du tout» , répond Ivan Stupak, ancien officier du SBU ukrainien, selon The Moscow Times du 27 octobre.
Mais voilà le détail qui tue Gerasimov: même les blogueurs militaires russes pro-guerre rejettent son affirmation. Le canal Telegram Voyennyy Osvedomitel’ (Military Informant) — une source favorable à la Russie avec 620 000 followers — déclare explicitement: «Il n’y a actuellement aucun encerclement» selon The Moscow Times du 27 octobre. «Il est très improbable qu’une force ukrainienne de plusieurs milliers reste retranchée dans l’agglomération Pokrovsk-Myrnohrad», écrit Military Informant.
Quand même vos alliés propagandistes vous contredisent, c’est que vous menez.
4-5 novembre 2025: l’État-major ukrainien maintient que toutes les routes d’approvisionnement restent ouvertes
«À ce moment précis, il n’y a pas d’encerclement ou de blocus des villes» , déclare le Major Andrii Kovalov, porte-parole officiel de l’État-major des Forces armées d’Ukraine, selon le rapport du 5 novembre cité par Kyiv Independent. «Nos unités ne sont pas encerclées».
Et ce qui le confirme? Les opérations aéroportées continues. L’Ukraine a déployé des hélicoptères Blackhawk avec des forces spéciales début novembre selon plusieurs rapports. Si l’encerclement était réel et fermé, ces hélicoptères ne pourraient pas atterrir. Les forces spéciales ne pourraient pas se déployer. Mais elles l’ont fait.
3 novembre 2025: Zelenskyy reconnaît la difficulté mais affirme que les défenses tiennent
Le Président Zelenskyy déclare le 3 novembre que «30% de toutes les activités de combat se déroulent maintenant à Pokrovsk» selon RFE/RL du 3 novembre. «C’est le secteur le plus chaud du front», admet-il. Mais remarquez: il n’a jamais dit que la ville tombait. Il a dit que c’est difficile. La difficulté ne signifie pas l’effritement.
Contexte historique: pourquoi Pokrovsk n'est pas Bakhmut — mais aussi pourquoi c'est plus compliqué
Bakhmut mai 2023 à janvier 2023: neuf mois de carnage avant la chute
Rappelez-vous Bakhmut. Présenté comme la forteresse. Les Russes ont commencé à attaquer Bakhmut sérieusement en septembre 2022 selon les archives militaires. Et la ville n’est pas tombée jusqu’en mai 2023. Huit mois! Huit mois d’attaques urbaines incessantes, de pertes massives des deux côtés, de combats maison par maison.
Et après Bakhmut? Avdiivka. Les Russes l’ont attaqué pendant des mois. Puis l’ont prise en février 2024 — après des combats terribles. Donc quand les experts disent que Pokrovsk ne tombera pas rapidement, ils basent cela sur le pattern historique: pas de villes modernes ne tombent rapidement en cette ère de guerre urbaine.
Octobre 2024: la Russie dit qu’elle va prendre Pokrovsk rapidement — 13 mois plus tard, elle n’a toujours pas avancé
Il y a exactement un an — octobre 2024 — les stratèges militaires russes affirmaient que Pokrovsk serait encerclée en quelques semaines. Treize mois ont passé. Et la Russie n’a avancé que de 7 kilomètres selon le calcul cité par le chef du SBU Vasyl Malyuk et repris par Anadolu Agency du 30 octobre. Sept kilomètres en treize mois. C’est 500 mètres par mois. À ce rythme? Pokrovsk tiendra pour… littéralement des années.
Les défenses de Pokrovsk: forteresses urbaines naturelles
Et il y a quelque chose que les prophètes de malheur oublient: Pokrovsk est une forteresse urbaine naturelle selon l’analyse de DW du 4 novembre. «Pokrovsk est caractérisée par ses immeubles de grande hauteur et ses structures de béton. C’est uniquement défendable» , déclare un officier ukrainien cité par DW. Aucun autre endroit dans la région n’est comparables. C’est pourquoi c’est autant de valeur.
Les villes érigées dans les plaines ouvertes? Elles peuvent être encerclées. Mais Pokrovsk avec ses bâtiments en béton de 10+ étages? C’est un endroit où une armée peut se retrancher et résister pendant très longtemps.
Informations non confirmées et hypothèses d'enquête
L’ampleur réelle du contrôle russe dans Pokrovsk: 50-70% ou 20-30%?
Aucune confirmation officielle du pourcentage exact de Pokrovsk sous contrôle russe. Le Centre d’études sur la Pologne affirme le 4 novembre que «50-70% de la ville peut être sous contrôle russe» selon son rapport. Mais d’autres sources explorent la possibilité que ce pourcentage soit beaucoup plus bas — peut-être 20-30% — et que les Russes n’aient que des positions fragmentées. Aucune confirmation. Mais la disparité des chiffres révèle l’incertitude.
Les réserves ukrainiennes: combien de forces fraîches peuvent être déployées?
Aucune confirmation officielle de la profondeur des réserves ukrainiennes disponibles pour Pokrovsk. Les enquêteurs militaires explorent la possibilité que l’Ukraine ait entre 3 000 et 8 000 soldats supplémentaires qu’elle peut déployer à Pokrovsk si nécessaire. Aucune confirmation. Mais le fait que des opérations aéroportées continuent suggère des réserves suffisantes.
Les futures défenses: Ukraine établit-elle vraiment des lignes de défense au nord et à l’ouest?
Aucune confirmation visuelle indépendante des lignes de défense que l’Ukraine prétend avoir établies au nord et à l’ouest de Pokrovsk. Mais le Colonel Kiviselg de l’Estonie affirme qu’«elles existent et devraient prévenir un percement majeur» selon le rapport du 30 octobre. Aucune confirmation. Mais si ces défenses existent et que la Russie les franchit, cela deviendrait alors une victoire tactique mais pas stratégique.
Analyse contextuelle: pourquoi les prédictions doomsday ignorent la réalité stratégique
Le mythe de l’encerclement: quand personne ne contrôle vraiment rien
Remarquez comment la Russie et l’Ukraine utilisent le mot «encerclement» différemment selon l’analyse militaire. Quand Gerasimov dit «encerclement», il signifie probablement «zone grise» — un territoire où les deux côtés combattent, où personne ne contrôle complètement, où les lignes ne sont pas fermées. Quand l’Ukraine dit «pas d’encerclement», elle signifie qu’il n’existe pas de fermeture tactique complète.
Les deux peuvent être vraies simultanément. Il peut y avoir une pression opérationnelle sans fermeture tactique immédiate.
Les coûts russes: une victoire à quel prix?
Selon les analystes militaires cités par DW et Reuters: la Russie souffre de pertes massives autour de Pokrovsk — estimées à 30-50% de taux de pertes pour les unités d’assault. C’est catastrophique. Une unité militaire avec 30%+ de pertes est combativement inefficace. Donc même si la Russie prend Pokrovsk, elle aura payé un prix énorme pour le faire.
L’importance stratégique: vraiment si importante que ça?
Oui, Pokrovsk est un hub logistique critique selon les analystes. Mais le Colonel Kiviselg insiste: la perte de Pokrovsk, bien qu’importante, ne détermine pas le cours de la guerre. Il y a des villes derrière Pokrovsk. Il y a des routes de contournement. Il y a des défenses à établir ailleurs. L’Ukraine ne s’écroule pas si Pokrovsk tombe.
Éditorial: réflexion sur pourquoi les prophètes de l'apocalypse se trompent continuellement
Note: cette section présente une interprétation basée sur trois ans d’observation des prédictions de fin de l’Ukraine
Je me souviens que les experts disaient en février 2022 que Kyiv tombait en trois jours. Je me souviens qu’ils affirmaient en août 2022 que l’Ukraine perdait. Je me souviens qu’en octobre 2024 ils prédisaient que Pokrovsk serait encerclée en quelques semaines. Et voici nous sommes, en novembre 2025, et Pokrovsk tient toujours.
Et c’est parce que les prophètes de malheur confondent persistance militaire avec effondrement stratégique. La Russie avance lentement? Oui. L’Ukraine se replie graduellement? Oui. Mais l’Ukraine se bat toujours. Elle déploie des forces spéciales. Elle contre-attaque. Elle tient.
L’erreur fondamentale: confondre difficulté avec défaite finale
Les médias aiment dramatiser. «Pokrovsk tombe!» Se vend. «Pokrovsk subit une pression croissante mais tient ses positions sous contrôle ukrainien» ne vend pas de clics. Donc les narratifs s’exagèrent. Les situations se dramatisent. Et les lecteurs émergent convaincus que l’Ukraine est mourant alors qu’en réalité c’est juste une guerre très difficile qui se poursuit.
L’avenir réel: ni victoire russe rapide ni effondrement ukrainien proche
La réalité? Pokrovsk sera probablement le siège d’une bataille prolongée — des mois, peut-être jusqu’en 2026 — avant que l’une des parties ne gagne. Il n’y a pas de fin rapide. Il n’y a que du carnage urbain prolongé. Et c’est exactement pourquoi les prédictions de chute immédiate sont non seulement incorrectes, mais dangereusement trompeuses.
Conclusion
Novembre 2025. Les prophètes de malheur crient. Les cartes montrent l’encerclement imminent. Pokrovsk, disent-ils, tombera bientôt. Mais voilà la réalité rapportée par Sam Kiley du terrain, confirmée par des analystes militaires sérieux: non. Les affirmations russes d’encerclement sont fausses. Pokrovsk ne tombera pas dans les prochains jours ou semaines. Et même si elle tombe, cela ne sera pas la fin de l’Ukraine.
Ce qui tue vraiment? Après trois ans de prédictions incorrectes, les apocalyptiques continuent à faire les mêmes erreurs. Ils confondent difficulté avec défaite. Ils confondent recul graduel avec effondrement rapide.
Encadré de transparence du rédacteur
Positionnement éditorial
Je ne suis pas journaliste, mais chroniqueur et analyste. Mon expertise réside dans l’observation et l’analyse des dynamiques géopolitiques, économiques et stratégiques qui façonnent notre monde. Mon travail consiste à décortiquer les stratégies politiques, à comprendre les mouvements économiques globaux, à contextualiser les décisions des acteurs internationaux et à proposer des perspectives analytiques sur les transformations qui redéfinissent nos sociétés.
Je ne prétends pas à l’objectivité froide du journalisme traditionnel, qui se limite au rapport factuel. Je prétends à la lucidité analytique, à l’interprétation rigoureuse, à la compréhension approfondie des enjeux complexes qui nous concernent tous. Mon rôle est de donner du sens aux faits, de les situer dans leur contexte historique et stratégique, et d’offrir une lecture critique des événements.
Méthodologie et sources
Ce texte respecte la distinction fondamentale entre faits vérifiés et analyses interprétatives. Les informations factuelles présentées proviennent exclusivement de sources primaires et secondaires vérifiables.
Sources primaires: article de Sam Kiley publié dans The Independent le 5 novembre 2025; déclaration officielle du Colonel Ants Kiviselg du Centre de Renseignement des Forces de Défense estoniennes du 30 octobre 2025; rapport officiel du Chef d’État-major Valery Gerasimov du 27 octobre 2025; déclaration du Major Andrii Kovalov, porte-parole de l’État-major des Forces armées d’Ukraine du 5 novembre 2025; discours du Président Zelenskyy du 3 novembre 2025; déclarations d’officiers militaires ukrainiens à DW et Reuters du 3-4 novembre 2025.
Sources secondaires: The Independent 5 novembre 2025; ERR (Estonie) 30 octobre 2025; The Moscow Times 27 octobre 2025; RFE/RL 3 novembre 2025; Reuters 3-5 novembre 2025; Kyiv Independent 5 novembre 2025; DW 4 novembre 2025; Centre d’études sur la Pologne (OSW) 4 novembre 2025; Institute for the Study of War (ISW) analyses du 2-3 novembre 2025; Anadolu Agency 30 octobre 2025; Modern Diplomacy 3 novembre 2025; Carnegie Endowment for International Peace (Michael Kofman) analyses octobre-novembre 2025.
Les données historiques sur les durées de siège de Bakhmut (8 mois) et Avdiivka (février 2024), ainsi que les avancées russes graduelles (7 km en 13 mois), proviennent de sources officielles militaires ukrainiennes et d’institutions de recherche établies.
Nature de l’analyse
Les analyses, interprétations et perspectives présentées dans les sections analytiques de cet article constituent une synthèse critique et contextuelle basée sur les informations disponibles, les tendances observées et les commentaires d’experts cités dans les sources consultées.
Mon rôle est d’interpréter ces faits, de les contextualiser dans le cadre de la campagne militaire autour de Pokrovsk et de la dynamique plus large du conflit, et de leur donner un sens cohérent. Ces analyses reflètent une expertise développée à travers l’observation continue des prédictions géopolitiques — souvent incorrectes — et la compréhension des mécanismes réels de la guerre contemporaine.
Toute évolution ultérieure de la situation tactique à Pokrovsk pourrait modifier les perspectives présentées ici. Cet article sera mis à jour si de nouvelles informations officielles majeures concernant un changement significatif dans la bataille pour Pokrovsk ou une chute immédiate de la ville sont publiées après le 5 novembre 2025.