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Chronique : L’Ukraine frappe les réserves de pétrole russe en Crimée occupée
Credit: Adobe Stock

La frappe du 9 novembre sur Hvardiiske : des réservoirs en flammes

Dans la nuit du 9 novembre 2025, les habitants de Hvardiiske, un village situé à vingt kilomètres au nord de Simferopol, ont été réveillés par une série d’explosions déchirantes. Selon le canal Telegram russe ASTRA, plusieurs détonations ont été entendues près du dépôt pétrolier local, alors que des rapports faisaient état d’une attaque plus large de drones ukrainiens sur l’ensemble de la péninsule. Le ministère russe de la Défense a affirmé que les systèmes de défense aérienne ont abattu dix drones ukrainiens survolant la Crimée, mais cette déclaration contrastait fortement avec les images qui ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Une photographie publiée montrait un ciel nocturne illuminé par les flammes au-dessus de Hvardiiske, témoignage visuel d’une frappe réussie malgré les affirmations russes. Les autorités d’occupation russes n’ont pas confirmé les dégâts spécifiques infligés au dépôt, se contentant de reconnaître un incendie dans la zone, sans en préciser l’origine ni l’ampleur réelle.

Ce dépôt pétrolier de Hvardiiske n’est pas une cible choisie au hasard. Il se trouve à proximité immédiate de la base aérienne de Hvardiiske, utilisée comme site de lancement pour divers aéronefs russes qui frappent régulièrement le territoire ukrainien. Le Kyiv Independent a rapporté que cette installation avait déjà été l’objet d’attaques ukrainiennes au cours des mois précédents. Le 17 octobre 2025, les Forces spéciales ukrainiennes avaient confirmé que leurs drones avaient infligé des dommages importants au dépôt pétrolier et à une usine adjacente, publiant même une vidéo montrant l’attaque filmée depuis la perspective d’un drone. Cette répétition des frappes sur la même cible témoigne d’une stratégie délibérée : empêcher toute réparation durable et maintenir une pression constante sur les capacités logistiques russes. Les images satellite de la NASA Firms, relayées par le canal Crimean Wind, avaient également détecté deux foyers d’incendie distincts au dépôt après une attaque antérieure, confirmant que les installations de stockage—comprenant huit réservoirs de grande capacité et six réservoirs plus petits—sont régulièrement prises pour cible et endommagées.

L’impact de ces frappes répétées va bien au-delà de la simple destruction de quelques réservoirs. Chaque attaque réussie interrompt l’approvisionnement en carburant des forces russes, rallonge les lignes logistiques, augmente les coûts de transport, et réduit la capacité de la Russie à planifier des opérations militaires d’envergure. Un ancien officier ukrainien, s’exprimant sous couvert d’anonymat auprès du média Krym Reali, a expliqué que le dépôt de Hvardiiske est peut-être le plus septentrional de Crimée, utilisé pour approvisionner les forces russes dans les territoires occupés d’Ukraine. En ciblant délibérément cette installation, les forces armées ukrainiennes allongent considérablement les routes d’approvisionnement en carburant, ce qui prolonge les délais de livraison aux troupes russes et réduit leur maniabilité opérationnelle. Cette tactique d’usure logistique transforme progressivement l’occupation russe de la Crimée d’un atout stratégique en un passif coûteux.

La campagne du 5-6 novembre : trois dépôts frappés simultanément

Quelques jours auparavant, dans la nuit du 5 au 6 novembre 2025, une opération encore plus ambitieuse s’était déroulée. Les Forces d’opérations spéciales ukrainiennes (SOF) ont confirmé avoir frappé trois installations de carburant et de lubrifiants en Crimée occupée, dans le cadre d’une campagne coordonnée visant à réduire les capacités logistiques ennemies. L’état-major général des forces armées ukrainiennes a déclaré que l’objectif était de diminuer les capacités logistiques de l’ennemi et de priver la Russie de ses moyens offensifs. Cette déclaration n’était pas simple rhétorique : elle reflétait une stratégie mûrement réfléchie d’attaques asymétriques contre l’infrastructure énergétique critique qui soutient l’effort de guerre russe. Le canal Telegram Krymskiy Veter a rapporté que les résidents du district de Simferopol ont entendu des explosions vers 2h17 du matin, heure locale, suivies de l’apparition d’un incendie dans un dépôt pétrolier appartenant à la société Krymneftesbyt, près du village de Bitumnoye.

Les drones ukrainiens n’ont pas seulement frappé ce site. Au dépôt de Hvardiiske, une frappe a détruit un réservoir RVS-400 qui était plein au moment de l’attaque, selon les Forces d’opérations spéciales. Ces réservoirs, conçus pour stocker du pétrole, des produits pétroliers et d’autres liquides, peuvent contenir jusqu’à 400 mètres cubes de carburant. La destruction d’un tel réservoir représente une perte substantielle de ressources énergétiques pour l’occupant russe. Mais ce n’est pas tout : près du même village, deux trains de wagons-citernes stationnés sur une rampe de chargement et de déchargement ont également été touchés. Au moment de l’impact, ces wagons étaient chargés de produits pétroliers destinés aux forces russes. L’attaque coordonnée sur ces deux cibles—réservoirs fixes et wagons mobiles—démontre une planification minutieuse et une compréhension approfondie de la chaîne logistique pétrolière russe en Crimée. En frappant à la fois les installations de stockage et les moyens de transport, l’Ukraine maximise les perturbations et rend la reconstitution des stocks beaucoup plus difficile.

D’autres sites ont été touchés lors de cette même opération nocturne. Plusieurs dépôts de carburant et installations de stockage de lubrifiants ont été frappés à Simferopol et dans le village voisin de Bitumnoye. Les installations de parcs de réservoirs ont été détruites, et de nombreux incendies ont été signalés dans la région. United24media a rapporté que ces frappes faisaient partie d’un ensemble de mesures visant à détruire les éléments critiques de l’infrastructure militaro-industrielle de l’État agresseur, tant sur son territoire que dans les zones temporairement occupées. L’état-major général ukrainien a souligné que les forces de défense poursuivaient une campagne systématique pour priver l’ennemi de ses capacités offensives. Cette formulation prudente mais déterminée reflète la stratégie ukrainienne : il ne s’agit pas simplement de frapper pour frapper, mais de dégrader méthodiquement les capacités russes à soutenir leurs opérations militaires sur le long terme.

Le 17 octobre : Hvardiiske frappe à nouveau

Le dépôt de Hvardiiske a déjà été au centre d’une attaque spectaculaire le 17 octobre 2025. Cette nuit-là, une série d’explosions puissantes ont secoué la péninsule de Crimée annexée, avec des rapports indiquant que des drones ukrainiens avaient ciblé plusieurs sites militaires russes. Selon Unian, plusieurs frappes ont été effectuées dans le village de Hvardiiske, où un grand dépôt pétrolier a pris feu après avoir été touché. Les résidents ont rapporté avoir entendu des tirs intenses d’armes à feu et de multiples explosions à partir de 2h40 du matin, heure locale. Les informations préliminaires suggéraient qu’un dépôt de munitions pourrait également avoir été touché. Pendant ce temps, les habitants de Simferopol, le centre administratif de la Crimée, ont signalé au moins quatre explosions bruyantes suivies d’épaisses colonnes de fumée s’élevant au-dessus de la ville. Caliber.Az a rapporté que ces attaques témoignaient de la capacité ukrainienne à pénétrer profondément dans l’espace aérien de la Crimée occupée, malgré la présence de systèmes de défense aérienne russes supposément sophistiqués.

Cette frappe d’octobre n’était pas un événement isolé, mais s’inscrivait dans une campagne plus large de dégradation de l’infrastructure énergétique de la Crimée. Le canal Crimean Wind a publié des images satellite de NASA Firms montrant deux foyers d’incendie au dépôt pétrolier de Hvardiiske après l’attaque. Ces images ont été rendues publiques après que les nuages se soient dissipés, permettant aux satellites de détecter clairement les incendies. Le canal a noté qu’à 14h10, un deuxième réservoir avait pris feu au dépôt, suggérant que les dommages initiaux avaient provoqué des incendies secondaires qui se sont propagés à d’autres installations de stockage. Selon les images satellites, le dépôt compte huit réservoirs de grande capacité et six réservoirs plus petits, offrant une capacité de stockage substantielle pour les opérations militaires russes dans la région. La destruction progressive de ces installations force la Russie à chercher des solutions alternatives de stockage et de distribution, ce qui complique davantage la logistique déjà tendue de l’occupation.

L’importance stratégique de ces frappes répétées ne peut être sous-estimée. Chaque attaque réussie contre le dépôt de Hvardiiske n’est pas seulement une victoire tactique, mais contribue à une stratégie plus large d’isolement de la Crimée. En ciblant systématiquement les installations de stockage de carburant, l’Ukraine cherche à rendre la péninsule de plus en plus dépendante de lignes d’approvisionnement vulnérables et étirées. Cette stratégie transforme progressivement ce qui était autrefois un atout stratégique majeur pour la Russie—un porte-avions insubmersible, comme l’avait décrit Vladimir Poutine—en un territoire de plus en plus difficile et coûteux à maintenir. Les forces armées ukrainiennes démontrent ainsi qu’elles peuvent atteindre régulièrement des cibles situées profondément en territoire occupé, sapant le sentiment de sécurité et de contrôle absolu que la Russie cherche à projeter en Crimée.

Volgograd et au-delà : la campagne s’étend à la Russie continentale

Les frappes ukrainiennes ne se limitent pas à la Crimée occupée. Le 6 novembre 2025, des drones ukrainiens ont frappé une importante raffinerie de pétrole dans la région russe de Volgograd pour la deuxième fois en moins de trois mois, selon l’état-major général ukrainien. Bien que les autorités russes n’aient pas confirmé l’attaque, le gouverneur régional a reconnu que des drones avaient déclenché un incendie dans une installation industrielle non spécifiée de la région. Selon les autorités ukrainiennes, cette raffinerie est le plus grand producteur de carburants et de lubrifiants du district fédéral sud de la Russie, traitant plus de 15 millions de tonnes de pétrole brut par an, soit environ 5,6 pour cent de la capacité totale de raffinage du pays. NBC News a rapporté que cette installation est reconnue comme cruciale pour fournir du carburant aux forces armées russes, étant donné sa proximité relative avec les lignes de front et sa capacité de production substantielle.

Cette frappe sur la raffinerie de Volgograd s’inscrit dans une campagne beaucoup plus vaste de frappes à longue distance contre l’infrastructure énergétique russe. Depuis l’été 2025, l’Ukraine a intensifié ses opérations de drones contre les raffineries de pétrole, les dépôts de carburant et les centres logistiques militaires à travers la Russie. Western analysts, cités par le Carnegie Endowment for International Peace, estiment que les drones ukrainiens ont frappé à plusieurs reprises 16 grandes raffineries russes, représentant environ 38 pour cent de la capacité nominale de raffinage du pays. Bien que l’impact réel soit plus limité—la plupart des installations ayant repris leurs opérations dans les semaines suivantes—la campagne ukrainienne exerce une pression constante sur les capacités de raffinage russes et force Moscou à consacrer d’importantes ressources à la protection et à la réparation de ces sites. L’Agence internationale de l’énergie, basée à Paris, a déclaré que ces frappes répétées de drones avaient réduit la capacité de raffinage de la Russie d’environ 500 000 barils par jour.

Les opérations ukrainiennes de frappes à longue distance utilisent principalement des drones de fabrication nationale, construits à partir de pièces fabriquées dans un réseau dispersé d’ateliers à travers l’Ukraine. ABC News a rapporté qu’à un endroit secret en zone rurale ukrainienne, des colonnes de drones d’attaque sont assemblées de nuit et dans un silence presque total pour frapper en profondeur à l’intérieur de la Russie. Les officiers en gilets pare-balles se déplacent avec une précision rapide, les lampes frontales brillent en rouge pour rester cachés, et les moteurs crachent comme de vieilles motos tandis que les gaz d’échappement se dispersent dans la nuit sans lune. Quelques minutes plus tard, l’un après l’autre, les drones décollent d’une piste de fortune et se dirigent vers l’est. Ces frappes ont provoqué des pénuries d’essence en Russie, forçant même le rationnement dans certaines régions et soulignant une vulnérabilité croissante dans l’infrastructure du pays.

Tuapse et le port de la mer Noire : élargissement des cibles

Le 10 novembre 2025, la ville portuaire russe de Tuapse, sur la mer Noire, a été secouée par des explosions durant la nuit, alors que les chaînes Telegram locales rapportaient une attaque de drones maritimes ukrainiens. Des photos et vidéos téléchargées par des habitants de la ville et publiées plus tard par la grande chaîne Telegram Astra montrent des explosions et un incendie qui en a résulté dans la zone du port de la ville. Tuapse est située dans le kraï de Krasnodar en Russie, à environ 75 kilomètres au nord-ouest de la grande ville de Sotchi. Cette ville côtière abrite un important terminal pétrolier et une raffinerie, et a été la cible de frappes ukrainiennes aussi récemment que le 2 novembre, lorsque les exportations de carburant depuis le port ont été interrompues par des attaques de drones, comme l’a rapporté Reuters à l’époque. Le chef de l’administration municipale, Sergey Boiko, avait publié plus tôt sur son canal Telegram officiel au sujet de la menace d’attaque provenant de drones aériens et maritimes, mais a ensuite supprimé la référence aux drones maritimes de son message.

Plus tard, le canal Telegram officiel du kraï de Krasnodar a confirmé l’attaque, affirmant que quatre drones maritimes ukrainiens avaient été détruits. Le message indiquait qu’un des bateaux non habités avait explosé près du rivage, et que l’onde de choc avait endommagé les fenêtres du deuxième étage d’une maison de deux étages, ainsi qu’un garage et un hangar à bateaux. Au moment de la publication, le Kyiv Independent n’a pas pu vérifier les résultats de l’attaque, et Kiev n’avait pas encore commenté officiellement l’opération. Cependant, cette attaque s’inscrit dans une tendance plus large d’escalade des frappes ukrainiennes contre l’infrastructure énergétique russe. Au cours de l’année 2025, l’Ukraine a intensifié ses attaques contre l’infrastructure énergétique de la Russie, en particulier les raffineries de pétrole, identifiées comme une cible vulnérable pour des frappes asymétriques alors que les combats se poursuivent le long de la ligne de front.

L’utilisation de drones maritimes représente une évolution significative dans les capacités de frappe ukrainiennes. Avec le développement continu de la technologie des drones maritimes, déployés pour la première fois en 2022, Kiev a été en mesure de cibler des actifs militaires et énergétiques russes sur la mer Noire à une portée et une efficacité croissantes. Ces drones maritimes autonomes peuvent naviguer sur de longues distances, éviter la détection radar, et frapper avec précision des cibles côtières ou des navires en mer. Leur utilisation contre les installations portuaires de Tuapse démontre que l’Ukraine peut non seulement frapper des cibles terrestres profondes à l’intérieur de la Russie avec des drones aériens, mais aussi menacer l’infrastructure côtière critique avec des attaques maritimes. Cette capacité multi-domaines—combinant frappes aériennes et maritimes—rend la défense de l’infrastructure énergétique russe encore plus complexe et coûteuse pour Moscou.

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