Une proposition forgée dans l’ombre
Pendant des semaines, Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump, a travaillé en coulisses. Pas avec les Européens. Pas vraiment avec les Ukrainiens non plus. Mais avec les Russes. Avec Kirill Dmitriev, conseiller clé de Vladimir Poutine, qu’il a rencontré le 24 octobre à Miami. Ensemble, ils ont accouché d’un document explosif. Un plan en 28 points censé mettre fin à presque quatre ans de guerre. Sauf que ce plan, quand on le lit attentivement, ressemble à s’y méprendre à une liste de demandes maximalistes que le Kremlin formule depuis le premier jour de l’invasion. Cession territoriale. Réduction drastique de l’armée ukrainienne. Abandon définitif de toute ambition d’adhésion à l’OTAN. Neutralité constitutionnelle. Les diplomates européens qui ont pu consulter le document sont catégoriques : c’est un arrangement pro-russe. Une capitulation maquillée en accord de paix. Et pourtant, Washington fait pression. Une pression énorme, brutale, sans précédent.
Le 20 novembre, le secrétaire à l’Armée américaine Daniel Driscoll a débarqué à Kiev avec le document sous le bras. Il a passé deux heures en réunion avec les autorités ukrainiennes, dont 45 minutes en tête-à-tête avec Zelensky. L’atmosphère était tendue. Driscoll a présenté le plan comme un cadre de travail collaboratif, une base de discussion. Mais le message sous-jacent était clair comme de l’eau de roche : signez avant Thanksgiving, le 27 novembre, ou les États-Unis reconsidéreront leur soutien à l’Ukraine. Reconsidérer. Le mot est pudique. Derrière ce terme diplomatique se cachent des menaces concrètes. Fin du partage de renseignements. Arrêt des livraisons d’armements. Abandon pur et simple. Des sources proches des négociations ont confirmé à plusieurs médias que Washington utilise la tactique du bon flic, mauvais flic. Witkoff pousse, menace, met la pression. Driscoll adoucit, rassure, promet des ajustements. Mais au final, l’objectif reste le même : faire plier Kiev.
Les détails du plan donnent le vertige. L’Ukraine devrait céder l’intégralité de la région de Donetsk, y compris les territoires qu’elle contrôle encore et que la Russie n’a jamais réussi à prendre malgré des années d’assauts sanglants. La Crimée, Louhansk, Donetsk : reconnaissance de facto du contrôle russe. Kherson et Zaporijjia : gel des lignes de front à leur position actuelle. L’armée ukrainienne, actuellement forte de 800 000 à 850 000 hommes, devrait être réduite à 600 000 soldats. Les forces de l’OTAN ne pourraient jamais être déployées sur le sol ukrainien. En échange de ces concessions monumentales, Kiev recevrait des garanties de sécurité fiables. Mais lesquelles exactement ? Le document reste flou. Terriblement flou. Et cette absence de précision, c’est peut-être le plus inquiétant. Comment faire confiance à un plan qui exige tout de vous sans rien garantir en retour ?
Il y a des moments où les mots manquent. Où la rage monte. Parce que ce qu’on nous présente comme de la diplomatie ressemble furieusement à une trahison. L’Ukraine s’est battue. Elle a tenu. Elle a saigné pour défendre des principes que l’Occident prétend chérir. Et voilà ce qu’on lui propose en retour : rendez-vous. Diminuez-vous. Disparaissez un peu.
Un ultimatum déguisé en main tendue
Le calendrier imposé par Washington ne doit rien au hasard. Thanksgiving, c’est dans six jours à peine. Six jours pour qu’un pays en guerre, épuisé, déchiré par un scandale de corruption, prenne une décision qui scellera son destin pour les décennies à venir. Six jours pour abandonner des territoires défendus au prix de dizaines de milliers de vies. Six jours pour accepter l’inacceptable ou risquer de perdre le seul allié capable de faire pencher la balance. La chargée d’affaires de l’ambassade américaine à Kiev, Julie Davis, a qualifié ce délai d’agressif. C’est un euphémisme diplomatique pour dire : irréaliste, insensé, inhumain. Mais Trump s’en fiche. Son administration a décidé que la guerre ukrainienne avait assez duré. Que ça coûtait trop cher. Que l’Amérique avait d’autres priorités. Et tant pis si la paix proposée ressemble à une défaite pour celui qui résiste à l’agresseur.
Zelensky a réagi avec une prudence calculée. Dans une allocution vidéo publiée le 21 novembre, il a déclaré que l’Ukraine travaillait sur le document préparé par les Américains. Qu’il s’agissait d’un plan qui devait garantir une paix réelle et digne. Il a souligné plusieurs principes intangibles. Des lignes rouges que Kiev ne franchirait jamais. Pas de reconnaissance, formelle ou informelle, des territoires ukrainiens occupés comme appartenant à la Russie. Notre terre n’est pas négociable, a-t-il martelé. Mais derrière cette fermeté apparente, on sent la fragilité. On devine le désarroi. Zelensky sait qu’il joue sa dernière carte. Qu’il n’a plus beaucoup de marge de manœuvre. Que refuser le plan américain pourrait signifier l’isolement total de l’Ukraine. Et accepter le plan russe reviendrait à signer l’acte de décès de la souveraineté ukrainienne.
Le président ukrainien a multiplié les consultations. Appels téléphoniques avec Emmanuel Macron, Keir Starmer, Friedrich Merz. Tous les grands leaders européens ont été sollicités. Parce que Zelensky cherche des alliés. Des soutiens. Des contre-poids face à la pression américaine. Mais l’Europe elle-même est divisée, affaiblie, incertaine. La diplomate européenne Kaja Kallas a bien déclaré que la pression devait s’exercer sur l’agresseur, pas sur la victime. Mais au-delà des déclarations de principe, que peut vraiment faire Bruxelles ? Quel poids réel possède l’Union européenne face à une Amérique qui a décidé de tourner la page ? Les Européens grondent, protestent, s’indignent. Mais ils savent qu’ils ne peuvent pas remplacer Washington. Que sans l’arsenal américain, sans les satellites de renseignement américains, sans le parapluie stratégique américain, l’Ukraine s’effondrerait en quelques semaines.
Les exigences du Kremlin déguisées en compromis
Le plus troublant dans ce plan de paix, c’est qu’il reprend quasiment mot pour mot les exigences formulées par Moscou depuis février 2022. Comme si les trois années de résistance ukrainienne n’avaient servi à rien. Comme si les batailles de Kiev, de Kharkiv, de Kherson, de Marioupol n’avaient jamais eu lieu. Les analystes qui ont épluché le document sont formels : il s’agit d’un arrangement pro-russe conçu par Dmitriev et Witkoff. Un texte qui avalise les gains territoriaux russes. Qui légitime l’invasion. Qui récompense l’agresseur. La levée progressive des sanctions contre la Russie est même prévue dans le plan. Au cas par cas, certes. Mais levée quand même. En échange de quoi ? De la promesse que Moscou ne lancera pas une troisième invasion ? Mais quelle valeur ont les promesses de Poutine ? Les accords de Minsk de 2014 et 2015 n’ont-ils pas été violés ? La Russie n’a-t-elle pas déjà rompu 190 accords signés avec l’Ukraine et la communauté internationale selon les analystes militaires ?
Le plan prévoit également la création d’un Conseil de la Paix dirigé par Donald Trump lui-même. Un mécanisme de gouvernance qui court-circuite les institutions internationales existantes. Qui marginalise l’ONU. Qui écarte l’OTAN. Qui place l’avenir de l’Europe entre les mains d’un président américain dont la politique étrangère change au gré de ses humeurs. Les diplomates européens y voient une tentative de contrôle total sur le processus de paix. Une façon pour Washington de garder la main sur les futures négociations. Mais aussi une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Kiev. Car si Zelensky déplaît à Trump, si l’Ukraine ne se montre pas assez docile, le Conseil peut à tout moment retirer ses garanties de sécurité. Le plan stipule d’ailleurs que si Kiev attaque la Russie ou lance des missiles sur Moscou ou Saint-Pétersbourg sans raison valable, toutes les garanties sont révoquées immédiatement. Sans raison valable. Mais qui définit ce qui est valable ou pas ? Trump ? Le Kremlin ? C’est le flou artistique érigé en système.
J’ai beau chercher, je ne trouve pas les mots justes pour décrire ce que je ressens. C’est comme regarder quelqu’un se noyer et tendre une pierre à la place d’une bouée. On appelle ça de l’aide ? On appelle ça de la solidarité ? Non. C’est juste du calcul cynique habillé en bonne conscience.
Peskov et le Kremlin serrent la vis
Le temps joue pour Moscou
Dmitry Peskov n’a jamais été du genre à mâcher ses mots. Le porte-parole du Kremlin maîtrise l’art de la menace polie. De l’avertissement enrobé de courtoisie diplomatique. Et le 21 novembre, il a livré un message d’une clarté brutale. Les performances efficaces des forces armées russes devraient convaincre Zelensky qu’il vaut mieux négocier maintenant plutôt que plus tard. Parce que plus tard, il n’y aura peut-être plus rien à négocier. Plus tard, l’Ukraine aura perdu trop de territoire. Trop d’hommes. Trop de légitimité. L’espace de décision de Zelensky se réduit comme peau de chagrin à mesure que les forces russes avancent. Chaque ville perdue, chaque village abandonné, chaque route coupée diminue un peu plus la capacité de Kiev à dire non. Et Peskov le sait. Il le savoure même, avec cette jouissance froide des stratèges qui sentent la victoire approcher.
Cette déclaration n’est pas un coup de poker. C’est l’expression d’une réalité militaire sur le terrain. Depuis l’été 2025, la Russie a changé de tactique. Fini les assauts frontaux massifs à la Bakhmout qui coûtaient des milliers de vies pour quelques centaines de mètres. Place aux petites unités mobiles. Aux buggies légers. Aux infiltrations rapides. Les soldats ukrainiens de la 129e brigade actuellement déployés à Kostyniv, au nord-est de Pokrovsk, témoignent de ce changement. Ils voient arriver des Russes sur des véhicules tout-terrain, rapides, difficiles à cibler avec les drones. La logique est simple : sur trois véhicules envoyés, deux seront probablement détruits, mais le troisième passera et établira une tête de pont en ville. Une centaine de ces petites infiltrations par jour, et progressivement, la ville est envahie. L’attrition reste colossale du côté russe. Mais Moscou peut se le permettre. Pas Kiev.
Peskov a également insisté sur le fait que continuer les hostilités était inutile et dangereux pour le régime de Zelensky. Sous-entendu : vous allez perdre de toute façon, autant limiter les dégâts pendant qu’il en est encore temps. C’est précisément l’effort pour forcer Zelensky et son régime vers une résolution pacifique, a-t-il expliqué. Résolution pacifique. Les mots sont choisis avec soin. Ils sonnent presque raisonnables. Presque humains. Sauf qu’une paix imposée par le plus fort au plus faible n’est pas une paix. C’est une soumission. Et le Kremlin le sait parfaitement. Mais peu importe. Tant que le vocabulaire diplomatique reste acceptable, on peut habiller la conquête en processus de paix. On peut transformer l’occupation en normalisation. On peut faire passer le vainqueur pour un pacificateur généreux.
Moscou joue la montre avec maestria
Paradoxe : le Kremlin affirme n’avoir encore rien reçu officiellement concernant le plan américain. Peskov l’a répété à plusieurs reprises lors de son point presse du 21 novembre. Nous sommes au courant de formulations possibles, mais nous n’avons rien reçu officiellement. Nous sommes totalement ouverts au dialogue et prêts pour des négociations de paix. Cette posture est calculée. Elle permet à Moscou de garder toutes les options ouvertes sans s’engager sur rien. De continuer à avancer sur le terrain tout en se présentant comme la partie raisonnable, prête à discuter. De mettre la pression sur Kiev et Washington sans jamais apparaître comme l’obstacle aux négociations. C’est du grand art diplomatique. Une maîtrise parfaite du timing et de la communication stratégique.
Pendant ce temps, l’armée russe ne ralentit pas. Au contraire. Elle intensifie ses opérations dans le Donbass. Elle encercle Pokrovsk. Elle menace Myrnohrad. Elle grignote du terrain jour après jour, heure après heure. Les cartes militaires russes classent désormais Pokrovsk comme sous contrôle russe, avec les forces ukrainiennes encerclées dans la ville voisine. Les cartes ukrainiennes, elles, montrent Pokrovsk comme une zone grise sans contrôle définitif. La vérité se situe probablement entre les deux. Mais une chose est certaine : si Pokrovsk tombe, ce sera la plus grande ville prise par Moscou depuis la chute de Bakhmout en mai 2023. Un symbole. Une victoire stratégique et psychologique. Une preuve que malgré l’aide occidentale, malgré les sanctions, malgré les promesses, la Russie continue de gagner du terrain.
Le calcul de Poutine est limpide. Chaque jour qui passe sans accord renforce sa position de négociation. Chaque mètre carré conquis devient un atout supplémentaire à la table des discussions futures. Pourquoi se presser d’accepter un plan de paix quand le rapport de forces évolue en votre faveur ? Pourquoi faire des concessions quand l’adversaire s’affaiblit ? La Russie peut tenir. Elle a restructuré son économie de guerre. Elle a mobilisé ses ressources. Elle a trouvé des moyens de contourner les sanctions occidentales. Certes, cela coûte cher. Certes, des hausses d’impôts et des coupes budgétaires sont nécessaires. Mais le régime de Poutine peut imposer ces sacrifices à sa population sans craindre de contestation majeure. Zelensky, lui, ne peut pas se le permettre. La société ukrainienne est fatiguée. Les scandales de corruption érodent la confiance. Les familles pleurent leurs morts. Et l’espoir d’une victoire complète s’éloigne chaque jour un peu plus.
C’est épuisant de voir à quel point la guerre moderne est devenue un jeu d’échecs où les pions sont des vies humaines. Moscou avance. Kiev recule. Washington regarde ailleurs. Et nous, spectateurs impuissants, on assiste à ce spectacle en se demandant quand sonnera l’heure de la raison. Si elle sonne un jour.
Pokrovsk : la ville symbole au bord du gouffre
L’étau se referme sur la porte du Donbass
Pokrovsk. Un nom qui ne disait rien à la plupart des gens il y a encore deux ans. Aujourd’hui, c’est devenu le symbole même de la résistance ukrainienne qui vacille. Cette ville de l’est du pays, surnommée par les médias russes la porte du Donbass, fait face à un encerclement méthodique depuis plus d’un an. Les forces russes utilisent une tactique en tenaille, une manœuvre classique mais terriblement efficace quand on dispose de ressources supérieures en hommes et en matériel. Couper les lignes d’approvisionnement. Isoler les défenseurs. Les affamer de munitions, de ravitaillement, d’espoir. Et puis resserrer progressivement le piège jusqu’à ce que la résistance s’effondre ou que la reddition devienne inévitable. C’est exactement ce qui se passe actuellement à Pokrovsk. Et tout le monde le sait. Les militaires ukrainiens sur place. Les observateurs internationaux. Les stratèges du Pentagone. Le Kremlin, évidemment.
Les images diffusées par le ministère russe de la Défense le 20 novembre ont glacé le sang des Ukrainiens. On y voit des soldats russes patrouiller tranquillement dans le secteur sud de Pokrovsk. Ils marchent dans des rues désertes bordées d’immeubles éventrés par les bombardements. Pas de combats visibles. Pas de tirs. Juste des hommes en uniforme qui arpentent ce qui ressemble à une ville fantôme. Comme s’ils étaient déjà chez eux. Comme si la bataille était déjà terminée. Le ministère ukrainien de la Défense a bien tenté de minimiser, affirmant que la bataille était toujours en cours et qu’environ 300 soldats russes se trouvaient à l’intérieur de la ville. Mais les faits parlent d’eux-mêmes. Quand l’ennemi peut circuler librement dans vos rues et filmer sa promenade pour la propagande, c’est que vous êtes en train de perdre le contrôle. Lentement. Douloureusement. Mais sûrement.
Les témoignages des combattants ukrainiens encore sur place sont poignants. Un médecin de combat déployé à Pokrovsk et dans la ville voisine de Myrnohrad a expliqué que les évacuations sont devenues quasiment impossibles. Les véhicules d’extraction ne peuvent plus s’approcher à moins de sept à neuf kilomètres à cause des drones russes qui saturent le ciel. Ces engins volants bon marché, contrôlés à distance, sont devenus la terreur des champs de bataille modernes. Ils détectent le moindre mouvement. Ils frappent avec précision. Ils tuent soldats et civils sans distinction. Et ils ont transformé la guerre en un cauchemar technologique où personne n’est en sécurité nulle part. Un autre combattant de l’unité ukrainienne Peaky Blinders, spécialisée dans les drones, a confirmé que les Russes envoient leurs hommes par petites vagues. Trois véhicules partent. Deux sont détruits. Un passe. Et celui qui passe suffit à établir une position, à prendre pied, à gagner quelques dizaines de mètres. Multipliez ça par cent fois par jour, et vous comprenez comment une ville entière finit par tomber.
Une défaite stratégique aux conséquences majeures
Si Pokrovsk tombe, et tout indique que c’est une question de jours ou de semaines plutôt que de mois, les conséquences stratégiques seront considérables. La ville n’a peut-être plus grande importance en termes économiques — elle est largement détruite, comme Bakhmout avant elle — mais symboliquement, militairement, c’est un coup énorme pour Kiev. Pokrovsk contrôle des axes routiers et ferroviaires essentiels. Sa perte ouvrirait la voie aux forces russes pour avancer vers le nord, en direction de Kramatorsk et Sloviansk, les deux plus grandes villes encore sous contrôle ukrainien dans la région de Donetsk. Ce serait la porte ouverte à une nouvelle phase de l’offensive russe. Un momentum difficile à arrêter. Un moral ukrainien encore plus entamé. Et surtout, une preuve supplémentaire que malgré l’aide occidentale, malgré les armes modernes, malgré la bravoure des soldats, l’Ukraine est en train de perdre du terrain.
Jason Clark, directeur du Projet Défense à l’Institute for the Study of War, a expliqué à CNN que contrairement à Bakhmout où les Russes avaient opté pour un assaut frontal brutal, la stratégie à Pokrovsk vise l’encerclement plutôt que la conquête bloc par bloc. C’est moins spectaculaire. Moins sanglant en apparence. Mais tout aussi efficace. Peut-être même plus, car ça préserve davantage les forces russes tout en obtenant le même résultat final : la capitulation ou la fuite des défenseurs ukrainiens. Cette évolution tactique montre que l’armée russe apprend de ses erreurs. Qu’elle s’adapte. Qu’elle devient plus efficiente dans sa manière de faire la guerre. Ce qui est une très mauvaise nouvelle pour Kiev. Parce qu’une armée qui apprend est une armée qui devient plus dangereuse. Et une guerre qui dure est une guerre qui favorise celui qui a les ressources les plus profondes. Or dans ce domaine, même affaiblie par les sanctions, la Russie garde un avantage sur l’Ukraine.
Le ministère ukrainien de la Défense a déclaré mardi dernier qu’environ 300 soldats russes étaient désormais présents à l’intérieur de Pokrovsk. Trois cents. Ça ne paraît pas énorme. Mais c’est déjà trois cents de trop. Parce que ça signifie que le périmètre défensif a été percé. Que l’ennemi est dans la place. Que le bastion se fissure. Les évacuations de civils sont devenues impossibles depuis plusieurs jours. Les quelques habitants qui restent sont piégés. Les combattants ukrainiens aussi. Et chaque jour qui passe voit arriver de nouveaux renforts russes pendant que les Ukrainiens, eux, peinent à remplacer leurs pertes. Les trous dans les lignes de défense atteignent parfois 600 mètres selon des députés ukrainiens et des analystes. Six cents mètres. C’est colossal. C’est le signe d’une armée qui manque cruellement d’hommes. Qui compense par les drones ce qu’elle ne peut plus assurer par l’infanterie. Mais les drones, aussi efficaces soient-ils, ne peuvent pas tenir un terrain. Seuls les soldats le peuvent. Et les soldats, l’Ukraine en manque.
Des fois je me dis qu’on devrait tous fermer les yeux une minute. Juste une minute. Et imaginer ce que c’est de vivre ça. D’être coincé dans une ville assiégée où chaque rue peut devenir votre tombe. D’attendre l’évacuation qui ne viendra jamais parce que les drones russes tuent tout ce qui bouge. Peut-être qu’on comprendrait mieux l’urgence. Peut-être.
Le scandale Energoatom : la corruption au pire moment
Quand les proches du pouvoir détournent des millions
Le timing ne pouvait pas être pire. Vraiment pas. Alors que Zelensky fait face à la plus grande pression diplomatique et militaire de son mandat, voilà que le Bureau national anticorruption d’Ukraine balance une bombe médiatique et politique d’une puissance dévastatrice. Le 10 novembre 2025, l’agence révèle un système de corruption à 110 millions de dollars orchestré au sein d’Energoatom, la compagnie nucléaire publique. Quinze mois d’écoutes téléphoniques. Plus de 70 perquisitions. Une opération baptisée Midas. Et au centre de tout ça, un nom qui fait trembler le palais présidentiel : Timur Mindich. Producteur de cinéma. Homme d’affaires. Et surtout, ancien partenaire commercial de Volodymyr Zelensky à l’époque où celui-ci était encore acteur et humoriste. Les liens sont anciens. Profonds. Compromettants.
Mindich ne serait pas seul dans ce réseau. Avec lui, toute une constellation de hauts responsables proches du président. Herman Halushchenko, ancien ministre de l’Énergie fraîchement nommé ministre de la Justice. Oleksii Chernyshov, ex-PDG de Naftogaz et ancien vice-Premier ministre. Rustem Umerov, ancien ministre de la Défense et actuel membre du Conseil de sécurité nationale. Ihor Myroniuk, ancien numéro deux du Fonds de la propriété d’État. Des noms connus. Des visages familiers du pouvoir. Des gens en qui Zelensky avait placé sa confiance. Et qui, selon l’accusation, auraient mis en place un système de surfacturation de 10 à 15 pourcent sur les contrats d’infrastructure d’Energoatom. Les entrepreneurs qui voulaient garder leur statut de fournisseurs devaient payer. Les pots-de-vin étaient ensuite blanchis via un bureau lié à Andrii Derkach, ancien député ukrainien devenu sénateur russe, sanctionné depuis 2021 et déchu de sa citoyenneté ukrainienne en 2023.
Le scandale n’aurait jamais éclaté si Zelensky avait réussi son coup de force de juillet dernier. À l’époque, une loi proposée par son parti avait été votée par le Parlement pour retirer leur indépendance au Bureau anticorruption et au Parquet spécialisé. L’objectif était clair : placer ces agences sous le contrôle du procureur général, un fidèle du président. Une manière de s’assurer qu’aucune enquête gênante ne vienne perturber l’effort de guerre et l’unité nationale. Sauf que la société civile ukrainienne a réagi violemment. Les premières manifestations de masse depuis le début de l’invasion ont éclaté dans les rues de Kiev. Les partenaires occidentaux ont fait pression. Et Zelensky a dû faire marche arrière, signant quelques jours plus tard une loi restaurant et garantissant l’indépendance des agences anticorruption. Renforcées par ce soutien populaire et international, ces agences se sont senties protégées. Et elles ont frappé fort. Au cœur même du cercle présidentiel.
Zelensky face à ses démons intérieurs
La réaction de Zelensky face au scandale révèle toute l’ambiguïté de sa position. D’un côté, il a pris des mesures spectaculaires. Il a demandé publiquement à Halushchenko et à la nouvelle ministre de l’Énergie Svitlana Hrynchuk de démissionner. Il a imposé des sanctions — chose inédite — contre Timur Mindich, son propre ami et ancien associé. Il a proclamé son soutien total aux agences anticorruption dans leur travail. Un discours de fermeté. Une posture de président intransigeant face à la corruption. Mais de l’autre côté, les liens de Zelensky avec la plupart des accusés sont avérés. Ses longues relations personnelles avec ces gens soulèvent des questions. Savait-il ? Couvrait-il ? Fermait-il les yeux par loyauté ou par calcul politique ? Impossible de répondre avec certitude. Mais le doute s’installe. Et dans une démocratie en guerre, le doute est un poison lent qui ronge la légitimité du pouvoir.
Ce qui rend le scandale encore plus explosif, c’est le détail révélé par une enquête publiée en octobre par Yaroslav Zheleznyak, député de l’opposition du parti Holos. Mindich aurait possédé des parts dans New Diamond Technology, un producteur russe de diamants, jusqu’en 2024. Jusqu’en 2024. Autrement dit, bien après le début de l’invasion russe. Pendant que des Ukrainiens mouraient au front pour défendre leur pays, un proche du président continuait à avoir des intérêts économiques en Russie. Vrai ou faux ? L’accusation est grave. Les preuves semblent solides. Et le symbole est catastrophique. Comment demander au peuple ukrainien de se serrer la ceinture, de supporter les coupures d’électricité, de perdre ses fils et ses filles, quand ceux qui gravitent autour du pouvoir s’enrichissent et maintiennent des liens avec l’ennemi ? Comment exiger l’unité nationale quand la corruption gangrène les sommets de l’État ?
Les analystes politiques sont catégoriques : ce scandale tombe au pire moment possible pour Zelensky. Juste quand il a besoin de toute sa légitimité pour tenir tête à Washington et à Moscou. Juste quand il doit mobiliser son peuple pour un hiver qui s’annonce terrible. Juste quand il doit convaincre les Européens de maintenir leur soutien malgré l’abandon américain. Son taux d’approbation, déjà en baisse ces derniers mois, risque de plonger encore davantage. La confiance envers les institutions s’érode. Les fractures internes se creusent. Et les ennemis de l’Ukraine, à Moscou mais aussi ailleurs, se frottent les mains. Parce qu’une nation divisée est une nation vulnérable. Et qu’une nation vulnérable est une proie facile. Zelensky doit restaurer la confiance. Rapidement. Brutalement. Ou risquer de perdre non seulement la guerre contre la Russie, mais aussi la bataille pour le soutien de son propre peuple.
Il y a une cruauté presque shakespearienne dans ce qui arrive à Zelensky. Comme si le destin s’acharnait à le mettre à l’épreuve encore et encore. Mais voilà, la vie n’est pas une pièce de théâtre. Les erreurs ont des conséquences réelles. Et les trahisons, même de ceux en qui on avait confiance, laissent des cicatrices qui ne guérissent jamais tout à fait.
L'Europe prise au piège entre principes et impuissance
Un continent court-circuité par Washington
L’humiliation européenne est totale. Absolue. Les capitales du Vieux Continent ont découvert le plan de paix américain en même temps que le reste du monde. Par les journaux. Par les fuites organisées vers les médias. Pas par des consultations diplomatiques. Pas par des réunions préparatoires. Pas par le moindre égard pour des alliés qui ont pourtant soutenu l’Ukraine depuis le premier jour. Steve Witkoff a négocié avec les Russes à Miami. Il a élaboré un document avec Dmitriev. Il l’a présenté aux Ukrainiens. Et l’Europe ? L’Europe a regardé tout ça de loin, les bras ballants, impuissante et frustrée. Kaja Kallas, la haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères, a bien tenté de hausser le ton. La pression doit s’exercer sur l’agresseur, pas sur la victime, a-t-elle déclaré. Mais au-delà des belles paroles, que peut-elle vraiment faire ? Quelle force de frappe possède Bruxelles face à une Amérique qui a tourné la page ?
Les réactions européennes mélangent indignation morale et calcul stratégique. Friedrich Merz, le chancelier allemand, Emmanuel Macron et Keir Starmer ont organisé un appel tripartite avec Zelensky le 21 novembre. Ils ont assuré le président ukrainien de leur soutien indéfectible dans la recherche d’une paix durable et juste. Ils ont souligné que les forces armées ukrainiennes devaient conserver la capacité de défendre efficacement la souveraineté du pays. Ils ont insisté sur le fait que tout accord affectant les nations européennes, l’Union européenne ou l’OTAN nécessitait l’approbation des partenaires européens. Un discours de principe. Un rappel des valeurs. Mais concrètement, qu’est-ce que ça change ? Washington a décidé de traiter directement avec Moscou et Kiev. Les Européens peuvent protester tant qu’ils veulent, ils ne sont pas dans la pièce où ça se joue. Et sans les États-Unis, ils n’ont ni les moyens militaires ni le poids diplomatique pour peser vraiment sur l’issue du conflit.
Le sentiment de trahison est palpable dans les couloirs de Bruxelles et des chancelleries européennes. Beaucoup y voient un précédent dangereux. Si Washington peut forcer l’Ukraine à céder des territoires conquis par la force, quel message cela envoie-t-il à Poutine ? Que l’agression paie. Que la patience finit par être récompensée. Que les frontières internationales ne sont finalement que des lignes sur une carte que le plus fort peut redessiner à sa guise. Et si ça marche en Ukraine, pourquoi Moscou s’arrêterait-il là ? Les pays baltes, la Pologne, la Roumanie regardent avec angoisse ce qui se passe. Parce qu’ils savent qu’ils pourraient être les prochains. Qu’un Poutine victorieux en Ukraine aura les coudées franches pour d’autres aventures. Que l’OTAN elle-même pourrait être testée. Et que si l’Amérique abandonne Kiev aujourd’hui, elle pourrait très bien abandonner Tallinn ou Varsovie demain.
Entre solidarité affichée et divisions réelles
Derrière l’unité de façade, l’Europe reste profondément divisée sur la question ukrainienne. Certains pays, comme la Pologne ou les États baltes, sont radicalement opposés à toute concession territoriale. Pour eux, c’est une question existentielle. La Russie est à leurs portes. Si l’Ukraine tombe, ils seront les prochains sur la liste. D’autres nations, plus à l’ouest, commencent à montrer des signes de fatigue. La guerre dure depuis presque quatre ans. Les sanctions contre la Russie coûtent cher aux économies européennes. L’accueil de millions de réfugiés ukrainiens pèse sur les budgets sociaux. Et les opinions publiques, lassées, se demandent combien de temps encore il faudra soutenir un conflit qui semble sans fin. La montée de l’extrême droite dans plusieurs pays européens complique encore la donne. Ces partis, souvent proches de Moscou, plaident pour une normalisation des relations avec la Russie et un arrêt de l’aide à Kiev.
La porte-parole du gouvernement français, Maud Bregeon, a tenté de réaffirmer la détermination de Paris. Notre volonté de nous battre ne doit pas mourir, a-t-elle déclaré en réponse aux propos du chef d’état-major des armées françaises Fabien Mandon, qui avait appelé à davantage de sacrifices de la part de la population. Mais ce genre de discours martial joue de moins en moins auprès d’une société française épuisée par les crises internes et peu encline à s’engager davantage dans un conflit lointain. L’Allemagne, de son côté, reste prudente. Merz soutient l’Ukraine, mais il sait que l’opinion publique allemande est réticente à toute escalade. Le Royaume-Uni post-Brexit essaie de jouer un rôle de premier plan, mais sa capacité d’action reste limitée. Et l’Italie, la Hongrie, la Slovaquie penchent ouvertement pour un compromis rapide, même imparfait, plutôt qu’une guerre qui s’éternise.
Face à cette cacophonie européenne, Washington a beau jeu de passer en force. Trump sait que l’Europe ne présentera jamais un front uni suffisamment solide pour contrer sa stratégie. Il sait que les intérêts nationaux priment sur la solidarité continentale. Il sait que sans le parapluie militaire américain, l’Europe est nue face à la Russie. Alors il négocie son plan de paix comme bon lui semble. Et les Européens, malgré leur frustration, finiront probablement par s’aligner. Parce qu’ils n’ont pas le choix. Parce qu’ils savent qu’une rupture transatlantique serait encore plus dangereuse pour leur sécurité qu’un mauvais accord imposé à l’Ukraine. C’est le réalisme cynique de la géopolitique. Les principes sont beaux sur le papier. Mais quand vient l’heure des décisions, c’est le rapport de forces qui compte. Et dans ce rapport de forces, l’Europe pèse moins lourd qu’elle ne voudrait l’admettre.
Regarder l’Europe se débattre comme ça, c’est presque pathétique. On parle de valeurs, de droits, de souveraineté. Mais au final, quand l’Amérique décide de changer de cap, on suit. Parce qu’on est faibles. Parce qu’on est divisés. Parce qu’on a oublié comment on défend vraiment ce à quoi on prétend croire. Et ça, c’est peut-être la plus grande tragédie de toute cette histoire.
Conclusion
Nous voici donc arrivés à ce point de bascule. À ce moment où l’histoire hésite entre plusieurs chemins possibles et où chaque décision prise dans les prochains jours déterminera le sort de millions de personnes. Zelensky fait face au choix le plus terrible qu’un leader puisse affronter. Accepter un plan de paix qui ressemble à une capitulation, abandonner des territoires défendus au prix de dizaines de milliers de vies, réduire son armée, renoncer à l’OTAN, et espérer que les vagues garanties de sécurité promises tiendront face à un Poutine qui a violé tous ses engagements passés. Ou refuser, tenir bon sur ses principes, préserver la dignité de son pays, mais risquer de perdre le soutien américain et voir l’Ukraine s’effondrer sous les coups de boutoir russes pendant un hiver qui s’annonce apocalyptique. Entre ces deux abîmes, aucune bonne option. Juste des degrés différents de catastrophe. Et le temps file. Six jours avant Thanksgiving. Six jours avant l’ultimatum.
Le Kremlin, lui, savoure sa position de force. Peskov peut se permettre de jouer les modérés, de parler de paix et de dialogue, tout en sachant que chaque jour qui passe renforce Moscou et affaiblit Kiev. Les forces russes avancent à Pokrovsk. Elles grignotent du terrain ailleurs aussi. Elles tuent, détruisent, occupent. Et pendant ce temps, les négociateurs américains et russes discutent tranquillement dans des hôtels de Miami pour rédiger les termes de ce qui ressemble fort à une victoire déguisée pour Poutine. L’Ukraine se bat depuis presque quatre ans. Elle a tenu tête au géant russe. Elle a prouvé au monde que la volonté et le courage peuvent compenser, au moins un temps, la supériorité matérielle. Mais la volonté et le courage ne suffisent pas indéfiniment. Pas sans armes. Pas sans munitions. Pas sans soutien international. Et surtout pas quand vos propres alliés commencent à considérer que votre sacrifice a assez duré et qu’il est temps de passer à autre chose.
Le scandale de corruption qui ébranle le pouvoir ukrainien au moment le plus critique ajoute une dimension tragique supplémentaire à cette équation déjà désespérée. Zelensky a besoin de l’unité nationale comme jamais auparavant. Il a besoin que son peuple lui fasse confiance pour prendre la décision finale, quelle qu’elle soit. Mais comment inspirer confiance quand vos proches sont accusés d’avoir détourné 110 millions de dollars pendant que le pays saignait ? Comment demander des sacrifices supplémentaires quand les élites semblent avoir profité de la guerre pour s’enrichir ? La légitimité de Zelensky, construite sur son image d’homme du peuple face à l’oligarchie corrompue, prend un coup terrible. Peut-être fatal. Et ses ennemis, tant à Moscou qu’à l’intérieur même de l’Ukraine, ne manqueront pas d’exploiter cette faiblesse. Le compte à rebours a commencé. Pour Pokrovsk. Pour Zelensky. Pour l’Ukraine tout entière. Et personne ne sait vraiment comment tout cela va se terminer.
Source : pravda
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