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Chronique : l’Ukraine sacrifiée, Trump force Kiev à lâcher le Donbas
Crédit: Adobe Stock

Bruxelles découvre le plan par la presse

Les Européens l’ont appris par les journaux. Par des fuites. Par des sources anonymes. Personne ne les a appelés. Personne ne leur a demandé leur avis. Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Trump, a négocié pendant des semaines avec les Russes sans prévenir Bruxelles. Sans consulter Paris. Sans impliquer Berlin. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne se sont réunis jeudi à Bruxelles. L’atmosphère était glaciale. Kaja Kallas a parlé de calme dans la salle. Un calme inquiétant. Le calme de ceux qui savent qu’ils sont en train de perdre le contrôle. « Nous avons déjà vu ça avant », a-t-elle dit. Une référence à peine voilée aux tentatives précédentes de négocier au-dessus de la tête de l’Ukraine. Mais cette fois, c’est différent. Cette fois, c’est Trump. Et Trump a les moyens de ses ambitions.

Les diplomates européens parlent de trahison. Ils disent que ce plan a été rédigé avec l’input russe. Qu’il reflète les exigences de Poutine. Un haut responsable ukrainien a confié à l’AFP: « On dirait que les Russes ont proposé ça aux Américains, et ils ont accepté ». Washington dément. L’administration Trump affirme que le plan a été élaboré après des discussions avec Rustem Umerov, conseiller à la sécurité de Zelensky. Que les Ukrainiens ont eu leur mot à dire. Mais personne n’y croit vraiment. Parce que les termes sont trop favorables à Moscou. Parce que les concessions sont unilatérales. Parce que ce plan ressemble à une reddition déguisée en compromis. La Pologne est furieuse. Son ministre des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, a déclaré que la sécurité de l’Europe était « en jeu ». Que l’Europe devait être consultée. Que les victimes ne doivent pas être limitées dans leur capacité à se défendre.

Les peurs qui montent

L’Europe a peur. Peur que ce plan ne soit qu’un début. Peur que Poutine, enhardi par ces concessions, ne s’arrête pas là. Peur qu’après l’Ukraine, il vise les pays baltes. La Pologne. La Moldavie. Les diplomates européens voient ce plan comme un précédent dangereux. Si on accepte qu’un pays puisse envahir son voisin et garder les territoires conquis, alors toutes les frontières deviennent négociables. Toutes les souverainetés deviennent fragiles. Et l’ordre international, cet ordre bâti après 1945 sur le principe d’inviolabilité des frontières, s’effondre. Kallas l’a dit clairement: « Nous n’avons vu aucune concession du côté russe. Ce sont eux qui ont commencé cette guerre. Ce sont eux qui ont envahi un autre pays. Ce sont eux qui tuent des civils en Ukraine ». Mais Trump ne l’écoute pas. Il veut un deal. Il veut pouvoir dire qu’il a mis fin à la guerre. Peu importe le prix.

Les Européens discutent aussi d’un prêt de réparation pour l’Ukraine. Un prêt à taux zéro, financé par les avoirs gelés de la Banque centrale russe. Ces avoirs, plus de trois cents milliards de dollars, sont immobilisés en Europe depuis le début de la guerre. L’idée serait d’utiliser ces fonds pour soutenir l’effort de guerre ukrainien. Mais c’est risqué. Juridiquement complexe. Et la Belgique, qui détient la majeure partie de ces actifs, exige des garanties complètes contre les représailles russes. Kallas pense que c’est justement ce prêt qui pousse Moscou à montrer « bonne figure » maintenant. Que Poutine a peur de perdre cet argent. Qu’il essaie de gagner du temps. De faire croire qu’il veut la paix pour récupérer ses avoirs. Mais personne n’est dupe. La Russie continue de bombarder. Continue d’avancer. Continue de tuer. Juste cette semaine, une frappe sur Ternopil a fait vingt-six morts. Quatre-vingt-treize blessés. Une vingtaine de disparus encore sous les décombres.

L’argent russe gelé, c’est un levier énorme. Trois cents milliards. Une somme qui pourrait changer la donne pour l’Ukraine. Mais utiliser cet argent, c’est franchir une ligne. C’est transformer des actifs gelés en armes de guerre. Et ça fait peur aux banquiers, aux juristes, à tous ceux qui pensent encore que le droit international compte pour quelque chose.

La fracture atlantique

Ce plan crée une fracture dans l’Alliance atlantique. D’un côté, les États-Unis qui veulent tourner la page rapidement. Qui veulent se désengager d’un conflit coûteux et lointain. De l’autre, une Europe qui sent le danger à sa porte. Qui sait que si l’Ukraine tombe, elle sera la prochaine. Politico a publié un article intitulé « Pourquoi l’Europe transpire face au deal de paix de Trump ». Le journal rapporte que les responsables européens se sentent pris au dépourvu. Qu’ils découvrent les détails du plan en même temps que tout le monde. Qu’ils n’ont aucun contrôle sur un processus qui déterminera pourtant leur avenir. Un diplomate européen a confié: « C’est un document américain rédigé avec l’input russe ». Pas européen. Pas ukrainien. Américain et russe. Comme au bon vieux temps de la Guerre froide, quand les deux superpuissances décidaient du sort du monde.

La Suède a appelé à l’unité. Son ministre a déclaré: « Il ne peut y avoir de paix sans l’Ukraine, et l’Europe doit être à la table ». Mais comment être à la table quand personne ne vous invite? Comment peser quand les États-Unis ont déjà décidé? L’Europe parle beaucoup mais agit peu. Elle envoie des armes, certes. Elle finance l’effort ukrainien, oui. Mais elle ne peut pas rivaliser avec la puissance américaine. Elle ne peut pas forcer Trump à changer de stratégie. Elle ne peut qu’espérer que Zelensky refuse ce plan. Qu’il tienne bon. Qu’il dise non. Mais Zelensky est faible. Son gouvernement est secoué par la corruption. Deux ministres viennent de démissionner après l’arrestation de cinq personnes soupçonnées de détourner cent millions de dollars dans le secteur de l’énergie. L’opinion publique ukrainienne est fatiguée. Quatre ans de guerre. Des centaines de milliers de morts. Des millions de déplacés. Des villes détruites. À un moment, même les plus résilients finissent par craquer.

Cette fracture atlantique me rappelle d’autres époques. Celle de Suez en cinquante-six, quand les Américains ont lâché les Français et les Britanniques. Celle de l’Irak en deux mille trois, quand l’Europe s’est divisée. Mais là c’est différent. Là, ce n’est pas une guerre lointaine. C’est notre voisinage immédiat qui brûle.

Source : rfi

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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