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Chronique : Mille cinquante soldats russes tombés en un seul jour
Crédit: Adobe Stock

Une cadence de mort industrielle

Les pertes russes suivent un rythme effrayant. Le 21 novembre 2025, ce sont mille cinquante hommes qui tombent. La veille, mille cent soixante. Le 15 novembre, mille exactement. Le 11 novembre, mille vingt. Les chiffres varient légèrement d’un jour à l’autre, mais la tendance est claire. La Russie perd en moyenne entre neuf cents et douze cents soldats chaque jour. Cela représente environ trente-cinq mille pertes par mois. Plus de quatre cent mille par an si le rythme se maintient. Les analystes militaires occidentaux confirment ces ordres de grandeur. L’Institut britannique pour l’étude de la guerre (ISW) et le ministère de la Défense britannique publient des estimations similaires. Mi-octobre 2025, Londres évaluait les pertes russes totales à environ 1,118 million. Un mois plus tard, on franchit le cap des 1,16 million. La progression est mathématique. Inexorable.

Ce taux de pertes n’a rien d’exceptionnel pour cette guerre. En réalité, novembre 2025 se situe dans la moyenne observée depuis le début de l’année. Le pic a été atteint en décembre 2024 avec une moyenne de 1,570 pertes quotidiennes. Janvier et février 2025 ont maintenu des niveaux élevés, autour de 1,500 morts et blessés par jour. Puis le chiffre a légèrement baissé au printemps, descendant à environ 930 en août. Mais depuis septembre, la courbe remonte. Octobre a franchi la barre des mille. Novembre confirme la tendance. Les offensives russes sur Pokrovsk, Kurakhove et dans la région de Kharkiv exigent un tribut humain considérable. Moscou paie chaque kilomètre carré conquis avec des centaines de vies. Et pourtant, le Kremlin continue. Il envoie de nouvelles vagues. Il recrute. Il mobilise indirectement. Il fait venir des mercenaires étrangers.

Les tactiques russes expliquent en partie ces pertes colossales. L’armée russe a développé une méthode que les commandants ukrainiens appellent « les mille morsures ». De petites équipes d’assaut cherchent les failles dans les lignes ukrainiennes. Elles s’infiltrent. Elles progressent. Quand elles trouvent une brèche, l’infanterie et les drones affluent. Quand elles n’en trouvent pas, les bombes planantes créent le passage. Ces tactiques sont coûteuses. Très coûteuses. Mais elles fonctionnent parfois. La percée russe vers Pokrovsk en témoigne. La ville est maintenant encerclée sur trois côtés. Les Russes avancent. Lentement. Difficilement. Mais ils avancent. Et chaque mètre gagné se paie en sang.

Mille morsures. L’expression me glace. Elle évoque un prédateur qui dévore sa proie par petites bouchées. Sauf qu’ici, le prédateur se dévore lui-même. Pour chaque morsure infligée, il en reçoit trois. Mais il a plus de chair à perdre. Alors il continue. Logique terrible.

Le matériel militaire en fumée

Les hommes ne sont pas les seules pertes. Le 21 novembre 2025, la Russie a également perdu du matériel. Selon l’État-major ukrainien, la journée a coûté à Moscou trois véhicules blindés de combat, vingt systèmes d’artillerie, cent cinquante drones et soixante-cinq véhicules automobiles et citernes. Ces chiffres s’ajoutent à un bilan global vertigineux. Depuis février 2022, la Russie aurait perdu 11,357 chars, 23,600 véhicules blindés, 34,550 systèmes d’artillerie, 428 avions, 347 hélicoptères et plus de 82,000 drones. Les analystes indépendants comme Oryx, qui vérifient chaque perte par des preuves visuelles, confirment des ordres de grandeur similaires, bien que légèrement inférieurs car ils ne comptent que ce qui est documenté photographiquement.

La destruction de matériel atteint des niveaux qui dépassent les stocks initiaux de l’armée russe. Comment est-ce possible? La Russie produit. Elle fabrique de nouveaux chars à partir d’anciens modèles soviétiques remis en état. Elle sort des T-62 des années 1960 de ses entrepôts. Elle modernise des T-72 qui datent de l’ère Brejnev. Sa production de drones s’est considérablement accélérée. Moscou fabrique désormais environ 35,000 drones Shahed par an, un chiffre qui pourrait atteindre 40,000 d’ici 2030. La production de bombes planantes explose également. La Russie vise à produire 120,000 bombes planantes en 2025, soit une capacité théorique de 330 bombes par jour. Actuellement, elle en largue entre 200 et 250 quotidiennement sur les positions ukrainiennes. Cette industrialisation de la guerre transforme le conflit en une course entre production et destruction.

Mais produire coûte cher. Très cher. Le budget militaire russe pour 2025 atteint 170 milliards de dollars, soit environ 8% du PIB national. C’est colossal pour une économie dont la taille est comparable à celle de l’Italie ou du Canada. Les dépenses militaires et sécuritaires représentent 41% du budget fédéral total. Cette militarisation de l’économie crée des déséquilibres. L’inflation russe a atteint 15,9% en mai 2025. La croissance économique ralentit à 1,1% au premier trimestre. Le fonds souverain russe, qui servait à financer le déficit budgétaire, devrait être épuisé d’ici la fin de l’année. Moscou se retrouve face à un mur fiscal. Pour maintenir le rythme, il faudra couper dans d’autres postes budgétaires ou augmenter massivement les impôts. Ni l’un ni l’autre n’est politiquement facile.

L’argent et le sang. Les deux fluides vitaux d’une guerre. La Russie brûle les deux à un rythme effarant. Combien de temps peut-on tenir ainsi? Un an? Deux ans? Cinq ans? Personne ne sait vraiment. Mais l’hémorragie continue.

Les chiffres qui donnent le vertige

Revenons aux pertes humaines. Un million cent soixante-trois mille. Pour saisir ce nombre, il faut le décomposer. Les estimations indépendantes varient sur la répartition entre tués et blessés. Mediazona et BBC Russie, qui documentent les morts russes nominativement en vérifiant les avis de décès, les publications sur les réseaux sociaux et les registres d’état civil, avaient confirmé 147,252 noms au 14 novembre 2025. Mais ce chiffre ne représente qu’une fraction du total réel. Il ne compte que les morts dont l’identité a pu être vérifiée. Les analystes de Mediazona estiment que le nombre réel de soldats russes tués se situe entre 226,000 et 327,000. D’autres sources occidentales proposent des fourchettes similaires. Le Center for Strategic and International Studies (CSIS) évalue les tués entre 200,000 et 250,000 mi-2025.

Si on retient une estimation de 250,000 tués, cela signifie que les blessés et disparus représentent environ 910,000 hommes dans le total de 1,163,170. Certains de ces blessés retourneront au combat après convalescence. D’autres sont invalides à vie. Les amputations sont fréquentes. Les blessures par éclats d’obus, par drones explosifs, par mines antipersonnel causent des dégâts terribles. Les hôpitaux militaires russes débordent. Le système de santé militaire, déjà fragile avant la guerre, craque sous la pression. Les témoignages de soldats évacués parlent de conditions déplorables, de manque de médicaments, de chirurgiens épuisés qui enchaînent les opérations douze heures par jour. La Russie n’était pas préparée à gérer un tel afflux de blessés sur une période aussi longue.

Comparons ces pertes à d’autres conflits russes. L’Union soviétique a perdu environ 14,500 soldats en dix ans en Afghanistan. La première guerre de Tchétchénie a coûté 14,000 morts. La seconde, 6,000. Les deux guerres mondiales sont évidemment dans une autre catégorie: 2,3 millions de morts russes durant la Première Guerre mondiale, 8,7 millions durant la Seconde. Mais entre ces cataclysmes historiques et les interventions post-soviétiques, il y avait un gouffre. L’Ukraine a comblé ce gouffre. Avec 250,000 morts (estimation basse), la guerre d’Ukraine a déjà tué plus de soldats russes que tous les conflits russes et soviétiques combinés entre 1945 et 2022. C’est un fait historique stupéfiant. Et la guerre continue.

Ces comparaisons me hantent. Afghanistan, dix ans, 14,500 morts. Ukraine, moins de quatre ans, dix-sept fois plus. Comment une société digère-t-elle une telle saignée? Comment fait-elle pour ne pas se révolter, pour ne pas exiger l’arrêt?

Source : ukrinform

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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