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Chronique : L’Ouest jette Zelensky, acceptez l’humiliation ou perdez tout
Crédit: Adobe Stock

L’anatomie d’un plan toxique

Le document circule dans les capitales européennes comme un virus. Vingt-huit points. Vingt-huit exigences. Vingt-huit gifles. Élaboré par Steve Witkoff, envoyé spécial de Trump, et son homologue russe Kirill Dmitriev, sans qu’aucun Ukrainien ne soit consulté, ce plan porte l’empreinte du Kremlin à chaque ligne. Premier coup : reconnaissance de la Crimée, Louhansk et Donetsk comme territoires russes de facto. Deuxième coup : gel de Kherson et Zaporijjia selon la ligne de contact actuelle, soit une reconnaissance implicite des gains territoriaux obtenus par la force. Troisième coup : retrait des forces ukrainiennes de la partie de l’oblast de Donetsk encore sous contrôle de Kiev, création d’une zone tampon démilitarisée que Moscou ne s’engage même pas à respecter. Quatrième coup : limitation de l’armée ukrainienne à six cent mille hommes, alors qu’elle compte aujourd’hui huit cent mille soldats. Cinquième coup : interdiction pour l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN, inscrite dans la Constitution ukrainienne et dans les statuts de l’Alliance atlantique — une double humiliation juridique.

Les autres points suivent la même logique d’effacement progressif de la souveraineté ukrainienne. Aucune force de l’OTAN sur le sol ukrainien. Amnistie totale pour toutes les parties, y compris les auteurs de crimes de guerre russes. Levée graduelle des sanctions contre Moscou. Utilisation de cent milliards de dollars d’avoirs russes gelés pour reconstruire l’Ukraine — mais sans garantie d’exécution, sans calendrier précis. Élections organisées dans cent jours, alors que le pays est encore en guerre, encore occupé, encore traumatisé. La reconstruction sera supervisée par un « Conseil de la paix » présidé par Trump lui-même — un mécanisme de contrôle américain qui réduit Kiev à un statut de protectorat. Les garanties de sécurité promises par Washington se résument à une « réponse militaire coordonnée » en cas de nouvelle invasion russe — exactement ce qui existe déjà, et qui n’a jamais empêché Poutine d’agir. Aucune mention des cyberattaques, du sabotage, des opérations hybrides que la Russie mène en permanence. Aucune protection réelle, aucun engagement contraignant.

Les législateurs européens, choqués, réagissent mollement. L’Allemagne, la France, le Royaume-Uni publient une déclaration commune affirmant que le plan constitue une « base » mais nécessite un « travail additionnel ». Ils insistent sur le respect de la souveraineté ukrainienne, sur la nécessité que tout accord soit conclu « avec l’Ukraine, pas sans elle ». Mais leurs mots manquent de mordant. Ils savent que Trump n’écoutera pas, que Moscou jubile, que Kiev suffoque. Le Premier ministre polonais Donald Tusk déclare : « La Russie ne peut imposer ses conditions à l’Ukraine et à l’Europe. » Mais comment l’empêcher, concrètement ? Personne ne le dit. Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, rappelle que « la Russie n’a aucun droit légal à des concessions de la part du pays qu’elle a envahi ». Évidence juridique, impuissance politique. Les conseillers nationaux de sécurité de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne prévoient de se réunir à Genève avec leurs homologues américains et ukrainiens pour discuter du plan — mais cette consultation arrive trop tard, alors que Trump a déjà fixé son ultimatum.

À force de dénoncer sans agir, on devient complice. Voilà ce qui me terrifie. Ces déclarations européennes, ces communiqués solennels, ces appels à la retenue — tout ça ne sert à rien si personne ne bouge vraiment. Je regarde cette scène de loin, impuissant, et je me sens écœuré par l’hypocrisie ambiante. On prétend défendre des valeurs, on clame haut et fort qu’on ne cède jamais au chantage, et puis on laisse faire. On laisse un allié se noyer sous prétexte qu’on est fatigués, qu’on a nos propres problèmes, qu’on ne peut pas tout porter. Mais si on abandonne l’Ukraine maintenant, qu’est-ce qui nous dit qu’on ne sera pas les prochains sur la liste ?

Poutine jubile, l’Occident recule

Vladimir Poutine accueille le plan américain avec un sourire carnassier. « Ce texte peut servir de base à un règlement de paix définitif », déclare-t-il, savourant chaque mot. Il précise que ce plan ressemble à une version modernisée de celui discuté avec Trump en Alaska en août dernier, que Kiev avait rejeté. Moscou, en position de force militaire, n’a aucune raison de refuser un texte qui lui offre tout ce qu’elle réclame depuis février 2022. Le Kremlin n’a même pas besoin de négocier : les États-Unis et la Russie ont déjà écrit le scénario ensemble, sans que l’Ukraine n’ait son mot à dire. Poutine, stratège patient, joue la montre. Il sait que Trump veut un succès diplomatique rapide, une « victoire » à présenter avant les élections américaines de 2026. Il sait aussi que les sanctions pétrolières renforcées entrent en vigueur le vingt-et-un novembre 2025, et qu’il doit retarder l’adoption d’une loi américaine sur les sanctions secondaires actuellement devant la Chambre des représentants.

Les experts occidentaux tirent la sonnette d’alarme. Keir Giles, du centre de réflexion britannique Chatham House, tranche : « Il n’y a pas de processus de paix. C’est la transmission de demandes de capitulation russes avec la facilitation active des États-Unis. » Il souligne que le texte est « unilatéral, insensé, inapplicable », qu’il interdit à l’Ukraine de frapper Moscou ou Saint-Pétersbourg mais n’impose aucune restriction similaire à la Russie concernant Kiev. Orysia Lutsevych, analyste au même institut, qualifie le plan de « création du Kremlin », une opération visant à bloquer le réarmement massif de l’Europe qui s’annonce. Elle avertit que Poutine utilise Trump pour gagner du temps, pour empêcher le renforcement des sanctions, pour diviser l’alliance occidentale. Marc Weller, professeur de droit international, note que les dispositions concernant l’OTAN et l’Union européenne sont juridiquement impossibles à appliquer sans l’accord de tous les membres — accord qui n’arrivera jamais. Le plan est donc techniquement mort-né, mais politiquement dévastateur.

Les législateurs américains eux-mêmes expriment leur malaise. Certains républicains dénoncent un texte « inacceptable » qui favorise Moscou. Des démocrates parlent de trahison des valeurs démocratiques, d’abandon d’un allié fidèle. Mais Trump tient bon. Il veut sa paix, coûte que coûte. Il déclare à la radio Fox News : « J’ai fixé beaucoup d’échéances, mais quand les choses avancent bien, on tend à les prolonger. Cependant, jeudi nous semble un délai approprié. » Ce jeudi, c’est Thanksgiving, jour de célébration nationale américaine — symbole cynique d’un président qui mêle diplomatie et spectacle, qui impose des ultimatums entre deux tranches de dinde. Zelensky doit répondre pendant que les Américains festoient. L’ironie est cruelle. La pression, insoutenable. Le choix, impossible.

Je lis ces analyses d’experts, ces déclarations officielles, et je ressens une colère sourde monter en moi. Pas une rage explosive, non. Plutôt une indignation froide, raisonnée, qui me ronge de l’intérieur. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment une démocratie comme les États-Unis peut-elle imposer à une autre démocratie un plan négocié avec son agresseur ? Où est passée la solidarité, la cohérence, le respect du droit international ? Je cherche des réponses, mais je ne trouve que le vide, le cynisme, le pragmatisme glacé des grandes puissances qui jonglent avec le destin des peuples comme on joue aux échecs. Et moi, simple chroniqueur, je me sens dérisoire face à cette machine infernale.

Source  : euromaidanpress

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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