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Chronique : Ukraine au bord du gouffre, quatre tempêtes mortelles s’abattent en même temps
Crédit: Adobe Stock

L’ultimatum américain qui glace Kiev

Jeudi vingt-sept novembre. Thanksgiving. La fête américaine de la gratitude devient pour l’Ukraine le jour du jugement. Donald Trump a posé sa deadline sans trembler, sans nuance, sans la moindre ambiguïté. Zelensky a jusqu’à cette date pour accepter le plan de paix américain de vingt-huit points. Sinon, les armes s’arrêtent de couler vers Kiev. Les renseignements également. L’aide militaire américaine, cette bouée de sauvetage sans laquelle l’armée ukrainienne ne peut survivre, sera coupée net. Trump l’a dit sans détour lors d’une rencontre au Bureau ovale avec Zohran Mamdani, futur maire de New York : « Il devra l’accepter. S’il ne l’aime pas, qu’ils continuent à se battre. » La brutalité de la formule sidère. Elle révèle une vérité crue : Washington veut en finir. Coûte que coûte.

Le plan lui-même constitue un camouflet historique pour l’Ukraine. Vingt-huit points rédigés par Steve Witkoff, envoyé spécial de Trump, avec l’aide de Marco Rubio et Jared Kushner, le gendre du président. Ils ont discuté avec Kirill Dmitriev, l’envoyé russe, avant même d’en parler sérieusement avec les Ukrainiens. Les grandes lignes font froid dans le dos. L’Ukraine doit céder des territoires supplémentaires à l’est. Elle doit plafonner la taille de son armée. Elle doit s’engager formellement à ne jamais rejoindre l’OTAN. En échange, un pacte de non-agression avec la Russie, une amnistie totale pour les crimes de guerre commis des deux côtés, et la promesse vague d’une intervention militaire coordonnée si Moscou attaque de nouveau. Mais quelle intervention ? Avec qui ? Le texte reste flou. Délibérément flou.

Zelensky a réagi avec une retenue glaciale. Lors d’une rencontre avec des responsables militaires américains à Kiev jeudi dernier, il a qualifié le plan de « vision américaine », pas d’offre définitive. Il a insisté : l’Ukraine a tracé ses lignes rouges. Elle ne trahira pas sa dignité. Elle ne sacrifiera pas sa souveraineté. Dans un message vidéo diffusé vendredi, le président ukrainien a appelé son peuple à rester uni face à « l’un des moments les plus difficiles de notre histoire ». Il sait qu’une acceptation du plan Trump équivaudrait à une capitulation partielle. Mais un refus signifierait l’isolement total, la fin du soutien américain, et peut-être la défaite militaire à moyen terme. Entre l’humiliation et l’anéantissement, quel choix reste-t-il ?

Je regarde cette deadline du vingt-sept novembre et je sens quelque chose se briser en moi. Pas de la colère. Pas vraiment. Plutôt une forme d’épuisement existentiel devant la cruauté mécanique de la realpolitik. Trump impose sa paix comme on claque une porte. L’Ukraine doit avaler la pilule ou crever seule. C’est brutal. C’est injuste. C’est la loi du plus fort déguisée en diplomatie pragmatique. Et pourtant, que peut faire Zelensky ? Se battre seul contre la Russie ? Impossible. Alors il tergiverse, il joue la montre, il espère un miracle qui ne viendra pas.

Les vingt-huit points de la discorde

Décortiquons ce plan. Point par point, il dessine une capitulation déguisée. Le premier point affirme la souveraineté de l’Ukraine. Beau sur le papier. Mais les points suivants la vident de son sens. Le point trois stipule que la Russie s’engage à ne pas envahir ses voisins, tandis que l’OTAN promet de ne plus s’étendre. Équivalence morale sidérante. Le point quatre prévoit un dialogue entre Moscou et l’OTAN, facilité par Washington, pour résoudre toutes les questions de sécurité. L’Ukraine devient spectatrice de son propre destin. Les points cinq à vingt et un détaillent les concessions territoriales, les arrangements économiques, la levée progressive des sanctions contre la Russie. Certains actifs russes gelés seraient alloués à la reconstruction ukrainienne, mais pas tous. Loin de là.

Le point vingt-deux constitue le poison dans le miel. Une fois les arrangements territoriaux établis, ni la Russie ni l’Ukraine ne pourront les modifier par la force. Toute garantie de sécurité deviendra caduque en cas de violation. Autrement dit, si Moscou brise le cessez-le-feu, Kiev ne pourra compter que sur elle-même. Le point vingt-trois ouvre le Dniepr au commerce russe et garantit le transport du grain ukrainien via la mer Noire. Des concessions économiques majeures à Moscou. Le point vingt-quatre prévoit un comité humanitaire pour échanger tous les prisonniers, rapatrier les enfants déportés, réunir les familles. Noble intention. Mais combien de temps cela prendra-t-il ? Des années, probablement.

Les derniers points achèvent le tableau. Le point vingt-cinq impose des élections en Ukraine dans les cent jours suivant l’accord. Zelensky devrait organiser un scrutin dans un pays déchiré, partiellement occupé, traumatisé par la guerre. Le point vingt-six accorde une amnistie totale à toutes les parties pour leurs actions en temps de guerre. Traduction : aucun responsable russe ne sera poursuivi pour crimes de guerre. Les massacres de Boutcha, les bombardements d’hôpitaux, les viols systématiques, les déportations d’enfants, tout sera effacé. Pardonné. Oublié. Le point vingt-sept crée un Conseil de paix dirigé par Trump lui-même pour superviser l’application de l’accord, avec des sanctions en cas de violation. Et le point vingt-huit ordonne un cessez-le-feu immédiat dès signature, les deux camps se retirant vers des positions prédéterminées. Sur le papier, c’est la paix. Dans les faits, c’est une reddition déguisée.

Ces vingt-huit points me donnent la nausée. Pas parce qu’ils sont techniquement mauvais ou juridiquement bancals. Non. Parce qu’ils incarnent cette logique implacable selon laquelle la victime doit payer pour avoir le droit de survivre. L’Ukraine a été envahie, bombardée, violée, déportée. Et maintenant, on lui demande de renoncer à des territoires, de limiter son armée, d’amnistier ses bourreaux. Pour la paix, dit-on. Mais quelle paix ? Celle du vainqueur imposée au vaincu. Je comprends la lassitude de Trump. Je comprends son pragmatisme. Mais je ne peux m’empêcher de penser aux familles ukrainiennes qui ont tout perdu et qui verront leurs tortionnaires rester impunis.

Moscou jubile, Kiev suffoque

Vladimir Poutine a réagi avec un mélange de satisfaction et de prudence. Lors d’une réunion du Conseil de sécurité russe, il a déclaré que le plan américain « pourrait servir de base » pour résoudre le conflit. Mais il a ajouté un avertissement glaçant : si Kiev rejette la proposition, les forces russes intensifieront leurs offensives. Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, a précisé que Moscou n’avait pas encore reçu officiellement le plan. Curieux. Trump et Witkoff en ont discuté avec Dmitriev, mais aucun document formel n’a été transmis au Kremlin. Cette ambiguïté arrange tout le monde. Elle permet à Poutine de jouer les modérés tout en maintenant la pression militaire.

Du côté européen, les réactions oscillent entre inquiétude et scepticisme. Kaja Kallas, chef de la politique étrangère de l’Union européenne, a déclaré que l’Europe et l’Ukraine veulent la paix, mais pas à n’importe quel prix. Elle a insisté : la Russie n’a aucune légitimité pour exiger des concessions du pays qu’elle a envahi. Seule l’Ukraine peut décider des termes acceptables. Mais les mots de Kallas sonnent creux. L’Europe peut protester, s’indigner, proclamer sa solidarité. Sans les États-Unis, elle ne pèse rien sur le terrain. Les livraisons d’armes européennes ne suffiront jamais à compenser la perte de l’arsenal américain. Zelensky le sait. Trump le sait. Poutine le sait.

Zelensky a multiplié les consultations cette semaine. Il a parlé une heure avec le vice-président américain JD Vance. Il a discuté avec Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN, des « options diplomatiques disponibles ». Formulation prudente qui cache une réalité terrible : les options se réduisent chaque jour. Le président ukrainien a promis de travailler rapidement et efficacement avec Washington, mais sans sacrifier les intérêts de son pays. Équilibre impossible. Comment coopérer sans capituler ? Comment refuser sans s’isoler ? Zelensky marche sur un fil tendu au-dessus du vide. Un faux pas, et tout s’effondre. Le délai du vingt-sept novembre approche. L’horloge tourne. Et personne ne sait ce qui se passera jeudi prochain.

Source : euromaidanpress

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

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