La Zuivska : un tiers de la puissance de la région
La Zuivska Thermal Power Plant se dresse dans la petite ville de Zuhres. Une usine massive. Ancienne. Construite à l’époque soviétique quand on pensait que le communisme durerait mille ans. Elle produit normalement mille deux cents mégawatts. Suffisant pour fournir un tiers de toute l’électricité de la région occupée de Donetsk. Un tiers! Cela signifie que cette seule usine alimente environ 400 000 personnes. Des familles entières dépendent de cette machine à produire de l’électricité. Les militaires russes qui stationnent là aussi. Leurs baraquements chauffés. Leurs cuisines. Leurs postes de commandement qui nécessitent une électricité stable et fiable. Tout ça reposait sur cette usine. Les Ukrainiens le savaient. Ils l’ont choisi pour cette raison exactement. Sur le site de la Zuivska, les images thermiques des drones montraient probablement chaque détail. Chaque bâtiment. Chaque transformateur. Le cœur vulnérable de l’installation. Les opérateurs ont coordonné leur attaque avec une précision glaciale. Pas de tir de couverture. Pas d’assaut maladroit. Juste une frappe chirurgicale. Un missile guidé qui arrive silencieusement. Une explosion qui change tout. Les vidéos montrent des flammes énormes jaillissant du toit de la centrale. Puis un deuxième impact. Puis un troisième. Chacun plus violent que le précédent. Les transformateurs brûlent. L’équipement électrique fond. Les câbles d’alimentation se disloquent. En l’espace de quelques minutes, une infrastructure construite pour durer des décennies est réduite à un tas de ferraille fumante.
Ces images de destruction. Elles me fascinent autant qu’elles me dérangent. L’outil de l’homme. Magnifique ou horrible selon le point de vue. Je pense à tous ceux qui ont travaillé à la construction de cette usine. Aux vies qu’elle a alimentées. Et maintenant elle brûle.
Les rapports russes confirment que le deuxième transformateur a été détruit. Cet équipement colossal qui convertit la tension électrique pour la distribution. Sans lui, aucune électricité ne peut s’échapper de l’usine. Même si les générateurs continuaient de fonctionner, ce qui n’est pas le cas, l’électricité resterait piégée à l’intérieur. Les habitants de Makiivka commencent à remarquer que les lumières vacillent. Ils ne comprennent pas encore ce qui arrive. Mais en moins d’une demi-heure, tout s’éteint. Complètement. Les réverbères des rues s’éteignent. Les publicités lumineuses disparaissent. Les écrans des ordinateurs deviennent noirs. C’est comme si quelqu’un avait appuyé sur un interrupteur géant. Et ce quelqu’un, c’était les forces ukrainiennes Unmanned Systems Forces dirigées par le commandant Robert Brovdi, alias Madyar. Un nom que les Russes commencent à connaître très bien. Le nom d’un homme qui donne des ordres et qui les voit s’accomplir des kilomètres plus loin. Les drones d’attaque volent bas. Ils évitent les défenses aériennes russes grâce à leur petit profil radar. Personne ne les entend venir. Ou alors, c’est trop tard pour réagir.
La Starobesheve : le cœur du système énergétique russe en Donetsk
Mais la Zuivska n’est que le début. Vingt minutes plus tard, la deuxième frappe arrive. La Starobesheve Thermal Power Plant en reçoit l’impact. Une usine encore plus grande. Deux mille trois cents mégawatts de capacité. C’est presque le double de la Zuivska. Elle est située à Novyi Svit, une localité qui change de mains régulièrement selon les avancées et les retraits russes. Les Russes utilisaient cette centrale pour stabiliser l’ensemble du système énergétique occupé. Elle était leur colonne vertébrale électrique. Sans elle, tout s’écroule. Et c’est exactement ce qui arrive. Les drones frappent les zones critiques. Les points de vulnérabilité que des mois de renseignement ont identifiés. Peut-être même des agents ukrainiens à l’intérieur de l’usine ont-ils transmis des informations détaillées. Peut-être que l’imagerie satellite à haute résolution a suffi. Peu importe. Le résultat est identique. L’usine brûle. Les transformateurs sont détruits. L’électricité ne sortira plus. Du moins, pas avant des semaines. Peut-être des mois. Le commandant Madyar annonce les résultats avec un calme inquiétant. Les deux centrales sont « entièrement fermées ». Pas endommagées. Pas partiellement hors service. Fermées. Définitivement. Jusqu’à nouvel ordre. Jusquà réparation. Jusqu’à l’arrivée d’équipements de remplacement. Et obtenir cet équipement en ces temps de guerre et de sanctions? Bonne chance. Les circuits d’approvisionnement russes sont cassés. Les pays occidentaux ne vendent rien. Les Chinois commencent à penser à deux fois avant de commercer avec la Russie.
Je me demande ce que ressentent les civils là-bas quand l’électricité s’éteint soudainement. Cette sensation de vulnérabilité. De dépendance totale à l’égard du système. Et maintenant, le système s’est effondré. Je m’imagine les hôpitaux qui passent sur générateurs. Les maisons de retraite dans le froid. Les enfants qui crient.
Le commandement russe doit affronter une réalité inévitable. Ces deux usines n’étaient pas en première ligne. Elles n’étaient pas censées être vulnérables. Elles se trouvaient à plus de 40 kilomètres de la ligne de front. Elles avaient des défenses aériennes. Des systèmes de protection. Des mitrailleuses et des fusils antichars. Rien de tout cela n’a aidé. Les drones ukrainiens volent bas. Ils arrivent sans prévenir. Avant que les défenses aériennes russes puissent craquer le ciel. Une minute. C’est tout ce qu’il faut. Une minute et deux centrales monstres sont réduites au silence. Le contraste avec les raids aériens traditionnels est total. Les avions de chasse bombardent des villes entières. Les résultats sont mélangés. Des infrastructures civiles sont détruites. Des écoles sont pulvérisées. Des hôpitaux brûlent. Mais les cibles militaires essentielles? Parfois elles sont manquées. Les Vampires et les autres drones ukrainiens, eux, ne ratent jamais. Ils sont programmés pour un objectif. Ils trouvent cet objectif. Ils le détruisent. Fin de l’histoire.
La plongée dans l'obscurité
Demi-million de vies basculent en une nuit
Les chiffres commencent à sortir dans les heures qui suivent l’attaque. Les estimations russes d’abord. Prudentes. Minimisantes. Le Kremlin adore évaluer les dégâts à la baisse. Mais même leurs chiffres sont catastrophiques. 500 000 personnes sans électricité dans la nuit du 17 novembre. Puis, dans la nuit du 18, une deuxième attaque. Les chiffres explosent. 65% des consommateurs d’énergie de tout le Donetsk occupé sont sans courant. Cela signifie que les Russes ont perdu les deux tiers de leur capacité de distribution. Pas seulement la production. Ils ne peuvent pas distribuer l’électricité qu’ils produisent ailleurs parce que les liaisons qui reliaient les deux centrales au réseau sont probablement aussi endommagées. Les postes électriques qui redistribuent l’énergie ont probablement été frappés aussi. Les drones ne frappent jamais une cible unique. Ils frappent l’ensemble du système. Ils créent des chaînes de défaillance. Un transformateur tombe. Puis la charge électrique se reporte sur un autre. Celui-ci surchauffe et explose. Puis un troisième tombe. Et les dominos continuent de tomber jusqu’à ce que le système entier soit paralysé. C’est une attaque stratégique brillante. Presque trop bien pensée. Trop bien exécutée.
Je suis impressionné et horrifié à la fois. Ces gens qui ont lancé cette opération comprennent la vulnérabilité des systèmes énergétiques modernes. Ils comprennent la fragilité de notre civilisation. Que tout s’arrête si l’électricité s’arrête.
Les villes occupées sombrent littéralement dans l’obscurité. Donetsk. Makiivka. Ilovaisk. Horlivka. Ce sont des villes de centaines de milliers d’habitants. Et soudain, elles n’ont plus d’électricité. Pas de chauffage. Pas d’eau chaude. Pas de lumière. Les chiffres deviennent concrets. Un million de personnes avant la guerre vivaient dans la ville de Donetsk seule. Même avec la déportation des civils décidée par les Russes, il en reste probablement 300 000 à 400 000. Et ils sont tous dans le noir. Complètement. Les images satellites montrent la différence dramatique. Sur les clichés de novembre 16, avant les attaques, Donetsk brille. Mille petites lumières parsèment la ville. C’est une ville fonctionnelle. Urbaine. Moderne en apparence. Le 18 novembre, après les attaques, la ville est noire. Complètement noire. Aucune lumière. Aucune vie. Comme une ville morte. Les seules lumières qui peuvent sortir viennent peut-être de quelques générateurs diesel. Des feux. Des chandelles. Mais rien comparé à ce qui était avant. C’est apocalyptique.
Les systèmes critiques s’effondrent
Et ce n’est pas juste de la lumière qui disparaît. Les stations de traitement d’eau arrêtent de fonctionner. Il faut de l’électricité pour pomper l’eau. Pour la purifier. Pour la distribuer. Sans électricité, aucune eau ne sort des robinets. Les stations de chauffage central arrêtent aussi. Ces immenses chaufferies qui alimentent les immeubles résidentiels russes. Construites pendant l’époque soviétique. Très efficaces mais très dépendantes de l’électricité. Sans elle, les gens grelottent dans leurs appartements. Et on arrive en novembre. Bientôt décembre. Le froid arrive. Et non seulement les gens gèlent, mais l’eau devient aussi un problème. Vous imaginez? Pas d’eau chaude. Pas d’eau du tout. Plus de 376 000 clients se retrouvent sans accès à l’électricité, selon les sources pro-Kremlin eux-mêmes. Quatrze établissements de santé sont également frappés d’obscurité. Les hôpitaux passent sur batteries de secours. Les respirateurs artificiels fonctionnent sur générateurs diesel qui font un bruit infernal et qui consomment du carburant comme des puits sans fond. Les interventions chirurgicales deviennent impossibles. Les patients critiques risquent leurs vies quand les générateurs manquent de carburant ou quand les batteries s’épuisent. Presqu’une cinquantaine d’écoles sont aussi sans chauffage. Les classes d’enfants russes et pro-russes gèlent. Les autorités décident que seules les écoles avec chauffage actif vont continuer les cours. Comme si on revenait au Moyen Âge.
Les enfants. C’est à eux que je pense le plus. Ces gamins qui ont été élevés par la propagande russe. Qui ne connaissent que la version russe de la vérité. Et maintenant ils gèlent dans leurs salles de classe parce que l’Ukraine a décidé de viser une centrale électrique. Je sais que c’est stratégique. Je sais que c’est justifié. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser aux enfants.
La température prévue pour Donetsk est d’environ 8 degrés Celsius la nuit suivante. Puis 12 le jour. Ces températures semblent bénignes en apparence. Mais sans chauffage, dans un appartement humide, elles sont brutales. Dangereux même pour les personnes âgées. Pour les nourrissons. Pour les malades. Les autorités russes déclarent un état d’urgence. Elles créent des commissions pour documenter les dégâts. Comme si documenter allait résoudre le problème. Comme si les paperasses pouvaient produire de l’électricité. Ensuite, elles promettent une aide financière aux civils affectés. De l’argent. Pour quoi faire? Acheter une couverture? Brûler du bois dans des cheminées? L’aide financière ne produit pas d’électricité. L’aide financière ne chauffe pas les appartements. Mais c’est ce qu’offrent les bureaucrates russes. De belles promesses. Des promesses qui sonnent bien dans les communiqués de presse. Et qui ne règlent rien.
La stratégie ukrainienne : accélérer l'effondrement du système russe
Des attaques coordonnées et répétées
Ce qui est fascinant avec ces attaques, c’est qu’elles ne sont pas isolées. Deux nuits. Deux attaques distinctes. Le 17. Le 18 novembre. Comme si les Ukrainiens testaient quelque chose. Ou plutôt, confirmaient qu’ils pouvaient répéter le succès. Nuit 1 : 500 000 sans électricité. Nuit 2 : situation encore pire. Cela envoie un message très clair. Ce message dit : « Vous n’êtes jamais en sécurité. Jamais. Nous pouvons frapper quand nous voulons. » C’est une stratégie psychologique aussi. Pas juste militaire. Les Russes en Donetsk doivent maintenant dormir avec la peur que la deuxième nuit arrive. Que les drones reviennent. Que tout s’éteigne à nouveau. Cette angoisse permanente ruine le moral. Rend les troupes moins efficaces. Les soldats sont épuisés avant même de combattre parce qu’ils ont peur que la nuit prochaine, ils n’auront plus d’électricité pour recharger leurs batteries. Pour chauffer leurs bunkers. Pour communiquer avec le commandement.
C’est de la guerre moderne. Pas de combats frontaux. Pas de mort directe même. Juste des civils et des soldats qui gèlent dans l’obscurité. Et on appelle ça la victoire? Je ne suis pas sûr. Mais je comprends pourquoi l’Ukraine le fait.
Le commandant Madyar déclare que les forces ukrainiennes vont continuer. « Les drones continueront d’opérer contre les installations stratégiquement importantes, » dit-il. Pas de doute. Pas de retrait. Juste une déclaration froide de l’intention. Les Ukrainiens vont continuer à frapper les installations énergétiques russes aussi longtemps qu’elles existent. Et maintenant, ils vont probablement viser les autres centrales. Il y en a d’autres en Donetsk. Peut-être même des relais d’électricité. Des transformateurs distributeurs. Des substations qui concentrent la puissance. Les Russes ne puvont pas tous les défendre. Il y en a trop. Ils s’étendent sur des dizaines de kilomètres carrés. Un drone peut détruire une centrale. Mais cent drones? Mille? Les défenses aériennes russes vont devenir saturées. Débordées. Incapables de suivre.
Une réponse à la stratégie russe de démolition
Il y a une certaine justice dans cette riposte. Il y a quelques semaines, le 8 novembre précisément, la Russie a lancé une attaque considérée comme l’une des plus massives contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes. Plus de 450 drones. 45 missiles. Les centrales Trypillia et Zmiivska en Ukraine ont été complètement détruites. Pas endommagées. Détruites. L’énergie ukrainienne s’est effondrée. Centrenergo, le géant énergétique ukrainien, a annoncé que sa production était tombée à zéro. Zéro génération. Le texte des communiqués russes était brutal. Presque exultant. Ils avaient cassé l’Ukraine. Ils avaient amené le pays à genou. Ou c’est ce qu’ils pensaient. Mais l’Ukraine ne s’était pas agenouillée. L’Ukraine s’était levée. Et maintenant elle retournait le coup. Avec intérêt.
La vengeance. C’est un sentiment que je comprends. Peut-être pas dans sa pureté absolue. Mais ici, c’est presque justifié. La Russie gèle l’Ukraine. L’Ukraine gèle la Russie. C’est une symétrie parfaite. Et elle est terriblement efficace.
Le timing n’est pas accidentel. La Russie attaque avant l’hiver pour maximiser les souffrances. L’Ukraine riposte juste avant que l’hiver n’arrive pour maximiser l’impact. Car un hiver sans électricité, c’est potentiellement catastrophique. Les gens meurent du froid. Les maladies se propagent. Les services de santé s’effondrent. Les civils paniquent. Et les civils qui paniquent, ce sont aussi des familles de soldats russes. Des mères. Des épouses. Des enfants. Ils se demandent comment survivre à l’hiver. Ils blâment l’armée russe d’être incapable de les protéger. Ils écoutent les promesses vides des autorités et commencent à douter. C’est là que réside le vrai pouvoir de cette attaque. Pas dans la destruction physique. Mais dans la fracture psychologique qu’elle crée chez l’ennemi. En Donetsk occupée, chez les civils, chez les collaborateurs, chez les militaires, une certitude s’installe maintenant. Personne ne peut les protéger. Pas vraiment. Les forces russes sont incapables de défendre quelque chose d’aussi important qu’une centrale électrique. Comment pourraient-elles défendre quelque chose de plus petit? Comment pourraient-elles gagner cette guerre si elles ne peuvent même pas assurer que l’électricité continue à couler?
Conclusion
C’est fini. La naïveté russe, j’entends. Ce moment où Moscou pensait qu’occuper une région signifiait la contrôler complètement. Demi-million d’âmes plongées dans le noir. Une centrale de 1200 mégawatts en ruines. Une autre de 2300 mégawatts réduite au silence. Voilà le nouvel équilibre des forces. Plus de défenses invulnérables. Plus de zones de sécurité profonde. Plus de certitude. Juste l’obscurité et le froid qui s’approchent. Les Ukrainiens ont compris quelque chose que les militaires russes tardent à reconnaître. Les infrastructures énergétiques sont aussi des cibles légitimes que les blindés. Peut-être plus même. Parce qu’elles supportent toute l’armée. Elles chauffent les bunkers. Elles chargent les batteries des systèmes de communication. Elles pompent l’eau. Elles alimentent les hôpitaux. Elles maintiennent la civilisation en marche. Les détruire, c’est paralyser l’ensemble du système. Et les drones ukrainiens l’ont bien compris. Les opérateurs ukrainiens l’ont bien compris. Le commandement ukrainien a choisi cette stratégie. Et maintenant, c’est un point de non-retour. Les Russes peuvent faire pareil. Frapper les centrales ukrainiennes. Plonger les villes ukrainiennes dans le noir. Mais l’Ukraine a découvert que c’était réciproque. Que personne n’est vraiment à l’abri. Que la guerre moderne se joue aussi sur l’obscurité et le froid. Et l’hiver arrive. Un hiver sans électricité pour demi-million d’occupants russes. Voilà ce que l’offensive énergétique ukrainienne signifie. Pas de victoire militaire immédiate. Pas de territoire reconquis ce jour-là. Mais un affaiblissement du système russe. Un écroulement de l’infrastructure. Une plongée dans l’obscurité. Et au cœur de cette obscurité, la question que les Russes se posent maintenant : comment tenir? Comment continuer? La réponse devient de plus en plus claire chaque jour. Peut-être qu’ils ne peuvent pas.
Source : militarnyi
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