Voyez-vous, Shatura c’était une forteresse sur papier. Une centrale construite à l’époque soviétique. D’abord alimentée à la tourbe. Puis au gaz. Modernisée en 2010 avec une unité dernier cri, une turbine Siemens de quatre cents mégawatts, une efficacité thermique de cinquante-six pour cent. Le nec plus ultra de la technologie. Et surtout, une turbine qui ne peut pas être remplacée. Pas facilement. Parce que Siemens c’est allemand. Et l’Allemagne, c’est l’Europe. Et l’Europe, c’est dans le bloc occidental. Et le bloc occidental a mis en place des sanctions. Donc si cette turbine est endommagée, il n’y a pas de pièces détachées. Pas de remplacement. Juste une centrale que je t’aime qui ne tourne plus. C’est comme ça que fonctionne la stratégie ukrainienne. Elle frappe où ça fait mal. Pas juste où c’est possible. Où ça démultiplie les problèmes. Où la réparation devient impossible. Asymétriquement mortelle.
Mille cinq cents mégawatts. C’est la capacité totale de la centrale. Ça représente plus de vingt pour cent de la production électrique de toute la région de Moscou. Vingt pour cent. Rien qu’avec cette centrale. Alors tu imagines. Les chiffres restent froids jusqu’à ce que tu les humanises. Trente-trois mille personnes qui se réveillent le 24 novembre sans chauffage. En novembre. En Russie. Quand les températures sont négatives et que le froid tue aussi vite que les obus. Les services d’urgence, les hôpitaux, tout fonctionne sur batterie de secours. Les transformateurs qui ont pris feu ne peuvent pas être réparés immédiatement. Les ingénieurs russes tournent en rond. Les gestionnaires envoient des SMS de panique au Kremlin. Et Poutine? Poutine regarde et se demande comment l’ennemi a pu faire. Comment mille drones ukrainiens, assemblés dans des garages cachés, avec les mains courageuses d’ouvriers sans ressources, comment ça a pu passer? Comment la plus grande armée d’air du monde n’a rien vu? Comment c’est possible?
Parce que c’est ça qui tue les empires. Pas la défaite militaire sur le terrain. C’est la réalisation que tu n’es plus invincible chez toi. Que les autres ont la capacité de te frapper. Quand tu veux. Où tu veux. Chaque centrale devient une question. Chaque ligne électrique devient un débat. Est-ce qu’elle va sauter demain? Pourquoi pas celle-ci? Pourquoi pas celle-là? C’est la paranoia qui commence. Et la paranoia, c’est le début de la fin. Parce qu’aucun empire n’a jamais survécu en étant paranoia 24 heures sur 24 concernant chaque infrastructure.
Mais c’est pas tout. Shatura fournie aussi le chauffage. Pas juste l’électricité. Le chauffage urbain. Cette eau chaude qui circule dans les tuyaux des villes russes pour que les gens ne gèlent pas en hiver. C’est l’infrastructure ultime. L’infrastructure de vie. Sans ça, tu as deux mois avant que le système hospitalier s’effondre. Avant que les gens commencent à mourir de froid. Avant que la réalité de la guerre cogne à la porte de chaque citoyen russe. Et ça, ça change le calcul politique.
La symétrie de l'horreur
J’ai longtemps pensé que cette guerre était asymétrique. Que l’Ukraine était faible et la Russie forte. Que Kyiv se battait avec les miettes tandis que Moscou lançait ses bombes sans compter. Et c’était vrai. C’est toujours vrai sur le terrain. Mais maintenant? Maintenant ça se complique. Parce que l’Ukraine a découvert un truc : la teknologi des drones. Ce truc pas cher. Ces petits appareils qui ne coûtent que quelques milliers de dollars. Qu’on peut assembler dans des ateliers souterrains. Qu’on peut lancer en silence. Qu’on peut piloter via les réseaux 4G russes. C’est du génie. C’est de l’art de guerre appliqué à l’époque numérique. Et ça, ça rééquilibre les équations. Pas totalement. Pas définitivement. Mais ça rééquilibre.
Avant Shatura, c’était surtout les raffineries russes qui prenaient. Les raffineries que l’Ukraine frappe depuis l’été 2025. Seize raffineries majeures endommagées. Trente-huit pour cent de la capacité de raffinage russe touchée. Un million et demi de barils par jour qui ne sortent plus. Ça commence à faire mal à l’économie russe. Les prix du carburant montent. Les exportations diminuent. Les revenus baissent. Mais c’est abstrait pour la majorité des Russes. Un taux d’inflation qui monte, ce n’est pas comme l’absence de chauffage dans ton appartement. Shatura, c’est concret. C’est maintenant. C’est le froid qui rentre par la fenêtre. C’est l’hôpital qui s’apprête à fermer son aile pédiatrique. C’est une réalité qu’on ne peut pas ignorer.
Donc Poutine se retrouve dans une situation qui ressemble à celle de Zelensky il y a trois ans. Une position de faiblesse. Ses infrastructures civiles sont vulnérables. Ses systèmes de défense aérienne sont débordés. Ses ressources sont limitées. Il peut mobiliser plus de soldats. Il peut fabriquer plus de bombes. Mais il ne peut pas fabriquer une centrale électrique fonctionnelle du jour au lendemain. Il ne peut pas faire revenir l’électricité avant l’hiver. Il ne peut pas effacer la peur des Russes. Et ça, c’est nouveau. C’est terrifiant pour lui. Parce que pour la première fois, la Russie doit aussi gérer la crise humanitaire d’hiver qu’elle inflige à l’Ukraine. Elle doit aussi faire face au froid. À l’absence de chauffage. Aux hôpitaux qui roulent à batterie de secours. C’est de la symétrie. De l’équilibre de terreur. Et ça change les négociations.
Le calcul économique qui tue les empires
Je pense à l’économie. À ce machin qu’on ignore souvent quand on parle de guerres. Les guerres, c’est des balles. Des bombes. Du sang. Mais ça commence toujours par les sous. Et les sous, ça s’écoule quand tu dois réparer. Quand tu dois reconstituer. Quand tu dois compenser. La Russie a mis combien de milliards pour soutenir cette invasion en Ukraine? Quatre-vingt dix milliards? Cent milliards? Par an. Juste les dépenses militaires de cette guerre. Et puis il y a les sanctions. Les armements qui coûtent une fortune. Les soldats qu’il faut équiper. Les pertes qui s’accumulent. Deux cent mille morts en 2025 selon certains experts. Les blessures. Les hospitalisations. Les retraites des militaires invalides. Tout ça, c’est de la monnaie qui s’écoule.
Et maintenant, il faut aussi réparer les centrales électriques qui brûlent. Il faut reconstituer les raffineries qui sont détruites. Il faut compenser pour Shatura. Alors où on prend l’argent? Tu peux pas tout faire. Tu dois choisir. Soit tu répares Shatura et tu sacrifies l’offensive. Soit tu continues l’offensive et tu sacrifies le chauffage de tes propres citoyens. C’est un dilemme de dictateur. Et Poutine? Poutine va choisir l’offensive. Parce que un dictateur qui arrête la guerre c’est un dictateur qui meurt. Mais en choisissant l’offensive, il condamne Moscou à un hiver difficile. Il crée les conditions de son propre renversement. Pas immédiatement. Pas évidemment. Mais les graines sont plantées.
Parce que c’est comme ça que s’effondrent les empires. Pas par une grande défaite militaire. Mais par l’accumulation des petits désastres. Par la corruption qui s’accélère sous la pression. Par les ressources qui s’amenuisent. Par le peuple qui commence à murmurer. Et le murmure devient grogne. Et la grogne devient révolte. Et la révolte devient… enfin on verra. Mais Shatura a mis une première fissure dans le système. Une première indication qu’il y a une limite. Que la Russie n’est pas invulnérable. Que la défaite est possible. Que l’empire peut vaciller. C’est une belle pensée. Probablement naïve. Mais c’est une pensée.
Réflexion : la vengeance de la géographie
Je pense à la géographie. À la malchance d’être grand. La Russie s’étend sur onze fuseaux horaires. Ça c’est un avantage. Ça c’est une forteresse. Mais ça c’est aussi une faiblesse. Parce que tu dois défendre tout. Toute la surface. Tous les kilomètres. Et tu ne peux pas. Les Ukrainiens ont bien compris ça. Pendant que la Russie envoyait ses troupes vers l’est pour conquérir le Donbass, les Ukrainiens envoyaient ses drones vers l’ouest. Vers les raffineries. Vers les centrales. Vers les choses qu’on ne peut pas défendre partout. Parce que l’empire est trop grand. Parce que les ressources sont limitées. Et c’est la vengeance de la géographie. C’est la géographie qui revient te chercher. Tu sais, c’est comme au poker. Tu peux avoir les meilleures cartes. Mais si tu dois jouer cent tables en même temps, tu vas perdre. Tu es humain. Tu es limité. Et l’Ukraine l’a compris. Alors elle joue cent tables. Elle met le feu partout. Elle force la Russie à se disperser. À s’étirer. À se casser. Et Shatura, c’est une table. Juste une table. Mais c’est une table symbolique. Parce qu’elle est près de Moscou. Parce qu’elle fournit le chauffage. Parce qu’elle touche les civils russes directement. C’est pas une abstraction. C’est pas une statistique. C’est réel. C’est tactile. C’est gelé. Et ça, ça résonne. Ça résonne dans les cerveaux russes. Et ça compte.
La stratégie de l'usure inversée
Pendant quatre ans on a parlé de l’usure. De comment la Russie est capable de se battre plus longtemps. Parce qu’elle a plus d’hommes. Plus de ressources. Plus de résilience. Et c’était vrai. Mais l’Ukraine a riposté avec une stratégie d’usure inversée. Tu peux avoir plus d’hommes. Mais tes centrales vont brûler. Tu peux avoir plus de ressources. Mais tes raffineries vont exploser. Tu peux avoir plus de résilience. Mais ton peuple va avoir froid. Et à un moment, le moral se brise. À un moment, on se demande pourquoi. Pourquoi on meurt pour le Donbass quand le chauffage s’arrête à la maison? Pourquoi on se bat pour l’Ukraine quand Moscou n’a plus d’électricité? Ce genre de questions tue les guerres. Pas les balles. Les questions.
Et je regarde les chiffres. Depuis octobre 2025, l’Ukraine a attaqué les raffineries russes avec une intensité croissante. Des attaques quasi quotidiennes. Des drones qui ne se comptent plus. Des cibles qui changent. Des routes d’approvisionnement qui s’écoulent. Et ça, ça commence à paralyser la machine de guerre russe. Les généraux se plaignent. Les logisticiens crient au secours. Les camions n’arrivent plus à l’avant-ligne avec le carburant. Les chars restent à l’arrière. Les assauts meccanisés ralentissent. C’est lent. C’est graduel. Mais ça marche. C’est une stratégie à long terme. Et Shatura en est la suite logique. Si tu peux frapper les raffineries, tu peux frapper les centrales. Si tu peux frapper les centrales, tu peux paralyser la région. Et si tu paralyses la région, tu crées une faille dans le système. Et dans les failles, les empires se fissurent.
Mais où sont les limites? Est-ce que l’Ukraine peut vraiment paralyser la Russie avec juste des drones? Est-ce que ça peut changer le cours de cette guerre? Honnêtement, je ne sais pas. La Russie c’est énorme. C’est un continent. On peut lutter contre une centrale. Puis contre une raffinerie. Puis contre une autre. Mais tu ne vas pas casser cent mille kilomètres carrés avec des drones. Pas seul. Pas sans aide. Sans une stratégie plus grande. Mais c’est pas l’idée. L’idée c’est de rendre la victoire insupportable. De faire en sorte que gagner coûte trop cher. Que continuer la guerre coûte plus que de l’arrêter. C’est ça l’objectif. Et Shatura est un pas dans cette direction. Un petit pas. Mais un pas.
La limite des systèmes de défense aérienne
Ce qui m’étonne vraiment c’est la vulnérabilité de la défense aérienne russe. Cent vingt kilomètres de Moscou. C’est à côté. C’est dans la cour arrière du Kremlin. Et pourtant, les drones passent. Les systèmes S-300, S-400, Pantsir, tous ces beaux systèmes que la Russie vend au monde entier pour faire croire qu’elle est invincible, ils ne fonctionnent pas. Ou plutôt, ils fonctionnent un peu. Mais pas assez. Les drones attaquent à Shatura. La défense aérienne tire. Elle en abat certains. Mais d’autres passent. Plusieurs drones frappent la centrale. Le feu prend. La catastrophe est consommée. Et après? Après, on lit les communiqués du Kremlin qui disent qu’on a abattu 75% des drones. Magnifique. Absolument magnifique. 75% qui veut dire 25% qui passe. Et c’est ce 25% qui brûle ta centrale.
C’est un exemple de la propagande qui tue. Quand tu annonces tes victoires défensives en pourcentages au lieu d’en dégâts. Quand tu dis « on a abattu 120 drones » au lieu de dire « Shatura a brûlé ». Les gens calculent pas le pourcentage. Les gens voient pas l’électricité revenir. Les gens voient pas le chauffage se rétablir. Les gens vont grelotter. Et ça, c’est plus puissant que n’importe quel communiqué de victoire. Donc la défense aérienne russe, elle est pas ratée. C’est juste qu’elle est perfectible. Très perfectible. Et ça, ça crée une fenêtre d’opportunité. Pour l’Ukraine. Pour les drones. Pour continuer à frapper.
Le prix du chauffage urbain
Revenons à l’humain. Revenons au réel. Trente-trois mille Russes. Sans chauffage. En novembre. Moscou est à mille deux cents kilomètres. Le gouvernement met quelques jours à réagir. Les services d’urgence font de leur mieux. Mais les dégâts sont massifs. Les transformateurs ont pris feu. Les tuyauteries gelent. Il faut reconstruire. Il faut innover. Il faut souffrir. Et pendant ce temps, quelle est la réaction du peuple? Est-ce qu’ils pensent : « Nous devons continuer à nous battre en Ukraine »? Ou est-ce qu’ils pensent : « Pourquoi notre gouvernement nous met dans cette position »? C’est une bonne question. Et c’est la question que Shatura pose. Non pas directement. Mais elle la pose.
Parce que tu peux bomber l’Ukraine. Tu peux détruire ses centrales à elle aussi. Kyiv vit déjà sans chauffage depuis semaines en ces fins octobre. Les Ukrainiens grelottent aussi. Les enfants ukrainiens aussi. Mais la différence c’est que l’Ukraine, elle a accepté le prix. Elle sait pourquoi elle se bat. Elle défend son territoire. Elle défend sa démocratie. C’est pas juste. C’est pas égal. Mais c’est compréhensible. La Russie? La Russie envahit. La Russie attaque. Donc ses citoyens se demandent : pour quoi? Pourquoi mon appartement n’a pas de chauffage? Pourquoi ma ville brûle? Pourquoi mon fils meurt en Ukraine? Ces questions-là, elles tuent les guerres. Pas les canons. Les questions.
Conclusion : le tournant énergétique de la guerre
Shatura. Un nom qui va rester. Une date qui compte. Le 23 novembre 2025. Le jour où l’Ukraine a montré qu’elle pouvait aussi frapper fort. Qu’elle pouvait aussi faire mal. Qu’elle pouvait aussi paralyser. Ce n’est pas une victoire. Ce n’est pas la fin de la guerre. Ce n’est pas même un tournant militaire majeur. Mais c’est un signal. Un message envoyé en clair au Kremlin. Votre forteresse brûle aussi. Votre système est aussi fragile. Votre empire aussi. Et ça, ça change les calculs.
L’hiver arrive. Pour l’Ukraine. Pour la Russie. Pour les deux. Les deux vont souffrir. Les deux vont grelotter. Les deux vont perdre des gens. Mais maintenant c’est symétrique. C’est équitable. Ce n’est plus un côté qui a chaud et l’autre qui meurt de froid. C’est les deux qui meurent de froid. Et dans une guerre d’usure, la symétrie de la souffrance, c’est un problème pour les dictateurs. Parce que les dictateurs ne s’en sortent que s’ils peuvent faire croire qu’il y a une asymétrie. Qu’ils sont plus forts. Qu’ils vont gagner. Que le sacrifice vaut la peine. Shatura a cassé cette illusion. Pas totalement. Pas définitivement. Mais elle l’a endommagée.
Peut-être que ça change rien. Peut-être que Poutine continue. Peut-être que les Russes acceptent un autre hiver sans chauffage. Peut-être que la guerre continue jusqu’à la fin de la décennie. C’est possible. Tout est possible. Mais ce qui est certain c’est que le prix a augmenté. Pour tout le monde. Et à un moment, quand le prix augmente suffisamment, même un dictateur est forcé de négocier. Pas par choix. Par nécessité. Et c’est peut-être là que Shatura compte vraiment. Pas comme une victoire militaire. Mais comme une contribution à la fatigue. À l’épuisement. À l’acceptation que cette guerre coûte trop cher pour tout le monde. Et quand tout le monde l’accepte, alors c’est peut-être fini. Peut-être que l’hiver 2025 sera le dernier hiver sans chauffage. Peut-être. On verra.
Source : militarnyi
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