Skip to content
Chronique : Siversk craque : la forteresse du Donbass tremble sous les coups russes
Crédit: Adobe Stock

Je ne peux pas m’empêcher de penser aux civils. Ces quatre cents personnes qui restent à Siversk. Pourquoi sont-elles encore là ? Par choix ? Par obligation ? Parce qu’elles sont trop vieilles pour fuir ? Parce qu’elles n’ont nulle part où aller ? Je me demande ce qu’elles pensent quand elles entendent les explosions se rapprocher. Quand elles voient les soldats russes apparaître dans les rues où elles ont vécu toute leur vie. Est-ce qu’elles ont encore l’espoir d’être libérées ? Ou ont-elles déjà accepté l’inacceptable ? Vivre sous occupation russe, avec tout ce que ça implique de privations, de répression, de disparitions. Parce que c’est ça, la réalité de l’occupation russe. Ce n’est pas une libération. C’est une prison à ciel ouvert. Les villes tombées sous contrôle moscovite deviennent des zones grises où les droits humains n’existent plus. Où l’on peut disparaître pour un mot de travers. Où les enfants sont rééduqués dans des écoles russes pour oublier qu’ils étaient ukrainiens. Cette pensée me hante. Elle devrait hanter tout le monde. Mais le monde est fatigué de cette guerre. Fatigué d’entendre parler de l’Ukraine. Alors Siversk tombe dans l’indifférence. Et ça, c’est peut-être le pire. Mourir, c’est une chose. Mourir dans l’indifférence du monde, c’en est une autre.

Pokrovsk, le prochain sur la liste

Si Siversk vacille, Pokrovsk tremble. Cette ville située plus au sud, dans la même région du Donetsk, subit également une pression intense depuis des mois. Pokrovsk, c’était soixante mille habitants avant la guerre. Aujourd’hui, il en reste quelques milliers. Les autres ont fui. Ils ont pris la route vers l’ouest, abandonnant tout, parce que rester signifiait mourir sous les bombes ou vivre sous occupation. Pokrovsk est un hub ferroviaire et routier majeur. C’est par là que passent les approvisionnements pour toute la ligne de front est. Si Pokrovsk tombe, c’est l’ensemble de la logistique ukrainienne qui s’effondre dans le secteur.

Les Russes le savent. Ils ont déployé près de cent cinquante mille hommes pour encercler et prendre Pokrovsk. Cent cinquante mille. C’est plus que certaines armées nationales européennes complètes. Et ils pilonnent. Jour et nuit. L’artillerie russe transforme la ville en enfer. Les drones ukrainiens tentent de frapper les lignes d’approvisionnement russes, de ralentir la machine de guerre moscovite. Ça marche un peu. Les Russes manquent parfois de munitions. Leurs colonnes sont désorganisées. Mais elles continuent. Parce que Pokrovsk, c’est la clé. Prendre Pokrovsk, c’est ouvrir la route vers Kramatorsk et Sloviansk. C’est contourner la forteresse par le sud pendant que Siversk la menace par le nord.

Et si les deux tombent, si Pokrovsk et Siversk sont pris, alors Kramatorsk et Sloviansk se retrouvent dans un étau. Les Russes pourront attaquer ces villes depuis trois directions. Nord, est, sud. Il ne restera aux Ukrainiens que la fuite vers l’ouest. Vers Dnipropetrovsk. Abandonnant le Donetsk. Abandonnant la ceinture de forteresses. Abandonnant onze ans de préparation. Et après ? Après, il faudra construire de nouvelles lignes défensives. En terrain découvert. Sans fortifications préparées. Face à une armée russe galvanisée par sa victoire. C’est le scénario noir. Celui que personne ne veut imaginer mais que tout le monde redoute.

La bataille de Pokrovsk dure depuis plus d’un an maintenant. Au début, c’était une pression lente. Les Russes avançaient de quelques centaines de mètres par semaine. Puis l’offensive s’est intensifiée. Ils ont lancé des assauts mécanisés massifs. Des colonnes de blindés, des motos par dizaines, des buggies même, transportant des groupes d’infanterie. Une tactique désespérée mais qui fonctionne parfois. Les Ukrainiens repoussent la plupart de ces assauts. Ils détruisent les véhicules. Ils tuent les assaillants. Mais certains passent. Et ceux qui passent établissent des têtes de pont. Des positions avancées depuis lesquelles la prochaine vague pourra attaquer.

C’est épuisant. C’est sans fin. Et c’est exactement ce que les Russes recherchent. Épuiser les défenseurs. Les forcer à des rotations constantes. Les priver de sommeil. Les priver de répit. Jusqu’à ce qu’ils craquent. Jusqu’à ce que la ligne cède. Et quand elle cède, c’est l’effondrement. Pas une retraite ordonnée. Un effondrement. Les soldats fuient. Les équipements sont abandonnés. Les Russes avancent de plusieurs kilomètres en quelques heures. Puis la ligne se reforme plus à l’ouest. Et le cycle recommence. C’est ce qui s’est passé à Avdiivka. À Bakhmout. À Marioupol. Et c’est ce qui pourrait se passer à Pokrovsk. Et à Siversk.

La diplomatie des morts

Pendant ce temps, on négocie. Trump veut la paix. Zelensky aussi, mais une paix juste. Poutine veut une victoire. Et ces trois volontés sont incompatibles. Le plan américain, dans sa version initiale, comportait vingt-huit points. Il a été réduit à dix-neuf après des négociations à Genève. Mais les points de friction restent massifs. L’Ukraine refuse de céder le territoire occupé par la Russie. La Russie refuse de se retirer. L’Ukraine veut rejoindre l’OTAN. La Russie refuse catégoriquement. L’Ukraine veut des garanties de sécurité solides. La Russie veut la démilitarisation de l’Ukraine. Comment concilier ça ?

La réponse, c’est qu’on ne peut pas. Pas vraiment. Alors on tergiverse. On parle de cessez-le-feu temporaires. De gels du conflit. De zones démilitarisées. Mais tout ça, c’est du vent. Parce que Poutine ne veut pas un cessez-le-feu. Il veut une reddition ukrainienne. Il veut que Kiev accepte de perdre le Donetsk, le Louhansk, la Crimée, et peut-être plus. Il veut que l’Ukraine renonce à l’OTAN. Il veut transformer l’Ukraine en État vassal. Et tant que ce sera son objectif, il n’y aura pas de paix. Juste des pauses entre les offensives. Des moments où les deux camps reprennent leur souffle avant de replonger dans l’enfer.

Trump, lui, veut une victoire politique. Il veut pouvoir dire : « J’ai arrêté la guerre en Ukraine. » Peu importe les conditions. Peu importe si ça revient à donner l’Ukraine à la Russie sur un plateau. Il veut son moment de gloire. Alors il pousse. Il dit aux Ukrainiens : « Acceptez le plan ou je coupe l’aide militaire. » Et il dit aux Russes : « Acceptez le plan ou je donne encore plus d’armes à l’Ukraine. » C’est du marchandage brutal. Cynique. Et les Ukrainiens sont pris au piège. Refuser, c’est risquer de perdre le soutien américain. Accepter, c’est peut-être signer leur arrêt de mort à moyen terme.

Macron, Starmer, les Européens essaient de rassurer Kiev. Ils parlent de garanties de sécurité robustes. De déploiement de troupes européennes en Ukraine après un accord. De reconstruction financée par les actifs russes gelés. Mais tout ça reste flou. Parce que personne ne veut vraiment envoyer ses soldats se battre en Ukraine. Personne ne veut déclencher une guerre directe avec la Russie. Alors on promet. On rassure. Mais au final, les Ukrainiens se retrouvent seuls face à l’ogre russe. Avec quelques livraisons d’armes. Quelques sanctions contre Moscou. Mais pas de bottes sur le terrain. Pas de no-fly zone. Pas de ligne rouge infranchissable.

Et pendant qu’on discute à Genève, à Washington, à Paris, les soldats meurent à Siversk. Les civils fuient Pokrovsk. Les villes ukrainiennes sont bombardées. Kiev a encore subi une attaque massive le 24 novembre. Missiles de croisière, drones kamikazes. Six morts. Vingt blessés. Des immeubles en feu. Des enfants traumatisés. Et ça continue. Chaque nuit. Chaque jour. Parce que pour Poutine, les négociations ne sont pas une recherche de paix. C’est une stratégie pour gagner du temps. Pour conquérir plus de territoire avant la signature. Pour affaiblir l’Ukraine avant de lui imposer ses conditions.

Source  : kyivindependent

Ce contenu a été créé avec l'aide de l'IA.

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!
Plus de contenu