Je me demande parfois si on saisit vraiment ce qui se passe. Vraiment. Ces drones ukrainiens qui parcourent mille kilomètres dans la nuit. Mille kilomètres. C’est pas juste une distance, c’est une déclaration. Une déclaration qui dit : votre territoire n’est plus un sanctuaire. Vos usines, vos centres de production militaire, vos arsenaux cachés au fin fond de la Russie… tout ça, c’est devenu vulnérable. Et je dois avouer que quand j’ai vu les premières images de Cheboksary en flammes, j’ai ressenti quelque chose de contradictoire. D’un côté, il y a cette réalité brutale de la guerre qui frappe loin derrière les lignes. De l’autre, il y a cette nécessité stratégique absolue. Parce que cette usine VNIIR-Progress, elle ne fabrique pas des grille-pain. Elle fabrique les antennes Kometa qui permettent aux drones Shahed de contourner la guerre électronique ukrainienne. Elle fabrique les modules de navigation pour les missiles Iskander et Kalibr qui pleuvent sur les villes ukrainiennes. Elle fabrique les systèmes de guidage pour ces bombes planantes qui transforment des immeubles résidentiels en décombres fumants. Alors oui, je comprends pourquoi Kiev a décidé de frapper là. Je comprends cette logique implacable qui dit qu’il faut couper la chaîne d’approvisionnement à la source. Mais en même temps, je me demande où tout ça nous mène. Jusqu’où cette escalade va-t-elle monter? Parce qu’on parle quand même de frappes à presque mille kilomètres en territoire ennemi. C’est pas rien. C’est même énorme. Et ça change complètement la donne stratégique.
Introduction : la nuit où les drones ont frappé au cœur de la Russie
Dans la nuit du 25 au 26 novembre 2025, le ciel de Cheboksary s’est illuminé d’explosions. Pas une ville près de la frontière ukrainienne. Non. Une ville située à plus de 970 kilomètres du territoire ukrainien le plus proche. Une ville en plein cœur de la république de Tchouvachie, perdue dans les profondeurs de la Russie européenne. Les habitants ont entendu les premières détonations vers 2h40 du matin, heure locale. Puis d’autres. Et encore d’autres. Les vidéos circulent rapidement sur les réseaux sociaux russes montrent des flammes massives, de la fumée noire et épaisse qui s’élève dans le ciel nocturne. L’usine VNIIR-Progress brûle. Cette installation n’est pas une usine ordinaire. C’est un pilier de l’industrie militaire russe. Un centre névralgique de production d’équipements de navigation satellitaire et de guerre électronique. Les autorités locales confirment rapidement l’attaque. Deux personnes blessées, dont un adolescent. Deux immeubles résidentiels endommagés par des débris. Mais l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est que l’État-major ukrainien revendique publiquement cette frappe dans l’après-midi. Une revendication claire, nette, sans ambiguïté. Ils ont frappé VNIIR-Progress. Ils ont touché leur cible. Un incendie s’est déclaré sur le site. Mission accomplie.
Ce qui rend cette attaque absolument remarquable, c’est pas juste la distance. C’est la précision chirurgicale. Les drones ukrainiens ont parcouru près de mille kilomètres dans l’espace aérien russe. Ils ont évité ou contourné les systèmes de défense antiaérienne russes. Ils ont navigué dans la nuit. Ils ont identifié leur cible avec une précision remarquable. Et ils ont frappé. Fort. Le ministère russe de la Défense affirme avoir intercepté 33 drones ukrainiens cette nuit-là sur différentes régions russes. Treize au-dessus de Belgorod, dix au-dessus de Voronej, quatre au-dessus de Lipetsk, un au-dessus de Briansk, et cinq au-dessus de la mer Noire. Mais visiblement, certains ont passé à travers. Ceux qui ont frappé Cheboksary en tout cas. Et c’est pas la première fois que cette usine est visée. En juin 2025, déjà, des drones ukrainiens avaient attaqué le même site. Deux impacts confirmés. Un grand incendie. La production avait été temporairement suspendue. En juillet, nouvelle attaque. Et maintenant, en novembre, ça recommence. L’Ukraine semble avoir décidé que cette usine ne doit plus fonctionner. Point final.
Oleg Nikolayev, le chef de la république de Tchouvachie, a déclaré sur son canal Telegram que la région avait subi une attaque massive de drones. Il a souligné que l’usine VNIIR-Progress fabrique des récepteurs Kometa qui protègent les drones russes contre les systèmes de guerre électronique ukrainiens. En d’autres termes, cette usine produit l’équipement qui permet aux drones Shahed russes de continuer à frapper l’Ukraine malgré le brouillage électronique. Elle produit les modules qui guident les missiles balistiques Iskander-M et les missiles de croisière Kalibr. Elle produit les kits de guidage UMPK qui transforment de vieilles bombes non guidées soviétiques en munitions à guidage de précision. Voilà pourquoi Kiev la cible sans relâche. Parce que chaque antenne Kometa qui sort de cette usine, c’est potentiellement un drone Shahed de plus qui va atteindre sa cible en Ukraine. C’est potentiellement une bombe planante de plus qui va détruire un immeuble résidentiel. C’est potentiellement un missile de croisière de plus qui va frapper une infrastructure énergétique ukrainienne. La logique est implacable. Brutale. Mais implacable. Si tu veux protéger ta population des attaques, tu dois détruire les capacités de l’ennemi à produire les armes qui te frappent. Et c’est exactement ce que fait l’Ukraine.
J’ai toujours pensé que la guerre moderne, c’est pas seulement ce qui se passe sur le champ de bataille. C’est pas juste les tranchées, les chars, les soldats qui s’affrontent. Non. La guerre moderne, c’est une chaîne. Une chaîne d’approvisionnement. Une chaîne logistique. Une chaîne industrielle. Et cette chaîne, elle commence dans des usines comme VNIIR-Progress. Elle commence avec des ingénieurs qui conçoivent des systèmes électroniques sophistiqués. Elle continue avec des ouvriers qui assemblent des modules de navigation. Elle se poursuit avec des transporteurs qui acheminent ces composants vers des centres d’assemblage. Et elle se termine avec un drone Shahed qui s’écrase sur un immeuble à Kyiv. Ou avec un missile Kalibr qui frappe une centrale électrique. Alors quand je vois ces frappes ukrainiennes sur des usines russes, je me dis qu’on assiste à quelque chose de nouveau. Quelque chose qu’on n’avait pas vraiment vu depuis la Seconde Guerre mondiale. Des frappes stratégiques en profondeur sur l’appareil industriel de l’ennemi. C’est pas du terrorisme. C’est pas des frappes aveugles sur des populations civiles. C’est du ciblage précis d’installations militaires. Et je trouve ça fascinant d’un point de vue stratégique. Parce que ça montre que l’Ukraine a développé une capacité de frappe en profondeur qui n’existait pas au début du conflit. Ça montre qu’elle a développé des drones longue portée capables de parcourir mille kilomètres. Ça montre qu’elle a développé des renseignements précis sur les sites industriels russes. Ça montre qu’elle a la volonté politique de frapper ces sites malgré les risques d’escalade.
L’usine VNIIR-Progress : le cœur technologique de la machine de guerre russe
Un centre névralgique de production militaire
VNIIR-Progress n’est pas une usine quelconque. C’est un institut d’État russe spécialisé dans la conception de systèmes de guerre électronique. Fondé durant l’ère soviétique, cet établissement est basé à Cheboksary et emploie des centaines d’ingénieurs et de techniciens hautement qualifiés. Sa spécialité ? Les antennes adaptatives et les systèmes de navigation par satellite. Plus précisément, l’usine fabrique les antennes Kometa, un système révolutionnaire qui permet aux missiles, drones et bombes russes de résister au brouillage électronique. Ces antennes sont ce qu’on appelle des CRPA : des antennes à diagramme de réception contrôlé. Le principe est simple mais redoutablement efficace. Au lieu d’avoir une seule antenne qui capte les signaux GPS, GLONASS ou Galileo, vous avez plusieurs éléments d’antenne. Ces éléments peuvent combiner leurs signaux de manière sophistiquée. Ils peuvent amplifier les vrais signaux satellites. Et surtout, ils peuvent annuler les signaux de brouillage. Comment ? En créant des « nulls » directionnels. Des zones où l’antenne refuse simplement d’écouter. Si un brouilleur émet depuis une certaine direction, l’antenne Kometa va créer un null dans cette direction et continuer à recevoir les vrais signaux satellites depuis d’autres directions.
La première génération de Kometa avait quatre éléments d’antenne. Ça permettait de créer trois nulls. Donc de neutraliser trois brouilleurs simultanément. Au début de la guerre, ça suffisait largement. Les drones Shahed russes équipés de Kometa-4 parvenaient à atteindre leurs cibles malgré les efforts ukrainiens de brouillage. Mais l’Ukraine n’est pas restée les bras croisés. Elle a déployé de plus en plus de brouilleurs. Elle a augmenté leur puissance. Elle a amélioré leur positionnement stratégique. Résultat : les Kometa-4 ont commencé à perdre en efficacité. Les drones Shahed se sont mis à dévier de leur trajectoire. Les bombes planantes ont perdu en précision. La Russie a alors réagi en développant la Kometa-8. Huit éléments d’antenne. Sept nulls possibles. Une capacité accrue à résister au brouillage. Pendant quelques mois, ça a fonctionné. La précision des frappes russes est remontée. Les drones Shahed ont recommencé à atteindre leurs objectifs. Mais encore une fois, l’Ukraine s’est adaptée. Elle a déployé encore plus de brouilleurs. Des brouilleurs plus puissants. Des brouilleurs mieux coordonnés. Et la Russie a dû passer à la Kometa-12. Douze éléments. Puis récemment, des analystes ont identifié des Kometa-16 sur des drones Shahed capturés. Seize éléments d’antenne. Une course aux armements électronique qui ne montre aucun signe de ralentissement.
Les produits mortels de VNIIR-Progress
Mais VNIIR-Progress ne se contente pas de fabriquer des antennes. L’usine produit également des récepteurs GNSS complets. Des systèmes qui peuvent se connecter simultanément aux constellations de satellites GLONASS (russe), GPS (américain) et Galileo (européen). Cette redondance garantit qu’un drone ou un missile peut maintenir sa navigation même si l’une des constellations est compromise. L’usine fabrique aussi les modules Kometa spécifiquement conçus pour différents types d’armements. Il y a les modules pour les drones Shahed, ces drones kamikazes iraniens que la Russie produit maintenant sous licence sur son territoire. Il y a les modules pour les missiles Iskander-M, ces missiles balistiques tactiques d’une portée de 500 kilomètres qui peuvent frapper n’importe où en Ukraine. Il y a les modules pour les missiles de croisière Kalibr, lancés depuis des navires ou des sous-marins en mer Noire et en mer Caspienne. Et il y a les kits UMPK, ces modules de planification et de correction unifiés qui transforment de vieilles bombes aériennes non guidées soviétiques en munitions à guidage de précision. Ces kits UMPK sont particulièrement redoutables. Prenez une bombe FAB-500 de 500 kilos, une arme des années 1960. Ajoutez-lui des ailerons pliants, un système de guidage avec une antenne Kometa, et vous obtenez une bombe planante que vous pouvez larguer à 50 kilomètres de la cible. L’avion qui la largue n’a même pas besoin d’entrer dans la zone de portée de la défense antiaérienne ukrainienne.
Selon l’État-major ukrainien, VNIIR-Progress produit ces systèmes en quantités industrielles. Des centaines de modules par mois. Peut-être des milliers. C’est difficile à dire précisément parce que la Russie ne publie évidemment pas ses chiffres de production. Mais on peut l’estimer à partir du nombre de frappes russes. En 2025, la Russie a lancé plus de 37 000 attaques aériennes contre l’Ukraine. Des missiles, des drones, des bombes planantes. Une moyenne de plus de cent attaques par jour. Chacune de ces attaques nécessite un système de guidage. Et une grande partie de ces systèmes de guidage proviennent de Cheboksary. Voilà pourquoi cette usine est devenue une cible prioritaire pour l’Ukraine. Parce que chaque jour où elle fonctionne, c’est des dizaines ou des centaines de systèmes de guidage qui sortent de ses chaînes de production. Des systèmes qui vont permettre à la Russie de continuer à frapper l’Ukraine avec une précision relativement élevée. Des systèmes qui vont permettre aux drones Shahed de contourner les contre-mesures électroniques ukrainiennes. Des systèmes qui vont rendre les bombes planantes russes de plus en plus difficiles à arrêter. C’est une bataille existentielle pour l’Ukraine. Une bataille qui se joue non seulement sur le champ de bataille, mais aussi dans les profondeurs du territoire russe, dans des usines comme VNIIR-Progress.
Ce qui me frappe le plus dans cette histoire d’antennes Kometa, c’est la rapidité de l’évolution. Pensez-y. En 2023, les Russes utilisent des Kometa-4. En 2024, ils passent aux Kometa-8. En 2025, on voit des Kometa-12 et des Kometa-16. C’est une accélération incroyable. Et ça me dit plusieurs choses. D’abord, que la Russie investit massivement dans cette technologie. Elle comprend que la guerre électronique est absolument cruciale pour le succès de ses frappes. Ensuite, que l’Ukraine est vraiment efficace avec ses brouilleurs. Sinon, pourquoi les Russes auraient-ils besoin de passer aussi rapidement d’une génération à l’autre ? Chaque nouvelle génération de Kometa coûte plus cher à produire. Elle nécessite plus de composants. Elle est plus complexe à fabriquer. Mais la Russie n’a pas le choix. Soit elle améliore ses antennes, soit ses drones et missiles deviennent inutiles. Et puis il y a un autre aspect qui m’intrigue. Ces antennes Kometa utilisent des composants électroniques sophistiqués. Des processeurs, des amplificateurs, des filtres numériques. D’où viennent ces composants ? Parce qu’avec les sanctions occidentales, la Russie n’est pas censée pouvoir importer ce genre de technologie. Mais visiblement, elle y parvient quand même. Par des circuits détournés. Par des pays tiers. Par de la contrebande. C’est un jeu du chat et de la souris à l’échelle mondiale. Et ça montre les limites des sanctions économiques quand un État est vraiment déterminé à obtenir ce dont il a besoin.
Une frappe de mille kilomètres : prouesse technique et audace stratégique
Les capacités longue portée de l’Ukraine
Comment diable fait-on pour envoyer un drone à mille kilomètres en territoire ennemi ? C’est pas une mince affaire. C’est même une prouesse technique remarquable. Au début de la guerre, en 2022, l’Ukraine disposait de quelques drones turcs Bayraktar TB2 et de drones de reconnaissance tactiques. Rien qui pouvait vraiment frapper en profondeur en Russie. Mais en 2023 et surtout en 2024, tout a changé. L’Ukraine a développé toute une famille de drones longue portée domestiques. On parle de drones comme l’AN-196, surnommé le « Shahed ukrainien ». Ces engins peuvent parcourir plus de 1 500 kilomètres avec une charge explosive de plusieurs dizaines de kilos. Ils volent relativement lentement, autour de 150 à 200 km/h. Mais leur lenteur est aussi leur force. Ils sont difficiles à détecter par radar parce qu’ils volent souvent à très basse altitude. Ils sont difficiles à intercepter par missile parce que beaucoup de missiles antiaériens sont conçus pour des cibles plus rapides. Et ils sont difficiles à abattre par canon parce qu’il faut les repérer à temps et avoir des systèmes de défense antiaérienne déployés partout, ce qui est impossible pour un pays aussi vaste que la Russie.
La stratégie ukrainienne pour ces frappes en profondeur est fascinante. Ils ne lancent jamais un seul drone. Jamais. C’est toujours des salves. Parfois des dizaines de drones simultanément. L’idée est de saturer les défenses antiaériennes russes. Si vous lancez 50 drones en même temps sur différentes trajectoires, la défense russe doit faire des choix. Elle doit prioriser. Elle ne peut pas tout intercepter. Certains drones vont être abattus, c’est inévitable. Mais d’autres vont passer. Et ces quelques-uns qui passent, ce sont ceux qui vont atteindre la cible. La nuit de l’attaque sur Cheboksary, le ministère russe de la Défense a annoncé avoir intercepté 33 drones ukrainiens. Mais combien ont été lancés en réalité ? Quarante ? Cinquante ? Soixante ? On ne sait pas. Ce qu’on sait, c’est que plusieurs ont atteint Cheboksary. Plusieurs ont frappé l’usine VNIIR-Progress. Plusieurs ont provoqué cet incendie massif qu’on voit sur les vidéos. Mission accomplie donc. Et c’est pas un coup de chance. C’est le résultat d’une planification méticuleuse. Les Ukrainiens ont des renseignements précis sur la localisation de l’usine. Ils ont étudié les trajectoires d’approche. Ils ont identifié les points faibles dans la défense antiaérienne russe. Ils ont chronométré leur attaque pour maximiser l’effet de surprise.
Le rôle des renseignements et de la coordination
Mais avoir de bons drones ne suffit pas. Il faut aussi avoir de bons renseignements. Et là, l’Ukraine bénéficie clairement d’un soutien occidental massif. Les États-Unis, le Royaume-Uni, les pays européens partagent leurs données de renseignement avec Kiev. Imagerie satellite. Interceptions de communications. Analyse de signaux électroniques. Tout ça permet à l’Ukraine d’avoir une image précise de ce qui se passe en Russie. Elle sait où sont les usines militaires. Elle sait ce qu’elles produisent. Elle sait quand les livraisons ont lieu. Elle sait où sont déployés les systèmes de défense antiaérienne. Cette supériorité informationnelle est un avantage considérable. Ça permet de choisir les cibles avec précision. Ça permet de planifier les trajectoires d’attaque pour éviter les zones trop bien défendues. Ça permet de chronométrer les frappes pour maximiser l’impact. Par exemple, frapper une usine quand elle est en pleine production, pas pendant un week-end où elle est vide. Frapper quand les conditions météo sont favorables pour les drones. Frapper quand la défense antiaérienne russe est occupée ailleurs.
Et puis il y a la coordination entre les différentes unités ukrainiennes. L’attaque sur Cheboksary a été revendiquée par l’État-major ukrainien, mais on sait que plusieurs unités ont participé. Il y a eu la participation confirmée de l’unité Magyar Birds, une unité de drones spécialisée dans les frappes en profondeur. Son commandant, Robert « Magyar » Brovdi, a déclaré sur les réseaux sociaux que son unité avait « picoré » l’usine VNIIR-Progress. Une formule imagée pour dire qu’ils ont frappé avec précision. Mais il y a eu aussi d’autres unités impliquées. Des unités de renseignement qui ont fourni les données de ciblage. Des unités de guerre électronique qui ont peut-être brouillé les communications russes pendant l’attaque. Des unités cyberguerre qui ont peut-être perturbé les systèmes de défense antiaérienne russes. C’est une opération multidomaines, comme disent les militaires. Une opération qui combine plusieurs capacités différentes pour atteindre un objectif unique. Et ça, c’est le signe d’une armée qui a beaucoup appris depuis le début de la guerre. L’Ukraine de 2025 n’est plus l’Ukraine de 2022. Elle a développé des capacités sophistiquées. Elle a appris à conduire des opérations complexes. Elle est devenue une puissance militaire redoutable dans certains domaines, notamment les drones et la guerre électronique.
Je me souviens de discussions au début de la guerre, en 2022, où beaucoup d’experts occidentaux doutaient de la capacité de l’Ukraine à tenir face à la Russie. On parlait d’une guerre qui allait durer quelques semaines. D’une défaite inévitable de Kiev face à la supériorité numérique et matérielle russe. Et puis l’Ukraine a tenu. Elle a résisté. Et surtout, elle a innové. Elle a développé des tactiques nouvelles. Elle a utilisé les drones d’une manière qu’aucune armée n’avait fait auparavant. Elle a transformé des drones commerciaux en armes létales. Elle a développé des drones longue portée domestiques. Elle a créé des unités spécialisées dans la guerre par drones. Et maintenant, en 2025, elle frappe des cibles à mille kilomètres en territoire russe avec une régularité inquiétante pour Moscou. C’est un renversement stratégique remarquable. Au début de la guerre, c’était la Russie qui bombardait l’Ukraine en toute impunité depuis son territoire. Maintenant, c’est l’Ukraine qui frappe la Russie en profondeur. Ça change complètement la dynamique psychologique du conflit. Ça montre aux Russes que leur territoire n’est pas un sanctuaire. Que leurs usines peuvent être frappées. Que leur production militaire peut être perturbée. Et ça crée une pression politique sur le Kremlin. Parce que quand les citoyens russes voient leurs villes attaquées, quand ils voient des usines brûler, quand ils entendent des sirènes antiaériennes au milieu de la nuit, ils commencent à se poser des questions sur cette guerre.
Les conséquences stratégiques : perturber la chaîne d’approvisionnement russe
L’impact sur la production militaire russe
Alors, quelle est l’efficacité réelle de ces frappes ? C’est la question à un million de dollars. Est-ce que frapper une usine comme VNIIR-Progress change vraiment quelque chose ? Ou est-ce juste symbolique ? La réponse honnête, c’est qu’on ne sait pas exactement. On n’a pas accès aux chiffres de production russes. On ne peut pas entrer dans l’usine pour voir l’étendue des dégâts. Mais on peut faire des estimations raisonnables. D’abord, on sait que l’usine a été frappée plusieurs fois. Juin 2025, juillet 2025, novembre 2025. Trois attaques majeures en six mois. Chaque fois, des incendies. Chaque fois, des dégâts. Même si l’usine n’est pas complètement détruite, ces attaques répétées perturbent forcément la production. Elles obligent les Russes à réparer. Elles obligent à renforcer la défense antiaérienne locale. Elles créent une atmosphère d’insécurité pour les travailleurs. Qui veut aller bosser dans une usine qui se fait bombarder tous les deux mois ? Ensuite, on sait que les antennes Kometa sont des systèmes complexes. Elles nécessitent des composants électroniques sophistiqués. Des chaînes de production délicates. Si vous détruisez une partie de la chaîne de production, vous réduisez la capacité globale. Peut-être que l’usine produisait 500 modules Kometa par mois avant les attaques. Maintenant, elle en produit 300. Ou 200. C’est déjà un succès stratégique significatif.
Et puis il y a l’effet cumulatif. VNIIR-Progress n’est pas la seule cible ukrainienne en Russie. Loin de là. L’Ukraine frappe régulièrement des raffineries de pétrole. Des dépôts de carburant. Des usines de munitions. Des bases aériennes. Des centres de communication. C’est une campagne systématique visant à dégrader la capacité militaire russe. Chaque frappe individuellement peut sembler limitée dans son impact. Mais l’accumulation de toutes ces frappes sur plusieurs mois crée une pression énorme sur l’appareil militaro-industriel russe. La Russie doit constamment réparer. Reconstruire. Réorganiser ses chaînes d’approvisionnement. Ça coûte du temps. Ça coûte de l’argent. Ça détourne des ressources. Et surtout, ça crée de l’incertitude. Les planificateurs militaires russes ne peuvent plus compter sur un approvisionnement stable. Ils doivent toujours anticiper que telle usine ou tel dépôt pourrait être frappé à tout moment. Cette incertitude complique énormément la planification militaire. C’est difficile de mener une guerre quand vous ne savez pas si vos munitions vont arriver à temps. C’est difficile de planifier des opérations quand vous ne savez pas si vos missiles auront les systèmes de guidage nécessaires.
La riposte russe et l’escalade continue
Évidemment, la Russie ne reste pas les bras croisés face à ces attaques. Elle riposte. Et elle riposte durement. Dans les jours qui ont suivi l’attaque sur Cheboksary, la Russie a lancé une vague massive de frappes sur l’Ukraine. Des centaines de drones Shahed. Des dizaines de missiles. Ciblant des infrastructures énergétiques, des villes, des installations militaires. C’est devenu un schéma récurrent. L’Ukraine frappe en Russie, la Russie frappe en Ukraine en représailles. Et ça monte, ça monte, ça monte. En septembre 2025, la Russie a lancé sa plus grande attaque aérienne depuis le début de la guerre : 823 projectiles en une seule nuit. Plus de 800 drones et drones leurres, plus d’une dizaine de missiles balistiques et de croisière. L’Ukraine a abattu la grande majorité, mais neuf missiles et une soixantaine de drones ont passé. Ça suffit pour faire des dégâts considérables. Ça suffit pour tuer des civils. Ça suffit pour détruire des infrastructures critiques. Cette spirale d’escalade est inquiétante. Parce qu’on ne voit pas vraiment où elle s’arrête. Chaque camp essaie de frapper plus fort que l’autre. Chaque camp développe des armes plus sophistiquées. Chaque camp élargit la liste de ses cibles légitimes.
La Russie a aussi renforcé sa défense antiaérienne autour des sites stratégiques. Davantage de systèmes Pantsir-S1. Davantage de systèmes Tor-M1. Davantage de systèmes S-400. Mais ça ne suffit jamais complètement. Parce que les drones ukrainiens évoluent aussi. Ils deviennent plus furtifs. Ils utilisent des trajectoires plus complexes. Ils volent à très basse altitude pour échapper aux radars. Ils utilisent des leurres pour saturer les défenses. C’est une course aux armements perpétuelle. Et pour l’instant, aucun des deux camps n’a trouvé la solution miracle. Les Russes n’ont pas trouvé comment arrêter complètement les drones ukrainiens. Les Ukrainiens n’ont pas trouvé comment arrêter complètement les drones et missiles russes. Résultat : les deux pays continuent à se frapper mutuellement. Les deux pays continuent à subir des destructions. Les deux pays continuent à perdre des civils. C’est une guerre d’attrition terrible. Une guerre où personne ne gagne vraiment. Où tout le monde perd. Mais où aucun des deux camps n’est prêt à céder. Parce que les enjeux sont trop importants. Parce que le coût politique d’une défaite serait trop élevé. Parce que chaque camp pense encore pouvoir l’emporter si seulement il tient assez longtemps.
Parfois je me demande si les gens réalisent vraiment à quel point cette guerre a changé la nature même des conflits modernes. On est en train d’assister à la première guerre de drones à grande échelle de l’histoire. Des deux côtés, on utilise des drones par milliers. Des petits drones FPV qui coûtent quelques centaines de dollars et qui détruisent des chars à plusieurs millions. Des drones moyens qui transportent des grenades et qui attaquent des positions d’infanterie. Des gros drones longue portée qui parcourent mille kilomètres pour frapper des usines. C’est une révolution militaire comparable à l’introduction des chars pendant la Première Guerre mondiale. Ou à l’introduction des avions de combat. Et comme toute révolution militaire, elle change complètement les règles du jeu. Elle rend caduques certaines stratégies qui fonctionnaient avant. Elle ouvre de nouvelles possibilités tactiques. Elle crée de nouveaux défis pour les défenses. Et elle force tous les militaires du monde à repenser leurs doctrines. Parce que ce qui se passe en Ukraine aujourd’hui, c’est ce qui va se passer dans les futures guerres. Les drones sont là pour rester. Ils vont devenir de plus en plus sophistiqués. De plus en plus nombreux. De plus en plus létaux. Et on devra apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité.
La guerre électronique : le champ de bataille invisible
Brouillage, contre-brouillage et évolution technologique
Il y a une guerre dans la guerre. Une guerre qu’on ne voit pas. Une guerre qui se déroule dans le spectre électromagnétique. C’est la guerre électronique. Et elle est absolument cruciale pour comprendre pourquoi l’usine VNIIR-Progress est si importante. Voilà comment ça fonctionne. Un drone Shahed russe vole vers l’Ukraine. Il utilise la navigation par satellite pour savoir où il est et pour se diriger vers sa cible. Il reçoit des signaux GPS, GLONASS et Galileo. Ces signaux viennent de satellites qui orbitent à 20 000 kilomètres d’altitude. Ce sont des signaux très faibles. Si faibles qu’un brouilleur au sol peut facilement les couvrir en émettant du bruit radio dans les mêmes fréquences. C’est exactement ce que fait l’Ukraine. Elle a déployé des milliers de brouilleurs partout sur son territoire. Des brouilleurs qui émettent un bruit intense dans les fréquences GPS et GLONASS. Résultat : les drones russes perdent leur navigation. Ils ne savent plus où ils sont. Ils dévient de leur trajectoire. Ils se crashent parfois en plein champ. Ou ils manquent leur cible de plusieurs kilomètres. C’est une victoire pour l’Ukraine. Une victoire invisible, mais une victoire quand même.
Mais la Russie riposte avec les antennes Kometa. Ces antennes sont conçues spécifiquement pour résister au brouillage. Elles utilisent plusieurs éléments d’antenne qui travaillent ensemble. Elles peuvent identifier d’où vient le signal de brouillage et créer un « null » dans cette direction. En gros, elles disent : « Je refuse d’écouter les signaux qui viennent de cette direction. » Et elles continuent à recevoir les vrais signaux satellites qui viennent d’en haut. C’est brillant d’un point de vue technique. Et ça fonctionne. Les drones russes équipés de Kometa retrouvent leur capacité à atteindre leurs cibles malgré le brouillage ukrainien. Mais l’Ukraine s’adapte. Elle déploie plus de brouilleurs. Elle les positionne différemment. Au lieu d’avoir un gros brouilleur, elle en met plusieurs autour de la même zone. Maintenant, le drone Shahed reçoit du brouillage de plusieurs directions différentes. Son antenne Kometa-4 ne peut créer que trois nulls. Pas assez. Le drone perd sa navigation. Il manque sa cible. Victoire pour l’Ukraine. Mais temporaire. Parce que la Russie développe la Kometa-8. Huit éléments. Sept nulls. Suffisant pour contrer les multiples brouilleurs ukrainiens. Et on repart pour un tour. L’Ukraine déploie encore plus de brouilleurs. La Russie développe la Kometa-12. Puis la Kometa-16. C’est une course aux armements électronique qui n’a pas de fin.
Le spoofing : l’arme ultime de la guerre électronique
Mais il y a une autre technique encore plus sophistiquée que le brouillage. C’est le spoofing. Au lieu de simplement émettre du bruit pour couvrir les signaux satellites, vous émettez de faux signaux satellites. Des signaux qui ressemblent exactement aux vrais signaux GPS ou GLONASS, mais qui contiennent de fausses données de position. Le drone reçoit ces faux signaux. Il pense qu’ils viennent des satellites. Il ne sait pas qu’ils sont faux. Il utilise ces données pour naviguer. Et il se retrouve complètement perdu. Il pense qu’il est à un endroit alors qu’il est ailleurs. Il pense qu’il vole vers sa cible alors qu’il vole dans une direction complètement différente. C’est redoutablement efficace. Et c’est beaucoup plus difficile à contrer qu’un simple brouillage. Parce qu’une antenne adaptative comme Kometa ne peut pas distinguer un vrai signal satellite d’un faux signal de spoofing. Les deux ont l’air identiques du point de vue de l’antenne. L’Ukraine a développé son propre système de spoofing appelé Pokrova. Il a été révélé publiquement en 2024 et est maintenant déployé à large échelle. Les résultats sont impressionnants. Des drones Shahed russes qui dévient complètement de leur trajectoire. Des missiles qui ratent leur cible de dizaines de kilomètres. Des bombes planantes qui tombent en pleine campagne au lieu de frapper leurs objectifs.
La riposte russe à cette menace n’est pas encore claire. Les antennes Kometa peuvent aider contre le brouillage, mais elles sont vulnérables au spoofing. Il faudrait des systèmes de navigation inertielle plus sophistiqués. Des systèmes qui ne dépendent pas uniquement des satellites. Des systèmes qui utilisent des gyroscopes, des accéléromètres, peut-être même de la navigation par reconnaissance d’images. C’est beaucoup plus complexe. C’est beaucoup plus cher. Et ça nécessite une électronique beaucoup plus sophistiquée. On commence à voir apparaître certains de ces systèmes sur les drones Shahed les plus récents. Des analystes ont identifié des modules de navigation inertielle sur des drones capturés. Mais c’est encore limité. La majorité des drones russes dépendent toujours principalement de la navigation par satellite. Ce qui les rend vulnérables au spoofing ukrainien. Et voilà pourquoi frapper l’usine VNIIR-Progress est si important. Parce que même si les antennes Kometa ne sont pas parfaites, même si elles sont vulnérables au spoofing, elles restent beaucoup mieux que rien. Elles permettent aux drones et missiles russes de contourner au moins une partie des contre-mesures ukrainiennes. Sans ces antennes, les frappes russes seraient beaucoup moins précises. Beaucoup moins efficaces. Et c’est exactement ce que l’Ukraine cherche à accomplir en frappant cette usine encore et encore.
La guerre électronique me fascine parce que c’est un domaine où l’innovation va extrêmement vite. Vous développez une contre-mesure, l’ennemi développe une contre-contre-mesure, vous développez une contre-contre-contre-mesure… et ainsi de suite. C’est une course perpétuelle. Et dans cette course, la victoire ne va pas nécessairement au plus fort, mais au plus innovant. Au plus agile. À celui qui s’adapte le plus vite. Et de ce point de vue, l’Ukraine a montré une agilité remarquable. Elle a développé des systèmes de brouillage sophistiqués en un temps record. Elle a développé des capacités de spoofing. Elle a appris à contrer les antennes adaptatives russes. Tout ça avec un budget militaire infiniment plus petit que celui de la Russie. Comment ? Parce qu’elle innove. Parce qu’elle n’est pas paralysée par des bureaucraties militaires rigides. Parce qu’elle est prête à expérimenter. Parce qu’elle travaille en étroite collaboration avec le secteur privé. Des startups ukrainiennes développent des technologies de guerre électronique. Des hackers développent des logiciels de contre-mesures. Des ingénieurs bricolent des solutions dans des garages. C’est un modèle complètement différent du modèle russe traditionnel où tout passe par de grandes entreprises d’État et des processus d’approbation interminables. Et pour l’instant, ça semble fonctionner plutôt bien pour l’Ukraine.
Les implications géopolitiques : un nouveau paradigme de la dissuasion
La fin du sanctuaire territorial
Ce qui se passe avec ces frappes ukrainiennes en profondeur sur le territoire russe, c’est rien de moins qu’un changement de paradigme stratégique. Traditionnellement, dans les guerres modernes, il y avait une distinction claire entre le front et l’arrière. Les combats se déroulaient le long d’une ligne de front. L’arrière était relativement sûr. C’est là qu’on produisait les munitions. C’est là qu’on entraînait les troupes. C’est là que la population civile vivait relativement tranquillement. Cette distinction a commencé à s’effacer avec les bombardements stratégiques de la Seconde Guerre mondiale. Mais même là, il fallait des bombardiers lourds, des escortes de chasseurs, toute une infrastructure militaire massive pour frapper l’arrière de l’ennemi. Maintenant, avec les drones, cette distinction a complètement disparu. N’importe quelle usine, n’importe quel dépôt, n’importe quelle base, n’importe où sur le territoire ennemi, peut être frappé. Il n’y a plus de sanctuaire. Il n’y a plus d’arrière sûr. Tout est potentiellement une cible. C’est un changement fondamental. Et ça change complètement la nature de la dissuasion.
Avant, la dissuasion reposait principalement sur deux choses. D’abord, la capacité à infliger des pertes insupportables sur le champ de bataille. Ensuite, la menace nucléaire pour les conflits entre grandes puissances. Mais maintenant, il y a une troisième dimension. La capacité à frapper l’appareil militaro-industriel de l’ennemi en profondeur. À perturber ses chaînes d’approvisionnement. À détruire ses capacités de production. L’Ukraine montre que même un pays relativement petit, avec un budget militaire limité, peut développer cette capacité. Elle montre qu’on n’a pas besoin de bombardiers furtifs à plusieurs milliards de dollars. Des drones relativement simples suffisent. Des drones qui coûtent peut-être 100 000 dollars pièce. Envoyez-en dix sur une cible, huit se font abattre, deux passent et détruisent une usine qui vaut des centaines de millions. Le calcul coût-bénéfice est largement en faveur de l’attaquant. C’est un cauchemar pour la défense. Parce que comment défendre un pays entier contre des milliers de drones potentiels ? Vous ne pouvez pas mettre des systèmes de défense antiaérienne partout. Ça coûterait une fortune. Ça nécessiterait des centaines de milliers de soldats. C’est tout simplement impossible. Donc vous devez accepter qu’une certaine proportion des attaques va passer. Que certaines de vos installations vont être frappées. Que votre production va être perturbée. C’est une nouvelle réalité stratégique très inconfortable.
Les leçons pour l’Occident et la Chine
Et cette réalité, tous les états-majors du monde sont en train de l’étudier attentivement. Parce que ce qui se passe en Ukraine, c’est un laboratoire grandeur nature de la guerre du futur. Les Américains regardent. Les Européens regardent. Les Chinois regardent. Tout le monde prend des notes. Tout le monde essaie de comprendre comment s’adapter à cette nouvelle forme de guerre. Pour les Américains, la leçon principale est probablement l’importance des drones. L’armée américaine a investi massivement dans des drones sophistiqués et très chers comme le Predator ou le Reaper. Mais elle n’a pas vraiment investi dans des drones simples et bon marché qu’on peut produire par milliers. L’Ukraine montre que ces drones simples sont extrêmement efficaces. Qu’ils peuvent changer le cours d’une guerre. Qu’ils sont essentiels pour une guerre d’attrition moderne. Les Américains sont en train d’ajuster leur stratégie en conséquence. Ils parlent maintenant de « Replicator », un programme pour produire des milliers de drones autonomes bon marché. C’est directement inspiré de ce qu’ils voient en Ukraine.
Pour la Chine, les leçons sont différentes mais tout aussi importantes. La Chine envisage potentiellement un conflit avec Taïwan. Dans ce scénario, elle devrait probablement faire face à des sanctions occidentales massives qui perturberaient ses chaînes d’approvisionnement. Elle devrait aussi faire face à des attaques potentielles sur son territoire, peut-être par des drones taïwanais ou américains. Ce qui se passe en Russie lui montre que même un pays aussi vaste, avec une défense antiaérienne sophistiquée, ne peut pas se protéger complètement. Ça devrait la faire réfléchir. Ça devrait la rendre plus prudente. Parce qu’un conflit avec Taïwan ne serait pas une promenade de santé. Ce serait une guerre longue, coûteuse, avec des frappes sur le territoire chinois qui perturberaient son économie. Les dirigeants chinois regardent l’Ukraine. Ils voient les difficultés russes. Ils voient le coût astronomique de cette guerre. Et j’espère, vraiment, que ça les fait réfléchir à deux fois avant de tenter quoi que ce soit contre Taïwan. Pour l’Europe, les leçons concernent principalement la nécessité de renforcer sa base industrielle de défense. Parce que dans une guerre moderne, c’est pas seulement la taille de l’armée qui compte. C’est la capacité à produire des munitions, des drones, des missiles en quantités massives. Et pour l’instant, l’Europe n’a pas cette capacité. Elle a réduit sa production militaire depuis la fin de la Guerre froide. Elle doit maintenant la reconstruire d’urgence.
Ce qui me frappe quand je regarde cette guerre, c’est à quel point elle remet en question beaucoup de nos certitudes stratégiques. On pensait que la supériorité aérienne était décisive. Mais en Ukraine, aucun des deux camps n’a vraiment la supériorité aérienne, et la guerre continue. On pensait que les chars étaient obsolètes face aux missiles antichars modernes. Mais les chars continuent à jouer un rôle important sur le champ de bataille. On pensait que la défense antiaérienne moderne pouvait arrêter les attaques aériennes. Mais les drones et missiles continuent à passer en nombre significatif. On pensait que les guerres modernes entre États seraient courtes. Mais celle-ci dure maintenant depuis presque quatre ans. Toutes nos théories sont mises à l’épreuve. Et beaucoup se révèlent incomplètes ou carrément fausses. Ça devrait nous rendre humbles. Ça devrait nous rappeler que la guerre est fondamentalement imprévisible. Que l’innovation tactique compte autant que la supériorité matérielle. Que la volonté de se battre compte autant que la sophistication technologique. Et que les petits pays peuvent tenir tête aux grands s’ils sont déterminés et s’ils innovent constamment. Ce sont des leçons précieuses. Des leçons que nous ne devrions jamais oublier.
Conclusion : l’avenir de la guerre se joue à Cheboksary
Les explosions qui ont secoué Cheboksary dans la nuit du 25 au 26 novembre 2025 ne sont pas qu’un simple fait de guerre. C’est un symbole. Le symbole d’une nouvelle ère dans les conflits militaires. Une ère où la distance ne protège plus. Où les sanctuaires territoriaux n’existent plus. Où des drones relativement simples et bon marché peuvent parcourir mille kilomètres pour frapper des cibles stratégiques avec une précision remarquable. L’usine VNIIR-Progress, avec ses systèmes Kometa sophistiqués, représente le cœur technologique de la machine de guerre russe. Chaque antenne qui sort de ses chaînes de production permet à un drone Shahed de mieux résister au brouillage électronique ukrainien. Chaque module de navigation permet à un missile Iskander ou Kalibr de frapper avec plus de précision. Chaque kit UMPK transforme une vieille bombe soviétique en munition guidée moderne. En frappant cette usine encore et encore, l’Ukraine ne cherche pas la vengeance. Elle ne cherche pas à terroriser la population civile russe. Elle poursuit une logique militaire implacable : perturber les capacités de production de l’ennemi pour réduire l’intensité et la précision de ses frappes.
Cette stratégie fonctionne-t-elle ? C’est difficile à dire avec certitude. Les chiffres de production russes sont secrets. Les dégâts exacts infligés à l’usine ne sont pas connus. Mais le fait que l’Ukraine continue à cibler cette installation suggère qu’elle considère ces frappes comme efficaces. Le fait que la Russie continue à développer de nouvelles versions des antennes Kometa suggère qu’elle a du mal à maintenir sa production au niveau voulu. Le fait que les frappes russes sur l’Ukraine, bien que massives, ne sont pas aussi précises qu’elles pourraient l’être avec une guerre électronique totalement maîtrisée, suggère que les efforts ukrainiens portent leurs fruits. C’est une guerre d’usure invisible. Une guerre qui se joue dans les usines, dans les chaînes d’approvisionnement, dans les circuits électroniques des antennes de navigation. Une guerre moins spectaculaire que les batailles de chars ou les offensives d’infanterie. Mais une guerre tout aussi importante. Peut-être même plus importante. Parce que c’est cette guerre-là qui détermine combien de missiles et de drones chaque camp peut lancer. C’est cette guerre-là qui détermine leur précision. C’est cette guerre-là qui détermine, au final, qui peut tenir le plus longtemps.
Et au-delà de l’Ukraine et de la Russie, ce qui se passe à Cheboksary a des implications pour le monde entier. Tous les militaires du monde observent. Tous prennent des notes. Tous adaptent leurs stratégies. Parce qu’ils savent que la prochaine guerre ne ressemblera pas aux guerres du passé. Elle ressemblera à celle qui se déroule en Ukraine en ce moment. Une guerre de drones. Une guerre de guerre électronique. Une guerre où la distance ne protège plus. Une guerre où l’innovation tactique compte autant que la supériorité matérielle. Une guerre où des pays relativement petits peuvent développer des capacités qui inquiètent même les grandes puissances. C’est terrifiant d’une certaine manière. Parce que ça signifie que les guerres futures seront encore plus destructrices, encore plus étendues, encore plus difficiles à contrôler. Mais c’est aussi une réalité qu’on doit accepter. Les technologies existent. Elles ne vont pas disparaître. Les drones vont devenir plus sophistiqués. Plus autonomes. Plus létaux. La guerre électronique va devenir plus complexe. Plus importante. Plus décisive. Et on doit apprendre à vivre avec cette nouvelle réalité. À s’y adapter. À développer les capacités nécessaires pour se défendre.
Pour l’Ukraine, la lutte continue. Chaque nuit, de nouveaux drones décollent. Certains visent des cibles en territoire occupé. D’autres s’enfoncent profondément en Russie. Vers des usines comme VNIIR-Progress. Vers des raffineries. Vers des dépôts de munitions. Vers des bases aériennes. C’est une campagne implacable. Une campagne qui ne s’arrêtera pas tant que la guerre continuera. Parce que l’Ukraine n’a pas le choix. Elle doit perturber les capacités russes. Elle doit forcer la Russie à consacrer des ressources à la défense de son arrière. Elle doit montrer à la population russe que cette guerre a un coût. Pas seulement un coût en soldats tués au front. Mais un coût en usines détruites. En infrastructures endommagées. En sentiment d’insécurité même loin de la zone de combat. C’est la seule manière pour un pays plus petit de tenir face à un adversaire beaucoup plus grand. En étant plus innovant. Plus agile. Plus déterminé. Plus prêt à prendre des risques. Et jusqu’à présent, l’Ukraine a démontré toutes ces qualités. Elle a survécu contre toute attente. Elle a développé des capacités militaires impressionnantes. Elle a tenu le front. Et elle a porté la guerre en territoire ennemi. Pour combien de temps encore ? Personne ne le sait. Mais une chose est sûre. Le ciel au-dessus de Cheboksary ne sera plus jamais vraiment paisible. Parce que quelque part en Ukraine, des drones attendent. Prêts à décoller. Prêts à parcourir mille kilomètres. Prêts à frapper à nouveau.
Chronique : Frappes aériennes sur Cheboksary : quand les drones ukrainiens attaquent le cœur de la machine de guerre Russe
Source : kyivindependent
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