La stratégie de l’encerclement : le double étau de Pokrovsk-Myrnohrad
Les Russes – et je dois être précis ici parce que la stratégie est importante – les Russes ne savent pas choisir. Pas vraiment. Pas à ce niveau opérationnel. Ils tentent d’encercler Pokrovsk et Myrnohrad. Mais en même temps, ils tentent de les conquérir directement. Donc au lieu de concentrer tous leurs efforts sur la fermeture de l’encerclement – ce qui serait le plus logique, le plus efficace, le moins coûteux en vies humaines – ils font les deux en même temps. C’est un échec stratégique fondamental. C’est le symptôme d’un commandement qui a perdu le fil de ce qu’il est censé faire.
Le 51e Corps d’armée combinée russe – opérant au nord de Myrnohrad – tente de fermer l’encerclement en se déplaçant vers l’ouest. Mais en même temps, il lance des assauts directs en Myrnohrad elle-même. De même, le 2e Corps d’armée central russe – opérant au sud et sud-ouest – répète le même pattern. Encerclement et attaque directe. Les deux. Simultanément. Et le résultat ? L’armée russe est éparpillée. Elle n’a pas la concentration nécessaire pour faire échouer l’encerclement. Elle n’a pas la puissance pour écraser les défenses directes. Elle reste coincée, frustée, incapable de faire des progrès décisifs.
Et c’est pour ça que les Ukrainiens, même épuisés, même en sous-nombre, continuent à tenir. Parce que les Russes leur donnent du temps. Et le temps, c’est ce que les Ukrainiens ont besoin pour consolider, pour préparer la défense, pour attendre les renforts. Chaque jour où Pokrovsk ne tombe pas, c’est un jour de gagné. Chaque heure où Myrnohrad reste aux mains des Ukrainiens, c’est une heure de chance. Les Russes jettent leurs hommes contre des murs, et les murs – malgré les fissures qui s’élargissent – tiennent. Pour combien de temps ? Personne ne sait. Mais ils tiennent.
L’infiltration qui remplace l’assaut : quand les petits groupes deviennent la tactique dominante
Ce qui change, c’est la nature des assauts. Les Russes ne peuvent plus faire de grandes attaques mécanisées. Pourquoi ? Parce que les Ukrainiens – avec leurs drones FPV, leurs défenses antiaérienne, leur artillerie – les anéantissent. Donc les Russes ont changé de tactique. Ils envoient des petits groupes. Deux à trois hommes. Trois à cinq hommes. Pas plus. Des fireteams. Des escouades minimales. Et ces groupes – des centaines par jour, littéralement – ils infiltrent. Ils rampent. Ils trouvent des faiblesses. Et quand un group survit à l’infiltration – ce qui est rare – il essaie de tenir une position, d’attendre les renforts.
Mais c’est une stratégie incroyablement coûteuse. Pour chaque groupe qui réussit, dix sont éliminés. Et même les groupes qui réussissent sont isolés, encerclés tactiitement, incapables d’avancer réellement ou de tenir quoi que ce soit de durable. Selon les rapports ukrainiens, les Russes envoient jusqu’à cent fireteams par jour à Pokrovsk seule. Cent. Chaque groupe, c’est un à trois hommes. Ça veut dire cent à trois cents hommes envoyés en infiltration quotidiennement. Et combien en reviennent ? Dix-neuf vingt ? Peut-être moins. C’est un taux de perte qui dépasse l’inacceptable. Sauf pour les Russes, qui envoient simplement d’autres groupes le jour suivant.
Et voilà où en est l’armée russe. Elle n’a plus la capacité de faire des assauts coordonnés, méchanisés, efficaces. Elle n’a que la capacité à envoyer des hommes à la mort dans des vagues de petits groupes. C’est du désespoir tactique. C’est l’admission muette que la stratégie initiale a échoué et qu’on n’a rien d’autre pour remplacer l’échec qu’une vague d’attaques menues et coûteuses. Les hommes le savent. Les officiers le savent. Et c’est probablement pour ça qu’autant de soldats russes refusent de combattre. Parce que cette tactique les envoie juste à la mort. Rien de plus.
Je pense souvent à ce que ça doit être – d’être l’un de ces hommes envoyé en infiltration. D’être un soldat russe jeune, mal nourri, mal entraîné, envoyé par ton officier avec quatre camarades pour se glisser derrière les lignes de défense ukrainiennes. De savoir – vraiment savoir dans tes os – que c’est probablement une mission de suicide. Que tu ne vas probablement pas revenir. Que tu vas probablement être repéré et tué par un drone, ou par une équipe de tireurs ukrainiens, ou par une balle de sniper perdue.
Et c’est ce moment-là – ce moment de réalisation – où un soldat doit décider. Est-ce qu’il obéit à l’ordre et marche à la mort ? Ou est-ce qu’il refuse, risquant l’exécution par ses propres officiers ? C’est l’impossible choix. C’est le moment où l’humanité devrait revoir ce qu’elle fait à elle-même. Et au lieu de ça, on continue. On envoie d’autres groupes. Et d’autres. Et d’autres.
Voilà ce que 216 clashes cache vraiment. Pas des statistiques. Pas des nombres. Des hommes qui font un choix impossible. Et personne n’en parle vraiment. Personne n’écrit à ce sujet. Parce que c’est trop inhumain. C’est trop brutal. Mais ça se passe. Et ça va continuer à se passer.
L'impact logistique : quand le drone tue la chaîne d'approvisionnement
La réduction à 90% de l’efficacité logistique russe
Il y a un détail qui me fascine et m’horrifie à la fois. Les frappes de drones ukrainiens – précises, persistantes, implacables – ont réduit la capacité logistique des groupes d’assaut russes à Pokrovsk de 90%. Quatre-vingt-dix pourcent. Cela veut dire que si un groupe d’assaut russe avait normalement besoin de dix unités de ravitaillement pour fonction – munitions, eau, nourriture, fournitures médicales – maintenant il en reçoit une. Une seule. Et même cette une est fragile, instable, susceptible d’être interceptée ou détruite.
Les défenseurs ukrainiens – observateurs de drones – rapportent qu’ils voient les convois russes se former. Et alors les drones frappent. Les camions explosent. La munition va la terre. Les hommes restent sans ravitaillement. Et c’est une spirale. Moins de munitions, moins de puissance de feu. Moins de nourriture, moins d’énergie. Moins d’eau, moins de capacité à continuer. Et finalement, les assauts s’effondrent. Non pas parce que les défenseurs les ont écrasés militairement – bien que ça se produise aussi – mais parce que le système logistique qui devrait les soutenir s’est écroulé.
C’est une forme de guerre très moderne. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’affirme que la guerre en Ukraine a changé le visage de la guerre moderne. Parce qu’on ne gagne plus juste en tuant l’ennemi. On gagne en tuant la capacité de l’ennemi à fonctionner. On gagne en bloquant la nourriture. On gagne en interceptant les munitions. On gagne en rendant impossible l’apparition de renforts. C’est une stratégie totale. C’est l’étranglement par la logistique.
Les pertes au Pokrovsk : les vrais chiffres de l’usure
Dans le seul secteur de Pokrovsk, le 26 novembre 2025, les Ukrainiens rapportent avoir neutralisé 126 soldats russes. Cent vingt-six. Soixante-dix-quatre tués (irréversiblement, comme on dit élégamment) et cinquante-deux blessés. Un seul jour. Dans un seul secteur. Supposons que ce pattern se répète tous les jours – ce qui est probablement le cas – cela veut dire que les Russes perdent quelque chose comme 4 000 hommes par mois juste dans le seul secteur de Pokrovsk. Et Pokrovsk n’est qu’un secteur. Il y a aussi Lyman. Il y a aussi les autres fronts. Le calcul des pertes totales devient vertigineux.
Et ce n’est que les pertes en personnel. Les Ukrainiens rapportent aussi avoir détruit un véhicule et vingt drones ce jour-là à Pokrovsk. Un système d’artillerie. Dix postes de tir de personnel. Ces chiffres s’accumulent. Jour après jour. C’est l’usure progressive. C’est la décimation lente mais inexorable de la capacité de combat russe. Et même si les Russes remplacent les hommes perdus – en mobilisant des conscripts, en transférant des troupes d’autres secteurs – ils ne peuvent pas remplacer l’expérience. Ils ne peuvent pas remplacer les officiers formés. Ils ne peuvent pas remplacer le matériel détruit rapidement.
Donc même si les Russes avancent – et ils avancent, graduellement, inexorablement – ils le font en se vidant de leurs ressources. C’est un succès pyrrhien en train de se déployer. Chaque ville prise coûte mille hommes. Chaque kilomètre gagné coûte des centaines. Et à un moment donné – peut-être bientôt, peut-être pas – la Russie va se regarder dans le miroir et réaliser qu’elle a gagné les villes mais perdu l’armée.
Ce qui me frappe – ce qui m’obsède vraiment – c’est l’injustice du calcul. Les Ukrainiens perdent aussi. Peut-être pas 126 hommes par jour à Pokrovsk, mais ils perdent. Certains. Et chaque perte compte. Chaque morte ukrainienne est quelqu’un qui ne reviendra jamais. Quelqu’un que sa mère attendra. Quelqu’un que son copain du lycée n’oubliera jamais.
Mais la différence – et c’est important – c’est que les Ukrainiens se battent pour quelque chose. Pour leur maison. Pour leur survie en tant que nation. Alors que les Russes ? Les Russes se battent pour l’ambition d’un vieillard et la gloire imaginaire d’un empire décadent. Et ça – cette différence essentielle – elle se reflète dans la qualité de la résistance. Les Ukrainiens tiennent. Les Russes avancent. Mais les Russes payent pour chaque mètre. Et ça, c’est quelque chose.
Peut-être que la vraie victoire n’est pas de repousser les Russes. C’est de les user. C’est de les forcer à payer un prix si horrible qu’à la fin, même s’ils gagnent, ils perdent.
Les secteurs de combat : l'équation du chaos
Du nord au sud : la distribution du carnage
En regardant les 216 clashes distribués à travers le front, on voit un pattern émerger. Au nord, dans le secteur de Slobozhanshchyna Nord et Kursk, deux engagements. Deux seulement. En bas, dans le secteur du Dnipro, zéro. Aucun. C’est comme si les lignes du nord et du sud sont gelées. Comme si là-bas, un modus operandi d’équilibre a été atteint. Mais en se déplaçant vers le centre – c’est là qu’l’enfer brûle vraiment.
Slobozhanshchyna Sud : onze engagements. Kupiansk : cinq engagements. Sloviansk : sept engagements. Kramatorsk : quatre engagements. Kostiantynivka : trente-et-un engagements. Oleksandrohrad : quatorze engagements. Et puis, deux secteurs qui ressortent de tous les autres – Lyman avec quarante-trois et Pokrovsk avec quarante-neuf. Ensembl ils representent plus que 40% de tous les combats du jour. C’est la concentration du feu russe. C’est où les vrais enjeux se jouent. C’est où la Russie croit pouvoir créer une percée. Et c’est là que l’Ukraine met son dernier souffle de résistance.
Dans les autres secteurs – Huliaipole avec dix-sept engagements, Orikhiv avec deux – la situation est plus stabilisée. C’est peut-être une question d’espace. Peut-être que les défenseurs ont plus de profondeur pour se replier. Peut-être que le terrain ne se prête pas à des assauts massifs. Où peut-être que les Russes ont simplement fait l’évaluation que ces secteurs ne sont pas prioritaires. Donc la pression diminue. Et les hommes respirent un peu.
Les trois ingrédients de l’enfer : bombes, drones, artillerie
Au-delà des 216 engagements terrestres, il y a aussi la violence aérienne. Le jour du 26 novembre, les Russes ont effectué quarante-et-une frappes aériennes. Quarante-et-une. Larguant cent trois bombes guidées. Des bombes de précision. Qui explosent exactement où elles visent. Qui écrasent les bâtiments. Qui tuent les civils. Qui terrorfient tout le monde.
Et puis, trois mille cent soixante-dix-huit drones kamikazes. Des petits engins explosifs qui volent vers leurs cibles, qui se crashent, qui explosent. Des swarms de mort. Des centaines à la fois, parfois. Et les défenses aériennes ukrainiennes – brillantes, créatives, déterminées – en abattent une grande partie. Mais pas toutes. Jamais toutes. Quelques-uns percent. Quelques-uns explosent sur des positions ukrainiennes. Quelques-uns tuent.
Et puis, deux mille neuf cent soixante-douze bombardements. Des tirs d’artillerie. Des roquettes. Du feu de mortier. Du feu de fusil. Des salves incessantes. Tous les jours. Toutes les nuits. Transformant le sol en cratères. Transformant les bâtiments en ruines. Transformant la vie en un cauchemar constant de bruits, de vibrations, de violence.
Ce qui me paralyse quand je pense à ces chiffres – 41 frappes aériennes, 103 bombes guidées, 3 178 drones kamikazes, 2 972 bombardements – c’est que ce n’est que ce qui s’est passé en une seule journée. Imagine une semaine. Imagine un mois. Imagine trois ans et demi de ça. L’accumulation est inimaginable. C’est comme si le ciel lui-même s’était transformé en arme.
Et les civils ? Comment survivent-ils ? Comment les villes continuent-elles à fonction ? Comment les gens – ceux qui n’ont pas pu s’enfuir, ceux qui sont restés – comment vivent-ils sous cette pluie constante de mort ?
Je ne sais pas. Et je ne pense pas que personne ne sait vraiment. Parce que survivre à cela, c’est transcender la notion même de ce que signifie être vivant. C’est exister dans un état entre la vie et la mort. C’est l’enfer.
Conclusion – Quand deux cent seize devient simplement un autre jour
L’habituation à l’inimaginable
Je dois revenir au point de départ. Deux cent seize. Ce chiffre, qui me paraît maintenant – après avoir creusé profondément, après avoir analysé, après avoir réfléchi – simplement accablant. Deux cent seize engagements. Dont près de la moitié dans deux secteurs. Pokrovsk et Lyman qui brûlent incessamment. Des hommes qui se battent. Des drones qui tuent. De l’artillerie qui tonne.
Et demain ? Il y en aura d’autres. Peut-être deux cent dix. Peut-être deux cent quarante. Les chiffres oscillent, mais la tendance générale est à la hausse. Plus d’engagements. Plus de frappes. Plus de drones. Plus de mort. Tout augmente. Tout s’accélère. La machine de guerre – des deux côtés – tourne à plein régime et crache de la violence.
Le plus terrifiant, c’est que nous nous y habituons. Nous lisons « deux cent seize clashes » et on hoche la tête. On dit « c’est terrible ». Et puis on passe à l’actualité suivante. Parce que nous ne pouvons pas nous permettre de vivre avec cette horreur constamment en face. Alors nous l’intériorisons. Nous la normalisons. Nous la convertissons en statistiques. Et les statistiques, c’est facile à oublier.
Ce qui me terrorfie – ce qui me remue profondément – c’est cette habituation. C’est le fait que deux cent seize n’est plus un choc. C’est normal. C’est ce qu’on attend maintenant. C’est la cadence. Et cela suggère que quelque chose a changé en nous. Quelque chose s’est brisé. Quand les guerres à grande échelle deviennent banales. Quand la mort en masse devient une notation dans un rapport opérationnel.
Peut-être que c’est juste la réalité de la guerre moderne. Peut-être qu’après trois ans et demi, c’est ce que le conflit devient – simplement un flux constant d’engagement, de mort, de pertes, d’attrition. Et tu ne peux pas combattre cela. Tu ne peux que le subir. Tu ne peux que survivre.
Et c’est pour ça que ce nombre – deux cent seize – est important. Parce qu’il symbolise cet adaptation au chaos. Il symbolise notre acceptation de l’inacceptable. Et il symbolise l’urgente nécessité d’une fin – quelle qu’elle soit – à cette folie avant que nous ne nous habituions tellement à la mort que nous oublions ce que c’est que de vivre.
Source : ukrinform
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