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Chronique : L’armée russe attaque sur tous les axes : Pokrovsk et Lyman deviennent des caldrons d’enfer
Crédit: Adobe Stock

Novembre 2025 marque un tournant dans la dynamique du conflit. La Russie, loin de ralentir son offensive, accélère et diversifie ses attaques sur un front qui s’étend de la mer d’Azov à la Biélorussie. L’ampleur de cette offensive pose une question existentielle à l’Ukraine : combien de temps peut-on tenir face à une puissance qui jette littéralement tous ses effectifs disponibles dans une bataille décisive avant que les portes diplomatiques ne se ferment? Le rapport de l’état-major ukrainien publié le 26 novembre, mise à jour à 22 heures, documente cette réalité écrasante avec froideur bureaucratique. Les combats se déroulent partout. Sumy. Kharkiv. Donetsk. Zaporizhzhia. Les cartes de la ligne de front ressemblent maintenant à un fromage suisse troué de trous de boulets. Les lignes de défense ukrainiennes ne sont plus vraiment des lignes. Ce sont plutôt des points de résistance éparpillés, des îlots de défense héroïque noyés dans une mer d’attaques russes coordonnées. Pokrovsk et Lyman émergent comme les deux principaux foyers d’intensité, les endroits où la Russie a clairement décidé de forcer la décision militaire avant la fin de l’année. Cette concentration de feu sur deux axes stratégiques n’est pas accidentelle. C’est le reflet d’une stratégie russe cohérente : créer une percée décisive qui redessinerait fondamentalement l’équilibre territorial et donc le rapport de force dans les futurs négociations. Si les Russes s’emparent de Pokrovsk, le hub logistique principal du Donbass ukrainien, c’est l’ensemble du dispositif de défense du sud-est qui devient vulnérable. Si Lyman tombe, c’est un verrou régional qui saute et les routes vers Sloviansk et Kramatorsk s’ouvrent dangereusement.

Cette offensive d’automne avancé révèle aussi une transformation tactique significative chez le commandement russe. Les jours des assauts frontaux massifs avec des centaines de chars et véhicules blindés semblent révolus. À la place, Moskva a adopté une doctrine calibrée à des infiltrations de petits groupes, à des bombes planantes guidées qui frappent de loin, à une domination aérienne totale par la quantité plutôt que par la qualité. Cette adaptation montre que les commandants russes ont compris les leçons des échecs de 2022-2023. Ils savent maintenant que les attaques massives frontales coûtent trop cher même pour une armée aussi prodigue que la russe. Ils optimisent donc la machine de mort pour gaspiller moins d’hommes tout en maximisant le terrain conquis. Ironiquement, cette approche s’avère plus efficace. Un petit groupe d’infiltrateurs causes souvent plus de dégâts qu’une division blindée, parce qu’il échappe plus facilement à la riposte et peut frapper depuis des angles inattendus. Les bombes planantes russes, ces vieilles munitions soviétiques transformées en armes de précision bon marché, infligent des ravages terribles sans jamais exposer les avions russes au danger réel. Ce cocktail mortifère de technologie basique et de tactiques subtiles s’avère démoralisante pour les défenseurs ukrainiens qui ne trouvent pas de parade efficace. La frustration est palpable dans les déclarations des commandants ukrainiens. Comment contrer quelque chose contre quoi il n’y a aucune défense vraiment adéquate?

Au cœur de cette bataille pour Pokrovsk et Lyman réside une question géopolitique brûlante : la Russie réussira-t-elle à imposer sa volonté militaire avant que les négociations, portées actuellement par l’administration Trump, ne gèlent les positions? Les diplomates américains travaillent frénétiquement pour réduire un plan de paix initial de 28 points à 19 points, tentant de trouver une base acceptable pour les deux belligérants. Pendant ce temps, Poutine accélère clairement le calendrier militaire. Il utilise ce qu’on appelle dans le jargon militaire une stratégie de fait accompli : accumuler autant de gains territoriaux que possible avant que le droit international ne gèle la situation. Chaque village capturé, chaque kilomètre gagné devient un atout politico-diplomatique. Pour Kiev, le temps joue contre elle. Plus la Russie accumule de gains, plus sa position de négociation se renforce, plus les concessions ukrainiennes deviennent probables. Les Ukrainiens savent cela intimement. C’est pour ça que chaque commander de brigade crie l’urgence, que chaque rapport militaire pulse d’une atmosphère de dernier combat, que chaque refus de reculer résonne comme une déclaration de vie ou mort. Parce que, fondamentalement, c’est exactement ce qu’il y a en jeu.

Pokrovsk sous le martyre

Pokrovsk. Le nom résonne désormais comme un synonyme de résistance impossible. Quarante-neuf assauts russes en une seule journée. Répartis sur les zones de Volodymyrivka, Fedorivka, Nykanorivka, Chervonyi Lyman, Rodynske, Novoekonomichne, Pokrovsk elle-même, Kotlyne, Udachne, Molodetske, Yalta, Dachne. Ce n’est pas une bataille singulière. C’est une succession de batailles quotidiennes qui s’enchâînent sans fin. Les Russes testent. Ils poussent. Ils trouvent les faiblesses. Ils les exploitent. Ils reviennent. Selon les rapports, le 26 novembre, 126 soldats russes ont été neutralisés ennuyment dans ce seul secteur, dont 94 considérés comme pertes irrecupérables. Quatre-vingt-quatorze jeunes hommes morts pour, au final, progresser peut-être de quelques centaines de mètres. Les défenseurs ukrainiens affirment aussi avoir détruit un véhicule, vingt drones, et frappé une position d’artillerie et dix abris ennemis. Donc oui, la défense ukrainienne des alentours de Pokrovsk fonctionne techniquement. Les Russes perdent énormément. Mais les Russes continuent de venir. C’est cela qui terrifie. C’est l’inébranlable persistance de l’assaillant face à la résistance déterminée du défenseur. L’un finira par craquer, et personne n’est vraiment sûr de qui.


Je dois avouer quelque chose. Après avoir passé des mois à suivre cette guerre, à lire les rapports, à analyser les chiffres, je commence à éprouver une sorte de fatigue mentale face à cette spirale descendante. Les 49 assauts contre Pokrovsk en un jour. Les 126 Russes tués. Les drones détruits. Ça semble presque routinier maintenant, clair? Mais ce qui me paralyse vraiment c’est la compréhension que pour les soldats ukrainiens dans les tranchées autour de Pokrovsk, ce n’est pas routinier du tout. Pour eux, c’est la fin du monde qui recommence chaque jour. Ils se réveillent sachant qu’il y aura des assauts. Ils les repoussent. Ils perdent des camarades. Puis la nuit tombe et tout recommence. Et nous, les observateurs confortables, on lit ça sur nos écrans et on passe à autre chose. Je sais que je dois garder du recul, analyser objectivement, mais c’est difficile de rester détaché quand on réalise que derrière chaque statistique il y a une vie détruite. Je me demande si les commandants russes pensent vraiment que ça va finir par payer, ce bombardement humain incessant. Ou s’ils sont juste coincés dans un processus qu’ils ne peuvent plus arrêter, envoyant des vagues humaines jusqu’à ce que quelque chose casse. Parce que quelque chose cassera finalement. Soit les Russes vont épuiser toutes leurs réserves mobiles et la vague va s’arrêter d’elle-même. Soit les Ukrainiens vont craquer mentalement et moralement face à cette pression incessante. Et honnêtement, je ne sais pas lequel arrivera en premier.

Source : ukrinform

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